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Chapitre 19 : Munnin


Lorsqu'il posa un pied hors du grand tableau, Alphonse prit conscience du silence qui régnait à présent dans le hall d'entrée de la maison Tullete. Un calme inhabituel l'habitait et il avait la curieuse impression d'être débarrassé d'un problème dont il ne parvenait plus à se rappeler la nature. Il aimait la confiance que ce sentiment lui procurait, car désormais, il savait ce qu'il devait faire.

Béatrice l'attendait sur la console près de la sortie et Alphonse dissimula habilement la carte-mère qu'était redevenue l'épée de Gullintani. Les coupures qui parsemaient la peau claire de la main robotique avaient été recousues et les phalanges manquantes remplacées par d'autres d'une teinte plus mate. Le haut-parleur qui servait autrefois de cordes vocales à Gullintani était à présent encastré dans le dos de la main.

— Bon retour ! grésilla-t-elle.

La Mille-mains émergea à son tour du cadre, tenant à peine sur ses jambes et s'appuyant contre le mur pour ne pas tomber.

— Un passage dans l'Iheim épuise les êtres qui se transforment, expliqua-t-elle tandis que le tableau d'Ólafur reprenait ses couleurs immobiles derrière elle. Béatrice a mis à votre disposition des vêtements propres.

Tandis que la vieille femme se tournait par pudeur, Alphonse se débarrassa de ses oripeaux orange de prisonnier et enfila avec délice une tunique et un pantalon gris cendré. Des chaussures confortables l'attendaient aussi et il récupéra le masque d'Hannya qu'il fit coulisser derrière sa nuque pour avoir les mains libres. Enfin, il y avait le fusil qu'il avait trouvé dans le train, et que l'on avait posé près de la console.

— Cette arme vous sera utile dans votre quête, mais pas de la façon dont vous le pensez.

Elle lui ouvrit la porte donnant sur la nuit.

— Une dernière chose, le Peiskos... ne le sacrifiez pas.

Alphonse s'immobilisa devant les yeux perçants de la vieille femme.

— Je n'en avais pas l'intention. Merci pour votre aide.

Et il sortit, Béatrice à sa suite, alors que la porte se fermait sans le moindre bruit.

Non loin, un feu crépitait. Deux personnes étaient assises autour, vêtues des mêmes habits cendrés qu'Alphonse.

Freyja le remarqua en premier, sa longue chevelure blonde resplendissant auprès des flammes rougeoyantes. Zyvar se leva lorsqu'il le vit et l'accueillit en poussant un cri de joie :

— Enfin ! Alors, qu'est-ce qu'elle t'a dit ? Tu sais comment tuer la Reine ?

Alphonse n'osa rien répondre au chauve. Il devait prendre une décision. Continuer avec cet allié précieux, mais dangereux ou affronter seul l'inconnu ?

— Elle t'a coupé la langue ?

— On doit changer de méthode, finit par lâcher Alphonse. On ne peut pas rentrer dans tout ce qui nous barre le chemin...

— Bien sûr qu'on peut ! Et j'espère qu'on va pas se traîner un boulet, dit-il en désignant Freyja, on a assez perdu de temps comme ça.

— Tu disais qu'on la ramènerait chez son oncle ?

— Laisse-la à la sorcière, elle a bien assez de mains qui pourront la ramener. On a plus important à faire.

— La fin ne justifie pas tous les moyens, répliqua Alphonse.

— Évidemment qu'ils le justifient !

Alphonse observa Zyvar en silence. Il regardait cet être famélique et, pour la première fois, le considéra avec pitié. Cela n'avait jamais été Alphonse qui avait eu besoin de lui, mais le contraire. Et il savait désormais qu'il n'était pas digne de confiance.

— Je te remercie pour tout ce que tu as fait, mais c'est ici que nos chemins se séparent. Pars, je ne veux plus avoir affaire à toi.

Zyvar recula comme si Alphonse venait de lui tirer dessus avec son fusil.

— Tu me lâches pour une jolie blonde, c'est ça ?

— Nous n'avons plus rien à nous dire, trancha Alphonse avec calme.

Serrant le poing, Zyvar cracha au sol.

— Sans moi, jamais tu n'en serais arrivé là !

— La réciproque est également vraie, répliqua Alphonse. À présent, pars, et que je ne te revois plus.

— Parce que tu crois pouvoir tuer la Reine, seul ? Toi ? Ne sois pas ridicule...

Une déflagration explosa dans la forêt. Alphonse venait de tirer sur le tronc à proximité du chauve, le laissant sans voix.

— Ne me fais pas répéter, grinça Alphonse.

Zyvar poussa un cri de colère et ramassa le sac en toile qu'ils avaient ramené de Sorgheim. Il y fourra une sorte de casque métallique qui ressemblait à une grosse boîte de conserve et s'en alla en lançant à Alphonse un dernier regard assassin.

— C'était ce que je crois ? interrogea Alphonse lorsque le chauve eut complètement disparu dans les fourrées.

— Oui, répondit Béatrice, il a souhaité garder le crâne de Gullintani pour l'utiliser comme masque à Løkkeheim... comme si cela pouvait lui donner plus de crédit... ou de raison.

Une bouffée de tristesse s'empara d'Alphonse. Il aimait bien Zyvar, mais pour avancer, il fallait parfois faire des choix difficiles. Il enfila son fusil sur son épaule et leva les mains au-dessus de la tête, souriant du mieux qu'il pouvait pour rassurer Freyja réfugiée derrière un tronc après le coup de feu qu'il avait tiré.

— Tout va bien, je ne te veux pas de mal. Je m'excuse de t'avoir mêlée à tout ça.

Deux yeux bleus émergèrent de l'ombre, pleins de crainte, mais aussi de curiosité.

— Je peux te ramener chez ton oncle si tu le souhaites, je me rends à Løkkeheim, c'est là qu'il est, n'est-ce pas ?

Freyja sortit de sa cachette et hocha la tête.

— Alors, tu es véritablement incapable de parler ?

Un nouveau hochement de tête. Cependant, cette fois-ci il fut accompagné de mouvements gracieux, communication muette qu'Alphonse ne parvint pas à décoder. Freyja désigna la forêt derrière elle et recommença le même rituel sans qu'Alphonse ne réussisse à mieux la comprendre.

— Je peux vous aider à communiquer, si vous le souhaitez. Mon processeur est capable d'analyser les ondes cérébrales si je me trouve assez près.

Béatrice s'adressait à Freyja et, tout en disant cela, elle était montée sur une vieille souche près du feu de camp. La blonde ne parut pas enchantée par l'idée de laisser la main robotique s'approcher d'elle, mais elle se résigna en faisant un pas en avant.

— Je vous promets que cela ne vous fera pas mal, assura Béatrice.

Freyja se raidit lorsque la main s'agrippa à sa tunique. Celle-ci tira sur une mèche pour grimper sur son crâne, provoquant chez la blonde une grimace de douleur. La tête rentrée entre les épaules, elle semblait lutter contre une panique grandissante jusqu'à ce que la main robotique enfouisse ses doigts dans sa chevelure tout en émettant un léger ronronnement.

— Le paramétrage est opérationnel, annonça Béatrice.

Avec précaution, Freyja releva la tête comme si elle craignait de faire tomber Béatrice et recommença les mêmes gestes harmonieux, alors accompagnés d'une voix fluette et crépitante qui émergea du haut-parleur de la main.

— Mon oncle doit avoir des problèmes à cause de moi ! Nous devons nous dépêcher de rentrer !

Surpris par la voix et les inquiétudes de la jeune femme, Alphonse répliqua :

— Malheureusement, il fait déjà nuit, nous ne pourrons pas nous repérer dans la forêt.

De plus, l'idée d'avancer dans les profondeurs de l'inconnu qui les entourait ne le rassurait pas. Il était une chose d'admirer la beauté de cet abîme boisé à l'abri du feu de camp et de la maison Tullete, il en était une autre de s'y aventurer. Même armé de son fusil. Cependant, il préféra garder ses craintes pour lui.

— Je peux vous éclairer et vous guider, déclara alors Béatrice, c'est mon rôle en tant qu'Hamingja.

L'une de ses phalanges se replia sur elle-même pour révéler une petite ampoule puissante qui aveugla Alphonse. Freyja tourna la tête, et le faisceau de lumière suivit son mouvement à la manière d'une lampe frontale. Elle portait elle aussi un masque sur la nuque, et il représentait un visage de chat.

— Dans ce cas... je n'ai pas d'objection, se résolut Alphonse. On est loin ?

— Nous pouvons être à Løkkeheim au lever du soleil, répondit Béatrice.

— Alors, ne perdons pas une seconde.


***


Le chemin était laborieux et l'odeur de la sève et du bois mort se mêlait au parfum d'abricot que distillait Freyja dans son sillage.

C'était étrange, car la présence de la main robotique ne semblait plus déranger Freyja. Une curieuse complicité s'était installée et Béatrice cessa de fournir ses indications à voix haute, comme si la communication entre elles ne se faisait plus que par onde cérébrale.

Freyja ne parlait plus. Seule la voix de Béatrice sortait encore du haut-parleur pour avertir Alphonse d'un passage difficile, d'un trou dans la terre, ou de ronces à éviter. Le trajet était long ; le fusil, lourd ; la fatigue, pesante.

Ils marchèrent ainsi jusqu'à ce que le ciel s'éclaircisse. Les arbres demeuraient plongés dans leurs ombres, mais la nuit mourrait à mesure qu'ils avançaient. Alphonse se crut bientôt sorti de ce dédale de troncs et de branches épineuses lorsque Béatrice leur intima de se coucher au sol et de ne plus faire aucun bruit.

L'ordre robotique ne fut suivi d'aucune explication, mais la vibration qu'Alphonse perçut dans la voix de Béatrice le convainquit immédiatement du danger. Retenant leurs souffles, ils se recroquevillèrent les uns contre les autres dans un buisson, à l'affût d'un son qui supplanterait les bruits de la forêt.

Un sifflement lointain, qu'Alphonse avait d'abord pris pour le chant du vent, s'accentua. Un cliquetis sinistre l'accompagnait et même les arbres semblaient sensibles à la présence qui se rapprochait de leur position. Puis, ils le virent. Un oiseau à moitié mort, dénué de chair à certains endroits, déplumé à d'autres, et d'une dimension vertigineuse. Il se déplaçait trop silencieusement pour sa taille et écartait les branches de pins de son bec squelettique.

Alphonse sentit le corps de Freyja se blottir contre lui et il ne parvint pas à déterminer qui d'elle ou de lui s'était mis à trembler. Le sifflement était devenu suraigu, mais ils demeurèrent immobiles dans leur cachette, priant le ciel pour que le corvidé ne les ait pas repérés.

C'est alors que tout près d'eux, le sol remua. Quelque chose était en train de creuser la terre, émergeant comme le ferait un animal souterrain de son tunnel. Une pointe noire s'extirpa avec difficulté des profondeurs et ils assistèrent avec horreur à la sortie d'un petit corbeau qui agita ses ailes pour se débarrasser des épines et de la crasse qui l'ensevelissaient quelques secondes plus tôt.

Il les contempla un instant et poussa un croassement effroyable qui alerta l'immense créature.

— Courez ! s'exclama Béatrice, sa voix envoyant une onde de choc qui les tira de leur paralysie.

Ils se ruèrent hors du buisson, le cœur au bord des lèvres, la main dans la main, le sifflement les poursuivant comme un oiseau de proie. Ils n'osaient pas regarder en arrière, mais ils entendaient les arbres ployer sous le poids de la créature qui tentait tant bien que mal de les rattraper.

Le petit jour s'était levé et Béatrice cria :

— Nous y sommes presque !

Une pente rocailleuse se dressait devant eux et ils sentirent leur allure faiblir tandis que le sifflement se rapprochait dangereusement. Des croassements surgissaient ici et là, et des battements d'ailes prenaient naissance sur des monticules de terre qu'ils venaient de fouler. Au prix d'un effort surhumain, ils parvinrent tout en haut jusqu'à la lisière de la forêt, cependant la créature avait gagné beaucoup de terrain. Ils sortirent à l'air libre, poursuivant leur course vers le ciel rosé lorsqu'Alphonse trébucha sur une poutre métallique fixée au sol. Il s'étala sur des rails, s'écorchant les mains sur une planche en bois. Freyja avait enjambé l'obstacle, mais revint en arrière pour l'aider. La bête poussa alors un cri déchirant qui leur fit entrevoir leurs derniers instants. Cependant, il n'en fut rien. Le volatile cauchemardesque demeurait à la limite de la forêt, grattant son bec avec frustration contre un énorme tronc.

— Muninn ne peut quitter la protection de l'Inconnu, expliqua Béatrice qui était descendue par terre. Je suis désolée, j'ai fait preuve d'inattention, j'aurais dû vous prévenir... mais nous ne craignons plus rien à présent.

— Qu'est-ce que c'est que ce truc ? demanda Alphonse toujours sous le choc, observant à bout de souffle l'immense silhouette disparaitre entre les branches.

— Tout ce qui a été vu et entendu, expérimenté et appris, ressenti et éprouvé. Un être condamné à vivre dans l'Inconnu, possédant en son sein tout ce qui un jour a été connu.

— Et les machins sortis du sol ?

— Une extension de Muninn, un moyen de communication qui a bien failli nous perdre... mais il est capable de produire autre chose que des corbeaux, même si c'est la forme qui lui est la plus naturelle...

Alphonse ne l'écoutait déjà plus, il n'avait des yeux que pour Freyja. Elle avait gravi la pente et se tenait sur les hauteurs, s'épanouissant face au ciel rosé, ses longs cheveux blonds se détachant avec délicatesse dans la brise matinale. Cela ressemblait presque à un de ces tableaux qu'Alphonse voyait à l'époque dans la chambre de sa sœur et, pendant un moment, il la contempla, craignant en la rejoignant de s'éveiller d'un rêve trop beau pour être vrai.

Une nuée de corbeaux s'échappa de la forêt derrière eux, passant au-dessus de leurs têtes dans la direction que Freyja regardait. Alphonse se hâta de grimper à son niveau et poussa un cri de surprise face au spectacle qui s'offrait à eux. Au loin se dressait une muraille titanesque, dominant une vallée verdoyante de sa blancheur d'ivoire. Un baobab se tenait devant, espèce étrange dans un tel environnement. Les oiseaux ne mirent pas longtemps à y parvenir et disparurent dans un croassement derrière les sommets de la cité.  

— Løkkeheim ! annonça Béatrice.

Ils semblaient avoir atteint un plateau sur lequel la muraille s'étendait à perte de vue sous le ciel immense. Alphonse jeta un dernier œil derrière lui, il n'avait pas réalisé que toute leur route n'avait été qu'ascension et, du haut de son promontoire, il avait en visuel des hectares de forêt. Il distingua même avec étonnement la pointe grise de la Montagne qui abritait en contrebas Sorgheim et il prit conscience du chemin parcouru.

Il resserra sa prise sur son fusil, déterminé. S'il était arrivé jusqu'ici, il était capable d'en finir avec la Reine une bonne fois pour toutes. Sa balle ferait mouche, il le savait. Alors, bombant le torse, il prit la tête de la troupe en direction du grand baobab et de l'entrée de Løkkeheim.   

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