Chapitre 24 - Une nuit sans fin
Dans la panique, nous nous séparons du reste du groupe et Gally et moi détallons comme des lapins. D'autres garçons, des anciens coureurs me semble-t-il, nous suivent également.
Jamais Gally ne me lâche la main. Jamais. Pas même quand des cris s'élèvent au plus près de nous, ou encore quand je trébuche et manque de m'étaler par terre.
Cependant, j'arrive au bout de mes forces. Et, alors qu'un griffeur nous prend pour cible, je ralentis.
— Sophia ! Allez, encore un effort !
— Mais, Gally, je n'en peux plus... je n'en peux plus...
Il s'arrête et interpelle les garçons un peu en retrait derrière-nous.
— Emmenez-là jusqu'à la boîte ! Je vais semer cette... chose.
Ils acquiescent tous les deux mais, au moment où Gally me tourne le dos, je suis prise d'effroi. Je le retiens par le manche de son haut.
— Non, Gally ! Ne part pas, je t'en supplie...
Mais au moment où je le dis, ma vision devient double, puis triple. Manquant de force, je lâche son bras. Je tombe à la renverse et les deux garçons, deux anciens coureurs, me rattrapent.
— Je reviens vite, emmenez-là !
J'entends le griffeur qui s'approche, de plus en plus. J'imagine Gally se faire embrocher puis se faire emporter, au loin. Mon corps bouge. Les garçons m'éloignent mais c'est plus fort que moi, il faut que je résiste. Cependant, je ne tiens pas longtemps. Mon corps lâche totalement.
Nous arrivons peu de temps après à la boîte, où mes porteurs me posent doucement. Ils referment le couvercle grillagé et, bizarrement, je me sens un peu plus en sécurité. Je ne peux cependant pas m'empêcher d'angoisser à l'idée de Gally, là, dehors contre tous ces griffeurs.
En même temps, ça fait naître en moi une lueur d'espoir. En effet, il a été courageux d'agir ainsi. Peut-être va-t-il se rendre compte que ce n'est pas impossible et que l'on peut sortir ?
Ma conscience s'en va et reviens. Ma vision alterne entre un noir opaque et un capharnaum de rouge et de gris. Mon ouïe aussi semble détraquée. Je ne sais pas ce que je préfère entre le silence morbide et les cris de ces gens de ma communauté. De ma famille.
Quoi qu'il en soit, le temps semble s'allonger indéfiniment et je ne revois toujours pas Gally. J'essaie de parler, sans y arriver. Et c'est trop dur pour moi de mobiliser mes forces. Qu'est-ce qui m'arrive ? Est-ce que... je suis en train de mourir ?
Point de vue de Gally
C'est à bout de souffle que j'arrive dans le bâtiment des bâtisseurs. Là où j'ai passé tant d'années. Je connais cet endroit comme ma poche, bien mieux que ce Griffeur. D'ailleurs, ce dernier se jette contre la structure qui tangue sous ces à-coups. Je contourne l'intérieur du bâtiment, espérant que la bête m'attende par là où je suis entré.
Ensuite, je m'approche de la sortie arrière. Je plisse des yeux et tente de discerner si la bête se trouve de l'autre côté. La peur me tords les entrailles mais elle me donne aussi des ailes.
Elle ne semble pas être là. Je prends mon courage à deux mains et m'élance vers le bosquet. Je croise d'autres tocards qui me font signe de me cacher. Je les contournes. Je dois regagner la boîte.
Sur le chemin, zigzaguant entre les arbres, je finis par rejoindre le grand arbre. Mais, même depuis là, je ne peux ignorer le chaos ambiant. Cependant, je me permets une petite pause.
Soudain, je suis inquiet pour Sophia. Elle semblait si mal, tout d'un coup. Pourquoi ? Et maintenant, comment elle va ? Je ne sais même pas s'ils ont réussi à rejoindre la boîte. Une angoisse sourde s'empare de moi. Je me suis tellement dépêché de partir que je ne me suis pas assuré que Sophia allait bien.
Soupirant profondément, reprenant mon souffle, je décide de repartir. Il n'y a pas de temps à perdre. Je retourne sans attendre à la boîte. Pour se faire, je longe les bois, puis traverse et trouve directement la fosse, où séjournaient ceux d'entre nous qui n'ont pas respecté les règles.
Où ceux qui étaient trop agités. Je repense à Sophia qui m'a fait saigner dès son arrivée. Quand j'y repense, je suis le seul qu'elle ait blessé comme ça. En même temps, je suis également le seul qu'elle regarde avec ces yeux là. Ceux qui veulent dire beaucoup, où du moins je veux bien le penser.
Mon cœur bat la chamade, autant à cause de l'activité physique intense, que de la peur, mais aussi pour autre chose. Alors que je suis au plus près de la perdre, je me rends compte de la puissance des sentiments que j'éprouve à son égard.
Enfin, j'arrive à la boîte.
— Les gars, ouvrez !
Dans mon dos, c'est le feu et les cris. Les Griffeurs sont partout et il faut qu'ils m'ouvrent vite, si je ne veux pas me faire repérer.
Une fois à l'intérieur, j'aperçois Sophia, allongée dans la pénombre. Le couvercle s'est refermé quand je me dirige vers elle. Au même moment, un blocard se jette contre l'ouverture et hurle, me faisant me retourner dans un sursaut :
— Gally ! Ouvre-moi !
Je me propulse pour lui ouvrir, lorsqu'il se fait emporter par un griffeur. Je reste tétanisé. La bête a emporté mon ami aussi brièvement qu'un battement de cœur. Je me recule, trébuchant sur quelque chose, me retrouvant à côté de Sophia. Mon cœur bat la chamade. J'ai l'impression qu'il peut exploser à tout moment.
— Sophia ? Sophia, je suis revenu.
Mais, alors que je la secoue, elle ne réagit pas. Les deux personnes qui l'avaient porté me regardent avec désarroi, tout en haussant les épaules. Je penche la tête près de son visage, cherchant à capter son pouls. Je sens de l'air sortir de ses narines, c'est bon signe.
— Sophia ? j'insiste, plus inquiet que jamais.
Je la ramène vers moi, enlaçant son corps. En ce moment, j'enrage et j'ai peur. Une nuit sans fin s'annonce, durant laquelle brûle ce que nous avons construit. Meurent ceux que j'ai connus. Oh, Sophia... comme j'aurais aimé que tu me rassures.
Je la regarde de nouveau, fixe son visage fermé. Et, tandis que sa tête roule sur le côté, s'appuyant sur mon torse, je remarque une lueur rougeâtre derrière sa nuque. Dégageant ses cheveux, d'un geste doux des doigts comme pour ne pas la brusquer, il se trouve que la lueur brille sous sa peau. Et je constate que cette lueur s'affaiblit de plus en plus.
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