Il était une fois une tempête, un océan déchaîné et un navire dansant sur les flots furieux.

Caleb courait sur le pont, les mains tendues vers le mât, lorsque le monde se renversa. Il sentit ses pieds quitter le bois, et, l'espace d'un instant – un de ces instants qui durent l'éternité –, il ne pesa plus rien. Il vit les embruns gicler autour de lui, les cordages se rompre, les bastingages se fendre et d'autres corps chuter à ses côtés vers le ventre bouillonnant de l'océan.

L'impact expulsa tout l'air de ses poumons, annihilant son cri.

L'eau glacée se referma sur lui.

Et le silence se fit.

La surface, là-haut, n'était plus qu'un ciel tumultueux, agité d'ombres, d'écume et d'éclats de lumière grise, troublée. Un ciel qui s'éloignait doucement, au fur et à mesure qu'il sombrait dans les profondeurs obscures des flots salés.

Il aurait dû bouger, nager, lutter contre la pression de l'eau, dont l'inertie le compressait petit à petit, mais il était si fatigué...

Et tout était si calme. Si paisible.

Dans l'immensité des ténèbres qui l'entouraient s'abîmaient avec lenteur des silhouettes décharnées, des figures blêmes et des objets dont ne subsistaient que des traînées de bulles argentées, comme d'éphémères voies lactées.

Caleb savait qu'il allait mourir.

Ses poumons brûlants consumaient l'intérieur de sa poitrine et son sang battait contre ses tempes, jetant sur sa vision des éclats rouges et noirs. Mais à quoi bon se débattre, à quoi bon gâcher le sublime de ses derniers instants par quelques tentatives désespérées ?

Au moins, songea-t-il en ouvrant instinctivement la bouche, je meurs libre.

L'eau salée se déversa dans sa gorge et ses poumons comme un flot de lave corrosive, déchirant sa conscience.

Le monde se délita en fragments de songes décousus.

Il crut voir la silhouette gracieuse d'un corps long, trop long...

L'éclat de la lumière sur des écailles émeraude...

Les dessins envoûtants d'une chevelure enflammée...

L'air.

La surface.

Il sentit qu'on le secouait et il se mit à tousser, paniqué, recrachant ce que l'océan lui avait fait avaler.

Le monde tournait autour de lui. Son corps était affreusement lourd. Il haletait en s'étranglant sur le sel qui éraflait encore sa gorge.

Puis une voix se mit à chanter.

Une voix si belle, si pure, que son écho se grava instantanément au plus profond de lui. Il ne connaissait pas cette chanson et n'en comprenait pas les paroles, mais il lui semblait qu'il s'agissait d'un sujet grave et triste, comme une histoire d'amour passée.

— Là ! cria quelqu'un.

La voix se tut.

Et Caleb perdit définitivement connaissance.