Se retournant, elle la plaça devant elle, comme rempart, tenant le manche à deux endroits différents. Bien lui en prit : la seconde suivante, l'épée adverse vint riper sur le métal, entre ses mains. Le temps de le repousser et elle repartait à l'attaque.

Une gerbe d'étincelle jaillit lors d'un énième contact du métal. Hache contre épée, le combat devenait plus équitable. Il continuait d'assaillir la jeune fille de coups, directs ou feintés, mais elle ne s'embêtait pas à les contrer. Une feinte vers le visage, il attaque la hanche. Une autre vers l'épaule droite, il vise son flanc gauche. Encore une passe vers la cuisse, qu'il redirige vers sa poitrine.

Salia avait l'impression que son adversaire faisait tout pour l'épuiser, mais en se contentant de coups basiques. Des coups qu'elle avait appris à parer déjà bien avant que sa jumelle meure. Il était donc facile pour elle d'esquiver, de tournoyer sur elle-même, évitant les attaques et les contrant. Cependant, il ne la laissait pas placer d'attaques, elle en était réduite à se défendre.

Cela énervait son opposant, qui ne s'attendait pas à ce qu'elle retrouve son aisance aussi rapidement. Il comptait sur le choc premier pour la mettre à terre. Ensuite, il aurait achevé les autres et l'aurait ramenée au QG. Mais ses réflexes de combattante avaient augmentés et s'étaient améliorés depuis leur dernier combat amical.

Et puis, la hache n'était pas prévue. Il avait bien remarqué que l'un des Chevaliers en utilisait une, mais il pensait que Salia ne l'aurait pas remarquée. Serrant la mâchoire, il passa à la vitesse supérieure. Continuant à la harceler de tous côtés, il sortit l'un de ses poignards, commençant à l'attaquer avec ses deux armes.

Quand le traître sortit une deuxième lame de sous sa cape, la jeune Alfide commença sérieusement à s'en faire. Elle avait déjà du mal à riposter, forcée de se cantonner à la défense. Comment allait-elle faire avec deux lames contre elle? De plus, la hache était plus lourde que la sienne, la forçant à utiliser ses deux mains. Fichue hache, même pas bien calibrée. Elle jura, se baissant pour échapper à un coup tournant.

Tentant le tout pour le tout, elle se lança vers l'avant, abattant son arme avec puissance vers l'épaule de l'autre Alfide. Il se recula juste à temps, se faisant effleurer par le tranchant affûté. Les attaches de sa cape sautèrent, laissant le vêtement s'écraser à terre. L'homme qui se trouvait en-dessous fut soudain à découvert. Il recula encore, rétablissant une distance de sécurité entre les deux bretteurs.

Il avait grandi. Il s'était musclé. L'assurance se dégageait de ce corps sorti de l'enfance. Ses cheveux avaient été coupés courts. Sa peau portait certains de ses combats, imprimés dans la chair. Ses yeux, brillant comme l'azur, la fixaient, elle.

Elle avait pris du muscle, ce qui lui donnait un air fort. Sa taille s'était affinée. Ses cheveux, emprisonnés dans un chignon lâche, encadraient son visage devenu adulte. Ses beaux yeux de nuit, scintillants d'étoiles, le regardaient, lui.

Ils retinrent leur souffle, se contemplant mutuellement. Puis, le choc. Ils n'avaient pas le temps. Ils ne devaient pas penser à ça. Ils ne pouvaient plus.

Sa cape, sa protection, son ultime rempart, venait de tomber. Sans elle, il était à découvert. Sifflant de déconvenue, il remit de la distance entre Salia et lui. Voilà qui tombait mal. Elle avait réussit son coup. La regardant, il constata que la petite lueur d'espoir qui subsistait auparavant dans les yeux de la belle Alfide s'éteignait. Elle avait sans doute prié jusqu'au bout pour se tromper.

La bouche de la jeune fille s'entrouvrit, laissant échapper un faible "Pourquoi?"

Il ne prit même pas la peine de lui répondre. Il ne le pouvait pas. Pas encore. Rangeant son poignard, il se remis en garde et prit appui sur sa jambe arrière. Puis fonça vers elle, décider à en finir, prêt à l'assommer.

Quand la cape révéla son  visage, le cœur de Salia se figea puis éclata en morceau. C'était donc bien Aarius là-dessous. Malgré elle, elle avait espéré que ce ne fut pas le cas. Maintenant elle devait faire face à la réalité. La dure réalité. Inspirant profondément, elle se raidit. Plus de place pour l'hésitation. Elle devait écraser son ennemi. Le réduire en pièce. La vengeance avant tout, n'est-ce pas?

Les deux opposants se foncèrent dessus. Le choc fut brutal. Mais tous les deux tinrent bon. Un duel de force commença alors. ce sera à celui qui lâcherait le premier. Mettant de plus en plus de force dans son arme, l'homme essaya de faire plier celle qui restait sa lumière. Elle, sentant le rapport de force basculer peu à peu, bloqua ses muscles et se raidit, luttant pour tenir sa position. Elle ne perdrait pas face à celui qui lui avait tout pris. Malgré les sentiments qu'elle avait éprouvé.

Le duel n'aurait aucun vainqueur, si les deux bretteurs campaient ainsi sur leurs positions. Il fallait qu'il y en ait un qui lâche. Tout.

La hache contenait l'épée, bloquée. Deux regards s'affrontaient. Obstinés. Sûrs d'eux. Aucune parole n'était échangée, tout passait par les yeux. Un éclair passa dans ceux de Salia. Elle ne comprenait pas les actions de son ancien ami.

Pourquoi ? Pourquoi les trahir? Pourquoi la combattre ? Elle laissa échapper ce mot, dans un souffle désespéré. Les pupilles d'Aarius s'écarquillèrent. Pendant un bref instant, il avait compris. Tout ce qu'il avait fait pour protéger celle qu'il aimait. Toutes ses actions forcées. Tout avait été vain. Elle ne lui avait rien demandé.

Il compris alors que tout ce qu'il avait entrepris, sa trahison, les contraintes, ses souffrances, tout était inutile. On lui avait menti. Il décida alors de se rattraper, tant qu'il le pouvait encore. Il lâcha prise.

Salia tenait bon, commençant à faiblir. Soudain, le poids qui forçait sa hache disparu. Subitement. Interdite, elle contempla Aarius, stupéfaite. La regardant dans les yeux, il lâcha son épée puis ouvrit les bras, s'offrant à elle. Désemparée, elle baissa son arme, se contentant de le dévisager. Mais que faisait-il ? Elle était épuisée, bientôt arrivée à sa limite. Il lui aurait suffit d'attendre et il aurait pu gagner. Alors, que lui prenait-il?

- Tu ne compte pas me tuer ? Après ce que j'ai fait? Je le mérite, pourtant. Ne me donne pas ta compassion. Fais-moi payer pour toutes mes erreurs. S'il te plaît, Salia.

Ces paroles la réveillèrent. Elle contempla cet ennemi si particulier, prenant sa décision. Elle ne comprenait pas mais peu importe. Elle allait saisir cette opportunité. S'avançant vers l'ennemi offert, elle leva son arme et, d'un coup de manche, elle l'abattit sur la tête de son ami, l'assommant. Il sombra dans l'inconscience. Sonnée, la jeune fille le regarda, avant de se secouer et d'aller vérifier l'état des autres.

Dans le ciel, l'aube se levait.