Chapitre 4
« Rêver, c'est scruter les étoiles
et savoir interpréter leur message »
-Source inconnue
- Cléo ! s'écria Amiel en arrivant à leurs côtés. Pourquoi ne m'as-tu pas contacté ? J'ai essayé de t'envoyer des messages télépathiques, mais tu ne répondais pas. Que s'est-il passé ?
- Désolée, s'excusa la jeune femme. J'ai...euh...j'étais déconcentrée.
- En vérité, ce que Cléophée essaie de vous expliquer, c'est que Bess est vivante, précisa Morad.
- Quoi ? fit Amiel, hébété. Mais je pensais que...
- Ouais, moi aussi, le coupa son amie. Il s'est passé quelque chose de vraiment bizarre...
Amiel insista pour qu'elle lui raconte, mais Morad les interrompit.
- Je repars pour Atlansìa, leur annonça-t-il. À demain !
Il jeta un bref regard à Cléophée, puis disparut d'un coup.
- Ce moyen de transport est épouvantable, ajouta la jeune fille. Je ne sais pas comment il fait pour endurer cela.
Elle leur raconta ensuite ce qui s'était passé à Céfir et Amiel fut rassuré de savoir que Bess allait bien.
- Tu as peut-être le don de guérison, suggéra-t-il pour expliquer ce phénomène.
Cléophée secoua la tête négativement.
- J'ai souvent vu mon père guérir des Syrès et ça ne ressemble pas à ça. Il l'a peut-être guérie à distance, mais puisque la guérison n'a pas été instantanée, il a cru qu'elle était décédée.
- Peut-être...
La nuit était tombée depuis longtemps lorsqu'ils se couchèrent finalement, Paige dans sa chambre, Cléophée sur le futon et Amiel sur le matelas gonflable juste à côté.
- Essaie de ne pas me marcher dessus si tu te lèves, cette nuit, pour aller aux toilettes, lui conseilla son ami, pince-sans-rire.
Il la connaissait assez pour savoir qu'elle avait une petite vessie.
- J'essaierai, à moins que tu te mettes à ronfler, précisa Cléophée. Dans ce cas, je me ferai un plaisir de marcher sur toi.
- Tu sais bien que je ne ronfle pas, répliqua le Syrès.
Ils se chamaillèrent encore pendant un certain temps jusqu'à ce que le sommeil ait raison d'eux. Cléophée tomba rapidement endormie après les émotions fortes de la journée. Sa rencontre avec Morad avait dû profondément la marquer, car elle rêva de lui.
Son rêve lui paraissait réel, mais en même temps, impossible. Elle se trouvait dans un arbre, tout en haut, et elle regardait les étoiles. Puis, elle vit du mouvement en bas et aperçut Morad qui semblait la chercher. Il paraissait plus jeune. Il portait ses cheveux en une longue tresse dans son dos et n'avait pas l'air grave qu'elle lui connaissait.
- Tu devrais plutôt regarder au-dessus de toi, lui cria Cléophée en éclatant de rire.
Son compagnon lui jeta un regard horrifié.
- Descends de là avant de te rompre le cou, lui ordonna-t-il.
La jeune fille lui répondit avec un sourire malicieux.
- N'aie pas peur, mon amour, je suis née dans les arbres. Je ressens leur esprit au plus profond de moi.
Lorsque Cléophée se réveilla, deux yeux aussi verts que la forêt de ses songes la fixaient. Elle se redressa brusquement, non habituée à ce qu'on la regarde dormir.
- Qu'est-ce que tu fais là ? lui demanda-t-elle brusquement.
- Je viens d'arriver, répondit Morad.
S'il était surpris par le ton de la jeune fille, il n'en laissa rien paraître.
- Ah ! Il est tôt ?
- Non, il est dix heures.
- Oh ! Foutu décalage horaire !
La jeune fille se frotta les yeux, agacée qu'il la voie dans cet état, c'est-à-dire les cheveux tout emmêlés, les yeux pochés et la bouche pâteuse. Paige lui avait prêté un pyjama dont le col du chandail trop large descendait sur ses épaules et en découvrait une. Morad, quant à lui, la trouvait irrésistible accoutrée ainsi, mais il se détourna en sentant son malaise. Il remarqua que le matelas déposé au sol était vide.
- Où sont Paige et Amiel ? demanda-t-il.
Cléophée haussa les épaules.
- Probablement ensemble. Ils ne se quittent plus d'une semelle.
- Ton ami a peut-être trouvé chaussure à son pied.
Cléophée eut un petit sourire suite à la réponse de Morad. Il avait souvent de bonnes réparties.
- Peut-être, répondit-elle.
Elle ne connaissait pas encore assez Paige pour dire si c'était celle qui convenait à Amiel.
- Je me sens un peu de trop lorsque je suis seule avec eux, ajouta-t-elle.
- Dans ce cas, j'essaierai de ne pas m'absenter trop longtemps.
La jeune fille sentit son cœur faire une loupe. Morad paraissait apprécier sa compagnie, et cela la mit de bonne humeur.
- Ça me fait penser que j'ai rêvé à toi cette nuit.
- Ah oui ?
Morad s'en doutait. Il avait examiné le visage de la jeune Syrès pendant qu'elle dormait, un demi-sourire sur les lèvres, et, sans toutefois pouvoir lire dans ses pensées, il avait perçu une effusion de sentiments : amour, tendresse, et bien-être. Il espérait qu'ils lui soient destinés.
- C'est bizarre. C'était très clair comme rêve. Je te regardais du haut d'un arbre, tu paraissais paniqué à l'idée que je tombe, et moi je m'amusais de ta réaction. Je t'ai alors dis que j'étais dans mon élément.
Le jeune homme la fixa en essayant de ne pas paraître stupéfait. Ce rêve s'était réellement produit...en compagnie de Donoma. Pourquoi avait-elle eu cette vision ? Possédait-elle le pouvoir de lire son passé ? Assurément pas, puisqu'elle était à la place de Donoma. À moins que...
- Pourquoi me regardes-tu ainsi ? interrogea Cléophée.
- Comment ?
- Comme si tu avais eu une illumination.
Pour ça, il en avait eu une, mais il n'était pas encore certain de son hypothèse.
- Je me disais seulement que tu paraissais apprécier ton rêve, répondit-il.
- Oui, c'était drôle de voir ta tête. Tu paraissais plus jeune et plus...désinvolte.
Morad était conscient que le poids des années l'avait changé. Il se souvenait qu'il avait été heureux avec Donoma, mais c'était il y avait très longtemps.
- Quel est ton âge ? Demanda soudain Cléophée
- Je suis....plus vieux que toi, révéla-t-il avec un petit sourire insolent.
Cléophée fit la moue.
- Je m'en doutais, figure-toi. Je me demandais juste si tu avais 71 ans comme papa et maman ou plusieurs milliers, comme mes grands-parents.
- Je suppose que ça se situe quelque part entre les deux, répondit Morad, que le jeu de devinette amusait.
La jeune Syrès en déduisit qu'il n'en révèlerait pas plus, mais elle était déterminée à trouver. S'il avait l'âge de ses grands-parents, elle devait ressembler à un fœtus à côté de lui.
Elle sortit du lit et, au même moment, elle entendit des voix provenant du balcon. Elle s'en approcha et découvrit Amiel et Paige assis sur des chaises, très près l'un de l'autre. La jeune femme pointait quelque chose au loin.
- Là-bas, c'est le mont Martre, disait-elle. On ne voit pas l'Arc de triomphe, mais c'est tout près des Champs-Élysées.
Amiel paraissait captivé par ce que Paige lui racontait. Cléophée sentit la colère l'envahir. Après tout, c'est elle qui rêvait de découvrir Paris. Son copain se montrait désintéressé depuis le début et, parce qu'une jolie fille lui servait de guide, il s'intéressait tout d'un coup à Paris.
- Pitoyable, murmura-t-elle tout bas pour elle-même.
- Ce qu'elle a omis de lui dire, c'est ce qui se trouve aux Champs-Élysées. Je peux t'assurer que la crème glacée de la boutique Häagen-Dazs est décadente, lui dit Morad au creux de l'oreille. Tu en oublieras tout le reste.
Celui-ci avait entendu son commentaire et ignorait ce qui irritait à ce point la jeune fille. Était-ce parce qu'elle n'était plus le centre d'attention de son ami ? Si c'était le cas, elle avait désormais toute celle de Morad. Il comprenait pourtant que ce changement radical devait l'accabler.
L'homme jeta un regard vers les deux compagnons sur le balcon. Paige avait trouvé un Semi-Syrès comme elle. Il était évident qu'ils avaient eu un coup de foudre l'un pour l'autre.
Cléophée quant à elle, ignorait ce qu'était la crème glacée, mais Morad avait piqué sa curiosité et sa promesse silencieuse la remit de bonne humeur.
Elle se rendit à la salle de bain, prit une douche et, faute d'avoir des vêtements de rechange, remis ceux de la veille. Elle attacha finalement ses cheveux bouclés encore humides. Elle avait l'air d'une adolescente presque normale, si ce n'était de ses yeux singuliers qui attiraient l'attention de ceux qu'elle croisait. Lorsqu'elle rejoignit ses compagnons, ceux-ci discutaient du planning de la journée.
- Pour le petit-déjeuner, nous arrêterons dans une crêperie, leur annonça Paige. Vous devez goûter aux crêpes au Nutella. Ce sont les meilleures. Ensuite, nous irons magasiner, puis nous nous rendrons au Musée du Louvres, où nous passerons une partie de la journée. Si nous avons encore du temps, nous traverserons le Jardin des Tuileries, mais j'en doute...
Une heure plus tard, ils marchaient dans les rues de Paris, une crêpe à la main. Celle-ci avait été pliée de façon à pouvoir facilement la tenir et ne pas se salir. Cléophée en avait conclu qu'elle ne raffolait pas du chocolat. Elle espérait que la glace dont lui avait parlé Morad serait meilleure. Ils se rendirent au centre commercial, et Paige, qui avait manifestement de l'expérience en magasinage, les emmena dans une boutique. Elle sortit plusieurs morceaux de vêtements et poussa Cléophée dans une cabine d'essayage. Celle-ci essaya divers pantalons, un long manteau beige, un imperméable bleu et quelques chandails. Morad, que tout cela ennuyait, demeura à l'extérieur du magasin. Cléophée alla le rejoindre pendant que Paige recommençait à jouer à la designer de mode avec Amiel.
- Ce n'est pas une de mes activités préférées, lui confia la jeune fille en se laissant tomber sur le banc où Morad était assis.
- Dans ce cas, quelle est-elle ? lui demanda-t-il en se tournant vers elle.
- J'adore la lecture, plus particulièrement l'histoire des civilisations.
- Intéressant, fit son compagnon en se frottant le menton. Tu devrais te rendre à Rome un jour. Je suis certain que cette ville t'impressionnerait.
Cléophée hocha la tête, tout à fait d'accord avec lui.
Lorsque leurs achats furent payés (Paige s'en chargea), ils se dirigèrent vers le musée du Louvres, qui était à une quinzaine de minutes à pied.
Leur visite dura quatre heures, puisque Cléophée voulait tout voir : les plafonds emplis de fresques, les cercueils égyptiens, les différentes sculptures et tableaux... Ses compagnons durent presque l'emmener de force hors du musée. La jeune Syrès était tellement émerveillée par ce qu'elle découvrait qu'elle avait des étoiles plein les yeux.
Il était tard lorsqu'ils retournèrent à l'appartement de Paige. Morad devait retourner à Atlansìa cette nuit-là également et les laissa après l'heure du dîner.
- Quelques Semi-Syrès me donnent du fil à retorde, leur expliqua-t-il, particulièrement ceux qui possèdent des pouvoirs. Si je les laisse trop longtemps seuls sans leur donner d'instruction, ça peut dégénérer. En plus, certains ne s'entendent pas très bien, et ce qui en résulte n'est jamais bon.
- Et que leur donnes-tu comme leçon ? interrogea Paige. Ils doivent contrôler leurs dons depuis tout ce temps.
- Nous agrandissons Atlansìa puisque la population augmente peu à peu. Les Semi-Syrès combinent leurs pouvoirs afin d'apporter des changements à la ville. Tu serais surprise de voir à quel point elle a évolué en cinquante ans. Elle s'est agrandie....en hauteur.
Cléophée ne comprenait rien à leur conversation, mais elle fut abasourdie par ce qu'elle entendit.
- Tu es en train de dire que tous ceux qui habitent là-bas...
- Sont des Semi-Syrès, compléta Morad. Tout comme Paige, Amiel et moi. Ta mère en était également une...du moins jusqu'à ce qu'elle ne change.
- Je sais. Sa mère était une humaine.
- Je dois partir, maintenant, dit Morad. À demain.
Après son départ, Cléophée se tourna vers Paige et lui posa la question qui la taraudait.
- Pourquoi est-ce lui qui doit s'occuper des habitants d'Atlansìa ?
- Parce que c'est leur souverain, répondit Paige comme si c'était évident.
La jeune Syrès en resta muette.
- Ce n'est pas difficile à deviner, ajouta Amiel. Dès l'instant où je l'ai vu, j'ai su qu'il dirigeait une cité. Ça se voit tout de suite à son air présomptueux.
- Il n'est pas présomptueux, le défendit Cléophée. Il est seulement sûr de lui et confiant.
- C'est ce que je disais.
Paige trancha en leur assurant que Morad faisait un bon roi et qu'il n'était pas l'être détestable qu'il voulait parfois laisser sous-entendre. Il exigeait qu'on lui obéisse et pouvait se montrer dur envers ceux qui s'opposaient à lui. Cléophée ne le voyait pas du tout ainsi, mais il était vrai qu'elle le connaissait depuis un jour seulement. Elle le percevait comme un homme calme et posé, mais qui dissimulait quelque chose en lui, une sensibilité et une passion qu'il réprimait depuis longtemps.
Paige leur proposa de regarder un film avant de se coucher et leur fit découvrir le premier épisode de La Guerre des Étoiles, qui captiva aussitôt Amiel. Cléophée, quant à elle, suivit à peine le film. Elle était trop perdue dans ses pensées.
Cette nuit-là, elle rêva encore de Morad, mais ils se trouvaient autour d'un feu avec des Amérindiens, que Cléophée reconnut grâce à leurs vêtements, car elle avait étudié l'histoire de l'Amérique puisque sa mère y était née et que son grand-père Owel y vivait. Le fait que Morad était habillé comme eux était extrêmement bizarre. Ses cheveux étaient tressés dans son dos et il portait une coiffe ornée de plumes, mais il se distinguait par ses cheveux blonds. Cléophée était également vêtue comme eux, et ses longs cheveux étaient aussi sombres que ses semblables. Les Amérindiens jouaient du tam-tam et certains chantaient dans leur langue. Puis, un homme que Cléophée devina être le chef, si on se fiait à son costume et sa coiffe extravagante, prit la parole.
- Je ne peux te laisser épouser Donoma, car tu appartiens à un peuple fort différent du nôtre et, malgré ton amour pour elle, ta place n'est pas parmi nous.
Cléophée aurait bien aimé assister à la réponse de Morad, mais la voix d'Amiel la réveilla.
- Ouach, tu baves !
La jeune fille ouvrit les yeux et découvrit son ami en train de l'observer d'un air dégouté.
- J'espère que ce n'est pas pour un homme que tu baves ainsi, la taquina-t-il.
Elle l'envoya promener et se leva.
- Paige veut nous emmener en haut de la tour Eiffel aujourd'hui, lui annonça Amiel.
- Dois-je te rappeler que tu tremblais de peur lorsque nous avons escaladé le Mont Kefter ?
- Je te défends de lui dire, Cléo. J'aurais l'air d'un trouillard.
Cléophée poussa un long soupir, puis sourit à l'idée de cette excursion. Elle sentait qu'elle allait avoir du plaisir à regarder son ami essayer de dissimuler sa peur pour les hauteurs.
- Qu'est-ce qui t'amuses autant ?
Elle haussa les épaules et enfila une paire de jeans et un débardeur tandis qu'Amiel sortait du salon. Elle venait tout juste de passer le vêtement par-dessus sa tête que Morad apparut à quelques pas d'elle, la faisant pousser un cri.
- Désolé de t'avoir pris par surprise, dit-il d'un ton neutre qu'elle commençait à lui connaître.
- Quelques secondes plus tôt et ça aurait été indécent ! S'exclama la jeune fille en libérant sa longue chevelure, qui était restée coincée sous son débardeur.
Morad, nullement troublé par son commentaire, lui répondit par un petit sourire provocateur :
- Avoir su...
La jeune fille en resta pantoise.
- Je blaguais, précisa-t-il. Je respecte le fait que tu sois pudique.
Être pudique en habitant à Céfir où tous les Syrès étaient très peu vêtus ? Non, elle ne l'était pas, mais Morad provoquait chez elle une tonne d'émotions déstabilisantes.
- Je ne suis pas pudique, argua-t-elle. J'habite à Céfir.
- Bien. Dans ce cas, j'arriverai plus tôt la prochaine fois, dit-il en lui faisant un clin d'œil.
Il voulait apparemment la provoquer, et Cléophée décida d'entrer dans son petit jeu. Il était sur le point de sortir du salon lorsqu'elle lui demanda :
- Qui est Donoma ?
Il s'immobilisa aussitôt, et Cléophée sut qu'elle remportait la manche. Elle le vit prendre une grande inspiration avant de se détourner et de l'observer comme s'il voulait lire en elle.
Cléophée se souvenait très bien de son rêve. Elle était quelqu'un d'autre, une Amérindienne, et se nommait Donoma. Avait-elle le don de plonger dans les souvenirs des autres, qui était, en l'occurrence, ceux de Morad ?
- Qui t'a parlé d'elle ? demanda-t-il sèchement.
Son flegme habituel avait disparu.
- Personne. J'ai rêvé d'elle...encore.
Morad resta silencieux un long moment.
- Alors ? s'enquit Cléophée, impatiente d'entendre sa réponse. T'es-tu mariée avec elle ?
Une forte jalousie s'emparait d'elle à cette idée.
- Oui.
Bordel ! Morad avait une femme et il n'avait pas pris la peine de le lui mentionner. Mais peut-être qu'il la considérait seulement comme une petite idiote. Il voulait peut-être expier ses fautes antérieures et se racheter auprès de Bess en protégeant sa fille et en faisant semblait qu'elle comptait pour lui.
- Et où est-elle présentement ? Tu la laisses à Atlansìa pendant que tu te balades partout ?
La jeune Syrès vit une lueur de colère briller dans les yeux de Morad.
- Elle est morte, répondit-il sèchement.
Cléophée resta interloquée.
- Pourquoi parles-tu d'elle comme si elle était encore vivante ? demanda-t-elle.
- Les personnes que nous aimons quittent un jour nos yeux, mais jamais notre cœur, répondit-il.
Alors, après toutes ces années, il aimait toujours cette femme. Pas étonnant qu'il soit encore célibataire !
Amiel entra au même moment dans le salon, mettant fin au silence pesant qui s'était installé entre eux.
- Nous sommes prêts, leur annonça-t-il. Qu'est-ce vous attendez ? On n'a pas toute la journée.
En réalité, oui, ils avaient toute la journée, mais elle ne le précisa pas. Morad, qu'elle était apparemment vexé, suivit Amiel sans se retourner. Elle lui avait probablement rappelé des souvenirs douloureux. Pourtant, elle ne voulait pas s'excuser, car elle éprouvait du dépit à l'idée qu'il en aime une autre.
- Qu'est-ce qui m'arrive ? se dit-elle à voir haute. Je me comporte comme si nous étions destinés l'un à l'autre tandis que ce n'est qu'un flirt passager.
Elle baissa les yeux sur les bracelets à son poignet, qu'elle avait attachés ensemble. Ils étaient composés d'améthyste et un cœur taillé dans un cristal se trouvait au centre. Auparavant, seulement les hommes Syrès en fabriquaient, mais depuis que ses parents étaient les souverains de Céfir, les femmes également en réalisaient, probablement au cas où quelqu'un le détruirait par accident. De cette façon, les couples avaient deux bracelets, un à chaque poignet.
Comme Cléophée s'y était attendue, son trouillard de copain fit semblant d'admirer la vue du haut de la tour Eiffel, mais, aussitôt que Paige se tournait, il fermait les yeux.
Le panorama du troisième étage de la tour était époustouflant. Cléophée n'avait jamais rien vu de semblable, même pas en photo dans un des bouquins de la Grande Bibliothèque. On voyait Paris au complet ; la Seine, l'Arc De Triomphe, Notre-Dame-De-Paris. Cléophée s'approcha de la balustrade et se pencha vers l'avant afin d'apercevoir les gens en bas. Ils avaient l'air de fourmis.
- Fais attention, lui conseilla Morad en la prenant par la main pour qu'elle recule.
- Je n'ai pas peur des hauteurs, lui répondit-elle.
- Je m'en doute.
Il ne lui avait pas adressé la parole depuis qu'ils étaient partis et avait gardé un air distant avec elle.
- La rambarde est sécuritaire, ajouta-t-elle en retirant sa main de la sienne.
Il ouvrit la bouche pour répondre quelque chose mais, au même instant, Paige s'écria : « Regardez là-bas ! »
Ce qu'ils aperçurent les laissèrent bouche-bée.
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