En rentrant, je suis allée à la salle de sport pour me vider l'esprit, passer mes nerfs et me défouler. Tout le monde pense que le notariat est un milieu qui n'est pas stressant, mais tout est stressant.

Il y a la peur de ne pas avoir le diplôme.

La peur de ne jamais pouvoir s'installer à cause du numerus clausus des offices et de la difficulté à trouver des parts à racheter.

Il y a également les colères des clients qui ne comprennent pas pourquoi deux mois s'écoulent en moyenne entre le moment de la signature de leur compromis de vente et la réitération de l'acte. Est-ce systématiquement à moi de prendre les réflexions parce que le délai de réponse de la mairie concernant la préemption du bien est aussi long ? Je ne pense pas, mais les clients ne le comprennent pas parce qu'ils ne le savent pas. En attendant, c'est moi « l'incompétente ». Heureusement que j'aime ce que je fais ! Je pense que tout le monde a droit aux railleries des clients, peu importe la profession exercée : le français est un insatisfait et un râleur chronique. Je dois avouer que parfois je tombe sur des clients parfaitement charmants et adorables qui me rappellent que l'humanité et la gentillesse ne sont pas mortes.

Et puis surtout, il y a Pierre ... Je crois que c'est lui ma plus grande source de stress. Tous les matins lorsque j'arrive à l'office, je me demande à quelle sauce il va encore me manger. Il me provoque, il me cherche. J'ai beau lui répondre, je ne me permets pas pour autant de lui manquer de respect.

Règle numéro une : toujours respecter son prochain. Même si c'est un beau connard comme Pierre. Merde. J'ai dis beau ? Non, ce n'est pas ce que je voulais dire ! Enfin, si, il est beau, mais ce n'est pas la question ... Oh et puis zut ! Oui, mon patron est un sacré canon, un fantasme ambulant ! Ce n'est pas pour rien que La Paonne se pavane devant lui de la sorte. Aucun avocat ne vient aussi souvent à l'office qu'elle, on n'a pas besoin de se demander pourquoi.

Dommage que son caractère épouvantable gâche tout. Il pourrait être élevé au rang de Dieu vivant, mais non, monsieur se tire une balle dans le pied en se comportant comme il le fait.

Je secoue vigoureusement la tête. Je vais arrêter de penser à Pierre et me concentrer un peu plus sur le tapis de course qui défile sous mes pieds. Je fixe un point imaginaire, par delà la vitre qui nous fait face, à la machine et moi, et cours sans relâche. Mais qu'est-ce que ...? Quelqu'un de l'autre côté de la rue
regarde dans ma direction. Je l'observe de plus belle et tente de savoir si je connais cette personne.

C'est ... Pierre ?

J'arrête le tapis et fixe la silhouette pour l'éclaircir et être sûre de ce que je crois voir, mais sans que je puisse en avoir la certitude, il se tourne et prend la direction opposée. Je regarde l'ombre s'éloigner, perplexe. Est-ce que c'était vraiment lui ? Je pense que je suis paranoïaque. Cet homme devient une obsession ma parole.