Déclaration
Quand je reçu le message d'Elodie me donnant sa localisation, une fois la conférence terminée, je n'en pouvais plus. J'étais persuadée que tu serais là, que tu allais m'attendre, et peut être même... me parler. Qu'allais-je donc pouvoir te dire? M'excuser? Mais voulais tu vraiment de mes excuses? C'est le coeur battant que je sortis en trombe de la salle sans même penser à mes interviews dans le public, sous le regard réprobateur de Margaux. Quelle garce, celle la! Ne pouvait elle pas simplement me laisser en paix et s'occuper de ses si précieuses interviews? Une lueur étrange était allumée dans son regard, mais je n'y portais pas attention.
Je me dirigeais vers le bâtiment du complexe de recherche qui m'avait été indiqué. J'y entrais sans difficulté, mais me perdit dans le dédale de laboratoires et de bureaux. Ou était cette fichue cafétéria? Elodie se moquait de moi par messages interposés, riant de mon sens de l'orientation déplorable. Ce n'était en effet pas la meilleure image à donner, surtout au moment où je devais enfin te revoir. Peut être allais tu partir, fatiguée de devoir m'attendre?
Mais quand je retrouvai enfin mon chemin, tu étais bien là. Assise à la table d'Elodie, souriant à sa joie communicative avec ton air serein si cher à mes yeux. Je restai immobile un instant, incapable de bouger. Tu étais si proche que j'avais peur de te voir t'envoler sous mes yeux, comme une illusion causée par la fièvre de mon amour pour toi. Mais tu restai là, parfaitement tangible, à hocher imperceptiblement la tête en réponse aux sollicitations de ton amie. J'en profitais pour t'admirer.
Maintenant que je savais la vérité sur ta transidentité, certains détails qui m'avaient semblés invisibles auparavant sautaient aux yeux. Tu avais en effet le visage un peu carré, ce qui était un trait plutôt masculin. Ta voix également, chaude, avait des touches de masculinité. Et pourtant... et pourtant l'intégralité de ta personne respirait une féminité que je n'avais vue chez personne d'autre, et que tu portais fièrement tel un étendard acquis difficilement au prix d'une âpre bataille. C'était cette féminité qui m'avait tant attirée dès le départ. Tu étais si belle et pourtant si différente de tous les canons de beauté... tu n'avais pas ces longs cheveux ondulés ou lissés si appréciés du public, ces formes exubérantes que l'on montrait partout, des magazines aux publicités. Tu ne portais ni maquillage outrancier, ni tenue rehaussant ta féminité. Tout semblait si naturel chez toi... et pourtant tu n'avait pas toujours été ainsi.
Je repensai à tous ces messages haineux que j'avais lus lors de mes recherches sur la transidentité. Ils étaient d'abord discrets, quelques piques méchantes par ci par là, puis, en creusant, j'avais trouvé les montagnes du mépris et du dégout de certaines personnes. Ceux qui t'auraient reproché d'être une contrefaçon, une fausse femme, une "contre nature". Et pourtant... sous mes yeux, ta féminité était une telle évidence que j'en vins à me demander si tu ne m'avais pas menti au sujet de ton passé.
Ton regard quitta Elodie, et croisa le mien. Bêtement, je le détournais; c'étais idiot, puisque j'étais venue ici pour te voir, mais ce fut plus fort que moi. Elodie remarqua ton changement d'attitude, et m'appela bruyemment, s'attirant quelques regards qu'elle ignora royalement. Je me demandais même si elle les avais remarqués.
-Eva! On est là!
Je le savais bien, puisque cela faisait quelques minutes déjà que je vous observais. Mais je n'en dit rien.
-Alors, commença Elodie quand j'approchais, Eva, voici Véga, une collègue et amie. Véga, voici Eva, c'est une...
-Journaliste, oui. Coupa Véga en me fixant avec un léger sourire. Nous nous connaissons.
-Vous vous connaissez déjà? Mais c'est parfait! J'ignorais que tu fréquentais d'autres personnes que moi, Véga cherie.
Je frémis en entendant ce surnom, ce qui te fit sourire encore plus.
-Tu ne connais pas chaque détail de ma vie, Elodie.
-En parlant de détail! S'exclama Elodie. Eva, Véga ici présente est trans!
La concernée se prit la tête dans les mains, et je ne su pas vraiment quoi répondre.
-Hum... oui, je... je suis au courant. Réussis-je à bredouiller.
-Tant mieux! Tu vois, je préfère le dire dès le départ, comme ça les imbéciles qui ne sont pas capables de l'accepter comme elle est partent immédiatement! De cette manière, elle n'a pas à subir le déchirement de les voir partir après s'être attachée à eux.
Mon coeur se serra. C'était exactement ce que je t'avais fait subir. Tu t'étais attachée, et mon hésitation avait fait office de rejet. Je comptais bien réparer mon erreur.
-Tu fais bien. Dis-je. Il est des personnes qui ne se rendent pas compte à quel point leurs mots peuvent blesser. Et quand elles le réalisent, il est sans doute trop tard... mais je pense que certaines personnes ont besoin de temps pour comprendre.
-Pour comprendre quoi? Véga est une personne comme une autre, il n'y a rien a comprendre ni a expliquer. Savoir qu'elle est trans ne devrait rien changer à la façon dont on la voit. Si cela change quoi que ce soit pour quelqu'un, c'est que la personne n'est pas digne d'elle.
Je ne sus que répondre. Et sa phrase suivante n'aida pas.
-Dis moi, Eva... as-tu changé de façon de voir Véga depuis que tu l'as appris?
Ses yeux rieurs étaient devenus graves, et je vis que tu étais un peu mal à l'aise derrière elle. Elodie m'apparut soudain sous un autre jour. Elle n'était pas juste une innocente hyperactive et joyeuse. Elle était très intelligente. Et elle avait parfaitement compris la nature de notre relation, et ce que je t'avais fait subir. Tu lui en avais sans doute parlé. Et elle me mettait à l'épreuve. J'étais incapable de te parler avec toute la franchise nécessaire, et tu n'aimais pas beaucoup parler. Elle jouait donc les intermédiaires pour décider du sort de notre histoire, et du mien.
Je doutais qu'elle me laisse te revoir si je répondais mal. Je pris une grande inspiration.
-Quand Véga m'a annoncé sa transidentité, j'ai été très surprise. Je n'avais jamais porté une grande attention à ce sujet, et j'ai pris peur face à cet inconnu. Ça n'a duré que quelques instants. Mais ces instants furent suffisants pour briser la confiance qu'elle m'avais accordée. Ce fut la plus grande erreur de ma vie. Car... quel que soit son passé, j'aime Véga.
Je me tournais vers toi. Mon coeur battait la chamade, mais j'étais lancée. Je devais aller jusqu'au bout.
-Je t'aime, Véga. Depuis le premier soir où tu m'es apparue, tu as été l'Ange qui a redonné ses couleurs à ma vie, celle qui a fait battre mon coeur à tour rompre et qui m'a poussée à aller de l'avant. Je n'ai jamais autant souffert que lorsque tu n'étais pas là, et je me sentais dépérir de savoir que je t'avais blessée alors que... que l'évidence était là, juste sous mes yeux. Cette simple évidence: je t'aime. Quel que soit ton passé, tes difficultés, tes souffrances, je les embrasses toutes et les veux devenir mienne, car je ne désire rien d'autre que de t'avoir pour moi, et moi seule. Cette passion égoïste m'aveugle et me tue, mais je ne veux plus la combattre ou la fuir. Je t'aime, Véga. Que tu pardonne ma lâcheté ou non, je veux que tu le sache.
Un léger sourire se dessina sur ton si beau visage, et Elodie sembla elle aussi satisfaite.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro