See you on the other side
Même si j'aime énormément la fin donnée à Levi dans le chapitre 139, je m'étais quand même imaginé – je vous le donne en mille – une réunion avec Erwin dans l'Afterlife qu'on aperçoit notamment à la mort d'Hange. D'autant plus que dans le chapitre 138, quand Gabi est devenue un titan, ça a ruiné mon espoir de voir Levi l'adopter. Finalement j'ai quand même eu ce que je voulais, mais ça aurait été dommage de ne pas écrire cette version qui me tournait dans la tête.
***
La douleur.
C'est la première chose qui frappe Levi en ouvrant les yeux. La douleur a disparu.
Puis le ciel bleu. Du bleu azur le plus pur. Sans le moindre nuage. Il ne pense pas avoir un jour vu un ciel si bleu.
Ensuite, il réalise que sa vision est tronquée. Par réflexe, il pose sa main sur son œil gauche. Tout devient noir. C'est bien ce qu'il lui semblait. Son œil droit ne verra plus jamais. C'était sans doute prévisible, considérant sa blessure. Hange avait peut-être réussi à lui recoudre le visage, mais on ne recoud pas un œil.
Du bout des doigts, il caresse son visage à l'endroit de la cicatrice. Encore une fois, il n'a pas mal et les fils ont disparu, tout comme le bandage qu'il avait autour de la tête. Les blessures à sa main droite sont également cicatrisées. L'index et le majeur manquent toujours, mais les plaies ne sont plus à vif.
Combien de temps est-il resté inconscient ? La dernière chose dont il se souvient, d'avoir d'avoir explosé les dents du titan d'Eren. Ensuite il... il est tombé ? Il se rappelle d'une immense douleur et puis...
Levi se redresse difficilement. Ses muscles sont comme engourdis. Il se retrouve assis dans l'herbe. D'un vert comme il n'en a jamais vu. Est-ce le fait d'avoir perdu partiellement la vue qui rend les couleurs aussi vibrantes et lumineuses ? Non, ça devrait plutôt être le contraire. Que s'est-il passé ? Pourquoi est-il ici ? Ne devrait-il pas plutôt être à l'hôpital ? Ou au moins allongé dans un lit ?
— Levi... murmure une voix féminine dans son dos.
Une voix qu'il pensait avoir oubliée. Une voix qui soudainement, ressurgit d'un passé lointain. Une voix tendre et aimante. Maternelle.
Le capitaine se fige. Il est en train de rêver. C'est une hallucination. Non, un rêve. Il est en train de rêver. Ça ne peut pas être réel.
Du mouvement dans son dos. Et soudain, elle est là. Elle s'agenouille dans l'herbe à ses côtés, un sourire sur les lèvres. Sa main se pose délicatement sur son épaule. Et à cet instant, Levi comprend que ce n'est pas un rêve. Parce que cette main est réelle. Et parce que dans un rêve, ses traits n'auraient pas été aussi précis. Ses souvenirs sont tellement flous.
— Maman ?
Les larmes lui montent aux yeux, lui qui n'a pas pleuré depuis des années. Et il ne fait rien pour les retenir. Elles coulent librement sur ses joues alors que sa mère lui ouvre les bras.
Levi ne cherche pas à comprendre. Tout ce qui importe, c'est les bras de sa mère qui se referment autour de lui. Et le serrent fort, comme pour lui faire comprendre qu'il est en sécurité.
Et Levi pleure. Il pleure comme il n'a jamais pleuré. Il pleure toute ces émotions qu'il a solidement cadenassées, toute la pression, toutes ses peurs, toute la douleur, toute la tristesse accumulée depuis des années. La carapace de l'homme se brise en mille morceaux, laissant apparaître le petit garçon. Ce petit garçon arraché à sa mère beaucoup trop tôt. Ce petit garçon qui a vu mourir, les unes après les autres, toutes les personnes qu'il aimait.
Sa mère. Farlan et Isabel. Son escouade. Kenny. Le bataillon tout entier.
Erwin.
Hange.
Ils sont tous morts. Il n'a plus personne. Personne qui vaille la peine de continuer à vivre. Alors si c'est un rêve, il veut y rester pour toujours et ne jamais se réveiller.
— Tu as été tellement courageux, mon chéri. Je suis si fière de toi.
Il avait oublié jusqu'au son de sa voix.
— Où... où est-ce que je suis ? parvient-il à bégayer entre deux sanglots.
Sa mère se recule légèrement, plongeant son regard dans le sien. Ses doigts fins caressent sa joue, puis glissent dans ses cheveux.
— C'est terminé, Levi. Tu n'auras plus jamais besoin de te battre, répond-elle avec un sourire énigmatique.
— Comment ça ?
Kuchel tourne la tête, et Levi suit son regard. Et soudain il comprend. En les voyant tous réunis, il comprend. Hange, Petra, Mike, Nanaba, Moblit... Et même Isabel et Farlan. Ils sont tous là. Et le doute n'est plus permis.
Il est mort.
Levi n'a jamais cru en un au-delà, ni en une quelconque vie après la mort. « Quand on est mort, on est mort » disait-il toujours. Et pourtant ces dernières années, il s'était parfois surpris à espérer. Ou à en avoir peur. Parce qu'il pensait que s'il existait un Paradis et un Enfer, sa place était définitivement en Enfer.
Pourtant aujourd'hui, il se retrouve dans une prairie verdoyante, sous un soleil éclatant et un ciel immaculé. Avec sa mère et tous ses camarades tombés au combat.
Isabel et Farlan sont les premiers à s'avancer. Encore des visages qu'il avait pratiquement oubliés. Il ne les a pas vus depuis dix ans. Il n'a jamais eu de portraits d'eux, ce n'est pas quelque chose auquel les habitants de la Ville Souterraine avaient accès. Pas d'argent pour ce genre de futilité.
Ses anciens amis n'ont pas changé. Pas vieillis surtout, ce qui n'est guère surprenant. Dans sa poitrine, son cœur s'est mis à battre la chamade. Encore une fois, les larmes lui piquent les yeux. Il ne pensait pas les revoir un jour.
Kuchel s'est relevée et tend la main à son fils pour l'aider. Alors qu'il se redresse, Levi réalise que sa jambe gauche est incapable de le supporter. La douleur a beau avoir disparu, son genou ne fonctionne plus comme avant.
— Tiens grand frère, déclare joyeusement Isabel en lui tendant une béquille.
Comment a-t-elle su ? Levi n'en a pas la moindre idée. Mais il saisit cette aide sans hésiter. Son équilibre retrouvé, il dévisage Isabel et Farlan l'un après l'autre. Tous les deux portent des vêtements propres et neufs, bien loin des chemises et pantalons usés et rapiécés qu'ils portaient de leur vivant. Leurs joues sont roses, bien rondes et tous les deux ont l'air en bonne santé. Levi ignore si les morts ont besoin de manger, mais si c'est le cas, alors ils sont bien nourris.
Farlan enlace Levi avec autorité, le serre contre lui en lui donnant une tape dans le dos. Encore une fois, Levi est surpris par la réalité de cette étreinte. La chaleur du corps de Farlan, son odeur, ses mains sur lui. Tout est si réel. tellement palpable.
— Tu nous as manqué, avoue-t-il.
— Dis pas ça, après il va croire qu'on est contents qu'il soit mort ! s'indigne Isabel.
Cette réplique a le mérite de lui arracher un petit rire. Il pose une main sur l'épaule de Farlan, l'autre sur le haut du crâne d'Isabel. Ils sont bien là tous les deux. Pour de vrai.
— Vous m'avez manqué aussi, avoue-t-il.
— T'as intérêt à tout nous raconter ! On a eu des nouvelles grâce aux autres, mais c'est pas pareil. Et puis je suis sûre qu'ils sont pas au courant de tout !
Un sourire éclaire le visage de Levi. La joie est une émotion qu'il avait presque oubliée. Depuis combien de temps ne s'est-il pas senti heureux ? Vraiment heureux ? Il a beau avoir connu quelques moments heureux ces dernières années, ils étaient toujours entaché par le deuil.
Erwin...
Ça le frappe tout à coup. Levi reporte son attention sur ce qui constitue son... comité d'accueil ? Quelqu'un brille par son absence. Et tout à coup, le désespoir refait surface. Erwin n'est pas là. Ils sont tous présents, le bataillon au grand complet. Même Sacha, Jean et Connie. Même cette gamine, Gabi, est là.
Pourquoi ? S'il est réellement mort et qu'il est au Paradis, pourquoi Erwin n'est pas là ? A-t-il fini en Enfer comme il le craignait ? À moins que... il ne veuille tout simplement pas le voir ? Tout à coup, cela apparaît à Levi comme une évidence. Bien sûr, Erwin n'allait quand même pas l'accueillir à bras ouverts. Pas après ce qu'il a fait.
Comme souvent, Hange est la première personne à comprendre et à réagir. Iel le rejoint en quelques enjambées.
— Viens avec moi, il t'attend, déclare-t-iel en passant son bras autour de ses épaules.
— On s'est dit que tu préférerais le retrouver dans un cadre un peu plus... Disons pas devant tout le monde, explique Farlan.
— J'ai hâte que tu me le présentes officiellement, ajoute doucement Kuchel à son oreille.
Il se laisse entraîner par Hange, trop anxieux pour oser protester. Marcher à l'aide d'une béquille est bien plus difficile qu'il n'y paraît. Il avance lentement sous les regards insistants de tout le bataillon. C'est humiliant, malgré les sourires sur les visages. Il a toujours détesté attirer l'attention.
— Allez, foutez lui la paix, intervient Farlan en agitant les bras. Vous aurez tout le temps de lui parler plus tard.
Levi remercie son vieil ami d'un regard alors que la foule se dissipe. Il remarque alors qu'une ville se dresse à quelques centaines de mètres de là. Mais ce n'est pas là où Hange l'emmène. À vrai dire, ils s'éloignent plutôt de la ville où les autres se dirigent.
— Apparemment, il joue un peu les ermites depuis qu'il est arrivé ici, explique Hange.
Ça n'étonne pas Levi. Erwin a toujours rêvé de vivre dans une maison à la campagne, loin des responsabilités, loin des gens, loin de tout. Il en avait même acheté une, en prévision de sa retraite. À l'époque, Levi s'était moqué de lui, lui rappelant qu'il y avait 95% de chances que ni l'un ni l'autre n'ait la possibilité de prendre leur retraite un jour.
Il y est allé souvent, dans cette maison, au cours de ces quatre dernières années. Dans l'enceinte du mur Rose, non loin d'Ehrmich, au bord d'une rivière, pas très loin d'une forêt. Ça lui faisait du bien. En fermant les yeux, il pouvait presque imaginer qu'Erwin était avec lui. Il s'y serait sans aucun doute installé définitivement s'il avait survécu. À la place, il l'a léguée à Armin. Il espère que ce dernier a survécu. Et qu'il vivra dans cette maison. Lui, le fils qu'ils n'ont jamais pu avoir.
Le trajet est court. Ou peut-être pas. Levi n'en sait rien. Le temps... le temps est étrange ici. Il a l'impression d'avoir à peine commencé à marcher et pourtant ils se sont drastiquement éloignés de la ville. Il n'a pas besoin qu'Hange lui indique qu'ils sont arrivés. Il sait. Il reconnaît cet endroit.
La réplique exacte de la maison d'Erwin. La même rivière, les mêmes rosiers, la même porte en bois, les mêmes volets bleus, la même toiture en ardoise. Et par la fenêtre, Levi reconnaît instantanément la chevelure blonde d'Erwin.
Son mari.
Ou ex-mari ? Leurs vœux étaient très clairs : jusqu'à ce que la mort nous sépare. Or ils ont été séparés il y a longtemps. Et c'est Levi lui-même qui a acté cette séparation. Deux fois. Par un ordre, puis par un choix. Et Erwin a tous les droits de lui en vouloir.
Levi s'est arrêté à quelques mètres de la maison. Il est incapable d'aller plus loin. La peur a paralysé ses jambes, lui qui pourtant était si courageux. Aller au delà de la mort, se battre contre des monstres, compter les morts... tout ça, il le faisait sans hésitation. Mais aller au devant de l'homme qu'il a laissé consciemment mourir alors qu'il avait le pouvoir de le sauver, cet homme qu'il avait juré de protéger, cet homme qu'il aimait pourtant de toute son âme, et qu'il aime encore, même après toutes ces années... il ne peut pas.
La porte s'ouvre et Erwin apparaît. Il est resté le même et paraît peut-être même un peu plus jeune. Ses cheveux sont plus blonds que jamais et ses yeux plus bleus que l'océan un jour d'été. Levi remarque immédiatement l'absence de son bras droit, rappel des épreuves que l'ancien commandant a traversé.
Ce moment... Levi en a tant rêvé. Tous les nuits, tous les jours. Rien que de le regarder, son cœur bat si fort dans sa poitrine. Il a les joues qui brûlent, les mains moites et les jambes tremblants. Il ne saurait même pas décrire les émotions qu'il ressent en cet instant. C'est trop d'un coup. La tristesse, la joie, la peur, la surprise, la colère... Toutes sont emmêlées les unes aux autres.
C'est plus fort que tout ce qu'il a jamais connu. Plus violent aussi. Si loin du soulagement qu'il a ressenti en découvrant sa mère et de ce bonheur calme et nostalgique qui s'est emparé de lui en découvrant tous ses camarades réunis.
Revoir Erwin, c'est comme être pris dans une tempête en pleine mer. Un ouragan. Magnifique et destructeur en même temps. Aussi fascinant que mortel. Rien n'aurait pu le préparer à ces retrouvailles.
Ils se regardent en silence, séparés par une dizaine de mètres. Hange s'est éclipsé·e, Levi ne sait même pas quand ni comment. Ils ne sont plus que tous les deux. Et le temps s'étire à l'infini. Ce temps qui n'existe plus. Le silence est assourdissant. Un siècle passe. Ou trois secondes. Ou les deux.
Levi a envie de prendre ses jambes à son cou. Partir en courant. Parce que c'est trop dur. Ça fait trop mal. Dans un monde où la douleur n'existe pas, il souffre plus que jamais. Plus que ce jour-là, sur les toits de Shiganshina. Ce jour où le soleil de sa vie s'est couché pour toujours. Ce jour où il aurait pu le forcer à se relever, mais où il a choisi de laisser la nuit s'installer à jamais.
Et en même temps... il crève d'envie d'avancer. De réduire à néant la distance qui les sépare. De sauter au-dessus du gouffre et tant pis pour les conséquences. Le toucher. Quatre ans. Quatre ans sans entendre sa voix, sans sentir son odeur, sans goûter à ses lèvres, sans sentir sa chaleur, sans caresser sa peau. Il a passé quatre années dans la nuit noire. Seul avec ses cauchemars et sa culpabilité. Et pour la première fois depuis quatre ans, l'aube se lève.
— Levi...
Cette voix grave. Il l'avait presque oubliée. Elle résonne dans tout son corps. Ses poils se dressent sur son passage.
« Je suis désolé ». Ce sont les mots que Levi a au bord des lèvres. Mais il est incapable de les prononcer. Tout comme il est incapable de bouger, même pas pour essuyer les larmes qui dévalent sur ses joues.
— Je voulais t'accueillir avec les autres, mais j'avais peur que tu... que tu aies l'impression d'être acculé. J'ai conscience qu'il s'est passé des années pour toi et que... Enfin, tu aurais tout à fait le droit d'être passé à autre chose.
— Quoi ? parvient-il enfin à articuler d'une voix étranglée.
Passer à autre chose ? De quoi parle-t-il ? L'incongruité des paroles d'Erwin ont le mérite de le ramener à la réalité. Levi a enfin l'idée d'essuyer son visage avec la manche de sa chemise. Il recouvre la vue, du moins partiellement. Erwin a l'air... préoccupé. Et gêné. Il rougit pour être précis. Levi est incapable de se souvenir de la dernière fois où il l'a vu rougir. Il y a très longtemps. Au tout début de leur relation, peut-être.
— Eh bien... Sasha m'a dit que toi et Hange...
Oh...
Levi n'avait pas pensé à ça. Il se sent brusquement stupide. Pourquoi est-il là ? Erwin a raison, il... il a été avec Hange. Et ils sont toujours ensemble ? Peut-être. Il n'en sait rien, il n'a pas eu le temps d'y réfléchir. Il avait d'autres préoccupations sur le moment, quand il était vivant. Hange n'a même pas eu le temps de lui manquer, ils se sont quittés il y a seulement quelques heures. Bien sûr, c'était terrible de l'abandonner et à bord de l'avion, il a cru qu'il n'arriverait jamais à continuer, mais tout est allé si vite.
Hange et lui, ce n'était pas prévu, ni calculé. Mais c'est arrivé. Ils étaient tellement seuls. Et ils n'avaient plus personne. Il n'y avait plus qu'eux deux et une bande d'adolescents traumatisés. Bien sûr, il aime Hange, mais... c'est un amour différent. Et il est bien incapable de l'expliquer à Erwin.
Et en même temps, Erwin a-t-il le droit de lui en vouloir ? Il ne pouvait pas savoir qu'ils se retrouveraient, ni dans combien de temps. Il avait le droit de refaire sa vie, non ? Ou au moins d'essayer. Il en avait besoin pour tenir, pour trouver le courage de continuer à vivre. Avec un seul objectif en tête : honorer sa promesse. Pour Erwin. Pour l'humanité. Pour l'avenir qu'ils s'étaient promis. Même s'il se doutait qu'il ne pourrait jamais en profiter.
— Tu t'attendais à ce que je reste fidèle à un mort ? crache-t-il sans réfléchir.
Maintenant, il est en colère. Erwin n'a pas le droit de lui reprocher d'avoir essayé d'être un peu heureux. D'ailleurs, tout ça est arrivé par sa faute ! C'est lui qui a voulu venir à Shiganshina contre son avis ! S'il était resté sagement à Trost, peut-être qu'effectivement, il n'aurait pas eu besoin de chercher un peu de réconfort et d'amour avec Hange !
— Non, non... ce n'est pas ce que je voulais dire ! Bien sûr, tu... tu avais le droit d'être avec quelqu'un d'autre. Et je suis même heureux que tu l'aies fait ! Tu méritais d'avoir quelqu'un à tes côtés et Hange était là et je...
Hum. Cette réponse a le mérite de calmer un peu Levi. Et Erwin a l'air réellement ennuyé. Il bégaye comme un adolescent.
— Je suis désolé, je... je me suis imaginé ces retrouvailles des centaines de fois, mais maintenant que tu es là, je... je ne sais plus quoi dire.
Ça me fait une belle jambe, pense Levi sans oser répondre à voix haute.
— Pourquoi tu m'as fait venir ici ? demande-t-il à la place.
— Eh bien, je... je pensais que peut-être...
Le regard de Levi est attiré par un éclat d'argent à la main d'Erwin. Son alliance. Il a son alliance à l'annulaire. Alors que, lorsqu'il était encore vivant, il ne la portait jamais de peur que quelqu'un la remarque. Il la gardait en collier, bien en sécurité sous sa chemise. En dehors du jour de leur mariage, un mariage secret officié par Hange, Levi n'a jamais vu cet anneau au doigt d'Erwin.
Captant le regard insistant de son époux, Erwin se sent obligé de s'expliquer :
— Ici, il n'y avait plus de raison pour ne pas la mettre alors...
Pour toute réponse, Levi lève sa main droite, celle-là même où l'index et le majeur manquent. Ça a été son premier réflexe en se réveillant et en réalisant qu'il avait perdu des doigts. Vérifier que son annulaire était toujours là, et que son alliance aussi.
Celle de Levi est en or, très fine, avec un effet torsadé, totalement différente de celle d'Erwin : lisse, épaisse et en or blanc. Ils les ont choisies dépareillées, pour que s'il s'avérait que quelqu'un les trouve, personne ne puisse faire le lien entre elles. Erwin n'a jamais vu Levi la porter non plus. Ce dernier la conservait précieusement dans son écrin, bien en sécurité dans sa chambre. Erwin ignore que la première chose qu'a fait Levi à son retour à Trost, avant même de prendre une douche, c'est se précipiter dans sa chambre pour la récupérer. Elle n'a pas quitté son doigt depuis ce jour.
Encore une fois, Levi serait incapable de dire s'il s'est écoulé une heure ou cinq secondes. Tout ce qu'il sait, c'est que Erwin est maintenant en face de lui et a pris sa main dans la sienne. De son pouce, il caresse l'alliance, puis fait remonter sa main le long de son bras, jusqu'à son épaule, arrachant un frisson à Levi.
Levi relève le menton, il avait oublié à quel point Erwin était grand... Et beau. Il redécouvre entièrement son visage, sous la lumière surréelle de l'au-delà. Parfait. Il est parfait. Cette mâchoire carrée, ce grand nez droit, ces grands yeux bleus, ces sourcils parfaitement dessinés... ses lèvres roses.
S'il s'écoutait, Levi se mettrait sur la pointe des pieds pour l'embrasser. Mais d'une part, il a trop peur de perdre l'équilibre à cause de sa jambe blessée, et surtout il est terrifié à l'idée d'être repoussé. Et en même temps... si Erwin porte encore son alliance, c'est donc que leur mariage a encore de la valeur à ses yeux, non ? Sasha est arrivée il y a un moment, il aurait eu tout le temps de la retirer. Pourtant il ne l'a pas fait.
— Tu m'as tellement manqué...
Erwin ose enfin dire ces mots que Levi est incapable de prononcer. Alors qu'il les pense si fort. Il lui a tellement manqué. Toutes ces années sans lui... Son cœur se serre rien que d'y penser.
— Tu m'en veux ?
Les doigts d'Erwin dans son cou, puis sur sa joue. Une caresse. Une promesse. Des yeux brillants.
— Pourquoi je t'en voudrais ?
Pour t'avoir tué.
— Pour ne pas t'avoir ramené.
— Oh Levi...
Son prénom dans sa bouche. Qui résonne encore et encore dans sa tête. Et maintenant sa bouche sur la sienne. Un feu d'artifice dans son cœur.
Plus rien n'a d'importance. Levi n'a même pas besoin d'entendre la réponse d'Erwin. Ou plutôt, elle est là sa réponse. Dans ce baiser passionné dont il n'osait même plus rêver.
Il avait oublié ce que c'était. Embrasser Erwin. Son mari. L'homme de sa vie. Cet homme qui est venu le chercher dans les bas-fonds de la ville souterraine pour lui offrir une nouvelle vie. Cet homme qui, malgré un départ compliqué, l'a toujours respecté, même quand Levi était sur le point de le tuer. Cet homme qui lui a donné le choix, qui lui a montré ce qu'était la liberté. La liberté d'offrir son cœur pour quelque chose de tellement plus grand que soi. Cet homme qui lui a permis de rester à ses côtés jusqu'à la fin. Cet homme qu'il a aimé plus que tout au monde.
Erwin ne lui en veut pas. Erwin comprend. Erwin l'a toujours compris. Et Levi le comprend aussi.
— Je t'aime, parvient-il à souffler entre deux baisers.
Ces mots qu'il n'a pas assez dit. Parce qu'il était trop timide, trop pudique, trop effrayé. Ces mots qu'il a regretté de ne pas avoir répétés encore et encore. Aujourd'hui, il ne compte pas s'en priver. Plus jamais.
Il ne connaît pas de bonheur plus grand que celui qu'il ressent lorsque Erwin lui répond que lui aussi. À son oreille, dans son cou, dans ses cheveux, partout. Les mots d'amour s'impriment dans sa peau. Des mots qui lui ont tant manqués.
Ce bras puissant autour de sa taille. Ce corps si fort et solide contre le sien. Cette bouche brûlante. La béquille tombe dans l'herbe. Levi a besoin de ses deux mains. Pour le toucher, le caresser, s'assurer qu'il est bien là. Il s'accroche à son cou pour le forcer à se pencher davantage. Plus. Il veut plus de contact, plus de baiser, plus de caresse, plus de chaleur, plus de tout. Plus d'Erwin.
Le baiser s'éternise. Une heure, un jour ou un an. Le temps d'existe plus.
Il viendra un moment où ils s'arrêteront à bout de souffle. Et ils parleront. Puis ils feront l'amour. Et se raconteront tout, absolument tout. Ils iront en ville. Déjeuneront chez la mère de Levi. Erwin présentera Levi ses parents. Et ils iront fêter la victoire avec le bataillon. Une fête qui durera une éternité aussi longue que ce baiser de retrouvailles.
Mais pas tout de suite. Pas maintenant.
Parce que maintenant, Levi embrasse Erwin. À moins que ce ne soit Erwin qui l'embrasse. Il s'en fiche.
Le temps n'existe plus.
Et s'il existe un Paradis, alors Levi sait où il se trouve.
Parce qu'il le tient dans ses bras.
***
Et voilà !
Merci d'avoir lu cette histoire jusqu'au bout ! N'hésitez pas à laisser un petit commentaire pour me dire si vous avez aimé.
Personnellement ça m'a fait beaucoup de bien de l'écrire ^^
A une prochaine pour d'autres Eruri (et d'autres Drarry) !
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