Chapitre 21 : Tim
Tim n'aimait pas les bars. Pratiquement devoir se battre pour accéder au comptoir et payer l'alcool cher, très peu pour lui. Surtout que seuls les serveurs peu regardant acceptaient de lui servir quelque chose d'alcoolisé, le reste du temps il devait se contenter de diabolo mente ou de grenadine.
Comme ce soir. Il avait passé une très bonne journée avec Théo et Liv, mais après la soirée d'halloween de la veille, tout ce qu'il voulait c'était s'enfouir sous sa couverture et regarder la nouvelle saison de Stranger Things en paix. Mais il avait cédé aux supplications de Liv pour lui faire plaisir, et maintenant, il regrettait amèrement.
Il se retrouvait coincé avec Théo dans une partie de billard – il détestait le billard – tandis que Liv se faisait draguer par un inconnu. Théo n'avait rien remarqué, il était concentré sur le jeu, et donnait tout ce qu'il avait pour gagner.
Quand Tim remarqua que Liv et l'inconnu avaient disparus, il commença à paniquer, et en fit part à son frère.
- Théo, je sais qu'actuellement ton seul but est de pousser des boules avec ce manche que tu ne sais même pas tenir correctement, mais Liv n'est plus là.
- Elle doit être aux toilettes, grogna son jumeau, concentré sur son prochain coup.
- Ça fait trop longtemps qu'elle n'est plus là pour être simplement au petit coin.
Théo se redressa.
- Écoute, je m'y connais plutôt bien niveau filles, et s'il y a bien une chose que j'ai retenu, c'est qu'elles passent environ mille ans aux toilettes. Je suis sûr que les leurs sont géniales comparées aux notre.
Tim soupira, agacé.
- Théo, la femme de ta vie était avec un inconnu qui lui a offert un verre, et maintenant ils ont disparus tous les deux. Donc soit tu es aussi idiot que t'en as l'air, soit il te reste une once d'intelligence pour comprendre qu'elle ne serait pas partie sans rien nous dire, et donc qu'il y a UN PROBLÈME !
Il avait crié les derniers mots, ce qui sembla ramener Théo à la raison.
- Merde. Tu crois qu'il l'a kidnappée ?
- Je sais juste qu'il y a un souci ok ? s'énerva Tim, en se retenant d'ajouter que kidnappé n'était pas le terme le plus approprié comme Liv n'était de toute évidence plus une enfant.
Ils sortirent du bar en trombe, et se retrouvèrent comme deux idiots sur le trottoir, ne sachant pas par où Liv et l'inconnu était passés.
- On fait quoi maintenant ? demanda Théo d'une toute petite voix, réellement inquiet à présent.
Tim se mit à réfléchir, et avança de quelques pas vers la droite, avant d'accélérer. Il avait cru entendre des bruits de lutte.
Théo se mit à courir, avant d'arriver à son niveau trois secondes plus tard. Il entendit lui aussi les cris, et soudain, un homme passa près d'eux en courant comme si sa vie en dépendait.
- Eh ! s'écria Tim. C'était le mec qui était avec Liv !
Théo sembla sur le point de se jeter sur lui, mais son frère le rattrapa.
- Laisse tomber, il est déjà loin !
- Mais...
- Écoute, il venait de là-bas, Liv y est surement, et c'est elle le plus important !
Ils se remirent à courir aussitôt, avant de s'arrêter quelques mètres plus loin.
Un homme d'une vingtaine d'années portait leur amie à bout de bras, l'air complètement paniqué.
- Liv ! s'écria Théo en se jetant vers eux.
Elle était dans les vapes, et ressemblait à une poupée inarticulée. Sans attendre, Théo la prit des bras de l'homme, et se mit à la bercer doucement.
- Oh Liv, Liv... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
La panique qui avait envahit Tim se mua en une angoisse sourde. Il observa le sauveur un peu plus en détails. Il était grand, et un peu maigre, comme s'il ne mangeait autant qu'il n'aurait dû. Tim se demanda comment il avait fait pour repousser l'agresseur de Liv, qui était clairement baraqué.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? répéta-t-il, cette fois à l'adresse du mystérieux sauveur.
L'intéressé baissa la tête pour le regarder dans les yeux, et Tim ne put s'empêcher de se sentir étrangement intimidé.
- Et bien, commença-t-il d'une voix grave, je rentrais chez moi – j'habite dans la rue à côté – et en marchant j'ai vu ce mec qui trainait littéralement cette fille par terre, avant de la prendre sur son épaule. Je me suis approché, j'ai vu qu'elle était inconsciente, et mon sang n'a fait qu'un tour. Ça avait l'air tout sauf net cette histoire, un mec qui trimbale une fille évanouie, de nuit, c'est rarement très bon. Alors je l'ai interpellé, je lui ai dit de la lâcher immédiatement. Évidemment il ne l'a pas fait, et s'est mit à courir comme un dératé. Je l'ai suivi, et quand je suis arrivé à son niveau je l'ai frappé de toutes mes forces sur l'épaule gauche. Comme il tenait la fille sur la droite, ça l'a déséquilibré, et ils sont tombés tous les deux. Je lui ai foutu un coup de pied là où ça fait mal – je ne vais te faire un dessin – et deux ou trois autres dans le ventre pour faire bonne mesure. Il devait être vraiment costaud parce qu'il s'est vite relevé et enfuit. J'ai préféré m'occuper de la fille, je n'allais quand même pas la laisser inconsciente sur le trottoir !
Théo releva les yeux vers lui à la fin de son récit, et le remercia d'une voix chargée d'émotion. Tim attrapa le téléphone de Liv, tombée par terre quelque mètres loin. Il était fendu sur toute la partie droite, mais par miracle, il fonctionnait encore. Il le déverrouilla – le code était sa date d'anniversaire, 0604 – puis appela son père, qui répondit dès la première sonnerie. Il lui expliqua la situation d'une voix tremblante, et Magnus jura, avant de raccrocher en disant qu'il arrivait tout de suite.
Il arriva effectivement à peine quelques minutes plus tard, suivit d'une ambulance, qui prit aussitôt la jeune fille en charge.
Magnus proposa aux garçons de les ramener chez eux, mais ils préférèrent aller attendre chez les Olsen. L'inconnu semblait presque aussi inquiet que Magnus et les jumeaux, et il les accompagna, sans que personne n'y trouve rien à redire.
Uns fois à la maison, les petits les assaillirent de questions. Seul Jonas semblait savoir ce qu'il se passait, Freya, Lukas et Ida savaient juste que Liv avait un problème. Magnus s'accroupi au sol à côté d'eux, et leur expliqua, d'une voix douce mais empreinte d'inquiétude, que leur grande-sœur était à l'hôpital parce quelqu'un avait versé un produit louche dans son verre. Il leur rappela que c'était pour ça qu'il ne fallait jamais rien accepter de la part des inconnus, puis sa voix se brisa.
Théo, Tim et le sauveur étaient restés au l'écart, se sentant de trop. Les petits eux se jetèrent au cou de leur père pour le réconforter, et à la stupeur générale, Jonas se mit à pleurer.
Le téléphone de Magnus se mit alors à sonner, et il se jeta dessus. Il parla un moment, à base de « oui », « hum », et de « je comprend », puis raccrocha, avant de sourire à ses enfants.
- C'était maman, Liv s'est réveillée. Elle est en état de choc mais ne devrait pas avoir de séquelles. Votre mère la ramène à la maison, elle pense que ce sera mieux pour elle. Elles devraient être là dans une heure.
Ce fut l'heure la plus longue de la vie de Tim. Magnus alluma la télé et lança un dvd pour les petits. Finalement, ils se retrouvèrent tous devant. Pourtant, Tim aurait été bien incapable de dire ce qu'ils avaient regardé, et il était sûr qu'ils étaient tous dans le même état que lui.
Il se sentait extrêmement mal, et n'osait même pas envisager comment se sentaient ses frères et sœurs, et surtout ses parents. Cela devait être affreux.
La porte d'entrée finit par s'ouvrir, laissant entrer la mère de Liv, épuisée, qui tenait sa fille par les épaules.
Ida sauta hors du canapé et s'approcha de sa sœur, mais sa mère la repoussa avec fermeté.
- Liv a besoin de repos et de calme pour l'instant, ne l'embêtez pas.
Elle l'emmena dans sa chambre, sans que personne n'ait pu parler à la jeune fille. Néanmoins, Tim avait noté son air abattu, et surtout son regard vide, sans aucunes émotions.
Malaika descendit peu de temps après.
- Elle est dans sa chambre, elle s'est endormie.
Elle passa sa main sur son visage, lasse, avant de reprendre d'une voix fatiguée.
- Il est tard maintenant, tout le monde au lit.
Lukas tenta de protester, mais il se tut dès qu'il croisa le regard noir de sa mère. Jonas prit Ida dans ses bras, et alla la coucher, suivit de Freya et Lukas.
Tim, Théo et le sauveur restèrent dans l'entrée, sans trop savoir quoi faire, tandis que Malaika alla s'asseoir dans le canapé près de son mari, effondrée.
- Elle ne se souvient de rien Magnus. C'est évident que cette ordure a mit du GBH dans son verre, même si on n'a pas encore les résultats d'analyses. Heureusement que quelqu'un l'a aidé, sinon... sinon...
Elle fondit en larmes, et son époux l'enlaça.
- Oh Magnus ! Olive, notre fille ! On l'a droguée, et Dieu sait ce qu'il serait arrivé si ce brave garçon n'était pas intervenu...
- Oui, tu peux remercier...
Magnus releva la tête, et se tourna vers les trois garçons, qui n'avaient toujours pas bougé d'un centimètre.
- Excuses-nous, continua-t-il, on n'a même pas eu l'occasion de te remercier comme il se doit. Comment tu t'appelles ?
Le sauveur remua un peu, gêné.
- Rodin, je m'appelle Rodin. Comme le sculpteur, ajouta-t-il devant leurs regards surpris.
- Oh c'est... original, s'étonna Magnus.
- Très joli, continua Malaika, avant de sécher ses larmes.
Tim l'observa un peu plus en détails. Rodin. Quel prénom incroyable. Maintenant qu'ils étaient à l'intérieur, il remarquait de nouveaux détails, ses cheveux bruns qui tombaient délicatement sur ses yeux couleur chocolat, ses traits marqués...
Magnus se leva et s'exclama d'une voix douce :
- Quelqu'un veut du chocolat chaud ? Je pense que ça nous ferait du bien à tous, après cette soirée riche en émotions.
Tout le monde acquiesça, et une fois sa tasse brûlante entre les mains, Tim se détendit enfin, après cette horrible soirée. Il finit par s'endormir contre Théo et Rodin sur le canapé, tandis que Magnus et Malaika veillaient dans la chambre de leur fille ainée.
Il fut réveillé le lendemain matin par son portable, qui vibrait dans la poche de son jean. Il le sortit machinalement, et écarquilla les yeux quant il vit qu'il avait vingt-sept appels manqués de sa mère.
Il fit ce que n'importe quelle autre personne normalement constituée aurait fait : il jeta l'objet comme s'il était soudainement devenu brûlant. Il atterrit sur le ventre de Théo, qui ouvrit les yeux en grognant.
Tim lui lança un regard paniqué, et s'exclama d'une voix blanche :
- Maman.
Théo se leva en sursaut, complètement réveillé à présent.
- Merde merde merde ! Merde ! T'aurais pu lui envoyer un message hier soir !
- Toi aussi ! s'indigna Tim.
- Merde, répéta son jumeau.
- Comme tu dis. Merde.
Entre temps, Rodin s'était réveillé, et les observait d'un air étonné.
- Un problème ?
Les jumeaux sursautèrent, ils avaient oublié qu'il était là.
- Hm, disons qu'on a notre mère métamorphosée en furie sur le dos, commença à lui expliquer Tim.
- Pour te faire une idée, sur l'échelle de Richter, plus de 27 appels manqués, c'est l'anéantissement pur et simple de la planète.
Rodin fronça ses sourcils, et Tim ne put s'empêcher de sourire face aux explications fumeuses de Théo.
Il attrapa son téléphone, et commença à écouter le message le plus récent. « Timothy Émile et Théodore Léonard Auzenne ! Il est actuellement trois heures cinquante-sept du matin, et vous n'êtes toujours pas rentrés ! Je suis folle d'inquiétude ! Je ne sais pas où vous êtes, toi et ton frère, mais pitié, rappelez-moi immédiatement et rentrez à la maison ! Je suis à deux doigts d'appeler la police pour signaler votre disparition, mais votre père dit que ce n'est pas la peine. Quoiqu'il en soit si je n'ai pas de nouvelles ce matin je le ferai, alors s'il te plait, rappelle-moi ! »
Tim reposa son portable, la main tremblante
- À l'heure qu'il est elle a dû appeler la police.
- Quoi ?! Comment ça la police ? s'étouffa Théo. Mais rappelle-la !
Il reprit son portable, et composa le numéro lentement.
- Prêt à mourir ? tenta de plaisanter Théo, avant de se taire face au regard noir de son jumeau.
Leur mère décrocha dès la première sonnerie, et avant même que Tim n'ait le temps d'ouvrir la bouche, elle se mit à crier :
- Oh mon dieu ! Tim ! Tim c'est toi ? Tu vas bien ? Tu es avec ton frère ? Oh mon dieu, j'étais morte d'inquiétude ! Il vous est arrivé quelque chose ? J'ai cru que vous étiez morts ! Ne refaites plus jamais ça !
Le garçon resta pétrifié, le téléphone à l'oreille, sans pouvoir parler.
- J'allais appeler la police ! Non mais vous vous rendez compte ? Aucunes nouvelles, même pas un texto, rien ! Vous auriez pu avoir été enlevés, blessés, ou pire, tués !
- Maman, maman, calme-toi...
- Que je me calme ? rugit-elle. Que moi, je me calme ? Alors ça c'est la meilleure, tu ne manque pas de culot Timothy ! Que je me calme ! J'ai été au bord de la crise de nerf pendant la nuit entière, j'ai cru mourir d'angoisse !
- Excuses-nous, on n'a pas fait exprès...
- Ah oui ? Vous avez essayé de nous appeler, moi ou votre père ? Non, pas une seule fois ! Pourtant ton téléphone est en parfait état de marche, comme je te parle à l'instant même !
- On n'a pas eu l'occasion, on était dans un bar avec...
- Un bar ? Un bar ? Oh mon dieu mais tu plaisantes Timothy ? Un bar ! Vous êtes mineurs nom d'un chien, qu'est-ce que vous fichiez dans un bar ? Et tu as le culot de croire que c'est une bonne excuse ?
- On a passé la journée avec Liv, et on a juste prit des diabolos, expliqua-t-il d'une voix tremblante. Après tout ce n'était pas vraiment un mensonge, lui avait bel et bien prit un diabolo.
- Et tu penses que je vais te croire ?
- C'est vrai, sauf que pendant qu'on faisait un billard avec Théo, quelqu'un a mit du GHB dans le verre de Liv, et l'a emmenée ! Elle a failli se faire violer, ou pire ok ? Heureusement quelqu'un nous a aidé, et elle a été emmener à l'hôpital. On est resté chez elle jusqu'à son retour, et après on s'est endormis !
- Et vous n'auriez pas pu nous expliquer ça en temps et en heure ? Envoyer un texto, ça t'aurait tué ?
- On avait autre choses en tête merde !
- Je ne te permets pas de jurer Timothy Émile Auzenne !
Elle continua à l'invectiver, puis lui ordonna de lui passer Théo, à qui elle passa le même savon. Elle finit finalement par se calmer, et raccrocha enfin.
Rodin les observa d'un air rieur.
- Hm, elle est du genre inquiète votre mère.
- Non tu crois ? pesta Théo.
Les parents de Liv descendirent à ce moment là, suivit de Jonas, Freya, Lukas et Ida, ce qui empêcha Théo de déverser sa colère et son angoisse sur le premier innocent qui passait, à savoir Rodin.
Malaika dû aller travailler à regret – elle n'avait pas vraiment le choix. Magnus prépara un petit déjeuner au lit à Liv, tandis que les enfants s'activaient en silence pour mettre la table. Tim, Théo et Rodin vinrent les aider sans un mot.
Tim ne put rien avaler, il avait encore le ventre noué à cause d'hier soir, et de sa mère. Théo au contraire avala une quantité impressionnante de céréales. On aurait pu lui annoncer la fin du monde, rien ne l'aurait dissuadé de manger. Il finit même par débattre avec Lukas pour savoir si on mettait le lait avant ou après les céréales – après évidemment, mais Lukas ne voulait rien entendre.
Rodin grignotait des tartines, manifestement gêné d'être encore là, mais encore plus à l'idée de partir comme un voleur. Ida et Freya semblaient parfaitement réveillées et remises de leurs émotions de la veille, mais Jonas était comme Tim, il ne mangeait rien. Il avait les yeux rouges, de toute évidence il avait pleuré cette nuit.
Magnus redescendit avec un plateau vide, avant de déclarer.
- Bon, maman Olsen a laissé des règles par rapport à Liv, je vais vous les dire, et sachez que si vous ne les respectez pas, vous vous exposez à de graves représailles. Et je sais de quoi je parle.
Les enfants acquiescèrent sagement, et Tim songea que c'était indéniablement Malaika qui portait la culotte dans cette famille. Il croisa le regard de Théo, et il eut l'intime conviction que celui-ci pensait la même chose, sauf qu'à son petit sourire, Tim aurait pu jurer que son jumeau avait en plus imaginé Magnus porter une petite culotte, et qu'évidemment, cela l'avait fait rire.
- Règles numéro une, continua Magnus sans se douter des pensées des Auzenne, personne ne pose de questions indiscrètes à Olive, vous la laisserez vous expliquer si elle en a envie. Règle numéro deux : pas plus de trois personnes dans sa chambre pour ne pas la fatiguer. Règle numéro trois : laissez la tranquille en règle générale, ne l'embêtez pas, elle a subi un traumatisme. Et règle numéro quatre : ne soyez pas insupportables. Celle-ci est de moi. Compris ?
Les enfants hochèrent la tête, et les trois garçons firent de même sous l'œil attentif de l'homme.
Il fut décidé que Jonas et Freya iraient d'abords la voir un peu, puis Ida et Lukas, et enfin Tim, Théo et Rodin.
Quand vint leur tour, les garçons entrèrent un peu gênés. Ils tombèrent sur Ida, endormie comme un petit chat sur un coin du lit, et Liv, emmitouflée sous une tonne de couverture et de cousins.
- Cool vous êtes là, croassa-t-elle. Ne faites pas attention à Ida, elle ne compte pas comme une personne dans les règles de maman, elle dort. Et puis elle est tellement petite qu'elle compte plutôt comme une demi-personne. Vous pouvez m'enlever une couverture ou deux ? J'étouffe là-dessous, mais papa ne veut rien entendre...
Tim et Théo s'avancèrent prestement pour la satisfaire, tandis que Rodin restait un peu à l'écart.
- Merci les jumeaux, vous êtes cools.
- Liv, la coupa Théo, je suis affreusement désolé, j'aurais dû...
- Eh, c'est pas toi l'idiote qui a laissée son verre au main d'un inconnu, t'as rien à te reprocher. Excepté cette coupe de cheveux terrible, t'as dormi dans un mixeur ou quoi Théodore ?
Il éclata de rire, et Liv lui fit un clin d'œil. Tim sourit devant le tableau qu'ils formaient tous les deux, et fut heureux de voir qu'elle n'allait pas si mal. À vrai dire, à part son air épuisé, elle semblait parfaitement normale. Il lui demanda comment elle allait.
- J'ai un peu l'impression d'avoir prit une grosse cuite, je ne me souviens de rien évidemment, c'est perturbant. J'ai l'impression que ce connard a volé une partie de ma mémoire. J'ai un peu mal à l'épaule et à la hanche, comme apparemment il m'a fait tomber par terre cet enfoiré, mais à part ça je vais bien. Je veux dire, au final il ne s'est rien passé, j'ai eu beaucoup de chance.
Elle regarda son sauveur.
- Merci beaucoup du coup, j'imagine que c'est toi qui m'a sauvée. Même si je ne m'en souviens pas... C'est quoi ton petit nom ?
- Rodin.
- Oh comme le sculpteur ? C'est génial, c'est comme Robin, mais en carrément mieux !
Ils continuèrent à parler un peu tous les quatre, puis Liv demanda d'une voix un peu gênée aux jumeaux s'ils voulaient bien la laisser seule avec Rodin.
Ils s'exécutèrent aussitôt – ils n'avaient pas oublier la règle « ne pas embêter Liv » – et Théo redescendit au rez-de-chaussée pour appeler leurs amis, et leur raconter ce qu'il s'était passé.
Tim commença à le suivre, mais mû par un étrange instinct, il resta un instant sur le palier pour écouter ce que Liv avait à dire à son sauveur. Et quelle ne fut pas sa surprise quand il entendit la voix rieuse de Liv déclarer « Tu serais parfait pour Tim ».
Il resta perplexe, pourquoi Liv jouait-elle les entremetteuses pour lui, surtout dans un moment pareil ? Et avec un inconnu ?
- Hm, lui répondit Rodin, mais lui, il est...
- Gay ? Carrément. Toi aussi, je me trompe ?
- Comment...
- Je sais ? Tu le dévores des yeux depuis tout à l'heure. Crois-moi, j'ai un sixième sens pour ça, inutile de nier.
- Je ne suis pas homo.
- Pourtant tu...
- La pansexualité, ça te parle ?
Face au silence de la jeune fille, Rodin rigola.
- J'en déduis que non. Du grec pan, tout. J'aime les personnes, pas un genre ou un sexe.
- Oh je vois... C'est quoi la différence avec la bisexualité alors ?
- Hm, de base le préfixe bi c'est pour deux, ça induit une certaine binarité des genres, mais cette idée est un peu archaïque... Les gens pensent souvent que les bi aiment les filles et les garçons, et les pans tous le monde, notamment les trans et les non-binaires... Mais comme je le disais c'est une idée un peu archaïque, et puis ça insinue qu'une femme trans n'est pas une femme, ce qui est débile tu vois ? Donc pour moi, je dirais plus que les pans aiment tout le monde, sans que le genre n'ait d'importance, alors que pour les bi, ça rentre quand même en ligne de compte. Tu saisis la nuance ?
Tim se douta que Liv avait hoché la tête, et il fit de même derrière la porte. Il s'était toujours douté qu'il était gay, il n'avait jamais regardé les filles comme son jumeau le faisait. En grandissant il avait fait des recherches, trainé sur des forums LGBT+, et posé un mot sur ce qu'il était : gay. Mais il n'avait jamais réellement saisi la différence entre bisexualité et pansexualité, et Rodin venait de l'expliquer clairement en quelques secondes.
- Après je ne suis pas un spécialiste, reprit Rodin, mais c'est ma façon de voir les choses.
Et à ce moment précis, Tim ne put s'empêcher de penser qu'effectivement, Rodin serait parfait pour lui.
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