Chapitre 39
Ornélis regardait ses trois amis, déboussolée.
— Quoi ?! s'écria t-elle en se levant. Donc là, vous êtes tous les trois pour qu'on continue de laisser des vies s'écrouler sous nos yeux sans rien faire ?
— Ornélis, commença Constant en se levant à son tour. J'ai l'impression que tu idéalises beaucoup trop l'intervention de la police. Ils ne vont pas gentiment nous demander ce qu'on sait et repartir à la recherche de Christian. Tu le sais, hein ?
Les pupilles de la petite blonde scintillèrent sous l'effet des larmes qui lui montaient aux yeux. Constant lui lança un regard attendri en posant sa main sur son épaule.
— Nous sommes des criminels. N'essaye pas de te persuader du contraire, on ne peut plus faire marche arrière. C'est comme ça.
Elle renifla bruyamment et s'essuya la joue du revers de sa manche. Désespérée, elle lança un regard empli de détresse à Halse.
— Je suis d'accord avec les garçons... murmura cette dernière, à sa plus grande déception.
— Et si Christian se ramène avec une arme, là maintenant ? Si il tue l'un de nous ? On fait quoi ? s'énerva la petite blonde. Oh merde, on aura pas appelé la police ! Dommage, trop tard !
Tous les quatre étaient sous tension en cet instant. Constant pressa son poing contre le matelas, agacé.
— La police ne nous protègera pas de Christian ! Elle ne protégera pas nos vies !
Ornélis s'avança vers lui d'un air défiant, faisant se soulever sa grande veste oversize. Elle le regardait de haut, car il était assis.
— Si. Crois moi qu'un hôtel protégé par une rangée de policiers est beaucoup plus safe que notre défense actuelle. Je dis notre défense, mais nous n'avons même pas de défense. Ah si, un couteau pour quatre, on va aller loin ! cracha t-elle.
Cette phrase fut la goutte de trop pour Gaëtan, qui écoutait leur dialogue silencieusement depuis tout à l'heure, sans intervenir. Il vint se placer en face d'Ornélis et la regarda droit dans les yeux.
— Reprends toi, putain, lâcha t-il, agacé.
— Quoi ?
— Réfléchis ! Tu dis ça comme si le seul et unique but de ce mec, c'était de nous tuer. Christian se fout royalement de nos vies, ce qu'il veut c'est l'héritage du père d'Halse ! Nous tuer ne lui apportera rien si ce n'est la certitude de ne jamais toucher cet argent de sa vie, ça serait débile ! Nous sommes la clé de son équation !
— C'est une supposition ! riposta t-elle d'une voix forte. Tu reposes tout ton raisonnement sur des suppositions, mais rien ne t'assures qu'il ne nous tuera pas, rien ne t'assure de ce qu'il se passe dans son cerveau ! Il est fou et imprévisible, tu vas le comprendre quand, ça ?
Hors d'elle, des gestes saccadés avaient accompagné son flux de paroles. Son bras s'était par réflexe levé en l'air, et juste avant qu'il ne retombe le long de son corps, son poignet fut fermement maintenu en hauteur par la grande main de Gaëtan.
— Arrête de crier. Réfléchis, fit t-il dans un souffle.
Ils s'engagèrent dans un duel de regard absorbant. Les prunelles de Gaëtan intensément ancrées dans celle de la jeune femme, une tension pleine de défiance s'installa entre eux. Aucun mot ne franchit la barrière de leurs lèvres. Ce genre de moment leur échappait, leur relation était la pure représentation d'une montagne russe.
— Lâche moi, articula t-elle entre deux grandes inspirations.
Gaëtan ne cilla pas, comme déconnecté de la réalité l'espace de quelques secondes. Ils s'hypnotisaient mutuellement, à un point indescriptible. Puis, comme si il venait brusquement de se réveiller, il relâcha doucement son poignet et s'écarta d'elle de quelques maigres centimètres.
Constant reprit la parole, perplexe :
— On va se poser et y réfléchir calmement. Halse, tu iras voir ta mère cet après-midi. Il faudra qu'elle te dise tout ce qu'elle sait.
La concernée hocha vivement la tête, se préparant déjà mentalement à être confrontée à sa mère dans la journée.
Le grand métisse lâcha ensuite un profond soupir et se dirigea vers la porte après avoir récupéré son sac à dos.
— Soyez discrets en rentrant dans vos chambres, il ne faut pas que quelqu'un vous voie, leur rappela Constant. Et aussi, ne sortez pas trop d'un coup, ça aura l'air louche, personne ne vous a vu depuis vingt quatre heures, je vous rappelle.
Le petit couple approuva ses consignes d'un signe de tête, avant de s'éclipser de la pièce d'un pas discret, pour ne se faire entendre par personne.
Une fois parvenus dans le couloir, ils se jetèrent un regard entendu et effectuèrent de grandes enjambées jusqu'à la chambre de Gaëtan. D'ailleurs, ce détail interpella ce dernier : pourquoi elle le suivait, comptait t-elle séjourner dans sa chambre ? Cette idée ne le dérangeait pas du tout, bien au contraire, mais il préféra s'en assurer.
— Tu me suis ?
Il avait prononcé ces mots en déverrouillant sa porte. Le cliquetis de son trousseau de clés résonnait doucement en arrière plan.
— Euh, oui. Je vais bientôt retourner dans ma chambre, c'est juste pour...
— Ça ne me dérange pas, tu peux.
Il lui jeta un regard par dessus son épaule, avant de s'engager dans la petite pièce qui lui était attribuée. Vingt quatre heures qu'il s'était échappé par la fenêtre de cette chambre avec Ornélis, et pourtant, il avait l'impression que plusieurs jours s'étaient écoulés.
La petite blonde se déchaussa en silence avant de venir s'assoupir contre le lit. Elle avait tellement sommeil, ces dernières heures l'avaient épuisée.
La dernière nuit avec Gaëtan avait été... tumultueuse. Ils avaient partagé un moment magique, absolument incroyable, et ensuite, elle s'était effondrée en larmes au beau milieu de la nuit.
Ils n'avaient jamais reparlé de ce moment. Elle n'osait pas, lui non plus, sûrement. Elle respira doucement, son corps s'enfonçant dans ce matelas si moelleux. Puis, elle sentit la présence de Gaëtan à ses côtés : il venait de s'allonger lui aussi sur la place juste à côté d'elle.
— Désolée, pour tout à l'heure. De m'être énervée, marmonna t-elle dans le tissu du matelas, s'endormant à moitié.
Il la scruta sans rien dire.
— Je m'excuse aussi, de... Je ne sais pas de quoi, il s'est passé un truc bizarre. J'aurais sûrement pas dû, je sais pas, lâcha t-il finalement en passant une main dans ses cheveux frisés.
D'un mouvement accordé, ils se regardèrent. Purement, simplement, ils se scrutèrent. Ornélis ne pouvait s'empêcher de détailler ses lèvres, irrémédiablement attirée.
— T'excuse pas... souffla t-elle. J'aime bien les moments comme ça.
Gaëtan s'humidifia les lèvres en se redressant légèrement contre la tête de lit.
— Qu'est ce qu'il nous arrive ? murmura t-il, pensif. Pourquoi on se fait la guerre, et deux secondes après, on se fait...
— L'amour, compléta t-elle.
— Oui, je sais qu'on se fait l'amour, Ornélis. Je ne suis pas amnésique, bien au contraire, j'y pense pas mal si tu veux tout savoir.
Lorsqu'elle se rendit compte de la tournure de sa phrase, qu'elle venait involontairement de compléter les dires de Gaëtan, ses joues s'empourprèrent aussitôt. Ce n'était pas du tout ce qu'elle voulait dire.
— Non, ricana t-elle. Je voulais dire que ça doit être l'amour. Qui nous fait ça.
Un sourire malicieux s'empara des lèvres du brun.
— L'amour ?
Ses mots résonnèrent lourdement entre eux. Ils le sentaient, au plus profond d'eux même. Cette chose étrange qu'ils ressentaient. Ça ne pouvait être que ça.
— Je crois... chuchota t-elle d'une voix douce.
Elle l'entendit. Elle entendit la respiration du jeune homme s'accélérer, et la sienne ne put s'empêcher de faire de même. Leurs regards étaient toujours profondément ancrés l'un dans l'autre, si intensément. La lueur qui traversait les yeux d'Ornélis traduisait une envie dévorante. Dévorante de lui.
— Tu crois ? fit t-il.
— Je ne suis pas sûre.
— Je peux t'aider à t'en assurer, si tu veux.
Cette proposition n'était pas anodine, elle le savait. Alors aussitôt, elle se redressa sur ses deux genoux, captivée. Une envie tout nouvelle s'empara d'elle. Elle désirait lui montrer, elle voulait s'emparer de son corps.
— Non, moi, je vais t'aider, souffla t-elle.
Le sourire joueur qui illuminait les lèvres de Gaëtan était bien trop communicatif, bien trop charismatique.
— M'aider à ?
En guise de réponse, elle vint se positionner à califourchon sur lui. Cette position lui provoqua un cataclysme incontrôlable de frissons, mais elle tenta tant bien que mal de passer outre.
Doucement, elle attrapa le poignet de Gaëtan, et le positionna dans le bas de son dos, sous le regard captivé de celui ci. Puis, ses deux mains à elle vinrent se blottir dans sa nuque, et elle déposa un premier baiser sur ses lèvres. Chaste, simple, tendre.
Gaëtan la regardait d'un air agréablement consterné. Il souffla en laissant sa tête basculer vers l'arrière. Vision absolument divine pour la jeune fille, ses deux clavicules s'offraient à elle. Sa peau caramélisée arborait une magnifique lueur dorée. Gaëtan raffermit soudainement sa prise sur sa hanche et vint dévorer son cou de baisers affamés.
— Plus besoin de m'aider, je suis sûr de ce que je ressens, souffla t-il dans sa nuque.
Ornélis sourit, satisfaite de ce petit moment durant lequel elle avait eu le contrôle. Elle enjamba de nouveau les cuisses du jeune homme pour venir se rassoir juste à côté.
Jusqu'à environ treize heures, les deux adolescents se reposèrent ainsi, en silence, dans le calme.
Puis, après s'être suffisamment reposée, une idée malicieuse germa dans l'esprit d'Ornélis. Elle se débarrassa de sa veste et se leva du lit en poussant un profond soupir.
Elle savait très bien ce qu'elle avait en dessous de cette veste. Elle savait parfaitement que sa peau n'était vêtue que d'un soutien gorge, car elle n'avait pas emporté assez d'habits durant leur fuite, son seul autre t-shirt avait été bon pour un lavage.
Elle décida donc d'aller se poster devant le miroir, juste en face du lit, dans cette tenue légère. Ses jambes couvertes d'un long jean large étaient un peu fébriles, et ses épaules avaient froid, mais ce petit jeu l'amusait bien.
— Ornélis, souffla Gaëtan derrière son dos, toujours allongé sur le lit. Tu fais quoi, là ?
Elle ne répondit pas, et fit glisser lentement l'élastique de son poignet jusqu'à ses doigt. Un sourire malicieux tatoua ses lèvres tandis qu'elle s'attachait les cheveux en un haut chignon un peu décoiffé. Les sous entendus de ce geste avaient pour unique but de le provoquer, rien d'autre.
Gaëtan ne bougeait pas d'un poil, mais elle sentait bien son regard posé sur son dos.
— J'avais chaud, lâcha t-elle finalement, se retournant face à lui.
Désormais, sa poitrine s'offrait explicitement à lui, bien qu'il se situait encore à quelques mètre d'elle. L'envie d'y faire glisser son regard fut bien trop intense, mais Gaëtan ne cilla pas. Son regard restait ancré dans celui de la belle blonde.
— Qu'est ce que tu racontes, il fait moins vingt degrés...
Elle sentait qu'il avait envie de céder à la tentation de dévisager son corps dévêtu, mais que ce n'était pas pour tout de suite. Tant mieux, cela ajoutait du challenge à la situation. Elle haussa nonchalamment ses épaules dénudées, avant de lui tourner le dos de nouveau pour faire face au miroir.
Son cœur fut submergé par une immense sensation de déception lorsqu'elle entendit le jeune homme extirper son téléphone de sa poche, et le déverrouiller. Cela ne lui faisait à ce point aucun effet ? Il préférait donc interagir avec son portable plutôt qu'avec elle ?
Ornélis décida de ne rien lâcher, et même d'y aller encore plus fort. En poussant un soupir, elle se pencha contre le meuble qui se situait en dessous du miroir, offrant une vue clairement provocatrice de son fessier à Gaëtan. Enfin, il eut une réaction: celle de poser son téléphone à côté de lui, contre le matelas.
— Arrête de me provoquer, souffla t-il, ce qui fit doucement sourire l'adolescente.
— T'as pas l'air si provoqué que ça. La preuve, il y a deux secondes, t'étais plongé dans ton téléphone, riposta t-elle, la tête enfouie dans ses bras.
Elle l'entendit pousser un profond soupir. Gaëtan avait bien compris que ce petit geste désinvolte l'avait vexée.
— J'ai sorti mon portable, oui, autrement je n'aurais pas pu résister, s'expliqua t-il.
Conservant sa position purement provocatrice, l'adolescente s'autorisa à souffler, doucement :
— Résister à quoi ?
Enfin, elle avait réussi. Ornélis parvenait à déceler quand Gaëtan était sous tension, et cela commençait tout juste à monter en lui. Comment elle le savait ? Son délai de réponse, plus long que la normale, sa respiration qui se faisait un peu plus bruyante, la manière dont il redressait sa jambe contre le matelas. Tout, dans les gestes de Gaëtan, lui prouvait qu'il commençait à avoir envie d'elle. Satisfaite, un rictus s'imprima sur ses lèvres, tandis qu'il ne lui avait toujours pas délivré de réponse. Finalement, sa voix grave s'éleva dans l'atmosphère tendue qui régnait dans la pièce :
— À te prendre contre ce meuble.
Ornélis subit une soudaine perte de contrôle des battements de son coeur. Elle se retourna doucement vers lui, fébrile. Lorsque son regard croisa le sien, elle s'accouda contre le meuble. La manière dont il la regardait débordait de désir, c'était presque insoutenable.
— Qu'est ce qui te reti...
La phrase d'Ornélis fut coupée par le geste de Gaëtan. Il se redressa sur ses jambes, non pas doucement, bien au contraire. En quelques secondes, son torse se retrouva à quelques centimètres du corps de la petite blonde, assise sur la commode. Il enroula sa main autour de sa nuque et scella leurs lèvres dans un baiser fougueux, animé par la passion.
Soudainement, il la retourna de nouveau contre le meuble, et le fessier de celle ci se frotta envieusement contre son bassin, tandis qu'il liait ses deux poignets au dessus de sa tête. Il se pressa contre elle à travers le tissu de leurs habits, et, taquin, vint se poster juste dans sa nuque. De sa main droite, il maintenait toujours les poignets d'Ornélis au dessus de sa tête, contre le meuble. La respiration de l'adolescente se faisait haletante. Saccadée. Son corps écrasé contre le bois par celui de Gaëtan mourrait d'envie d'aller plus loin.
— Alors ? lui murmura t-il à l'oreille. Il est passé où, ton petit caractère si trempé dont tu faisais preuve il y a deux secondes ?
En guise de réponse, un petit gémissement étouffé s'échappa de la bouche de celle ci. Elle avait sûrement murmuré des mots, mais ils étaient incompréhensibles.
— Tu m'as cherché, je suis là. Pourquoi tu ne parles plus ?
Il relâcha légèrement son étreinte autour de ses poignets, et vint attraper sa mâchoire pour y déposer un baiser doux, sucré. Enfin, la voix d'Ornélis se fit entendre.
— Je ne parle plus parce que je veux que tu me prennes encore plus fort que la dernière fois, Gaëtan, articula t-elle en plantant son regard dans le sien.
Il la fixait, pris de court. Les propos si inattendus d'Ornélis étaient une des choses qu'il préférait chez elle. Soudainement, il se débarrassa de son t-shirt. Elle lui paraissait beaucoup trop confiante. L'envie qui s'emparait de lui n'allait clairement pas épargner son corps.
Il la pressa davantage contre lui et l'embrassa jusqu'à en perdre haleine. Ce baiser fut torride, tumultueux, à l'image de leur relation. Elle fit glisser ses doigts le long de son torse, et au toucher de ses muscles développés, elle sourit, aux anges.
— Tu n'aurais pas du me dire ça, plaisanta t-il, souriant.
— Ah oui ? Pourquoi ? rétorqua t-elle en sentant la main de Gaëtan défaire l'agrafe de son soutien gorge.
— Tu ne marcheras pas correctement demain.
— C'est ce qu'on verra.
En guise de réponse, il empoigna sa nuque et fondit sa grande main dans ses cheveux. Front contre front, ils s'ondulaient l'un contre l'autre dans un baiser enflammé. Ornélis fit involontairement tomber quelques livres posés sur la commode de ses gestes précipités.
Soudain, une voix provenant de derrière la porte les stoppa net dans leur échange :
— Gaëtan, on va manger avec Constant, tu viens ?
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