Chapitre 14
« Change de ciel, tu changeras d'étoile»
-Proverbe Corse
Morad conduisit Cléophée dans sa chambre et claqua la porte derrière elle, la faisant sursauter. Puis, il lui lança une de ses chemises.
- Mets ça, lui dit-il en enlevant lui-même ses vêtements mouillés.
Si Cléophée n'avait pas tant redouté ses réprimandes, elle aurait probablement admiré le corps de son fiancé, qu'elle voyait complètement nu pour la première fois. Il ne semblait pas du tout embarrassé par sa nudité et enfila seulement un caleçon avec un t-shirt. Puis, il se tourna vers sa compagne, qui n'avait pas bougé, et haussa un sourcil.
- As-tu besoin d'aide ? lui demanda-t-il
- Non.
Elle se dirigea vers la salle de bain et s'enferma à double tour. S'il pensait qu'elle allait se déshabiller devant lui, il allait être déçu !
Elle retira de peine et de misère ses shorts et se démena pour enlever son débardeur, qui lui collait à la peau, et qui resta coincé à mi-chemin entre son menton et son front. Elle ragea pendant un moment et laissa échapper un tonne de mauvais mots.
- Tant de paroles grossières provenant d'une si belle bouche, fit une voix moqueuse qui la fit bondir.
Morad avait rattrapé son débardeur et observait Cléophée, dont le cœur s'était accéléré. Elle était simplement en sous-vêtements.
- À quoi servent les verrous, ici ? maugréa-t-elle en enfilant la chemise en vitesse.
- Certainement pas à me fuir !
Cléophée roula les manches de la chemise et aperçut enfin son reflet dans le miroir. Elle ressemblait à un mouton ! Ses cheveux étaient doublement plus frisés qu'à leur habitude.
- Tu me fais penser à Boucle d'or, dit Morad. C'est une histoire pour enfant.
Cléophée se tourna vers lui, furibonde.
- Si tu es ici pour me réprimander, alors fais-le tout de suite qu'on en finisse.
- À quoi ça servirait ? De toute façon, je ne suis pas ton père, alors je n'ai pas à te faire la morale
La jeune Syrès resta interdite pendant un instant. Elle était certaine qu'il la sermonnerait.
- Par contre, je tiens à t'avertir : la prochaine fois que tu tentes d'utiliser tes pouvoirs sans avoir d'abord reçu des leçons, je ne serai pas aussi clément.
- Tu ne me fais pas peur !
Il savait qu'elle mentait.
- Pourtant, tu devrais. Mes ennemis savent de quoi je suis capable.
- Mais je ne suis pas ton ennemie, dit Cléophée avec un air de défi.
- Effectivement, alors tu ne sais pas à quoi t'attendre.
D'un bond, il fut devant elle et elle recula jusque dans la douche, les yeux agrandis d'effroi. Morad s'amusait beaucoup de sa réaction, mais ne le laissa pas paraître. Elle ignorait quelles « punitions » il rêvait de lui faire subir. Et elle s'apprêtait à connaître la première. D'un simple geste, Morad ouvrit le robinet de douche et la tête pluie démarra immédiatement, juste au-dessus de Cléophée. Celle-ci poussa un cri lorsque l'eau froide atterrit directement sur elle. Les autres jets suivirent, la trempant au grand complet. Morad la rejoignit et la coinça entre le mur et lui. Ils se retrouvèrent donc sous l'eau glaciale. Cléophée se débattit pour y échapper, mais Morad la tint fermement contre lui, puis écrasa ses lèvres sur les siennes. Ses mains parcoururent avec ardeur son corps, moulé par la chemise légère. Cléophée, sous le coup de l'émotion et de la douche, répondit à son baiser et passa ses mains derrière le cou de Morad. Ils restèrent de longues minutes à s'embrasser, puis Morad tourna le mitigeur pour réchauffer la température de l'eau, qui devint rapidement chaude. Cléophée soupira de bonheur, et Morad entreprit de la débarrasser de sa chemise mouillée.
- Ne t'inquiète pas, lui dit-il, j'en ai d'autres qui te feront tout aussi bien, mais tu n'en auras pas besoin avant un bon moment.
Malgré la température agréable de l'eau, la jeune Syrès frissonna, et Morad en profita pour la serrer à nouveau contre lui tout en la couvrant de baisers. Puis, après une douche interminable, il l'amena dans son lit, où ils s'enroulèrent dans les couvertures pour se réchauffer mutuellement...
Le lendemain matin, Cléophée parvint difficilement à sortir des brumes du sommeil. Cette fois-ci, ce n'était pas causé par ses cauchemars récurrents, mais plutôt par son compagnon, qui dormait lui aussi, enlacée à elle. Les deux amants avaient eu une nuit bien courte.
Ce n'est que lorsque des coups résonnèrent à la porte de la chambre que Cléophée se réveilla brusquement.
- Ce n'est pas le temps de faire la grâce matinée, cria la voix d'Amiel. Nous avons des gens à sauver.
Le Roi d'Atlansìa ouvrit les yeux et grogna :
- Nous sommes presque prêts !
- C'est ça ! À d'autres !
Cléophée ricana en se redressant.
- Je crois qu'il t'en veut un peu d'avoir interrompu leur petite fête d'hier soir, dit-elle à Morad.
Celui-ci haussa les épaules ; il s'en moquait.
- En tout cas, tes punitions sont vraiment terribles, plaisanta-t-elle.
- Sérieusement, ne retentes plus d'invoquer le feu avant d'avoir suivi une formation, dit Morad en la regardant droit dans les yeux. C'est très dangereux.
Cléophée hocha la tête pour lui signifier qu'elle avait compris.
- Je te promets que, lorsque nous reviendrons de notre mission, nous commencerons ta formation et tu pourras ainsi tester tes limites en toute sécurité.
- J'ai hâte !
- Tu changeras peut-être d'avis, dit Morad, pince-sans-rire. Il parait que je suis un vrai tyran lors des entraînements.
La jeune Syrès lui répondit par un sourire insolent.
- J'en en eu un aperçu cette nuit, ce qui les fit éclater de rire.
Ils s'habillèrent donc et se hâtèrent d'aller rejoindre Paige et Amiel, qui s'impatientaient au salon.
- Je savais bien que tu t'inquiétais pour rien, dit Amiel à Cléophée lorsqu'il vit qu'elle était de bonne humeur. Morad ne t'as pas passé un savon, finalement ?
Oh que oui ! Il l'avait passé partout sur son corps et Cléophée rougit à cette pensée, mais Amiel s'était déjà détourné vers les autres ; il ne remarqua donc pas le malaise de son amie. Morad, lui, le discerna, mais ne fit aucun commentaire, bien qu'un sourire moqueur se dessinât sur son visage. Il était déjà en train d'annoncer qu'ils partiraient dans moins d'une heure et quoi apporter en voyage.
- N'emmenez qu'une petite valise, leur dit-il. Les Syrès d'Arbollis vivent avec le strict minimum et nous devons respecter leurs habitudes. Ils ne portent pas de vêtements humains.
- Donc pas de jeans ? interrogea Paige avec une petite moue déçue.
- En effet.
Cléophée vit Paige pincer les lèvres, signe qu'elle n'était pas d'accord avec cette décision, mais Amiel lui prit la main et lui sourit pour lui signifier que tout irait bien. Preuve qu'elle avait un caractère plus soumis que Cléophée, elle finit par sourire à son tour à son amoureux.
- Autre chose, continua Morad. Les Syrès d'Arbollis semblent dire que les arbres de leur cité aiment la tranquillité, alors tout le monde doit chuchoter en tout temps afin de leur montrer du respect.
- Mais c'est absurde ! s'insurgea Cléophée. Ils ne se réveilleront jamais si personne ne leur parle.
- Ils disent que ce n'est pas en criant qu'on communique avec les arbres, donc, si vous tenez à venir avec moi, vous devez me promettre de respecter les consignes.
Ils hochèrent tous la tête.
- Parfait. Les Arbollisiens ont des coutumes un peu différentes de Céfir. Ils n'échangent le bracelet de la Destinée que lorsqu'ils sont assez matures pour s'unir, c'est-à-dire pas avant l'âge d'environ cinq cents ans, alors essayez de cacher le vôtre ; ce ne serait pas très bien vu.
- Pourquoi attendent-ils aussi longtemps ? interrogea Paige.
- Ils veulent être sûrs de choisir la bonne personne, et selon eux, avant cet âge, les Syrès sont encore trop jeunes. Je dois avouer que l'union de tes parents a créé une grande controverse à l'époque, ajouta Morad à Cléophée.
- Je m'en doute.
- Donc, je vous prierais d'être discrets et ne pas vous laisser aller à des élans de tendresse pendant que nous serons à Arbollis.
Ils hochèrent à nouveau la tête.
- C'est également le cas pour toi, Morad, dit Amiel d'un air moqueur.
- Naturellement.
Morad savait rester sérieux et autoritaire lorsque l'heure était grave, comme en ce moment. La plaisanterie d'Amiel ne fit donc aucunement sourire le souverain d'Atlansìa, mais Cléophée et son meilleur ami échangèrent tout de même un regard amusé.
- Je suis très sérieux, dit Morad d'un air sévère.
- Nous aussi, dit Cléophée, en se retenant tout de même de pouffer.
Paige également, car elle étouffa une toux avec sa main ; les murs avaient apparemment des oreilles dans cette maison. Morad poussa un long soupir.
- J'avais oublié à quels points vous êtes jeunes et insouciants. On ne rigole pas avec les lois Syrès.
Cléophée n'aima pas ce jugement et, en se croisant les bras, elle lança : « Mieux vaut être jeune et insouciant que vieux et taciturne », puis se détourna et se rendit à la cuisine, où elle s'empara d'une orange et se mit à la peler. Elle fit également bouillir de l'eau afin de se faire un thé. Amiel vint la rejoindre et lui suggéra à voix basse de faire attention à la façon dont elle parlait à Morad.
- N'oublie pas qui il est, lui souffla-t-il. Hier, j'ai entendu des histoires à donner froid dans le dos sur son compte, alors ne pousse pas le jeu trop loin.
- Amiel, je le connais et...
- Tu penses le connaître, mais crois-moi, il y a des choses qu'il aurait dues te raconter...
- Arrête, s'il te plaît. Je ne veux pas que son passé interfère dans notre relation.
- Justement ! C'est Donoma...
Cléophée l'interrompit, furieuse.
- Ne me parles plus d'elle, Amiel ! Est-ce clair ? Je ne veux plus entendre son nom et ne me compare jamais à elle.
Son ami soupira et leva les yeux vers le ciel.
- J'ai besoin d'air, dit-elle en s'éloignant.
Sur ce, elle laissa son ami seul, qui se dit qu'il ne lâcherait pas l'affaire avant de lui avoir révéler la vérité sur Morad. Elle méritait de savoir.
La jeune fille était habituellement curieuse, mais elle craignait trop d'être déçue par ce qu'elle apprendrait sur son amoureux. Elle savait qu'il n'enseignait pas les mêmes valeurs à la population d'Atlansìa que celles qui étaient véhiculées à Céfir. L'amour universel, la bonté d'âme, l'optimisme avaient toujours été les éléments clés pour que les Syrès vivent en harmonie les uns avec les autres, mais Cléophée s'était rendu compte, la veille, que les Atlansìens ne possédaient pas ces valeurs, ce qui ne faisaient pas d'eux de mauvaises personnes en soi, mais peut-être que certains d'entre eux avaient un jour commis des actes mauvais. Elle pensa à Sam qui avait brûlé Bess cinquante ans plus tôt. La jeune fille avait appris à aimer tout le monde, mais elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver une certaine aversion pour le jeune homme. Si Morad n'était pas arrivé à temps, la veille, elle aurait pu brûler vive. Elle éprouva un frisson juste à cette pensée et se promit, qu'à l'avenir, plus jamais elle ne tenterait quoi que ce soit de déraisonnable. Du moins, elle essaierait. Les soucis lui couraient après sans qu'elle ne puisse les en empêcher.
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