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Chapitre 25 : Le Centre pour migrants


Lorsque les sushis ne furent plus, le groupe repartit, discutant avec passion des combinaisons gustatives au potentiel insoupçonné. Des arbres bordaient leur chemin, solennel et mystérieux dans l'atmosphère morose de la matinée. Tout était gris autour d'eux, et pourtant, les environs n'avaient jamais eu l'air aussi colorés pour Alphonse. Il aurait volontiers continué à parler avec Freja, mais ils étaient arrivés à destination.

Le centre pour migrants se trouvait au milieu de la forêt, au bout d'une route caillouteuse et pleine de trous qui se terminait abruptement. Des murs sales surmontés de barbelés enserraient plusieurs bâtiments en béton et un panneau indiquait une entrée près de laquelle s'entassaient des poubelles débordant de conteneurs à ordures. Alphonse marqua une pause face à l'aspect peu accueillant de l'endroit.

— T'as pas la frousse ? plaisanta Freja en lui mettant un coup de coude dans le flanc.

— Non, mais...

— T'inquiète, l'extérieur est comme ça parce que les camions poubelles ne passent par ici qu'une fois dans le mois.

— Et tu viens ici toute seule d'habitude ?

— Euh... oui, pourquoi ? J'ai Magnus avec moi, je n'ai rien à craindre.

Le gros saint-bernard confirma d'un aboiement et donna sa tête pour se faire caresser. Alphonse était quelque peu sceptique, cependant, il se rappelait la matraque télescopique que Freja avait sortie la première fois : la peur semblait bien loin de son quotidien. Ce n'était pas Dominika Erickson qui l'autoriserait à se promener ainsi dans les bois. Elle avait déjà eu du mal à le laisser se rendre seul à Tromsø pour ses visites médicales, alors, après son escapade...

Ils pénétrèrent dans une grande cour au milieu de laquelle trônait un long cèdre fatigué. Des tables et des chaises avaient été regroupées sous ses épines et un kiosque à la devanture fermée affichait l'écriteau « Kamaji's food and drink. »

Alphonse resta bouche bée devant cet environnement étranger qui présentait des éléments si familiers. Était-ce dans ces lieux que le psychiatre avait puisé son inspiration ? Comme si elle avait lu dans ses pensées, Freja lui montra la fenêtre d'un bâtiment :

— Ólafur avait un bureau de consultation ici, il examinait les patients du centre gratuitement. Beaucoup de ceux qui sont là ont vu des choses horribles, alors, sa disparition a laissé un grand vide...

Des hommes discutaient en fumant au loin et Alphonse se demanda comment ils auraient réagi s'ils avaient été plus proches. Il était fermement déterminé à garder son visage découvert, et il s'attaquerait à la première personne qui oserait faire un commentaire déplacé sur son apparence. Avec fierté, il ressentit cette colère qui semblait lui donner de la force.

Un enfant sortit d'un bâtiment, un panier de linge sur la tête. Il salua Freja et fixa Alphonse avec un mélange d'incompréhension et de curiosité. Pris au dépourvu, Alphonse le toisa, réalisant face à un tel adversaire que sa colère ne pourrait jamais s'exprimer.

O que lhe aconteceu ?

O..., hésita Freja, o fogo.

Oh, oh, fit-il en haussant les épaules.

Tendu, Alphonse essaya de décrypter ce qu'il se disait, mais Magnus sauta sur l'enfant qui l'esquiva d'un pas de côté et se mit à courir dans un grand éclat de rire. Le saint-bernard poursuivit son nouveau compagnon de jeu jusque dans un bâtiment où ils disparurent avec fracas.

— Tu n'es pas la première personne qu'Esmeraldo voit avec ce genre de marques. D'habitude, elles sont dues à la guerre. Mais, toi, c'est différent... enfin, je crois...

— C'est un incendie qui m'a fait ça. Je me suis endormi, et il y a eu le feu.

Étrangement, il ne sentit aucune gêne en disant cela à Freja. En temps normal, une bouffée d'émotions contradictoires le traversait lorsqu'on lui demandait l'origine de ses cicatrices, mais aujourd'hui, il avait envie d'en parler. Surtout avec elle.

— Par ici, dit Freja.

Il la suivit dans l'immeuble principal, observant avec curiosité les panneaux dans différentes langues qui recouvraient les murs. Des effluves épicés accompagnés d'une mélopée enveloppaient peu à peu le couloir et ils entrèrent dans une vaste cuisine où une femme d'un certain âge était occupée au-dessus d'une immense marmite. Un poste de radio diffusait une musique étrangère et un homme portant des dreadlocks leur donnait le dos en épluchant des pommes de terre.

— Freja ! Ma petite Freja ! gazouilla la femme en faisant rouler les r.

Elle se retourna et mit une cuillère pleine d'un bouillon dans la bouche d'Alphonse.

— Je suis ici, Mama, pouffa Freja.

Alphonse déglutit, trop impressionné pour réagir, et réalisa que la femme avait le regard dans le vide.

— Je le sais, que crois-tu ? Je suis aveugle, mais pas bête ! Qui est-ce ? Ce n'est pas dans tes habitudes de nous amener des invités.

— C'est... un ami...

— Oh ! Un petit ami ! s'extasia la femme, alors que Freja se mettait à rougir.

— Ce n'est pas mon petit..., protesta celle-ci.

— On est pas..., se défendit simultanément Alphonse.

— Tu, tu, tu, les coupa la femme. Comment t'appelles-tu mon garçon ?

— Alphonse.

— Enchanté, Alphonse, moi c'est Héléna Pouillos, mais tout le monde m'appelle Mama. Alors, ce bouillon ? Comment le trouves-tu ?

— Euh... très bon...

Les épices lui brûlaient encore le palais et il ne se voyait pas contrarier cette femme tenant une cuillère en bois presque aussi grande que sa main.

— C'est décidé, tu n'as aucune connaissance en cuisine, ce bouillon manque cruellement de sel. Je te charge donc d'éplucher les pommes de terre avec Ikram.

Elle tapa sur l'épaule de l'homme aux dreadlocks qui sembla prendre conscience de leur présence et lui désigna les adolescents.

— Bonjour, dit Alphonse, intimidé.

L'homme agita ses mains et leur fit un sourire.

— Il est sourd et muet, expliqua Héléna, mais il lit assez bien sur les lèvres, il faut juste bien articuler.

Ils s'installèrent autour de la table en bois, Alphonse s'interrogeant sur ce qu'il faisait là, si loin de chez lui, à couper des pommes de terre dans un centre pour migrants. Freja avait été réquisitionnée pour vider des poissons et Héléna passait d'une marmite à l'autre avec une précision époustouflante. À aucun moment, elle ne semblait ralentie par son handicap. Elle communiquait avec Ikram par petites tapes sur l'épaule et Alphonse restait bouche bée devant la coordination inédite du duo.

— On a de nouveaux arrivants, déclara Héléna, ils étaient en sale état à ce qu'il parait... la guerre, il en arrive toutes les semaines des nouveaux... enfin, ne parlons pas de choses tristes, parle-moi de toi, Alphonse ? D'où viens-tu ? Tu étais peut-être dans le même lycée que Freja ?

— Non... pas vraiment. Je viens de Longyearbyen, dans le Svalbard.

— Longyearbyen ? s'exclama Héléna. Et bien ! Tu dois sacrément aimer notre petite Freja pour faire tout ce chemin pour la voir !

— Non, ce n'est pas ça...

— Ah oui ? Alors pour quelle raison es-tu venu ici ?

Freja se mordit les lèvres et Alphonse réalisa que le repas du midi n'était pas la seule chose qu'Héléna avait décidé de cuisiner ce matin.

— Pour le festival. Je suis venu pour le festival culturel du Nord-Norge. C'est là que j'ai rencontré Freja. Elle me fait visiter la ville.

— Ah ! Tu l'as peut-être convaincue de sauter à l'eau pour ce fameux concours de chant ? Sais-tu qu'elle a la plus belle voix que je n'ai jamais entendue ? Et elle cache ce petit rossignol sous une timidité qui m'exaspère ! Il a lieu demain et il y aura des personnalités comme le directeur du conservatoire de Tromsø. Elle ne s'est inscrite à aucune école, aucune faculté... c'est une véritable chance de se faire remarquer ! Jeanne dit qu'elle a toute la vie devant elle, mais il faut bien prendre une direction si on ne veut pas rester en arrière ! Et puis, si on s'est trompé, on peut toujours changer ! Tu n'es pas de mon avis, Alphonse ?

— Oui... oui..., concéda-t-il en regardant du coin de l'œil Freja qui fronçait les sourcils en découpant son poisson.

— Je suis sûre que tu as déjà un plan tout tracé en ce qui te concerne ?

Alphonse revit la petite boutique de couture de sa mère, sa proposition de la rejoindre face à son manque d'initiative, et l'ennui qui finirait par le tuer sous des kilomètres de fils colorés.

— Je suis toujours en réflexion, bredouilla-t-il en se concentrant sur sa pomme de terre.

— Je vois..., toi et Freja, vous réfléchissez beaucoup, vous êtes de grands penseurs... mais vous ne faites pas grand-chose ! Enfin, peut-être qu'à vous deux, vous aurez un embryon d'idée qui vous mènera quelque part... en tout cas, cela nous fait plaisir que tu prennes du temps sur ton séjour pour venir nous aider ! Et Freja n'est pas vraiment... sociable... alors cela me fait encore plus plaisir qu'elle trouve un ami !

— Mama ! protesta Freja.

— Un petit ami, pardon !

Et elle partit d'un rire rauque sous le regard amusé d'Ikram qui s'était mis à couper les pommes de terre en dés réguliers.

Le reste de la préparation du repas se passa dans la même bonne humeur prodiguée par Héléna et le poste de radio qui diffusait des chansons entrainantes qu'Alphonse n'avait jamais entendues. Une fois leurs tâches terminées, les deux adolescents furent chargés d'apporter marmites et plats jusqu'au Kamaji's food and drink. Sur la façade arrière, on avait peint des personnages colorés qui appartenaient, selon Freja, à quelques obscurs dessins animés du siècle dernier.

— Il faudra que je te les montre, on en a des copies que des migrants nous ont rapportées.

Cette perspective d'avenir donna chaud au cœur à Alphonse. Cependant, il n'était pas dupe, qu'il parvienne ou non à ses fins avec les séances d'Ólafur, il devrait retourner chez lui, loin de Freja. Et il voyait ses yeux bleus comme un souvenir qui s'affichait avant l'heure.

Ils disposèrent le fruit de leur travail derrière le comptoir en verre et prirent place à une table un peu en retrait. Un plateau plein de victuailles face à eux, ils observaient les nouveaux arrivants s'installer.

Contrairement à ce qu'il craignait, Alphonse ne reçut aucune remarque désobligeante vis-à-vis de ses cicatrices. On les saluait, tantôt en norvégien, tantôt en anglais, parfois dans des langues qu'Alphonse ne pouvait seulement que suspecter. Puis, on ne faisait plus vraiment attention à eux. Des enfants s'amusaient de l'autre côté du cèdre, et Magnus aboyait d'excitation face à autant de compagnons de jeu. Certains migrants portaient des cicatrices, il était vrai, et Alphonse se surprit à les observer comme souvent on observait les siennes.

Héléna et Ikram les rejoignirent à la fin du service.

— Alors, c'était bon ? demanda Héléna en posant son plateau à côté de celui de Freja.

Encore une fois, les gestes de la femme étaient millimétrés, et Alphonse oublia un instant sa cécité.

— Vous savez si Esmeraldo a mangé ?

Les deux adolescents haussèrent les épaules, et Freja précisa :

— Je ne sais pas, Mama.

— Esmeraldo ! appela-t-elle alors.

Le garçon accourut tout en sueur.

— Viens mon garçon, viens.

Elle tendit les bras et le fit s'assoir sur ses cuisses, essayant de le nourrir bien malgré lui. L'enfant protesta, cependant, Héléna ne s'avoua pas vaincue. D'une voix douce, elle roucoula :

— Si tu manges, je te raconterai Lisboa.

Pour la première fois, le garçon se calma et la regarda avec des étoiles dans les yeux.

— En portugais, raconte-moi Lisboa en portugais.

— Tu sais bien que Freja et son ami ne comprennent pas le portugais.

— Pas tout, alors.

— Entendu, accepta Héléna.

Et pour montrer sa bonne volonté, Esmeraldo avala une cuillère pleine de ratatouille.

— Quand j'avais ton âge, je vivais dans une ville loin d'ici, une ville qui n'existe plus et qui se nommait Lisboa. C'est drôle parce que c'était un pays du soleil et c'est la pluie qui me manque le plus. Il pleut ici aussi, bien sûr, mais tu vois, la pluie à Lisboa, Esmeraldo, c'était différent. Je suis née aveugle, alors, j'ai passé beaucoup de temps dans ma chambre, enfant, et lorsqu'il pleuvait, j'avais l'impression de voir la ville s'éveiller. Je sens encore l'humidité chargée des odeurs de la boulangerie, les enfants qui courent dans les flaques d'eau, le Tage qui danse quelques rues plus loin. Parfois, au printemps, c'était la tempête, et les gouttières déversaient des torrents que j'écoutais comme on écoute une chanson d'amour. Et lorsque tout était fini, lorsque je sentais la chaleur du soleil sur les vitres de mes fenêtres, alors, j'ouvrais grand pour respirer ce parfum tiède que les mouettes au-dessus de ma tête venaient acclamer.

Elle passa une main dans les cheveux noirs et bouclés d'Esmeraldo et, après avoir poussé un long soupir, elle déclama :

— « Maintenant que les dernières pluies ont déserté le ciel pour s'établir sur terre — ciel limpide, terre humide et miroitante —, la clarté plus intense de la vie, qui avait suivi l'azur dans les hauteurs, pour s'égayer en bas de la fraîcheur des averses passées, a laissé un peu de son ciel dans les âmes, un peu de sa fraîcheur dans les cœurs. »

— « Nous sommes, bien malgré nous... », compléta Freja, « ...esclaves de l'heure, de ses formes et de ses couleurs, humbles sujets du ciel et de la terre. Celui qui s'enfonce en lui-même, dédaigneux de tout ce qui l'entoure, celui-là même ne s'enfonce pas par les mêmes chemins selon qu'il pleut ou qu'il fait beau ».

— Ta mémoire est égale à elle-même ! s'enthousiasma Héléna. Tu connais par cœur Fernando Pesoa !

— Tu me l'as tellement répété aussi, rigola Freja en rougissant quelque peu.

Esmeraldo applaudit et continua à dévorer le poisson et les pommes de terre en cube devant lui. Les histoires se poursuivirent, peu à peu en portugais, pour complètement se transformer en un tableau abstrait que dessinait l'émerveillement sur le visage du garçon.

— Viens, chuchota Freja à l'oreille d'Alphonse, je veux te montrer quelque chose.

Les autres tables étaient elles aussi occupées dans des discussions agitées, et l'on parlait autour de cafés qui renvoyaient les contrastes nuageux du ciel au-dessus d'eux.

Freja l'entraina dans un bâtiment et lui souffla :

— J'ai les doubles des clés du bureau d'Ólafur, ça te dit d'aller jeter un œil ?

— Carrément.

Sans savoir pourquoi, ils avancèrent sur la pointe des pieds, comme s'ils s'apprêtaient à faire quelque chose d'interdit ; comme s'ils pouvaient être repérés à n'importe quel moment dans ce couloir vide ; comme s'ils étaient seuls face à un danger mystérieux. C'était un jeu et ils passaient devant les portes des chambres entrouvertes avec la plus grande des précautions, échangeant des signes pour dire que la voie était libre.

Les occupants étaient encore attablés autour du Kamaji's food and drink et rares étaient ceux qui avaient fermé leur porte. Dans une chambre, Alphonse voyait un tapis oriental ; dans la suivante, un crucifix devant une icône ; et dans une autre, une guitare aux cordes cassées. Les objets étranges et inconnus défilaient à mesure qu'ils avançaient, mais toutes étaient vides.

C'est alors qu'ils entendirent quelqu'un tousser dans la chambre qui faisait face à l'escalier.

— Ça doit être les nouveaux arrivants dont parlait Héléna pendant le repas, murmura Freja.

Ils passèrent silencieusement près de la porte qui était ouverte et ne résistèrent pas à la tentation de regarder. Ce que vit Alphonse lui fit lâcher un cri de surprise. Car il y avait deux jeunes hommes : le premier avec des bandages sur la tête, et un deuxième avec de gros cernes qui les dévisageait bouche bée.

C'était les acolytes de Sven. Les garçons qui l'avaient agressé et qu'il avait attaqués en retour. Que faisaient-ils là ? N'étaient-ils pas censés se trouver sur un bateau en partance pour un camp militaire ou quelque chose de la sorte ? Et Sven, où était-il ?

— Tout doux, déclara Sven en sortant d'une chambre derrière eux.

Le grand blond leur barrait la route, et ses deux compagnons s'étaient levés de leur lit. Alphonse sentit la peur s'emparer de sa raison. Il n'était plus question de jouer : ils étaient réellement en danger. Personne pour les aider. Personne pour les entendre dans ce couloir.

— Le bureau d'Ólafur ! cria-t-il en se précipitant dans les escaliers avec Freja. 

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