Chapitre 9
« Celui qui s'oriente sur l'étoile ne se retourne jamais »
-Léonard de Vinci
Le lendemain matin, Cléophée éprouva de la difficulté à s'extirper du lit. Morad revint par trois fois la secouer, et elle finit par ouvrir un œil.
- Dis-moi que j'ai seulement rêvé d'avoir mis le feu dans ton bureau, gémit-elle.
Il lui répondit par un clin d'œil, et elle se cacha sous les couvertures.
- Oh non, ajouta-t-elle d'une voix plaintive.
- Ce n'était pas si grave, répondit Morad de son ton calme habituel. J'ai déjà tout arrangé. De plus, tu as manifesté ton pouvoir involontairement.
Le Semi-Syrès tira sur les couvertures afin que Cléophée le regarde.
- Oublions ce malentendu, d'accord ? proposa-t-il.
Elle hocha la tête.
- Maintenant, lève-toi, ou je te jette à l'eau.
Cléophée savait qu'il n'oserait pas, pas après qu'elle ait failli se noyer, mais son ton menaçant la tira de sa léthargie et elle se leva rapidement.
- Sois prête dans dix minutes, dit-il en sortant de la chambre.
- Oui, votre majesté, grinça-t-elle.
Il avait repris son habituelle impassibilité qui le caractérisait. L'être passionné qu'elle avait découvert la veille avait complètement disparu, mais elle savait qu'il se cachait quelque part sous ce masque d'indifférence.
Vingt minutes plus tard, Cléophée se présenta dans la cuisine avec un petit sac. Les autres l'attendaient d'un air impatient. Morad lui lança un regard sévère, puis déclara qu'ils devaient partir. Amiel, Paige et Cléophée le suivirent jusqu'au portail, puis il annonça leur destination d'une voix claire et puissante :
- Destination Valcaiù.
Ils furent alors aspirés par la sensation désormais familière de la téléportation.
Ce qui n'empêcha tout de même pas Cléophée de manquer s'écrouler lorsqu'ils arrivèrent à destination. Ayant sans doute prévu cette éventualité, Morad la retint dans ses bras, mais Amiel n'eut pas cette chance et tomba face contre terre. Paige, quant à elle, demeura debout sans effet, et s'empressa d'aider son copain.
Une fois que Cléophée eut repris ses esprits, elle regarda autour d'elle. Le paysage ne lui disait rien.
- Où sommes-nous ? demanda-t-elle.
- Au Mexique, répondit Morad.
- Valcaiù se trouve ici ? demanda Paige.
- Oui, répondit Morad. Nous devrons marcher un peu, car j'ignore où se trouve l'entrée.
Ils se mirent en marche et Cléophée en profita pour s'informer sur le peuple de la mer de l'Ouest.
- Je n'en sais pas beaucoup sur eux, répondit Morad. Céfir est une cité secrète, mais elle invite occasionnellement les Syrès des autres mers, comme lors des mariages. Les Syrès de Valcaiù, eux, n'invitent jamais personne venant d'ailleurs, encore moins des Semi-Syrès comme nous. Ils nous font un grand honneur, alors profitez de ce que vous verrez car jamais plus vous n'y remettrez les pieds.
- J'aurais dû apporter mon appareil photo, plaisanta Paige.
Morad la regarda sévèrement.
- Jamais nos mondes ne doivent être dévoilés, dit-il.
- C'était une blague, répliqua-t-elle. Tu n'as vraiment pas le sens de l'humour, mon cher.
Amiel ricana, mais Morad lui lança un regard qui le fit taire.
- Donc, continua Cléophée comme si ses amis ne venaient pas de se faire rembarrer par le roi d'Atlansìa, les habitants de Valcaiù ont une affinité avec le feu.
- Oui, certains d'entre eux. J'ignore pourquoi, mais ils ont découverts des principes étonnants concernant cet élément, c'est pourquoi nous sommes ici. L'un d'entre eux pourra probablement communiquer avec les Flem's pour les convaincre d'abandonner la guerre contre les humains. De plus, vous verrez que les flammes sont différentes, ici.
Cléophée se demandait comment le feu pouvait être distinct, mais devina qu'elle le saurait assez vite.
- Pourquoi les esprits de la nature ne sont-ils pas aussi pacifiques que les Syrès ? demanda Paige.
- Les Esprits de la nature existent depuis toujours. Si on ne les respecte pas, ils ne nous respectent pas. Les tsunamis, les raz-de-marée, les ouragans et autres cataclysmes étaient tous des mises en garde, mais les humains n'en ont pas tenu compte.
Ils s'engagèrent dans un sentier et, une trentaine de minutes plus tard, ils aperçurent une silhouette. Celle-ci semblait attendre quelque chose, ou plutôt quelqu'un. En s'en approchant, Cléophée discerna son identité. C'était sans aucun doute un Syrès, si on se fiait à sa chevelure bleue éclatante.
- Bonjour à vous, les salua-t-il en s'inclinant. Je suis Vulfran, le conseiller du Roi Adjudor. Il vous attend.
Il les invita à le suivre.
Un portail était dissimulé entre deux gros arbres, invisibles aux yeux des humains. Une fois entrés, leurs yeux mirent un moment à s'adapter au changement de luminosité.
- Bienvenue à Valcaiù, leur dit-il.
Cléophée ne s'attendait vraiment pas à ce qu'elle aperçut, et dut s'appuyer sur Morad afin de reprendre ses esprits.
Valcaiù était en fait un immense cénote. Les habitations étaient érigées sur plusieurs étages autour du grand gouffre et, tout en bas, se trouvait un grand plan d'eau turquoise. Le ciel bleu au-dessus miroitait sur sa surface, lui donnant l'air magique. L'endroit ne ressemblait pourtant pas à une caverne. On aurait dit que la végétation avait poussé sur toutes les surfaces libres. De grandes lianes pendaient du plafond, faisant ressembler l'endroit à une jungle.
Le plus fascinant était les flammes qui se distinguaient de ce magnifique décor. Elles sortaient des parois du gouffre et leur se couleurs déclinaient en diverses teintes de bleu et de vert.
- C'est magnifique, s'extasia Paige.
Amiel était trop ébahi pour ajouter quoi que ce soit, tandis que Cléophée observait la cité avec des yeux agrandis d'émerveillement. Morad, quant à lui, resta silencieux, ce qui n'étonna point Cléophée.
- Le roi Adjudor, la reine Liana, le prince Orphée et la princesse Susanna vous attendent, leur annonça Vulfran.
Il se détourna et s'engagea dans les escaliers sans garde-corps. Cléophée n'avait jamais eu peur des hauteurs, mais Amiel prit soin de rester du côté du mur. Morad et Paige les suivirent en échangeant un regard entendu. Ils devaient s'attendre à ce que la famille royale entière veuille les voir.
- Comment se fait-il que les humains n'aient jamais découvert cet endroit ? interrogea Cléophée. C'est facilement accessible si quelqu'un s'enfonce dans la forêt.
- Comme l'île accédant à Céfir, un charme nous cache et nous rend invisible à leurs yeux, répondit Vulfran.
Cléophée compta au total quatre cent soixante-douze marches et, tout en haut, Vulfran s'arrêta devant une porte recouverte de lierre et dissimulée dans les parois du Cénote.
- Le Roi tient à son intimité, expliqua le Syrès devant le regard interrogateur de Cléophée.
Elle avait remarqué une multitude de portes tout en ascensionnant les nombreux étages de la grotte aquatique. Elles devaient abriter le peuple entier de Valcaiù. Ils avaient d'ailleurs croisé plusieurs Syrès qui les avaient regardés avec curiosité. Chacun tenait dans sa main une boule de feu bleue, verte ou violette. Vulfran leur avait expliqué que chaque habitant savait manipuler le feu, qui était tout à fait inoffensif dans leur cité. Il dégageait une douce chaleur, juste assez pour réchauffer le Cénote et rendre l'endroit agréable à tous. Il servait entre autres à s'éclairer, mais les Syrès les considéraient comme leur compagnon et leur guide. L'âme du feu leur donnait des conseils, les aidaient à méditer, bref, jamais ils ne s'en séparaient. Plusieurs endroits avaient été créés afin d'y déposer la flamme des habitants, en attendant qu'on vienne les chercher.
Vulfran frappa à la porte, puis leur fit signe d'entrer.
On aurait dit qu'on venait de pénétrer dans un jardin. Le sol, les murs et le plafond étaient recouverts de mousse, de gazon et de fleurs. Cléophée, qui appréciait beaucoup la nature, fut tout de suite charmée par l'endroit.
- Bienvenue dans notre cité, les accueillit une voix puissante qui les fit sursauter.
Au fond de la salle, ou plutôt du jardin, tout dépendant de la façon de voir l'endroit, se tenait un gros trône sculpté dans une calcite verte. Puisque les Syrès pouvaient manifester tous les cristaux qu'ils voulaient, leurs proportions pouvaient être gigantesques et très impressionnantes, c'est pour cette raison qu'ils y sculptaient leurs meubles.
Le roi Adjudor y était assis et un trône presqu'identique se trouvait à sa droite, où la reine Liana se trouvait, leur souriant aimablement. Le prince et la princesse de Valcaìu étaient, quant à eux, debout à côté de leur mère.
Susanna avait l'air très sympathique. Cléophée l'avait rencontrée une seule fois, mais elles s'étaient tout de suite bien entendues. Quant à Orphée, il les observait d'un air hautain en croisant ses bras. Son regard balaya les invités comme s'ils étaient des moustiques, puis s'arrêta sur Cléophée et un petit rictus retroussa ses lèvres. La jeune fille en frissonna d'horreur et se rapprocha de Morad, qui avait lui aussi remarqué le comportement du prince. Il serra la main de sa compagne, détail qui n'échappa pas à Orphée. Celui-ci détourna immédiatement les yeux et reporta son attention sur son père.
Morad s'inclina et remercia Adjudor de les accueillir dans sa cité.
- Je vous attendais plus tôt, reprit le roi des mers de l'Ouest, et votre message télépathique m'avisant de votre retard m'a surpris, mais j'ai eu davantage de temps pour rassembler les Syrès qui sont les plus doués avec le feu. J'ai sélectionné les quinze meilleurs de tout Valcaiù.
Morad opina.
- Sont-ils capables d'invoquer les Flem's ? Interrogea-t-il.
- Personne n'a jamais essayé, car il est dangereux de les appeler sans aucune raison.
- Si je comprends bien, récapitula Morad d'une voix glaciale, vous créez votre propre feu, mais vous êtes incapables de manifester le Vrai, celui de couleur orangé qui, en outre, représente les Flem's.
Un silence se fit dans la salle. Cléophée resta stupéfaite pendant un instant par cette révélation. Les Syrès ayant une affinité avec le feu n'avaient jamais matérialisé autre chose que cette minuscule flamme sans danger dans leur main ? C'était totalement insensé !
- Ce n'est pas parce que personne n'a jamais joué avec le feu, pour employer cette expression, que nous n'en sommes pas capable, répliqua le Roi Adjudor. L'occasion ne s'est seulement pas présentée
- Je vois...mais puisque personne ne semble enclin à essayer, laissez-moi vous faire une proposition, dit Morad.
Cléophée, Paige et Amiel haussèrent les sourcils ; Le Semi-Syrès était plus que surprenant.
- Je connais justement quelqu'un ayant le don de pyrokinésie, ajouta-t-il, et elle se trouve devant vous.
Les compagnons de Cléophée tournèrent tous la tête vers elle.
- Qu...quoi ? bégaya-t-elle. Ce n'est arrivé qu'une seule fois.
- Vous voulez dire que cette jeune personne a une affinité avec le feu ? s'étonna le Roi des Mers de l'Ouest.
- En effet, répondit Morad d'un ton sans réplique.
Susanna et Orphée la regardaient comme s'ils la voyaient pour la première fois. La reine, quant à elle, détaillait la jeune fille comme si elle n'y croyait pas.
- Si la princesse de Céfir en est capable, nous aussi, dit Adjudor.
- Le temps de trouver la bonne personne, la population humaine sera décimée.
- Ce n'est pas nous qui sommes arrivés en retard !
Morad et le Roi Adjudor se regardaient furieusement.
- Ça suffit, s'interposa la reine de Valcaiù. Si cette jeune Syrès est capable d'invoquer les Flem's, alors tant mieux !
- D'accord, soupira son mari, mais puisqu'elle a l'air inexpérimenté dans ce domaine, il est hors de question que nous fassions cette convocation ici. Ce serait trop dangereux pour la cité.
- Naturellement, approuva Morad. J'ai remarqué une rivière près d'ici. Ce serait l'endroit idéal.
- Dans ce cas, autant nous y rendre immédiatement. J'ai demandé aux Syrès de nous rejoindre près du portail.
Adjudor, Vulfran et sa famille passèrent devant, puis Morad, Cléophée, Amiel et Paige les suivirent. Ils empruntèrent en sens inverse le chemin parcouru à leur arrivée. Plusieurs Syrès passèrent la tête par leur porte d'entrée dissimulée dans la paroi rocheuse du Cénote, certains seulement par curiosité, d'autres parce qu'ils voulaient les accompagner.
Ils arrivèrent enfin au portail, où plusieurs Syrès les y attendaient déjà. Adjudor leur expliqua la situation, puis ils sortirent de Valcaiù et entreprirent de se rendre à la rivière. Évoluer à travers la végétation n'était pas facile, et Morad offrit à plusieurs reprises son bras à Cléophée afin qu'elle s'y agrippe pour ne pas tomber. Elle n'avait pas prévu se lancer dans une randonnée, alors ses sandales n'étaient pas vraiment adaptées à ce type d'expédition.
- Es-tu sûr que ce soit une bonne idée que j'invoque à nouveau le feu ? lui demanda la jeune fille à voix basse. Ce pourrait se terminer en catastrophe.
Morad venait de la retenir après qu'elle se soit empêtrée dans une branche.
- C'est une possibilité, lui chuchota-t-il à l'oreille alors qu'il l'aidait à se remettre en équilibre, mais je resterai près de toi au cas où ça ne se déroule pas comme prévu. Je ne vois malheureusement pas d'autre solution. Les Syrès de Valcaiù sont incapables d'invoquer de vraies flammes, malgré ce qu'ils veulent laisser croire.
Cléophée hocha la tête.
Ils poursuivirent leur route en silence. Même les Syrès qui les accompagnaient restaient muets, comme s'ils avaient peur de la suite des événements.
Lorsqu'ils arrivèrent près de la rivière, qui était presqu'aussi calme que les Syrès, Adjudor leur fit signe qu'ils étaient prêts. Morad se tourna vers sa compagne et lui fit signe de commencer. Celle-ci ignorait comment elle s'y était prise la dernière fois, mais ce concentra sur son objectif. Elle pensa intensément à provoquer une flamme.
Tous autour l'observaient, attendant, mais aucun Flem's ne se manifesta.
Orphée émit alors un petit rire moqueur. Cléophée, piquée, se tourna vers lui.
« Tu n'aurais pas dû me provoquer » pensa-t-elle.
Soudain, à quelques centimètres des pieds du garçon, une grande flamme se matérialisa. Le prince émit un couinement apeuré, au grand bonheur de Cléophée, et s'élança vers sa mère.
« C'est cela, se dit-elle, ravie, cours dans les jupons de ta maman »
Morad lui regard un regard d'avertissement. Il avait compris ce qu'avait fait la jeune fille. Celle-ci haussa les épaules, mine de rien. Elle ne pensait pas réussir l'exploit d'invoquer les Flem's. L'esprit de feu grandit jusqu'à devenir une puissante flamme, puis une silhouette se distingua, mais resta tout de même abstraite.
Le Roi Adjudor s'inclina devant lui, puis prit la parole :
- C'est un honneur pour tous les Syrès de l'Ouest de vous rencontrer, commença-t-il, mais l'esprit l'interrompit.
- Qui d'entre vous m'a convoqué ? demanda-t-il sèchement.
Cléophée n'avait jamais eu aussi peur de sa vie. Cet être n'avait rien de sympathique. Les flammes qui le constituaient rougeoyaient, ce qui le rendait encore plus dangereux. La jeune fille vit les gens se disperser. Seul Morad resta près d'elle et lui serra la main comme pour lui dire qu'il resterait présent à ses côtés quoiqu'il arrive.
- C'est moi, dit-elle d'une voix tremblante.
- Alors, parle, ordonna le Flem's.
Elle prit une grande inspiration.
- Les Syrès des quatre mers aimeraient que vous reveniez sur votre décision d'éradiquer les humains.
L'esprit s'avança vers Cléophée, qui prit son courage à deux mains pour ne pas se mettre à courir.
- Les humains détruisent tous ce qu'ils touchent, répliqua la voix menaçante de l'Esprit. Ils méritent ce qu'il leur arrive.
- Ils ne sont même pas au courant de votre existence, répliqua la jeune Syrès. Ils pensent qu'ils ont le droit de faire comme bon leur semble.
- Pourquoi les défends-tu ? Ils ne vous rendraient pas la pareille si les rôles étaient inversés.
Cette question la laissa pantoise. Pourtant, la réponse était là.
Cléophée s'avança vers l'esprit de feu et fixa son regard dans le sien.
- Je n'ai pas vécu très longtemps parmi eux, dit-elle, mais j'ai vu ce qu'ils sont capable de créer et c'est magnifique. Ce sont des artistes, des innovateurs. Ils réalisent de magnifiques œuvres, depuis le temps des pharaons. Ils sont très intelligents et possèdent plusieurs qualités. De plus, ils sont solidaires entre eux. Ce serait dommage de détruire cette civilisation.
- Pourtant, ce n'est pas la première fois que cela se produit, répliqua le Flem's. Nous avons détruit l'Atlantide et le continent de Mu pour les mêmes raisons, et si nous ne l'avions pas fait, jamais les Syrès ne seraient nés.
Ceux-ci se figèrent, horrifiés par ce qu'ils entendaient.
- Dans ce temps, aucun ne pouvait communiquer avec vous, poursuivit Cléophée en essayant de garder son sang-froid. Aujourd'hui, je vous parle en leur nom, car j'ai été séduite par tout ce qu'ils ont créé. Ce serait un gigantesque gâchis de les faire disparaître.
L'esprit la fixa silencieusement.
- Qui es-tu véritablement ? lui demanda-t-il. Tu n'es pas totalement humaine, ni totalement Syrès. Je vois une magie céleste en toi...
- Je ne suis qu'une Semi-Syrès, répondit Cléophée en haussant les épaules.
- Laisse-moi en douter.
- Êtes-vous d'accord pour arrêter les attaques dans le monde humain ? S'il vous plaît...
Le silence du Flem's découragea Cléophée.
- Oui, pour l'instant, répondit-il enfin. Toutefois, les humains devront changer. C'est leur dernière chance.
Il inclina ensuite la tête en signe de respect, puis disparut.
Cléophée put enfin respirer, et elle sentit la tension de leur groupe se relâcher. Tous se mirent alors à parler en même temps d'un air excité. Tous, sauf Morad et elle. Il s'approcha d'elle et posa la main sur son épaule.
- Est-ce que ça va ? Lui demanda-t-il.
Cléophée hocha la tête, quoique secouée.
Le roi Adjudor s'avança vers eux et félicita la jeune fille pour son aptitude à la communication.
- Je vous félicite, princesse, lui dit-il. Bien que j'aurais aimé que ce soit l'un de mes sujets qui réussisse cet exploit, je dois avouer que vous avez parfaitement réussi à communiquer avec les Flem's. J'aimerais vous inviter tous les quatre à un banquet pour célébrer cette première victoire.
Alors que Cléophée s'apprêtait à refuser, Morad accepta l'invitation.
- Ce serait un grand honneur pour nous, dit-il.
Puis, alors que le roi des mers de l'Ouest s'éloignait, il chuchota à l'oreille de sa jeune amie :
- On ne refuse jamais l'invitation d'un souverain. Tâche de t'en souvenir.
Cléophée leva les yeux vers lui et remarqua un sourire ironique aux lèvres du roi D'Atlansìa. Il parlait probablement de lui aussi.
L'idée d'une fête de l'enchantait guère. En ce moment, elle rêvait de s'allonger dans son lit douillet. Puis, elle se fit la remarque qu'elle n'avait pas dormi chez elle depuis un certain temps, et la sécurité de son foyer lui manquait. Que ne donnerait-elle pas pour dormir une seule nuit dans la maison de ses parents, où tout lui était familier ! Malheureusement, ce ne serait probablement pas pour cette nuit.
Les Syrès étaient réputés pour adorer festoyer. Ils ne laissaient jamais passer une occasion pour se réunir, peu importe dans quelle mer ils habitaient. Le roi Adjudor prévint tous les habitants de Valcaìu et ils se réunirent autour du Cenote. Plusieurs Syrès tenaient une flamme dans leurs mains, ce qui était très spectaculaire. De grandes tables étaient alignées sur tous les étages, où les habitants discutaient et riaient tout en mangeant. Amiel, Paige, Morad et Cléophée se sentaient comme des étrangers parmi eux et Cléophée pensa une fois de plus que Céfir lui manquait. Elle restait silencieuse et pensive toute la soirée. Amiel et Morad le remarquèrent, mais ne firent aucun commentaire puisque n'importe qui pouvaient les écouter. Leur hôte leur attribua une chambre afin qu'ils puissent se reposer pour la nuit. Cléophée faillit hurler de frustration lorsqu'elle la découvrit. Deux grands lits occupaient la chambre, ce qui voulait dire qu'elle ne se retrouverait pas seule comme elle l'avait espéré. Puisqu'ils étaient tous épuisés, ils se couchèrent en même temps. Inutile de préciser que Paige et Amiel avaient déjà choisi leur lit.
Cléophée retint un soupir et ne prit même pas la peine de se déshabiller. Elle s'allongea immédiatement et feignit dormir. Morad n'était pas dupe, mais puisqu'ils n'étaient pas seuls, il se coucha à son tour, ne voulant pas déranger leurs compagnons. La jeune fille finit par s'endormir, mais les Flem's hantaient ses rêves et elle se réveilla en sursaut en pleine nuit. Morad dormait de l'autre côté du lit et elle se leva discrètement afin de ne pas le réveiller.
Elle sortit de la chambre et descendit les marches qui menaient au Cenote. Là, elle s'assit et y trempa ses pieds. C'est ainsi que Morad la trouva une heure plus tard.
- Pour quelqu'un qui semblait épuisé, je pensais que tu dormirais comme un bébé.
Cléophée haussa les épaules.
- Insomnie, répondit-elle seulement.
Elle observa le reflet de la lune miroiter sur la surface de l'eau, puis leva la tête vers le ciel. Le Cenote était profond, mais on apercevait tout de même la lune.
- Je commence à te connaitre assez bien, ma chère, pour savoir que quelque chose te tracasse, dit Morad en s'assoyant à côté d'elle.
Celle-ci poussa un soupir agacé.
- J'aime bien être seule de temps en temps.
Elle lui faisait tant penser à Donoma ! Lorsque cette dernière avait besoin de tranquillité, elle grimpait sur la branche la plus haute d'un arbre et y restait des heures.
Pourtant, depuis que Morad avait rencontré la fille de Bess, il avait laissé son passé loin derrière lui.
- J'ai envie de retourner à Céfir, avoua-t-elle alors. Lorsque nous partirons, demain, j'aimerais que tu me ramènes directement chez moi.
Morad la fixa quelques instant sans rien laisser paraître de sa déception. Il avait été naïf de s'imaginer qu'elle voudrait retourner à Atlansìa avec lui.
- Comme il te plaira, princesse, répondit-il en se levant.
Cléophée s'interrogea pendant une bonne partie de la nuit sur la soudaine froideur de Morad. Lorsqu'elle retourna se coucher, il ne se trouvait pas dans leur chambre et ne revint pas avant l'aube.
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