Chapitre 27
Grand, gracieux mais à la stature imposante, Gaëtan arpentait d'un pas déterminé les couloirs du gite. Le minuscule sachet en soie qu'il tenait délicatement dans sa main contrastait avec sa carrure et sa démarche.
Il était de bonne humeur, car ce midi, les animateurs les avaient réunis lui, Ornélis et Constant pour leur annoncer leur décision.
Ils les avaient gravement menacé de les renvoyer définitivement chez eux si ils réitéraient quoi que ce soit. Puis, ils avaient ajouté que pour le moment, ils étaient autorisés à rester dans le gîte pour assister au reste du séjour, c'est à dire au mois restant, dans la mesure où ils ne sortaient pas de l'hôtel sans autorisation d'un adulte, même pour les sorties.
Gaëtan était soulagé de cette nouvelle. Il était persuadé qu'Halse n'était pas en danger de mort. Elle était en danger, c'était indéniable, mais il avaient toujours une chance de la retrouver si ils parvenaient à l'élaboration d'un plan concret et précis. Là si situait tous leurs espoirs, sur cet ultime plan, sur lequel ils allaient s'atteler sérieusement.
Constant semblait détaché de tout cela ces derniers jours, il adoptait un comportement plutôt étrange, ou peut être était-il juste déprimé. Ses deux amis ignoraient la raison de son attitude.
Gaëtan parvint devant la porte. Il préféra prendre la précaution de toquer, même si Ornélis rentrait toujours dans sa chambre à l'improviste, comme si c'était la sienne.
Une fois, elle était rentrée sans prévenir alors qu'il était en train de se changer pour aller dormir. Ornélis avait vite détourné le regard, mais il avait bien vu qu'elle ne regrettait absolument pas son geste, bien au contraire.
– Mmh ? fit une petite voix endormie à travers la porte.
Le jeune homme pénétra dans la pièce en prenant soin de cacher son petit sachet derrière son dos.
Ornélis se tenait là, les cheveux ébouriffés, au milieu de son énorme couverture. Elle avait l'air épuisée, pourtant il n'était que vingt-trois heures. À la plus grande surprise de celui ci, elle se tenait elle aussi les mains derrière le dos, ce qui lui décrocha un petit sourire.
Il s'avança de quelques pas, jusqu'à arriver au bord du lit, d'où il jaugea l'adolescente de très haut.
– On a eu la même idée ? devina t-il, amusé.
Ornélis, le regard fuyant, marmonna un petit "oui" avant de fermer doucement les paupières, ce qui inquiéta aussitôt Gaëtan. Une odeur étrange envahissait la pièce, mais il ne parvenait pas à déceler de quoi elle émanait.
– Ça va ? s'inquiéta t-il.
En guise de réponse, Ornélis se laissa tomber contre lui, en posant sa tête au mauvais endroit par mégarde. Il la redressa immédiatement, évitant ainsi de rendre la situation malaisante.
– Pas cette zone là, fit-il, gêné, en la maintenant de manière à ce que son buste reste droit.
Il prit place à côté d'elle, en posant son petit sachet non loin de là. La priorité était ailleurs, visiblement. Il la secoua plusieurs fois, ce qui ne déclencha absolument aucune réaction chez elle mis à part la légère ouverture de ses paupières.
Quelque chose n'allait définitivement pas.
– Ornélis, tu as bu ? gronda t-il en jetant un coup d'œil aux alentours, se préparant psychologiquement à y trouver une bouteille d'alcool ou quelque chose de ce genre.
Soudain, il comprit. Ce que dissimulait Ornélis derrière son dos n'était pas une surprise à lui offrir, mais quelque chose qu'elle lui cachait pour ne pas qu'il le voie.
Il se pencha en arrière et découvrit alors ce qu'elle cachait derrière son dos : deux joints déjà bien consommés, accompagnés d'un briquet, de feuilles, de filtres et d'un sachet de cannabis.
Il prit une profonde inspiration.
Ornélis eut un sursaut, réalisant un peu trop tard ce qu'il venait de se passer. La panique envahit ses yeux, avant que les larmes ne se mettent à inonder ses pupilles. Elle s'effondra.
– Désolée, je voulais pas que tu voies, désolée... sanglota t-elle, dans un piteux état.
Ne sachant pas quoi répondre, il la regardait simplement sans rien dire. Son regard était dénué d'émotions.
La seule chose à faire pour l'instant était de jeter tout ça à la poubelle. Mais certainement pas dans la poubelle de sa chambre, dans cet état, elle serait largement capable d'aller les reprendre.
– Gaëtan... marmonnait t-elle, les yeux à moitié fermés. J'ai besoin de toi...
Celui ci se leva et débarrassa son lit de tous ce qui était posé dessus sans lui répondre. Froid, il se contentait d'écouter passivement ses plaintes. Une fois qu'il eut placé la drogue au fond de sa poche, à l'insu du regard de celle ci, il décida qu'il allait rester à ses côtés cette nuit et qu'il jetterait le contenu de sa poche demain, dans une poubelle publique.
Entre temps, Ornélis avait complètement changé d'humeur. À présent elle rigolait, hilare, la tête penchée en arrière, des larmes continuant inexorablement de s'écouler le long de ses joues. Gaëtan s'installa à côté d'elle.
– Je dors avec toi ce soir, déclara t-il d'une voix grave avant d'éteindre la lumière de sa lampe de chevet et de se tourner sur son flanc droit, dos à Ornélis.
Son petit sachet avait été balayé par sa jambe, et s'était écroulé par terre, sur le tapis, dans un petit bruit.
Elle n'aurait pas ce collier aujourd'hui. Elle ne le méritait pas.
– Tu m'en veux... chuchota t-elle, assise en tailleur sur son lit.
N'obtenant aucune réponse, elle escalada Gaetan en pouffant de rire pour rallumer sa lampe de chevet.
– Désolée, j'ai rien fait de mal... Dis moi... bafouilla t-elle en laissant sa phrase en suspens, toujours accoudée sur Gaëtan.
Elle ne se rendait pas compte de son agacement, l'effet de la drogue l'avait déplorée de tous ses sens.
Il se dégagea brusquement de son étreinte de manière à pouvoir la regarder droit dans les yeux.
– J'en ai marre, Ornélis. Tu te défonces en cachette dans ta chambre, mais si tu t'étais faite prendre, on nous aurait définitivement renvoyés chez nous et on aurait jamais pu retrouver Halse. Sa vie est en danger, là maintenant. Tu ne réfléchis pas aux conséquences de tes actions. Tu agis de manière égoïste. Voilà ce que tu as fait de mal.
Il se rallongea aussitôt et éteignit de nouveau la lumière, ce qui voulait clairement dire que la conversation était close. La petite blonde l'avait parfaitement compris, cette fois.
Les yeux embués de larmes, elle se rallongea sagement et se contenta de fermer les yeux. Le silence était, à ce moment là, la meilleure des solutions.
•
À son réveil, la première chose qu'Ornélis constata fut qu'elle était seule dans son lit.
Après l'incident de la veille, Gaëtan avait sûrement préféré se lever en avance pour ne pas instaurer de malaise au réveil... ou alors il n'avait simplement pas envie de la voir. Elle priait de tout son cœur pour que la première option l'emporte.
La journée se déroula sans que Gaëtan ne lui adresse la parole. Elle l'avait bien observé, il avait joué au babyfoot et aux cartes avec d'autres garçons du groupe. Le voir s'esclaffer avec ses amis sans lui lancer un regard avait douloureusement atteint l'égo de la jeune fille, mais elle savait que c'était mieux pour lui.
Elle savait qu'il était plus épanoui ainsi qu'en s'occupant d'elle et de ses problèmes de drogue.
Puis, il était parti s'isoler dans sa chambre tout l'après midi, très certainement pour élaborer un plan concernant la libération d'Halse.
Elle avait prit la décision d'aller s'excuser, ce soir.
Lors du repas du soir, elle n'avait personne avec qui aller manger : hors de question qu'elle aille s'attabler près de Constant, qui, de plus, était à la table de Gaëtan et ses amis.
Tant pis, elle allait manger toute seule, pour une fois. Elle garnit rapidement son plateau d'une assiette de pâtes et d'un yaourt, et s'orienta aléatoirement vers une table libre. Elle fut bientôt prête à entamer son plat quand, à sa plus grande surprise, Iris vint poser son plateau en face d'elle.
– Hey. T'es toute seule ?
– Euh, oui, bredouilla Ornélis, perplexe.
Sans vraiment consulter son avis, la belle métisse s'installa, avant d'attacher ses cheveux en un chignon haut.
– C'est plus pratique pour manger. Tu comprends, avec cette masse, précisa t-elle.
– C'est clair, acquiesça ironiquement Ornélis, qui ne comprenait rien à ce qui se passait.
Ces deux là n'avaient jamais vraiment été en bons termes, et, très honnêtement, le fait qu'Iris ait déjà eu une histoire avec Gaëtan ne lui donnait pas une folle envie d'engager la conversation avec elle.
Un long silence s'installa, durant lequel les deux adolescentes dégustaient leurs plats sans se regarder. Iris brisa ce silence par question plutôt directe.
– Il s'est passé quoi, avec Gaëtan ? Et ils sont passés où, tous vos potes adultes, là ?
Ornélis faillit recracher son eau, ne s'attendant pas à une telle requête.
– T'es venue me voir pour récolter des informations ?
– À vrai dire, oui. Toute la colo ne parle que de ça. De vos potes, je veux dire, pas de ta relation avec l'autre, ça c'est juste moi qui veut savoir. Beaucoup de gens disent qu'ils sont morts, s'expliqua la métisse, curieuse.
Ornélis déglutit. Ce n'était pas entièrement faux.
– Non, ils sont pas morts, ils sont juste partis pour des raisons personnelles. Et à propos de l'autre comme tu dis... ça ne regarde personne.
Iris fit la moue, visiblement insatisfaite de ces réponses.
– Ah d'accord, ouf. Et dommage que tu ne veuilles pas m'en parler, j'aurais pu te donner des conseils. Sur Gaëtan. On est pas restés ensemble longtemps, mais bon, je le connais bien.
La petite blonde haussa les sourcils, étonnée.
– Tu penses que tu pourrais me donner des conseils ? Vu le problème qu'on a, ça m'étonnerait, soupira t-elle, un peu désespérée.
– Justement ! s'exclama t-elle, avant de se rapprocher d'Ornélis pour que personne n'entende ce qu'elle avait à lui dire. Si c'est des problèmes au lit, je sais exactement ce qu'il aime, le truc qui le rend fou c'est...
Ornélis coupa court à la conversation en se reculant brusquement. Elle expira un bon coup.
– Je m'en doutais. J'ai pas de problèmes avec son corps, c'est un peu plus profond que ça, tu vois.
Ornélis était complètement dépassée par la situation.
Cette fille avait deux facettes : soit elle était sage comme une image, soit c'était une pile électrique.
– Bon, bah dans ce cas là je peux pas trop t'aider. En tout cas, j'espère que vous allez vous réconcilier, je vous trouve assez mignons ensemble. Vous formez un duo explosif, c'est original. Même ses potes lui ont déjà fait la remarque.
Iris les trouvait mignons ? Ornélis déglutit.
Pour la première fois depuis son arrivée au gîte, elle parvint à observer une facette d'Iris qui lui était jusqu'à présent inconnue.
La belle métisse n'était pas seulement une écervelée obsédée par son apparence et le sexe, c'était aussi une fille très gentille. Elle voulait le bien autour d'elle, et ça se voyait. Même si la plupart du temps, elle le montrait très maladroitement.
– Merci, lui souffla Ornélis, bouche bée.
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