La rentrée, ou comment être stressé
One-shot
Alternative Universe : lycée, en première
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Wylan était stressé. Il paniquait complètement, les jambes secouées de soubresauts incontrôlables, l'estomac étroitement noué, la gorge serrée et les mains tremblantes. Il ne tenait plus en place, se levant d'un coup de son fauteuil, faisant les cent pas quelques instants avant de s'avachir à nouveau dans les coussins moelleux, tapant impatiemment du pied. Il ne cessait de jeter des regards inquiets à la vieille pendule accrochée au mur du vestibule, celle-ci semblant trouver un malin plaisir à ne pas avancer. Les tic-tac incessants s'accordaient parfaitement au rythme effréné de son coeur, ne rendant que plus assourdissant ses battements.
Il était mort de peur à l'idée d'aller pour la première fois au lycée. Et s'il ne se faisait pas d'amis ? Et s'il se perdait dans les couloirs ? Et s'il se ridiculisait ? Et si les profs étaient méchants ? Et si-
Cela ne servait à rien de se torturer autant l'esprit, Wylan le savait bien, mais c'était plus fort que lui. Il revoyait minutieusement tous les cas de figures catastrophiques, déjà honteux à l'idée de gaffes qu'il n'avait même pas encore commises. Ce serait un échec, il en était sûr.
Il aurait adoré pouvoir se sauver en courant, rebrousser chemin et se réfugier dans sa chambre, son jardin secret. Mais il ne devait pas. Il ne pouvait pas faire ça à son père, qui dans un élan de gentillesse, avait consenti à l'inscrire au lycée, endroit où Wylan avait toujours rêvé d'aller. Il devait faire preuve de courage, de caractère, de volonté. Comme son père, le riche banquier Jan Van Eck. Il allait enfin le rendre fier, il ne l'avait déjà que trop déçu.
Enfin, l'heure fatidique sonna, peut-être trop vite au goût de Wylan, qui ne se sentait pas du tout prêt à y aller. Partagé entre son impatience et sa terreur, il prit son sac-à-dos, vacillant légèrement sous son poids -il avait pris tous ses manuels-, et se précipita vers la grande et majestueuse porte d'entrée. Avant de se stopper net, pris d'un regain de peur. Il jeta un dernier regard au salon du manoir, et se détailla rapidement dans le miroir. Un jeune garçon aux cheveux cuivrés, petit pour son âge, le visage encore rond parsemé de tâches de rousseur, vêtu d'une chemise bleu ciel et d'un pantalon en chino beige, mocassins aux pieds, lui renvoya son regard plein d'appréhension. Il finit par détourner ses yeux océan, inspira longuement, puisant dans tout son courage, et ouvrit la porte afin de rejoindre le bus.
Il avait cogité toute la veille pour trouver la tenue idéale, mélange de style, de classe et de décontracté. Il avait changé d'avis d'innombrable fois, mais il était confiant sur son choix définitif. Ça allait le faire. Il mit ses écouteurs, se laissant emporter par la musique, et oublia quelques instants sa nervosité.
Le trajet lui parut bien trop court. Il n'était pas prêt du tout ! Mais il n'avait pas le choix. Gauchement, il descendit du bus et se mêla à la file d'élèves qui entrait déjà dans l'établissement. A peine mit-il un pied dans l'enceinte du lycée qu'une surveillante à la voix perçante lui hurla que les écouteurs n'étaient pas admis dans l'enceinte du lycée, avant de les lui confisquer. Wylan était si abasourdi qu'il ne réagit même pas, complètement dépassé par les événements. La seule barrière à son stress venait de s'envoler.
Privé de musique, il se rendit brusquement compte de la cacophonie qui régnait dans la cour. Certains hurlaient des insultes, des rires quelque peu hystériques fusaient de part et d'autre, des cris suraigus lui vrillèrent les tympans. Partout, des discussions animées, des plaisanteries, des embrassades. Tout le monde était heureux de se retrouver, de revoir leurs amis après deux long mois de séparation. Wylan ne s'était jamais senti aussi seul de sa vie.
Et se rendit également vite compte que son style vestimentaire n'était pas vraiment adapté. Il était ridicule, avec sa chemise et ses mocassins, tout le monde portait des baskets et des t-shirt. Il les vit, ces regards franchement moqueurs et méprisants, ces messes basses et ces rires condescendants. Il se sentait mal, moqué, jugé. Il n'était pas à sa place ici.
Il essaya tant bien que mal à travers la cohue d'accéder au tableau d'affichage, se prenant des coups de coudes dans les côtes et ne faisant marcher sur les pieds à chaque instant. Enfin, quand il y parvint, il ne trouva pas son nom à la fin de la liste. Il n'y avait nulle part écrit "Wylan Van Eck".
La panique menaçait de l'envahir tout entier, mais il s'évertua au calme. Il devait bien y avoir une explication, peut-être n'avait-il pas bien lu après tout. Alors, il recommença patiemment la lecture des listes, cette fois-ci ne se contentant pas de lire les derniers noms, faisant fi des grognements de ceux qui attendaient encore. Quand il se trouva enfin, à la douzième liste, son coeur se serra.
"Wylan Hendricks". C'était lui. Son père ne l'avait pas inscrit sous son nom, mais sous celui de sa mère, décédée alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Le message était clair. Jan Van Eck ne voulait aucun lien public avec son fils stupide, incapable de lire. C'était vrai. Il ne savait presque pas lire. Il pouvait tout de même reconnaitre quelques lettres, deviner son nom par exemple, mais il était totalement incapable de déchiffrer un livre, ou même une phrase inconnue.
Wylan ne savait même pas pourquoi il était aussi blessé. C'était pourtant prévisible. Cela faisait des années que son père l'ignorait, décidé à oublier jusqu'à l'existence de son fils. Mais, naïvement, il avait cru que la proposition de son père pour le lycée était une sorte de pardon. Eh bien, il avait tort. Complètement tort. Son père avait raison : il était vraiment trop bête !
Le coeur compressé et les yeux embués, il s'éloigna précipitamment de cette liste maudite, pour foncer violemment dans quelqu'un. Rougissant, il se retourna maladroitement, préparant d'ores et déjà quelques centaines de phrases d'excuse. Il se retrouva nez à nez avec un garçon grand, très pâle, qui le fusillait de ses yeux noirs. Il semblait a priori réfléchir à la façon dont il tuerait l'imprudent qui l'avait heurté. Une aura inquiétante se dégageait de lui, et instinctivement Wylan fit un pas en arrière. Brusquement, il se rendit compte que le brouhaha de fond s'était tu, pour ne laisser qu'un lourd silence.
"Ah. Il avait vraiment le don de se mettre dans le pétrin... Allait-il mourir ici, sous les yeux de centaines de lycéens, avant même d'être allé en cours ?" pensa-t-il anxieusement.
L'élève, vêtu d'un costume -d'autres portaient donc des chemises-, carra les épaules, se penchant lentement vers lui, les traits sévères et la bouche figée dans un rictus qui n'augurait rien de bon. Il semblait se délectait de sa terreur évidente. Enfin, après une attente interminable, il ouvrit la bouche. Wylan ferma les yeux, attendant sa condamnation à mort.
— Kaz ! Qu'est-ce que tu fabriques, tu vois bien que tu l'effraies, non ? s'exclama une voix exaspérée.
Le dénommé Kaz soupira, l'air pas vraiment surpris, juste contrarié d'avoir été interrompu dans sa campagne d'intimidation. Il cessa de fixer Wylan de ses yeux onyx, et se tourna vers l'intervenante.
— Quoi ? Je ne fais rien du tout, c'est pas ma faute s'il m'a foncé dessus !
— C'est pas une raison pour lui faire peur, excuse-toi, répliqua-t-elle sèchement.
Ma sauveuse. C'était décidé, Wylan l'adorait. La scène était plutôt cocasse, le grand et inquiétant Kaz se faisant remettre à sa place par une jeune fille, peut-être d'origine indienne, qui devait faire un mètre cinquante. Celle-ci toisait Kaz d'un air sévère, mais un mince sourire flottait sur ses lèvres. Clairement, la situation l'amusait.
Kaz soupira une énième fois, avant d'adresser un hochement de tête au rouquin, et de tourner les talons. Ok. Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Wylan était complètement perdu, il s'attendait à être atomisé et voilà qu'il partait sans dire un mot.
— Ça va ? Tu vas bien ? lui demanda-t-elle doucement.
— Euh, oui, je crois. Juste, vous êtes qui ? marmonna Wylan.
La jeune fille a la peau cuivrée éclata d'un rire cristallin.
— Je m'appelle Inej Ghafa, je rentre en première. Et le mec pâle malpoli de tout à l'heure s'appelle Kaz Brekker, il est moins méchant qu'il n'y parait, je te le jure.
— Oh. Hum, merci pour ton intervention, Inej, j'ai vraiment cru qu'il allait m'étrangler. Pourquoi est-il parti ?
— Haha, Inej est la seule à pouvoir lui faire entendre raison ! Et il est parti car il n'avait aucune envie de s'excuser, on parle de Kaz Brekker là... même l'influence d'Inej ne suffit pas pour ça.
Un grand garçon à la peau chocolat venait de faire son apparition, ses yeux gris pétillant de malice et un grand sourire scotché à aux lèvres. Wylan ne put s'empêcher de le trouver extrêmement séduisant.
— Et je suis Jasper Fahey-le-parfait-et-le-magnifique, pour vous servir !
Pourquoi devait-il le regarder dans les yeux en disant ces mots ? Il sentait ses joues rebondies chauffer atrocement, il était probablement écarlate. Il devait vraiment avoir l'air bizarre.
— Arrête un peu, Jesper, tu le mets mal à l'aise. Et du coup, tu t'appelles comment ?
— Wylan V- Hendricks, se rattrapa-t-il de justesse, la voix un peu tremblante.
— Enchantée ! Tu es dans quelle classe ?
— Euh... Première 12, je crois.
— Génial, exactement comme nous ! s'écria Jesper, très enthousiaste.
Cette nouvelle redonna le sourire à Wylan. Au moins il ne serait pas tout seul, Jesper et Inej semblaient très gentils. Soudain, un doute le pris.
— Attendez, c'est qui "nous" ?
— Ah, il veut parler de moi, lui, Nina, Matthias... et Kaz, rajouta-t-elle, amusée.
Malgré lui, Wylan sentit son estomac se nouer et déglutit péniblement. Il n'avait aucune envie de se retrouver de nouveau nez-à-nez avec lui.
— T'inquiète, il est sympa quand on le connait, le rassura-t-elle, notant son inquiétude.
— Objection ! Il est sympa avec toi, et seulement avec toi.
La voix de Jesper était pleine de sous-entendus, Inej lui jeta un regard exaspéré, certainement habituée à ce genre d'allusions. Mais Wylan ne put s'empêcher de remarquer ses joues légèrement rougissantes. Intéressant.
— Bref, tu verras, il est cool, et s'il veut te tuer, je l'en empêcherai ! Tu viens, ça va sonner ?
Wylan acquiesça et les suivit dans la multitudes de couloirs. Il était complètement perdu, tout se ressemblait. Il avait pourtant un bon sens de l'orientation. Comment allait-il s'en sortir ?
Enfin, ils parvinrent à leur salle de classe. Elle était plutôt vaste et spacieuse, mais trente-cinq élèves le dévisagèrent quand il entra. Il était très, très mal à l'aise. Il détestait être au centre de l'attention. D'ailleurs, il devait actuellement ressembler à une tomate. Gêné, il resta planté quelques secondes dans l'encadrement de la porte, avant que Jesper ne l'attrape par le bras pour l'amener au fond de la salle, où Kaz-le-tueur les attendait.
Wyan s'assit maladroitement à côté de Jesper, évitant le plus possible le regard de Kaz, qui par chance, ne lui prêta aucune attention. Il y avait deux autres personnes dans leur rangée, une fille plantureuse aux yeux verts et un géant blond au visage fermé. Les deux semblaient se disputer.
— Hey, Jesper, c'est qui ces deux-là, chuchota-t-il.
— Eux ? Oh, la brune c'est Nina Zénik et le blond, Matthias Helvar. Ils sont sortis ensemble l'année dernière avant de rompre, et depuis c'est un peu -beaucoup- tendu.
Le prof principal arriva, coupant nette leur conversation. Ils passèrent les deux heures suivantes à lire le règlement intérieur -le prof regardait étrangement leur rangée-, à récupérer et donner divers papiers et à avoir plein d'infos hyper inutiles. Wylan pensait que ce serait plus excitant. Seule la distribution de l'emploi du temps mit un peu d'animation dans la classe, chacun allant de ses commentaires et rallant parce qu'ils finissaient tel ou tel jour à dix-huit heures alors qu'ils avaient poney/rugby/athlétisme/judo et tout ce que vous voulez. L'autre moment fort de la matinée fut l'annonce de leurs profs, chaque nom déclenchant une tempête de soupirs ou au contraire de réjouissances. Wylan n'était pas vraiment dans l'ambiance générale, ne connaissant pas les professeurs. Mais il trouvait certaine réaction exagérée : comment un prof pourrait-il être mauvais ? Cela n'avait pas de sens, ce devait juste être des rumeurs stupides.
Enfin, on sonna la pause de midi. Tout le monde sauta sur ses pieds en un seul mouvement avant de se ruer dans les couloirs, direction le self. Wylan était poussé de tous les côtés, perdu dans cette cohue bruyante et sans-gêne, les uns n'hésitant pas à dépasser les autres et à s'écraser les pieds. Il se sentait disparaitre en sein de cette foule, on ne pouvait que se laisser faire porter par le courant, en espérant parvenir à destination entier. Heureusement que Jesper le tenait par les épaules, sinon il se serait noyé, et serait mort, écrasé par les lycéens affamés.
Ils finirent par arriver au self, qui était horriblement bruyant. Wylan n'avait jamais vu de la nourriture qui semblait aussi mauvaise. Est-ce que ce steak ressemblant à une semelle de chaussure se mangeait vraiment ? Tout le groupe partit s'installer à une table un peu à l'écart, où Kaz les attendait. Wylan n'avait même pas remarqué sa disparition.
— Tu t'appelles Wylan, c'est bien ça ?
C'était la première fois que Kaz lui adressait la parole. Wylan ne l'avait pas entendu avant, mais sa voix était étrangement rauque et rocailleuse.
— Euh, hum, oui, c'est ça, dit-il d'une toute petite voix.
— Et donc tu es nouveau ? Tu étais où avant ?
— Ou-oui, je suis nouveau. Et je n'était nulle part, j'avais cours à la maison.
A ces mots les yeux de Kaz étincelèrent et un mince sourire fit son apparition au coin de ses lèvres. Sa mimique lui donna des frissons. Son évidente satisfaction était mauvais signe pour lui.
— Ton nom de famille, c'est bien Hendricks, non ?
— Oui, marmonna Wylan.
Une étrange lueur passa dans le regard de Kaz. Aïe, si son identité était découverte, son père ne lui pardonnerait jamais. Pourvu qu'il n'en sache pas plus et que, si c'était le cas, qu'il se taise.
A sa grande surprise, Kaz n'insista pas plus et se mit à converser avec Inej à propos d'un piratage informatique -ce qui n'était pas pour rassurer Wylan.
— Euh, je me demandais, pourquoi on a une table à l'écart ?
— Haha, ça, Wylan, c'est parce que Kaz est plus ou moins le roi du lycée et que tout le monde le craint. On a du coup quelques privilèges, expliqua Jesper.
— Ah. Et pourquoi vous parlez de piratage informatique, au juste ? fit Wylan d'un filet de voix où perçait l'inquiétude.
— Parce ce que c'est plus ou moins mon boulot, je suis hacker. C'est assez pratique de savoir pirater quand on veut changer quelques informations sur les bulletins.
— Ah.
Que dire d'autre ? Les seules personnes avec qui il s'était un peu lié étaient des délinquants. Génial.
Néanmoins, la conversation dériva sur des sujets plus légers, et Wylan ne vit pas le temps passer tant il s'amusa. Ils étaient tous sympas : Inej était la gentillesse incarnée, Jesper était hilarant, Matthias racontait les histoires comme personne, la capacité de Nina a mangé vingt gaufres par repas le bluffa, même si dans un sens c'était un peu effrayant. Même Kaz était plutôt gentil à sa grande surprise. La journée passa beaucoup trop vite à son goût.
L'après-midi, Wylan s'attendait à avoir cours et à apprendre plein de choses passionnantes. Ce ne fut pas le cas, les profs se contentèrent de leur raconter le programme et de leur dire d'avoir-un-cahier-sans-spirale-plus-que-format-A4-pour-pouvoir-coller-les-polycopiés-qu'on-ne-doit-pas-découper après avoir insister sur le fait que maintenant qu'ils sont au lycée, ils font ce qu'ils veulent au niveau de l'organisation et du matériel. La logique est inexistante. Et finalement, les professeurs incompétents, ça existe, Wylan ne put que l'admettre en découvrant la prof d'anglais qui n'écrivit qu'une phrase -fausse- en une heure.
Mais Wylan était heureux, malgré ses appréhensions, cela s'était bien passé. Il avait hâte de retourner au lycée le lendemain.
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Voilà, un petit AU de circonstance !
J'espère que votre rentrée s'est bien passée, ou qu'elle se passera bien !!!
Pour la suite des publications, vous vous en doutez, mais je ne pourrai pas tenir un rythme aussi soutenu avec les cours, les options, les exams, les activités...Néanmoins, je vais essayer de poster une fois par semaine.
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