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Chapitre 21 : Le Marché


Tout le monde était masqué à Løkkeheim, même les mendiants, et ils pullulaient dans cette partie de la cité. Des morceaux de tôle déformés, des planches en bois peintes, et des visages en papier mâché dissimulaient les traits émaciés des habitants qui grouillaient en ce début d'après-midi. À dire vrai, Alphonse était très surpris par la pauvreté et la misère dont il était témoin. Les rues étaient sales et boueuses, bordées d'immeubles délabrés. Faits de terres, de bois et de pierres, les bâtiments étaient imbriqués les uns dans les autres. Certains défiaient les lois de la gravité et s'appuyaient sur de maigres poutres qui ne demandaient qu'à céder.

Béatrice lui avait expliqué qu'ils étaient dans les bas quartiers de la cité, et toute la périphérie se trouvait dans le même état de décrépitude. Les êtres misérables qui y vivaient croissaient un peu plus chaque jour, s'entassant dans l'anarchie la plus complète. Et pendant ce temps, le pouvoir de la Reine grandissait.

Le palais royal était situé quelque part au centre de ce dédale d'infortune, et bien que leur destination semblât simple à atteindre de prime abord, il y avait tant d'allées alambiquées, de culs-de-sac qui se révélaient tardivement, et de passages qui traversaient des bâtiments exigus qu'ils avaient bien du mal à se repérer.

Alphonse apprit également que Freyja venait des quartiers riches, et cet environnement lui était aussi étranger qu'à lui-même. Alors, ils marchaient tout près l'un de l'autre, évitant de croiser les regards des habitants qui les épiaient. Car malgré l'agitation de la rue, ils ne passaient pas inaperçus dans leurs habits propres et uniformes. Le masque d'Hannya aux moulures travaillées et le masque de chat en porcelaine attiraient l'attention de ceux qui ne se voilaient que de tas d'ordures trouvés ici et là. Et l'on regardait surtout son fusil avec un mélange d'envie et de crainte.

Ils se sentaient constamment surveillés et même Béatrice se montrait moins démonstrative. Demeurant sur l'épaule d'Alphonse dans son costume de poils, elle lui chuchotait la direction à prendre, hésitant parfois de longues secondes à un embranchement compliqué.

Les heures défilaient et Alphonse commençait à douter de la capacité de la main robotique à les orienter dans la cité. N'étaient-ils pas déjà passés à côté de ce vieillard au masque d'argile ? Et cette échoppe vendant des volailles fumées ressemblait beaucoup à celle qu'ils avaient croisée plus tôt. Béatrice savait-elle ce qu'elle faisait ?

La faim et la fatigue revenaient les assaillir et le sentiment de tourner en rond ne faisait que se renforcer. Lorsque Béatrice fit un énième demi-tour dans une rue qui ne menait à rien, Alphonse profita qu'il n'y eut personne pour se laisser tomber sur de vieilles marches en bois, imité par Freyja qui poussa un long soupir.

— On devrait peut-être demander notre chemin à quelqu'un ? suggéra-t-il.

— Et attirer encore plus l'attention sur nous ? répliqua Béatrice.

— Ça ne m'enchante pas non plus, mais nous sommes perdus et...

— Nous ne sommes pas perdus ! protesta Béatrice. Temporairement égarés serait plus adéquat... c'est que les plans dans ma mémoire ne sont plus d'actualités, trop de choses ont changé...

Béatrice descendit de l'épaule d'Alphonse et évita de justesse une flaque d'eau dans laquelle flottaient des plumes noires et iridescentes. Des nuages rougeoyants s'y reflétaient, informes et las. En levant la tête, Alphonse fut surpris de voir une colonie de corbeaux perchée sur un fil entre les immeubles qui devait servir à étendre le linge. L'odeur de fiente lui monta soudainement dans les narines et il se mit debout.

— Pourquoi on ne prendrait pas un peu de hauteur ? On aurait peut-être un meilleur visuel sur notre route ?

— Je le déconseille fortement, dit Béatrice. Beaucoup de ces bâtiments sont de véritables coupe-gorges, on risquerait de ne plus pouvoir en ressortir. En ce qui me concerne, j'aurais bien fait un peu d'escalade, mais les volatiles alentour ne m'ont pas quittée des yeux et je serais une proie facile.

— Alors, on fait quoi ? On va pas continuer à errer comme ça ? La nuit va bientôt tomber, il faut qu'on trouve un refuge ou un truc du genre... le coin n'a pas l'air sûr...

— Il y a un grand marché dans le secteur, grésilla Béatrice, si on le trouve, on pourra peut-être glaner des informations sans trop nous compromettre...

Ils quittèrent la ruelle sous les croassements des corbeaux qui semblaient se moquer d'eux. À présent qu'il les avait vus, Alphonse remarqua d'autres oiseaux, d'espèces bien différentes, sur les toits et les corniches. Tantôt petits et rabougris, tantôt longs et hémisphériques, ils déployaient des plumages bruns et sombres, arborant des becs aux morphologies inédites auxquels les habitants ne portaient aucune attention. Silencieux, ils participaient au climat lugubre des rues et à la saleté environnante à n'en pas douter.

— Tous ces oiseaux étranges, demanda Alphonse, c'est Muninn qui les envoie ?

— Non, répondit Béatrice, la plupart naissent au sein même de Løkkeheim et leur aspect provient des différents croisements qu'ils ont subis les uns avec les autres. Cela fait des générations que ces oiseaux sont là, c'est l'activité de la population qui leur permet de survivre et de se multiplier. Et puis, bien que nuisibles, c'est une source de nourriture pour beaucoup d'habitants.

Au coin d'une rue, ils entendirent des cris et du remous : le marché dont parlait Béatrice se présenta enfin à eux. Des halles s'étalaient sous un toit en ardoise, ornées de guirlandes lumineuses, occupées par des marchands aux masques colorés et fluorescents cherchant à attirer le regard des passants. De la camelote était exposée et l'on négociait fort dans la soirée qui commençait. On vendait de tout : épices mystérieuses, légumes biscornus, volatiles déplumés et encore en vie...

Ils défilèrent près des stands extérieurs, harangués par les vendeurs qui vantaient la qualité des fibres de leurs tapis, la pureté de leurs bouquets de fleurs cotonneuses, ou la rareté des champignons psychédéliques qui pourrissaient au fond de cagettes. Les passants payaient avec des billes colorées semblables à celles qu'Alphonse avait reçues lorsqu'il coupait du bois à Sorgheim et il se désespéra d'avoir les poches vides. La faim se faisait plus présente que jamais et un stand de tourtes embaumait le marché, tandis qu'un boulanger accrochait sur des bâtons des petits pains en forme d'anneaux encore fumants.

Freyja aussi avait l'air affamé, et Alphonse la poussait gentiment de l'épaule pour qu'elle ne s'attarde pas trop derrière les comptoirs. Ils devaient d'abord obtenir des informations sur la route à prendre, ils penseraient à leurs ventres après.

Ullr ! Ullr ! appela un homme lorsqu'ils tournèrent à l'angle du marché.

Avec surprise, Alphonse réalisa qu'il s'adressait à lui.

— Il vous nomme ainsi en référence à votre fusil, chuchota Béatrice, c'est un signe de respect. Allons le voir, mais restons prudents.

Le marchand qui l'avait abordé vendait du bois, et il portait un masque de la même matière, sculpté et soigneusement lustré.

Ullr, un homme tel que vous ne peut passer à côté d'un bois d'une essence aussi précieuse, déclara-t-il sur le ton de la confidence. Regardez comme il est frais, les nervures sont là pour le prouver.

— Qui est votre fournisseur ? demanda Béatrice.

Les yeux du vendeur s'écarquillèrent derrière le masque lorsqu'il entendit la voix provenant de la boule de poil, mais il se ressaisit aussitôt.

— Nous sommes livrés du centre, c'est le dernier arrivage, je vous l'assure. Et nous ne prenons que des rondins complets pour pouvoir les transformer nous-mêmes en ces planches magnifiques que vous avez sous les yeux...

— Mon maître est à la recherche d'un homme tel que vous, coupa Béatrice, qui puisse lui livrer une grande quantité de bois de manière discrète et rapide. Pensez-vous en être capable ?

— Mais, bien sûr, répondit l'homme. Où désirez-vous être livrés ?

— Il me faut un plan, je dois m'assurer que votre itinéraire de livraison est le plus rapide.

— C'est que... je n'ai pas de plan...

— Comment ? Et vous dites être le meilleur de la périphérie ? Laissez-moi rire... enfin, nous avons perdu assez de temps, conclut Béatrice. Mon maître a des choses plus importantes à faire que de traiter avec des amateurs...

— Un instant ! haleta le marchand. J'arrive !

Il abandonna son stand à la hâte, se précipitant derrière des tentures en renversant des planches de bois au passage. Alphonse était impressionné par la manœuvre de leur guide et il s'en voulut d'avoir douté de ses talents.

Le marchand revint à bout de souffle et Béatrice ne lui laissa pas le temps de reprendre sa respiration. Elle sauta sur le comptoir, analysa la carte qui semblait avoir été arrachée d'un plus grand ouvrage, et commença à mitrailler l'homme de dizaines de questions. Les heures de livraison, l'attelage qui s'occupait de la course, les prix qu'ils pouvaient pratiquer en fonction de la quantité commandée... Elle désigna plusieurs points sur la carte, amenant le vendeur à dessiner un itinéraire qui serait assez sûr pour la cargaison précieuse que le « maître » convoitait.

Lorsqu'elle eut obtenu tout ce qu'elle voulait, Béatrice remonta d'un bond sur l'épaule d'Alphonse et déclara face au marchand épuisé :

— Très bien. Nous gardons toutes les informations que vous nous avez données. Nous vous contacterons dès que nous aurons pris notre décision.

L'homme s'inclina, répétant encore une fois le mot « Ullr », et Alphonse s'éloigna, la mine impassible et la démarche lente.

Il attendit d'être complètement hors de vue pour éclater de rire et complimenter Béatrice. Freyja tapota avec gratitude le haut de la petite boule de poils qui se mit à émettre une vibration de contentement.

— Tes talents d'oratrice iraient-ils jusqu'à nous trouver un repas gratuit ? demanda Alphonse, hilare. Ce serait bien que l'on mange avant de reprendre la route.

L'estomac de Freyja valida l'idée par un gargouillis et Béatrice se dressa sur ses doigts pour repérer une nouvelle proie à extorquer. Ils passèrent de stand en stand, une odeur alléchante après l'autre, aliments frits et craquants, totalement inconnus, mais appétissants. Ils devaient faire attention à ne pas être reconnus par le marchand de bois, alors, ils demeurèrent de l'autre côté du marché. Béatrice tenta plusieurs manœuvres, cependant, la faim se lisait dans leurs yeux, et ils ne parvinrent à duper personne. Lorsqu'ils essuyèrent leur dernier refus, Alphonse dut accepter l'idée de supporter son ventre vide encore un bout de temps.

C'est alors que Freyja lui mit un coup de coude dans les côtes et lui fit un clin d'œil complice. Intrigué, Alphonse la vit sortir deux pains en forme d'anneaux qu'elle avait dissimulés dans un pan de sa tunique. Il n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche que quelqu'un cria derrière eux :

— Au voleur !

Ils étaient encore dans une partie très fréquentée du marché et ils se mirent à courir, bousculant masques tordus et rapiécés qui leur barraient la route. Ils passèrent sous les arcades, se faufilant derrière les stands de marchands indignés, cependant, leurs poursuivants ne se laissaient pas distancer et Alphonse n'osait pas se retourner pour voir leur nombre. Émergeant des halles, ils repérèrent une rue adjacente qui leur permettrait de s'extirper de ce bourbier. Ils s'élancèrent vers la sortie du marché lorsque Freyja disparut soudainement du champ de vision d'Alphonse. Un garde en armure de chevalier la tenait fermement par le poignet. En tournant la tête, Alphonse ne vit pas le pied de l'homme qui se glissait sournoisement sur sa course, l'envoyant s'étaler dans la boue.

Des mains se jetèrent sur lui, l'empêchant de se relever et lui tordant les bras dans le dos. Béatrice fut happée dans le chaos, et Alphonse sentit qu'on lui arrachait son fusil. Le masque d'Hannya dégoulinant de boue, on le traîna jusqu'au chevalier sous les huées de la foule excitée par le spectacle.

— Qui ose perturber le calme et la prospérité de la Reine ? scanda l'homme en armure.

Le chevalier ne bougeait pas d'un centimètre alors que Freyja se débattait de toutes ses forces pour lui échapper. Le casque impressionnant avait tourné sa visière vers Alphonse et ils attendaient visiblement une réponse. Les pains en anneau gisaient dans une flaque et Alphonse se demanda comment leur situation avait pu empirer aussi vite. Pourquoi diable Freyja avait-elle fait cela ?

— Je ne le répèterai pas, annonça le chevalier en mettant sa main sur la poignée de son épée.

Béatrice était enfermée dans un seau que tenait un paysan aux doigts sales, et une femme aux cheveux gras caressait son fusil comme un trophée. Derrière eux, des oiseaux gris aux longs corps anguleux s'étaient posés sur un balcon, et Alphonse les regarda quelques instants, cherchant dans leurs yeux vitreux une réponse à donner à l'homme en armure. Il valait certainement mieux passer pour un voleur de pain que pour un fugitif de Sorgheim, mais si on l'amenait à ôter son masque, ne risquait-il pas d'être reconnu ? Qu'arriverait-il à un fugitif de Sorgheim qui volait du pain ?

— Fort bien ! Puisque vous n'avez rien à dire pour votre défense, au nom de la Reine, je vous condam...

Une détonation résonna en écho sur les façades du marché, amenant la foule à se baisser d'un seul geste.

Deus ex machina ! déclama une voix forte derrière Alphonse dans un gloussement.

Un long manteau en cuir couvrait la silhouette grande et filiforme d'un homme aux cheveux tirés en arrière. Arborant un masque en terre cuite aux traits énigmatiques d'un mouton, il tenait un fusil encore fumant vers le ciel.

— Le maigrichon, la blonde, et le truc avec des poils sont avec moi ! annonça-t-il. Ce sont de nouvelles recrues pour la Reine ! Enfin, ne voyez-vous pas que le garçon est un chasseur ?

Le chevalier était resté de marbre face à l'entrée fracassante de l'homme. Il garda le silence quelques secondes, la foule retenant son souffle en attendant sa réponse.

— Ce sont des voleurs, finit par déclarer le chevalier avec fermeté.

— Des voleurs ? hoqueta l'homme dans un geste théâtral. On vous a entrainé à voir le mal partout, Sir ! Non, mes amis ici présents n'ont simplement pas eu le temps de payer, voilà tout.

Et il lança un sac en toile rempli de billes qui brillaient à travers le tissu fin, se reflétant dans les yeux des spectateurs qui semblaient prêts à se jeter dessus.

— Je crois que cela couvrira amplement le prix de ces pains. Et mettez-nous en trois de plus, mon brave ! Applaudissez, Mesdames et Messieurs, notre garde royale qui fait formidablement bien son travail !

De rares personnes s'exécutèrent tandis que le marchand ramassa le sac de billes et leur apporta les pains demandés. Le chevalier demeura là où il était, impassible.

— Puisque toute cette affaire est réglée, continua l'homme, je vous prie de relâcher mes amis en les décrassant un peu... et rendez-lui son arme, chère Madame.

On colla un vieux tissu sur le masque d'Alphonse pour essuyer la saleté, et on lui rendit son fusil. Béatrice fut libérée et elle sauta sur l'épaule d'Alphonse sans dire un mot. Cependant, le chevalier tenait toujours Freyja.

— Ils ont perturbé l'ordre de la cité, grinça celui-ci.

— L'ordre ? pouffa l'homme au fusil.

Il s'approcha du chevalier, jusqu'à être à quelques centimètres de son casque et chuchota :

— Si vous croyez que cette cité est en ordre, vous servez la mauvaise monarque, j'en ai peur : Løkkeheim n'est que le fruit d'une graine que l'on n'aurait jamais dû laisser pousser, une graine ne renfermant que du bruit et de la douleur, une graine qui a permis à Ugle Traumer d'éclore avec pour seul terreau le chaos.

— Blasphème ! Comment osez-vous ? s'insurgea le chevalier en empoignant son épée.

Rapide comme l'éclair, l'homme avait niché le canon de son fusil à la jointure du casque et de l'armure du chevalier.

— Vous tenez l'amour dans une main, et la mort dans l'autre, Sir. C'est bien trop de pouvoir pour vous seul... Je pourrais d'un simple geste du doigt vous en délivrer, qu'en dites-vous ?

— Qu'à cela ne tienne, répliqua le chevalier, je mourrai gaiement pour ma Reine, et cela permettra peut-être à la Cour de voir ce qu'est réellement votre compagnie de chasseurs. Allez tous en enfer !

— C'est précisément ce qui vous sépare, vous et moi. Et puisque votre vie ne vous importe pas, que direz-vous de votre réputation ?

L'homme au fusil sortit de son manteau une longue feuille verte.

— Un garde royal toxicomane ? susurra-t-il. La Cour adore ce genre d'histoire... voici donc l'explication de votre présence ici, aussi loin du centre : une feuille de baobab ? Je ne vous aurai jamais cru ainsi, Sir.

— Parjure ! s'exclama le chevalier. Mensonge !

— Je suis certain que ces rumeurs sont infondées, ironisa l'homme, mais il faudra en convaincre la Reine lorsque je lui en aurai parlé, et demandez-vous bien, Sir, qui de vous ou moi, elle croira...

Alphonse pensa que le chevalier allait exploser sous son armure tant le métal s'était mis à trembler. Cependant, il capitula, rejetant le poignet de Freyja avec violence.

— Vous le regretterez ! menaça-t-il.

L'homme au fusil lui répondit par un ricanement et fit signe à Alphonse et aux autres de le suivre tandis qu'il repartait par là où il était venu. S'assurant que Freyja n'avait rien, Alphonse se pressa, alors que le chevalier les fixait toujours au milieu du marché qui avait repris son cours. 

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