Chapitre VI
J'ai assisté au rendez-vous de signature et vraiment à part pour observer, j'ignore la raison pour laquelle Pierre m'a fait venir.
C'est vrai qu'il est particulièrement à l'aise avec les clients et le confrère, bien qu'il soit nettement plus âgé. Il est dix sept heures trente quand les clients partent, un large sourire sur leurs visages ; certains heureux d'avoir une nouvelle maison et d'autres d'en retirer l'argent.
Je serre la main de Maître Firon, un notaire sexagénaire absolument adorable, qui se tourne vers Pierre. Ils discutent si bas que je ne parviens pas à entendre ce qu'ils racontent. Je préfère me mettre un peu en retrait, cela semble assez personnel.
Après quelques minutes, nous quittons l'office.
Pierre se tourne vers moi, et me tend ses clés de voiture.
- Vous conduisez.
Avant même que j'ai le temps d'émettre la moindre protestation, il s'est déjà installé du côté passager. Génial. Si le trajet de l'allée s'est passé sans encombre puisque le GPS du téléphone de Pierre me permettait d'indiquer correctement la route, je ne sais pas si il en sera de même pour le trajet du retour. Mon maître de stage est assez tatillon sur les bords, sans compter qu'il cherche constamment à tout contrôler. S'il attrape le volant alors que je suis en train de conduire, j'arrête la voiture et le fais descendre.
Je me glisse dans l'habitacle et avance le siège au maximum. C'est fou ce qu'il est grand, je ne l'avais jamais remarqué ! Il semble également par la même occasion constater que je suis bien plus petite que lui puisqu'il esquisse un sourire. Je me tourne vers lui, le regard interrogateur, mais étonnamment il ne dit rien.
J'ignore si c'est le caractère étroit de l'habitable qui me rapproche de lui ou si ce sont les effets des raisons du soleil qui tapent contre les vitres du véhicule, mais j'ai incroyablement chaud. Mes mains deviennent moites et j'enserre d'avantage le cuir du volant qui couine sous la pression que j'exerce pour tenter de me concentrer sur autre chose. Il ne semble pas perturbé le moins du monde, il y a donc de fortes chances pour que cette situation ne soit étrange que pour moi. Il est nonchalamment assis et pianote sur le clavier de son smartphone. De là où je suis, je peux sentir son parfum, le même que ce matin quand je suis littéralement tombée dans ses bras.
Quand je repense à ce contact, je me sens frémir. Il ne s'est rien passé, et pourtant j'ai vraiment eu l'impression, l'espace d'un instant, que le courant était passé entre nous deux. Et puis je n'ai pas imaginé son regard sur mes lèvres et surtout sur mes seins. En même temps, Pierre est le genre d'homme qui ne vit que pour son travail et je sais qu'il ne voit personne -en même temps, il faudrait que quelqu'un parvienne à le supporter plus de cinq minutes-. Qui sait depuis combien de temps il n'a pas vu le corps d'une femme ? Je coule un regard en sa direction, et je me dis que ça ne doit pas faire longtemps. Il est très charismatique et incroyablement séduisant bien qu'arrogant et orgueilleux. Tout en lui respire l'attraction sexuelle. Il suffit que son regard croise le mien pour que je me sente fébrile, et je suis certaine que je ne suis pas la seule dans cette situation. Un panneau lumineux clignotant indiquant « coureur de jupons » ne pourrait pas être plus explicite que son allure, son visage et son comportement. Je me demande si La Paonne est déjà tombée dans ses filets ? Ou peut être est-ce lui qui est tombé dans les siens ? Une image de Pierre et elle dans son bureau entrain de faire des insanités me vient en tête et me refroidit instantanément. Toute la tension que je ressentais vient de descendre d'un coup et je me sens appuyer instinctivement sur l'accélérateur. Mais ... Je suis jalouse ? Ce n'est pas possible. Pourquoi serais-je jalouse d'une femme comme elle, et surtout par rapport à la nature de la relation qu'elle entretien avec Pierre ? Je me fatigue mentalement et lève les yeux en reportant mon attention sur la route pour chasser toutes les idées lubriques et agaçantes qui viennent de me venir en l'espace de quelques minutes.
Nous arrivons à un carrefour. Aucun des panneaux n'indiquent la direction « Montpellier », et au lieu de me diriger, Pierre semble particulièrement absorbé par son téléphone portable
- Vous préférez aller à Lille ou à Barcelone ? Dis-je, un brin agacée.
Ma voix qui fend le silence qui régnait jusqu'à présent dans la voiture surprend légèrement mon interlocuteur qui se contente de lever un œil en me répondant vaguement.
- Prenez à droite.
Je m'exécute calmement. Mais un deuxième carrefour arrive, et son attention est toujours portée sur ce fichu écran. Le nom de notre ville n'est toujours pas inscrit sur les panneaux.
- Toujours à droite ?
- Hum ...
J'hoche la tête et mets mon clignotant à droite pour sortir. Alors que la sortie arrive à grands pas, il se met à hurler.
- À gauche enfin, à gauche !
Je jette un rapide coup d'œil à ma gauche, et bifurque avant de rater le coche. Un coup de chaud s'empare de moi, et mes yeux s'écarquillent alors que je vois les barrières non loin de nous. Enfin, suffisamment loin pour que j'ai le temps de faire ce crochet.
- Vous avez décidé de me tuer ? Si vous désirez mourir, tel est votre souhait, mais sachez mademoiselle que nous ne sommes pas tous dans la même situation.
- Rassurez-vous, mourir ne fait pas parti de mes plans.
- Cela tombe bien, des miens non plus.
Un silence s'installe. J'ai l'impression qu'il vient d'oublier son coup de sang.
Nous passons un panneau indiquant une aire d'autoroute à deux kilomètres.
- Arrêtez-vous sur cette aire de repos, je reprends le volant. J'ai envie de rentrer en un seul morceau.
Je soupire lourdement en entendant le ton cinglant de ses paroles.
- Rien de tout cela ne serait arrivé si j'avais eu un copilote digne de ce nom ... Sifflé-je entre mes dents.
Du coin de l'oeil, je vois Pierre poser son téléphone sur ses cuisses et se tourner vers moi.
- Si vous parlez dans votre barbe, je ne peux pas entendre ce que vous dites.
- Je disais simplement qu'on ne pouvait pas me reprocher ma conduite si on ne m'indique pas correctement la route et qu'on me hurle dessus.
Je le vois soupirer et étouffer un rire silencieux.
- Vous savez ce que l'on dit, femme au volant ...
- Si t'es pas content, tu descends !
J'ai toujours détesté ce dicton phallocrate au possible. Le jour où l'on me l'a dit, cette répartie m'est venue instantanément, et je n'ai de cesse de la redire pour remettre à leur place les hommes un peu trop sûrs d'eux qui cherchent à rabaisser les femmes, et leur conduite.
Seulement, cette fois, c'est sorti spontanément, si bien que je regrette mes mots au moment même où ils sortent de ma bouche. Je me tourne dans la direction de Pierre, le souffle coupé et les lèvres entre-ouvertes. Ses yeux sont ronds comme des soucoupes, visiblement surpris par mes mots.
- Excusez-moi, je ... Ce n'est pas ce que je voulais dire.
Il hausse les sourcils avant d'ajouter sur son éternel ton supérieur.
- Inutile de vous justifier. On va effectivement descendre puisque je reprends le volant.
Je ne proteste pas et me contente d'hocher la tête en guise de réponse.
De toute façon, dès notre départ je savais que si il me laissait conduire, il serait une nouvelle fois insatisfait et me volerait dans les plumes. C'est une question d'habitude.
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Alors, vous avez un avis sur la conduite de Morgane ? 😂
Qui est en tort, selon vous ? Et vous avez une idée de la raison pour laquelle Pierre a fait venir Morgane ? 🙂
Calypsote ♥️
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