Chapitre 18
« Si tu pleures parce que tu as perdu ton soleil,
alors tes larmes t'empêcheront de voir les étoiles »
-R. Tagore
La jeune fille était encore en train de crier lorsque Morad apparut à côté de son lit. Il était en pyjama et avait les yeux écarquillés.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-il, alarmé.
- Je...je...balbutia Cléophée en reprenant son souffle.
Morad soupira.
- Un cauchemar, répondit-il à sa place en relâchant sa position crispée.
Cléophée fixa un point sur le mur, le regard absent. Elle savait que les évènements auxquels elle avait rêvés s'étaient bel et bien produits.
Morad s'approcha d'elle en voyant qu'elle ne réagissait pas.
- Regarde-moi, lui ordonna-t-il, mais elle resta immobile.
Ce n'est que lorsque Morad posa ses mains sur ses épaules qu'elle le regarda finalement. Elle sut immédiatement qu'il sondait son esprit afin d'y lire ce qu'elle avait vu. Elle avait remarqué que ses iris s'obscurcissaient lorsqu'il exerçait son pouvoir.
Il fronça les sourcils.
- Je crois que lorsque tu as un coup de cafard, ton humeur se reflète dans tes rêves, qui représentent les souvenirs funestes de Donoma.
Ça avait du sens !
- Tu devrais essayer de dormir encore un peu, lui dit Morad en se redressant. Il reste encore quelques heures avant l'aube.
Il se téléporta sans un mot de plus.
Cléophée ne parvint pourtant pas à se rendormir.
...
Quelques heures plus tard, une quarantaine de Semi-Syrès se tenaient sur le pont de cristal aménagé pour leur entraînement. Paige et Amiel étaient déjà arrivés lorsque Cléophée s'y présenta.
- Cléo ! On se demandait ce qui s'était passé hier, mais d'après ce que je vois, ça ne s'est pas très bien terminé, lui dit Amiel.
- Tu as compris, répondit la jeune fille d'une voix lasse.
- Silence ! tonna la voix de Morad, les faisant tous sursauter.
Les Semi-Syrès se tenaient droits comme des soldats et ne pipaient mot. L'ordre s'adressait apparemment à Cléophée et Amiel. Celui-ci resta stupéfait par le ton cinglant du souverain ; personne ne l'avait averti de sa sévérité.
- Bon matin, les salua le roi d'Atlansìa. Nous avons de nouveaux venus... et des plus anciens.
Il fit un signe de tête à Paige, puis se détourna vers le groupe.
- L'entrainement reprend, leur annonça-t-il. Pour commencer, nous allons nous échauffer physiquement. Je veux que vous soyez tous en forme. Mettez-vous en positions pour les « push up ».
Cléophée n'avait jamais été en forme physiquement, contrairement à Bess et Rem. Vingt minutes plus tard, elle avait l'air d'avoir plongé dans l'eau.
Paige lui tendit un élastique afin qu'elle attache ses cheveux, qui lui collaient à la figure.
- Je ne vois pas le rapport entre ces entraînements et la pratique de nos pouvoirs, maugréa Cléophée.
- C'est important d'avoir une bonne endurance lorsque nous manipulons la magie, répondit Paige. C'est aussi exténuant mentalement que physiquement.
Sauf que là, Cléophée était déjà crevée et ils n'avaient pas encore réellement commencé.
Morad fut implacable et les fit courir pieds nus sur la passerelle, puis nager dans l'eau.
- Sauf toi, dit-il à Cléophée en s'adressant à elle pour la première fois depuis le début de l'entraînement. Tu feras 60 jumpings jack pendant ce temps.
- Des quoi ? interrogea-t-elle.
Le Semi-Syrès roula les yeux.
- Mais que faites-vous à Céfir ? ronchonna-t-il en lui faisant une démonstration.
- Autre chose de plus utile, répliqua-t-elle.
- Fais-en 50 de plus, ordonna Morad d'un ton sans réplique.
À l'heure du midi, elle se rendit dans la cité chercher quelques fruits et légumes et passa chez elle prendre une douche rapide. Elle resta un peu plus longtemps que prévu et elle s'habilla en vitesse, puis retourna au point de rencontre.
Lorsqu'elle arriva, elle resta ébahie par ce qu'elle vit : Les Semi-Syrès déployaient tous leur pouvoir, prenant chacun l'espace qui lui était attitré.
- Tu es en retard, lui reprocha Morad avant qu'elle n'ait pu observer les autres.
- Je...
- Je me fiche de ce que tu faisais. Il est primordial que tu sois là au bon moment.
Jamais elle n'aurait pensé que Morad soit à ce point tyrannique et impitoyable.
- Je t'avais prévenue, ajouta-t-il en percevant ses pensées. Maintenant, mets-toi en équipe avec Sam. Il va t'expliquer comment il utilise son don.
Elle n'avait pas revu le jeune homme depuis la soirée des Skadowees. Celui-ci la salua d'un hochement de tête, puis lui expliqua comment invoquer son pouvoir.
- Tu dois visualiser la flamme à l'endroit où tu veux la manifester. Ferme les yeux, fait le vide dans ton esprit et pense à l'énergie, la chaleur du feu, sa couleur. Tu dois la voir, la sentir.
- Et si j'invoque un Flem's sans faire exprès ?
- Il ne viendra pas ici. Maintenant, essaie.
Cléophée s'exécuta et la flamme apparut immédiatement dans sa main.
- C'est bien, maintenant tu dois apprendre à la manipuler selon ta volonté afin de lui faire faire ce que tu veux, comme la faire grandir ou la lancer.
Pourquoi ferait-elle une chose pareille ? Elle ne voulait mettre le feu nulle part.
La jeune fille avait perdu sa concentration et la flamme vacilla, puis s'éteignit complètement.
- Tu ne dois pas te laisser distraire, dit Sam.
- Facile à dire, répliqua Cléophée en jetant un regard furieux à Morad.
Celui-ci se tenait plus loin et la fixait de son air impénétrable.
- Lorsque tu seras habituée, ce sera plus facile de la conserver longtemps. Essaie à nouveau.
Elle répéta plusieurs fois le même processus, mais cela devint de plus en plus difficile puisque la fatigue s'emparait d'elle. Elle comprenait maintenant pourquoi il fallait avoir une grande forme physique. La sueur perlait sur son front à force de se concentrer pour maintenir la flamme dans sa main.
- Ça suffit pour aujourd'hui, dit enfin Morad. À demain, tout le monde.
Cléophée poussa un soupir de soulagement.
- Nous allons nager, ce soir, lui dit Kimberly alors qu'elles s'éloignaient. Aimerais-tu te joindre à nous ?
- Peut-être une autre fois, répondit Cléophée. Je suis vidée !
Son amie éclata de rire.
- C'est ardu les premières fois, mais on s'habitue.
- Je l'espère, dit Cléophée.
- À demain, alors.
Ses nouvelles amies la saluèrent, puis prirent congé. Cléophée s'apprêta à faire de même, mais Morad l'appela, ce qui la fit soupirer. Que lui voulait-il encore ?
Elle remarqua qu'un jeune rouquin se tenait à ses côtés.
- Je te présente Gabin, lui dit Morad. Gabin, voici Cléophée, ma fiancée.
- Ex-fiancée, le reprit la concernée.
- Fiancée, insista le souverain, en soulevant son poignet pour leur montrer le fameux bracelet.
Cléophée poussa un long soupir en levant les yeux au ciel.
- Gabin va invoquer un Eldre's et, une fois qu'il sera présent, ce sera à toi de discuter avec lui.
- Maintenant ?
- Oui, le plus tôt sera le mieux. Je pourrai par la suite avertir le conseil des Syrès des dernières nouvelles.
- Et que vais-je lui dire ?
- À toi de trouver.
Sans plus de cérémonie, Gabin ferma les yeux et se concentra. Cléophée sentit l'air se charger et devenir pesant, comme le temps avant la pluie. Ses cheveux se soulevèrent ensuite lorsque le vent se leva. Morad ne paraissait guère surpris par cette manifestation et fixait Gabin. La jeune femme frissonna lorsqu'un tourbillon se forma devant eux. Une voix gronda, ce qui lui fit dresser le poil de ses bras.
- Qui ose me solliciter ? fit la forme quasi-humaine formée par le vent.
L'esprit était immatériel, mais était tout de même intimidant. Cléophée ne doutait pas une seconde que l'Eldre's aurait pu raser Atlansià en un clin d'œil.
- C'est moi, répondit Cléophée d'une voix tremblante.
L'esprit darda sur elle son regard sévère.
- Parle, lui intima-t-il.
Ouah ! Il était encore plus antipathique que le Flem's de Valcaiù ! La jeune femme lui expliqua tout de même la situation.
- Il n'est pas question d'arrêter les cataclysmes sur Terre, la coupa l'esprit. Les humains se sont tellement multipliés que, s'ils continuent ainsi, ils détruiront la planète. C'est de notre devoir de faire le ménage.
Cléophée déglutit face à ces paroles crues et sans considération.
- Ils ne méritent pas de mourir ainsi, déclara-t-elle.
- Certes, certains sont innocents, mais ce n'est pas nous qui décidons lesquels se trouveront sous notre trajectoire.
- Il n'y a aucun moyen de vous faire changer d'avis ? tenta une dernière fois Cléophée. Pourriez-vous au moins diriger les ouragans et tornades vers des lieux non habités, ou très peu ? Cela ferait moins de ravages et nous vous en serions éternellement reconnaissants.
L'esprit sembla réfléchir.
- Je ferai part de votre requête au grand maître des Esprits et j'insisterai sur le fait que vous être une Sièlstre. Les Eldre's ont un grand respect pour vous.
- Merci, fit Cléophée en se demandant comment il avait pu deviner son identité.
Le vent engendré par l'Eldre's se calma aussitôt et celui-ci disparut alors. Morad s'approcha de Cléophée et lui demanda si elle allait bien.
- Je suis épuisée, lui avoua-t-elle.
- Dans ce cas, vas te reposer. Je m'occupe de renseigner le conseil au sujet de la réponse des Esprits de l'air. Bonne nuit.
La jeune Syrès retourna donc à sa nouvelle demeure. Elle aurait dû se rendre dans la cité afin de chercher de la nourriture, mais elle était si fatiguée qu'elle peinait à avancer. Incapable de faire le trajet jusqu'à la cité, elle arrêta chez elle et se coucha immédiatement. Jamais auparavant elle ne s'était endormie aussi rapidement.
...
Cléophée était si confortable dans son lit qu'elle y serait restée toute la journée. Elle entendit vaguement quelqu'un l'appeler ; une voix d'homme lointaine lui parvenait mais pas assez près pour la tirer de son sommeil. Elle marmonna : « Laisse-moi dormir, papa » puis la voix s'éteignit. Elle poussa un soupir de volupté... juste avant d'être engloutie dans l'océan.
La jeune fille se redressa en criant, détrempée. Morad se tenait devant elle, un sceau d'eau entre les mains.
- Qu'est-ce qui t'as pris de faire cela ? cracha-t-elle en s'essuyant le visage.
- Tu es en retard. Je t'avais mentionné d'être à l'heure à l'entraînement.
Cléophée haussa les épaules.
- J'aurais peut-être été capable de me lever si tu avais été moins exigeant hier. J'ai mal partout !
- C'est normal, tu n'es pas habituée à ce rythme d'entraînement. Maintenant, lève-toi, ajouta-t-il sans douceur.
Impitoyable : elle connaissait maintenant la définition de ce mot.
La pauvre sortit du lit...et s'effondra sur le sol en gémissant. Ses membres ne lui répondaient plus tellement ils lui faisaient mal.
- L'endurance n'est pas ton point fort, remarqua Morad en l'aidant à se relever.
En guise de réponse, l'estomac de la jeune fille émit un grognement.
- Qu'as-tu mangé hier soir ? demanda le Semi-Syrès. C'est important de choisir les aliments adéquats pour refaire ses réserves d'énergie.
- Euh...rien.
Morad la regarda d'un air choqué.
- Pas surprenant que tu sois à ce point courbaturée et éreintée. Tu ne dois sauter aucun repas, sinon c'est très dangereux.
- Je m'en souviendrai, marmonna Cléophée.
Sans l'avertir, Morad les téléporta chez lui. Faible comme elle était, Cléophée se mit à avoir des haut-le-cœur pendant plusieurs minutes.
- Désolé, s'excusa Morad. Ce ne doit pas être plaisant vu ton état.
Il l'emmena dans la cuisine et lui servit un jus de légumes avec des noix. La jeune, affamée, engloutit tout et se sentit déjà mieux.
- On va y aller plus doucement ce matin, lui dit Morad. On va faire des étirements et de la méditation. Tu devrais être en mesure de suivre les autres.
Cléophée méditait depuis son enfance ; elle n'avait par contre jamais essayé en compagnie de d'autres personnes. Elle tenait toujours à être seule.
- Et qu'en est-il du conseil des Syrès ? interrogea Cléophée. Tu leur as parlé ? Vont-ils se réunir à nouveau ?
- Oui, toutefois, il se trouve que Bess et Rem ont quelques petits problèmes avec ton frère.
- Quoi ? s'écria Cléophée. Qu'est-ce qui se passe ?
- Rien de très grave. Il se trouve que Calix possède déjà de puissants pouvoirs et qu'ils sont assez singuliers.
- Comme ?
- Il contrôle le jour et la nuit.
- Pardon ?
- Tes parents ignorent comment il fait cela, mais il peut intensifier ou diminuer l'intensité des stalactites de Céfir par une seule et unique pensée. Du coup, le jour et la nuit sont inversés et toutes les journées sont bouleversées. Bess et Rem sont en train de rétablir la situation, mais ils ne peuvent participer à la réunion du Conseil pour cette raison. Or, il est impératif que tout le monde soit présent.
- Je comprends, dit Cléophée. Céfir est leur priorité. Ils doivent veiller sur la cité.
- Voilà ! Du coup, cela nous donne encore quelques jours pour perfectionner ton don.
Cléophée ignorait si c'était une bonne chose ou non.
- Tu devrais peut-être te changer avant de partir, lui conseilla le Semi-Syrès.
Elle baissa les yeux vers son pyjama et rougit brusquement. Il était blanc, mais l'eau l'avait rendu transparent, révélant toutes les courbes de la jeune fille.
- Par chance, je suis le seul à avoir profité de cette magnifique vue, plaisanta-t-il.
- Sale pervers, l'accusa-t-elle en quittant précipitamment la cuisine.
Elle entendit le rire de l'homme la suivre jusqu'à l'étage, où elle claqua la porte avec rage. Elle enleva le tee-shirt mouillé et le remplaça par un autre, bleu cette fois. Elle enfila également des pantalons confortables. Ils la moulaient comme une seconde peau et, étant donné sa silhouette élancée, ses formes se révélaient parfaites. Elle termina en s'attachant les cheveux et jeta un coup d'œil dans le miroir. Elle était cernée, signe de fatigue évidente, mais outre ce détail, elle était présentable.
Avec un petit sourire satisfait, elle alla retrouver Morad qui lisait le journal au salon. Il leva les yeux lorsqu'il l'entendit arriver et la détailla silencieusement. Puis, il se leva.
- Allons-y ! annonça-t-i. Ils nous attendent depuis un moment.
Il la prit par la taille et l'attira contre lui. Sa fiancée se raidit, mais ne riposta pas, et il les téléporta ainsi. Lorsqu'ils atterrirent sur la plate-forme, Cléophée prit soin de s'éloigner de Morad, même si tout le monde avait remarqué leur enlacement. Après tout, ce n'était une nouvelle pour personne. Ils savaient tous qu'ils étaient fiancés, et certains se demandaient même pourquoi ils ne démontraient aucun signe d'amour l'un pour l'autre. Ils ignoraient que Cléophée avait mis leur relation sur la glace.
Les Semi-Syrès s'étaient trouvé un passe-temps en les attendant ; ils dansaient au son de la musique.
- Ça suffit ! dit Morad. Ce matin, nous commencerons l'échauffement par des exercices d'étirements et de méditation.
Cléophée entendit quelques garçons maugréer et eut un petit sourire. Morad, quant à lui, les ignora.
Des tapis avaient été installés sur le sol et c'est avec plaisir que Cléophée se délia les muscles. Elle était flexible malgré sa mauvaise condition physique. Morad lui jetait des regards subtils, surpris par la souplesse de sa bien-aimée, et n'eut rien à redire.
Un peu plus tard, ils s'installèrent pour méditer. Certains le faisaient assis, d'autres couchés ; c'était à leur guise.
- Et que je n'en surprenne pas un à communiquer par télépathie ! les avertit Morad.
Cléophée avait intercepté le regard de Paige et d'Amiel. Morad également. Paige fit une petite moue déçue et son amoureux lui répondit par un sourire tendre. Cléophée les enviait ; ils avaient l'air si heureux ensemble. Leur relation semblait parfaite. Ils étaient toujours en accord l'un avec l'autre et ne se chicanaient jamais.
La jeune fille, perdue dans ses pensées, en oublia sa méditation et son regard vagabonda par-delà l'étendue d'eau. Qu'allait-elle faire après la réunion ? Voyagerait-elle seule parmi les humains ou retournerait-elle à Céfir maintenant que sa relation avec Morad avait flopé ?
Elle ne reviendrait probablement pas à Atlansìa, même si elle commençait à apprécier l'endroit, ainsi que ses habitants. La plupart étaient très gentils avec elle et elle aimait beaucoup discuter avec le trio de Kimberly, Alice et Éloïse. Elle commençait même à détester un peu moins Sam. La veille, il avait été aimable avec elle et l'avait beaucoup aidée. Il avait même plaisanté qu'à ce rythme, elle deviendrait meilleure que lui en un rien de temps. Finalement, lorsqu'on saisissait son sens de l'humeur et qu'on ne le prenait pas trop au sérieux, on finissait par l'apprécier, malgré son immaturité évidente. Non, elle ne pourrait pas revenir à Atlansìa car elle devait mettre le plus de distance possible entre Morad et elle. Chaque fois qu'elle le voyait, elle avait l'impression de son cœur se déchirait. Malgré sa fureur contre lui, elle ne pouvait s'empêcher de l'aimer ; c'est ce qui lui faisait le plus mal.
Cléophée poussa un soupir, déchirée par la situation.
Morad avait remarqué que l'une de ses élèves ne se concentrait pas sur sa méditation. Il hésitait à l'apostropher ou à la laisser poursuivre ses réflexions. Après tout, il savait à quoi elle réfléchissait et à quel point elle était malheureuse ; sa tristesse transparaissait dans son visage. Il se promit qu'après la réunion des Syrès, il se hâtera de régler leur différend.
En après-midi, les Semi-Syrès reprirent l'entraînement. Les nouveaux arrivants s'étaient beaucoup améliorés et Morad en félicita plusieurs.
- Cléophée ! l'appela Amiel alors qu'elle s'entraînait à faire grandir sa flamme.
Cette dernière tourna la tête vers la voix de son ami et, au même instant, elle le vit apparaître à quelques pas d'elle, tenant Paige par la main. Il rayonnait, fou de joie d'avoir réussi l'exploit de rendre quelqu'un d'autre invisible avec lui.
La jeune Semi-Syrès s'empressa de féliciter son ami, heureuse pour lui.
- Bravo, le félicita également Morad avec son habituel air posé.
En fin de journée, tous étaient satisfaits de leur progrès, les plus anciens s'amusaient ensemble et se lançaient des défis. Certains même se défiaient avec leurs pouvoirs.
- Vous avez tous fait du bon travail, leur dit Morad. Bonne soirée !
Cléophée, un peu moins éreintée que la veille, se dirigea vers la cité en compagnie de ses nouveaux amis et dîna avec eux, puis refusa une fois de plus leur invitation à aller se baigner ; elle devrait bien leur avouer un jour qu'elle ne savait pas nager.
Elle retourna donc dans son nouveau chez-soi et s'assit sur le canapé. Elle s'ennuyait mortellement ! Il n'y avait rien à faire dans cette maison ! Si elle avait eu un livre sous la main, elle aurait au moins pu lire tranquillement. Elle se souvint alors que Morad lui avait mentionné qu'Atlansìa comportait une bibliothèque. Elle retourna donc explorer la ville et trouva l'endroit qu'elle cherchait. Contrairement à la bibliothèque qu'elle connaissait, dont les étagères d'odanyr s'élevaient jusqu'au plafond vouté, celle-ci lui faisait davantage penser à une cathédrale. C'était le seul édifice de ce genre dans la cité, ce qui le distinguait des autres. Cléophée aurait bien aimé savoir si Morad vouait un culte aux livres, comme elle, ou si l'idée lui était simplement venue par hasard. Puis, elle poussa un long soupir en se demandant si un jour elle arrêterait de penser continuellement à lui.
Les bouquins n'étaient pas rangés sur des tablettes ; ils étaient plutôt étalés sur des tables, ce qui lui fit froncer les sourcils. Pour la jeune Syrès, une bibliothèque comportait des rangées de livres, et non des tables comme celles-ci.
Pourtant, une demi-heure plus tard, elle finit par avouer que c'était beaucoup plus facile de trouver un titre plaisant en voyant la page couverture. Les sujets étaient plutôt différents de ce qu'elle connaissait. Ils étaient plus...humains. Elle trouva ainsi le roman « Notre-Dame-de-Paris », dont lui avait parlé Morad, « Roméo et Juliette » et « Le Seigneur des Anneaux ». Cléophée les emprunta et retourna chez elle afin d'entamer le dernier titre, qui était pour elle le plus accrocheur.
La jeune fille lut toute la nuit et se coucha à l'aube. Pourtant, cette fois-ci, elle avait programmé le réveille-matin afin d'être à l'heure. Cette invention était somme toute très pratique et, puisqu'Atlansìa pouvait reproduire la technologie humaine, les Semi-Syrès en profitaient pour l'intégrer à leur mode de vie.
Lorsque son réveil la sortit de son sommeil, Cléophée remarqua qu'elle dormait depuis à peine deux heures. Malgré tout, elle ne regrettait pas d'avoir lu aussi longtemps : le Monde des Elfes, des hobbits et des nains la fascinaient. Qui avait bien pu avoir autant d'imagination pour inventer un monde aussi complet ? L'auteur était-il un véritable humain ou connaissait-il le monde magique ?
Songeuse, elle enfila un débardeur et une paire de pantalons aussi serrés que la veille (Elle avait été habituée aux vêtements qui la moulaient comme une seconde peau). Elle ne débordait pas d'énergie à cause de sa nuit blanche, et ses gestes étaient exempts de vigueur. Lorsqu'elle fut prête, elle saisit une pomme et sortit en prenant une bouchée. Le temps était plutôt gris et orageux, contrairement à d'habitude. C'était la première fois que Cléophée n'apercevait pas le soleil depuis son séjour à Atlansìa. Comment être de bonne humeur avec une température pareille ? Elle frissonna, habituée à la chaleur, et eut envie de retourner chercher un chandail plus chaud, mais le temps lui manquait. Elle voulait prouver à son cher fiancé qu'elle pouvait être à l'heure, pour une fois. Pourtant, il n'était pas encore arrivé. Ceux qui se trouvaient déjà sur les lieux semblaient préoccupés par le ciel au-dessus d'eux.
- Qu'est-ce qui se passe ? chuchota Cléophée en s'approchant d'Amiel.
- Morad est apparemment de mauvais poil.
- Veux-tu dire qu'il peut contrôler le temps qu'il fait ?
- Bien sûr ! C'est sa cité.
Elle ne le connaissait pas tant que ça, après tout, mais une chose était sûre : ça ne présageait rien de bon pour la journée...
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