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Chapitre 20 : Le Veilleur


C'était la première fois qu'Alphonse voyait un baobab en dehors des contes ou des documentaires qui passaient à la télévision, et il se demandait si tous étaient aussi gigantesques que celui vers lequel ils se dirigeaient. D'après Béatrice, l'entrée de Løkkeheim se trouvait un peu plus loin derrière, mais son tronc énorme, semblable au pied d'un éléphant géant, la dissimulait complètement. Et Alphonse avait la curieuse impression que l'arbre était planté à l'envers, comme si un colosse l'avait retourné, les racines à l'air, pour quelques obscures raisons.

Aucun arbre si ce n'était de jeunes pousses aux bourgeons timides. La muraille ivoire marquait leur horizon et le bleu du ciel tranchait sur ses reliefs irréguliers. Étonnamment, ils n'étaient pas seuls sur le plateau, des moutons broutaient en liberté, s'agglutinant parfois en gros flocons de laines chaotiques.

Depuis combien de temps n'avaient-ils pas été tondus ? Y avait-il un berger pour s'en occuper ? Si c'était le cas, représentait-il une menace ? Et surtout, l'attendait-on à Løkkeheim ? Après tout, il était un fugitif, alors était-il vraiment prudent de passer par l'entrée principale ? Lorsqu'il fit part à Béatrice de ses inquiétudes, elle se contenta d'émettre une vibration polissonne.

Alphonse se sentait de plus en plus mal à l'aise au fur et à mesure qu'ils avançaient et que la muraille prenait de la hauteur. Il avait mal estimé les distances et la marche interminable à laquelle ils étaient contraints sous le soleil montant, éclipsait peu à peu l'excitation qui l'avait saisi plus tôt. Anxieux, il se raccrocha au manche de son fusil et vérifia que la carte-mère de Gullintani était toujours dans sa poche. Le masque d'Hannya lui protégeait la nuque des rayons de soleil, mais pas le reste de son corps qui chauffait sous la tunique grise.

Freyja aussi souffrait. L'échine courbée, les yeux plissés, elle utilisait son masque de chat comme une petite ombrelle pour cacher sa peau claire. Parfois, elle mettait les mains devant elle comme si elle allait tomber et se reprenait immédiatement, sans laisser l'occasion à Alphonse de l'aider.

Seule Béatrice appréciait l'intensité de la lumière, elle trottinait dans l'herbe avec une gaieté presque énervante. Un mince panneau solaire ressortait de son poignet coupé et Alphonse comprit que la main robotique en profitait pour se recharger.

Une construction aux angles pointus et aux teintes imitant celles de la muraille prenait peu à peu forme à la base du grand baobab. Alphonse l'avait repérée de loin, cependant, ce n'est qu'en s'approchant qu'il réalisa avec horreur de quoi il s'agissait.

Un crâne d'oiseau, aussi impressionnant que celui de la créature qui les avait poursuivis dans la forêt — si ce n'était plus — leur faisait face. Enfoncé dans l'écorce du baobab, on aurait dit que l'effrayant volatile avait cherché à creuser le tronc, le perforant de part en part, jusqu'à avoir la tête bloquée de l'autre côté. Car il était bien mort, cet oiseau-là. Aucun lambeau de chair ou de plume ne demeurait, et un immobilisme éternel témoignait de la fin tragique qu'avait dû connaitre l'immense corvidé sous la chaleur cuisante.

Le bec formait un chapiteau obscur qui menait aux profondeurs du baobab.

— Qu'est-ce que c'est que ce truc ? interrogea Alphonse.

— C'est Huginn, répondit Béatrice. Nous devons le traverser pour accéder à Løkkeheim.

— Parce que l'entrée se trouve dans l'arbre ?

— Non.

— Alors, pourquoi ne pas simplement le contourner ?

— Vous pouvez toujours essayer.

Suspicieux, Alphonse hésita un instant, mais comme ils se trouvaient à bonne distance de l'arbre, il continua sur le côté en s'accroupissant derrière des moutons pour repérer l'entrée de Løkkeheim au niveau de la muraille. Il y avait bien une centaine de mètres entre le baobab et l'ivoire massif — sur lequel on devinait des symboles sculptés que le temps avait en grande partie effacés — mais pas la moindre trace d'une ouverture.

— Tu es sûre que c'est ici ?

— Oui.

— Il y a peut-être une autre entrée ? suggéra Alphonse. Le train de Sorgheim doit bien passer ailleurs puisqu'il n'y a ni rail ni gare dans le coin.

— Le train passe en sous-terrain dans la roche et un diaphragme, semblable à celui que vous avez dû franchir pour sortir de la prison, bloque le passage.

Le corbeau mort ouvrait ses orbites vides et sombres vers le ciel, comme pour chercher une aide qui aurait trop tardé à arriver. Alphonse consulta Freyja du regard. Tout comme lui, elle observait le crâne qui traversait le baobab sans pouvoir se décider. Les jambes flageolantes, elle avait l'air aussi assoiffée qu'Alphonse, et aucun autre refuge n'était visible dans les environs pour se protéger du soleil qui frappait, à part le bec obscur de l'oiseau mort.

— Tu peux aller en reconnaissance ? proposa Alphonse à Béatrice.

La petite main se raidit.

— Je regrette, ma programmation m'interdit de faire ce genre de chose.

À contrecœur, Alphonse se décida, ouvrant la marche, son fusil en main. La lumière intense ne leur permettait pas de voir ce qui se cachait dans l'antre, alors, ils pénétrèrent à l'aveugle, le plus silencieusement possible.

Une fois à l'intérieur, ils demeurèrent immobiles, le temps que leurs yeux s'habituent à la pénombre, avec pour seul repère visuel les deux demi-cercles lumineux que les orbites traçaient au sol. Béatrice s'était éloignée, et Alphonse pointait son fusil devant lui comme pour avertir toute créature malintentionnée qu'il était prêt à tirer.

et Alphonse faillit faire feu avant de reconnaître la silhouette passive d'un mouton. À mesure que sa vision s'améliorait, il en distingua d'autres dans les coins de la caverne qui se reposaient en groupe. Au centre, il y avait un point d'eau bordé d'épaisses pierres taillées, et des moutons s'abreuvaient religieusement dans le silence des lieux.

Ils cherchèrent un ennemi, une menace, mais l'endroit était vide. Béatrice leur fit signe qu'elle n'avait repéré personne d'autre et ils se jetèrent sur la fontaine, buvant à grosses gorgées l'eau dont quelques rayons de soleil révélaient la limpidité.

Puis, ils se laissèrent tomber dans la poussière.

Freyja semblait avoir oublié son oncle tant la fatigue était grande et le calme des lieux apaisant. Pourtant, ils étaient aux portes de Løkkeheim s'ils en croyaient Béatrice. De l'autre côté, le crâne avait été fracturé et un passage au niveau du sol permettait de ressortir de ce sanctuaire ésotérique.

Un mouton vint se lover contre Freyja et elle passa ses mains dans la frange laineuse. Béatrice avait rétracté son index et éclairait les recoins sombres de la coupole. Au plafond, ils repérèrent une écriture, visible malgré la mousse, qui la masquait partiellement.

Béatrice lut à voix haute :


« Huginn et Muninn

Volent chaque jour

Au-dessus du sol immense ;

Je m'inquiète que Huginn

Ne revienne pas,

Pourtant c'est pour Muninn que je suis le plus anxieux. »


Freyja aussi paraissait vouloir lire les mots à voix haute, ses lèvres remuant en silence, le mouton à ses côtés à présent complètement endormi. Elle était magnifique dans ce clair-obscur et l'odeur fruitée de sa peau les enveloppait dans une douceur enivrante. Alphonse serait bien resté dans ce lieu, mais il avait une tâche à accomplir, et il ne se reposerait que lorsqu'il serait parvenu à ses fins.

— Qu'est-ce que tout cela signifie ? demanda Alphonse en se levant.

— Huginn était le frère de Muninn, expliqua Béatrice. Il est mort depuis des temps immémoriaux et l'on dit que c'est grâce à ses restes que l'on a bâti Løkkeheim. Si vous voulez mon avis, c'est un peu exagéré. Cependant Muninn vit toujours, et il envoie des oiseaux à son frère, attendant une réponse qui ne viendra jamais. Ses pensées se sont éteintes en même temps que Huginn et seule lui reste la mémoire de ce qu'était sa vie.

— Et personne ne lui a dit que son frère était mort ?

— Vous pouvez redescendre dans les bois et voir s'il vous écoute, railla Béatrice en se dandinant bizarrement sur le rebord de la fontaine.

— T'es quoi au juste, un robot ? questionna Alphonse.

— Je préfère le terme d'intelligence artificielle, si cela ne vous fait rien. Je suis la neuvième création de ma maîtresse et je fais partie des prototypes trop « humains » pour travailler comme mes semblables. Alors, ma maîtresse me confie d'autres tâches, où l'imprévisible prend plus de place et où mes imperfections se révèlent une force, expliqua-t-elle avec fierté.

— Je trouve tes imperfections plutôt agaçantes, si tu veux mon avis, rétorqua Alphonse.

— Et moi, je vous trouve fort peu reconnaissant pour... oh ! Où allez-vous ?

Alphonse s'était dirigé vers la partie fracturée du crâne. De la lumière en émanait, mais il fallait se coucher au sol pour pouvoir entrevoir ce qu'il y avait derrière. À plat ventre, il plissa les yeux pour découvrir un spectacle impressionnant.

La muraille ivoire était là. À une centaine de mètres, une arcade immense, décorée de runes et de symboles, s'ouvrait sur une ville grouillante de monde et dans laquelle se dressaient des bâtiments en bois dans des configurations complexes.

Freyja l'avait rejoint et ils se glissèrent à deux dans le passage, émergeant sous la lumière aveuglante et assommante du soleil à son zénith. À peine s'étaient-ils relevés qu'un chant grave et mélodieux s'éleva au-dessus de leurs têtes :


« Au temps où Dieu créa toutes choses

Il créa le soleil

Et le soleil naît, meurt et revient

Il créa la lune

Et la lune naît, meurt et revient

Il créa les étoiles

Et les étoiles naissent, meurent et reviennent

Il créa l'homme

Et l'homme naît, meurt et ne revient plus. »


Un vieux caméléon à la silhouette humaine était assis en hauteur sur la partie arrière du crâne qui ressortait de l'arbre. Malgré la chaleur, il portait sur ses épaules une grosse laine recouvrant des habits colorés. Fumant une longue pipe aux volutes bleutées, il fixait d'un œil globuleux l'agitation de la ville, et de l'autre, les nouveaux arrivants sans jamais sourciller.

— Si c'est pour me tuer que vous êtes venus, sachez que vous perdez votre temps, je suis aussi immortel que l'arbre sur lequel je me tiens !

— Nous ne vous voulons aucun mal, se justifia Alphonse, les mains en évidence.

— Alors, que faites-vous avec cette arme ? répliqua le caméléon en désignant le fusil de sa pipe. Ne seriez-vous pas un chasseur ?

Alphonse et Freyja échangèrent un regard incrédule. S'il prétendait être un chasseur comme le caméléon le supposait, serait-ce une bonne chose ? Ne risquait-il pas de s'embarquer dans plus d'ennuis s'il acceptait ce titre qu'il ne comprenait pas ? Mais comment justifier autrement son fusil ? C'est alors qu'une boule de poils multicolore émergea de l'ouverture par laquelle ils s'étaient faufilés.

— Ne lui répondez pas, ce lézard n'a aucune importance !

La voix de Béatrice était sortie de la petite créature et, en la regardant bien, Alphonse se rendit compte que des fils blancs, rouges et verts avaient poussé sur la main pour la recouvrir d'un pelage étrange. Que signifiait cette transformation ? Et que devait-il penser de sa réaction ? Car le caméléon avait changé de couleur au mot « lézard », la fumée bleue devenant écarlate.

— Comment osez-vous ? éructa-t-il. Je suis le Veilleur ! Lumpfana, le premier caméléon ! L'être le plus important de cette Cité ! Sur moi repose l'existence même de Løkkeheim ! Car elle pourrait cesser d'être si je la perdais de vue ne serait-ce qu'une seconde !

— Nous ne cherchons pas les problèmes, tenta d'apaiser Alphonse en se mettant devant Béatrice et en la repoussant du pied. Nous n'avions pas saisi votre importance, Monsieur Lounfana...

— Lumpfana ! corrigea le caméléon.

Il avait répondu d'un ton sec, mais il avait arrêté de changer de couleur. Béatrice avait beau être leur guide, elle était en train de leur attirer inutilement des ennuis, et le caméléon semblait sensible à la flagornerie, alors Alphonse poursuivit :

— Veuillez excuser notre ignorance, nous sommes des étrangers. Nous désirons uniquement nous rendre à Løkkeheim ... mais, si je puis me permettre, comment un être peut-il avoir la force de maintenir une Cité en place à lui tout seul ?

Le caméléon tira sur sa pipe et se rassit avec prestance, son œil droit toujours braqué sur l'entrée de Løkkeheim tandis que le gauche se baladait nonchalamment.

— Votre bestiole est extrêmement mal élevée, articula-t-il, cependant, le Grand Lumpfana sait faire preuve de clémence. Et il reconnait des personnes de qualité lorsqu'il en voit. Le Très-Haut m'a doté d'une vision capable d'observer à la fois la Cité et les environs, alors, je ne dois jamais baisser ma surveillance, sans quoi, Løkkeheim pourrait disparaitre à jamais.

— Disparaitre à jamais ? répéta Alphonse, sceptique.

— À jamais, confirma Lumpfana. Tenez, pas plus tard qu'hier soir, la Cité s'est complètement évaporée ! Pendant quelques instants, il n'y avait plus que de l'herbe et des moutons sur ce plateau.

— Et qu'avez-vous fait ? questionna Alphonse intrigué.

— J'ai prié. Et j'ai chanté aussi. Vous n'avez pas idée à quel point ce vide peut être effrayant. J'en ai encore des frissons. Mais il arrivera un jour où ma surveillance, mes prières et mes chants ne suffiront plus... je le sais de source sûre.

Le caméléon cracha un filet de fumée épais, son œil libre fixant le ciel d'un air pensif.

— À présent, nous allons vous laisser, hasarda Alphonse en faisant un pas en arrière.

— Ne vous fiez pas au présent, mon jeune ami, gardez toujours votre futur en tête et ne cessez de répéter les mots passés, il n'y a que comme cela que notre noble Cité perdurera encore, des décennies à venir.

— C'est entendu, merci du conseil, répondit Alphonse en continuant de reculer.

Il tourna sur lui-même, et fut imité par Freyja tandis que Béatrice demeurait immobile dans l'herbe sèche, comme pour défier le vieux caméléon.

— Allons, appela Alphonse.

— Faites attention à votre créature, lança Lumpfana, qu'elle ne dérange pas l'ordre de notre belle Cité.

Béatrice se décida enfin à les suivre, et Alphonse la fit grimper sur son épaule pour s'assurer qu'elle ne reste pas en arrière.

— Qu'est-ce qui t'a pris ? chuchota-t-il tandis qu'ils s'éloignaient.

— Si l'ego devait avoir un visage, il prendrait celui de ce satané lézard ; à se croire vital, alors qu'il n'est rien ; à se penser immortel, alors qu'il est coincé sur un arbre ; et faites-moi le plaisir de vous sortir ses conseils de la tête !

— Mais, son pouvoir est réel ?

— Il n'est réel que si on l'écoute...

— Qui pourrait l'écouter ? Il n'y a personne ici.

— Personne à part vous, répliqua Béatrice.

Ils étaient arrivés au niveau de la grande arcade et, de là où ils se trouvaient, ils pouvaient voir la rue principale bordée de bâtiments et d'échoppes en bois imbriqués les uns dans les autres. Des vendeurs criaient pour attirer la foule qui défilait à toute allure dans des habits étranges et complexes. Une perpétuelle agitation bouillonnait derrière la muraille et pourtant, aucun passant ne faisait attention à eux au-dehors.

— À défaut d'un visage, ma maîtresse m'a confectionné une tenue pour ne pas que son aide soit reconnue au sein de la Cité. Maintenant, mettez votre masque.

Béatrice s'était adressée à Alphonse, car Freyja portait déjà le sien, et des mèches blondes le recouvraient en partie.

— La fille est au courant des coutumes de Løkkeheim, en ce qui vous concerne, vous ignorez tout. Gardez-le tant que je ne vous dirai pas de l'enlever et faites-vous discret.

— Ce n'est pas moi qui ai défié le caméléon mégalomane, répliqua Alphonse.

La main robotique se contenta de le fixer sous sa fourrure, attendant qu'il s'exécute. Irrité, Alphonse enfila le masque d'Hannya et pénétra dans la Cité, plongeant dans le chaos de Løkkeheim, sans se rendre compte de la barrière invisible qui se refermait derrière eux. 

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