-J'ai repris mes esprits, je suis parfaitement calme.

Assis devant une tasse de café noir et fumante, Jimin avait encore les yeux rouges et les cheveux trempés. Il frissonnait dans son tee-shirt mouillé et triturait nerveusement le collier d'argent qui pendait autour de son cou.

Lui et Jin étaient partis s'abriter de la pluie dans la partie restaurant du Purple et même si l'aîné savait qu'il ne pourrait rester longtemps auprès de son dongsaeng, car il était malgré tout en poste et en activité, il voulait s'assurer de la santé mentale de ce dernier. Visiblement il mentait mais moins bien que lorsqu'il était plus jeune. Jin n'en doutait pas, si Jimin avait tâché de lui faire croire quelque chose, il aurait pu y arriver sans effort. De ce fait, sa phrase éhontée n'avait pas pour but de ressembler à la vérité mais seulement d'être un pansement sur une plaie béante.

-Raconte-moi ce qu'il s'est passé.

-Hyung, je ne veux pas t'embêter durant ton travail. On en parlera plus tard. Je ne sais pas ce qui m'a pris de débarquer là, c'était purement égoïste de ma part, répondit-il calmement presque avec une pointe de facilité comme si la bombe lâchée quelques minutes avant n'avait pas eu d'impact.

-Jimin, insista l'aîné.

-Non, hyung, je ne veux pas abuser de ton temps et encore moins agir comme un gosse qui a besoin d'un câlin maternant. Je sais bien tout ce qui s'est dit avec Tae et je ne veux pas jouer à ça à mon tour pour...

-Jimin, le coupa Jin. Tu as paniqué et tu es venu me chercher. Tu as eu besoin d'avoir quelqu'un à qui te confier. Que ce soit moi et pas les autres on l'analysera plus tard mais tu as le droit d'avoir paniqué.

Le plus jeune aux cheveux rouges se mordit la lèvre, contrarié mais Jin eut l'impression de l'avoir touché parce qu'il détourna le regard comme s'il abandonnait les armes.

-Raconte-moi comment c'est arrivé.

Le lever de sourcil ironique de Jimin fit rouler des yeux son aîné.

-Vraiment ? Répondit sarcastiquement le plus jeune. Tu veux des détails sur ce point, hyung ? C'est pas un peu pervers comme question ? Tu veux que je t'explique comment on fait au lit avec une fille ?

-Je te parle de la situation, répliqua l'aîné dont les oreilles avaient rougi. Ce qu'il s'est passé.

-On a merdé.

Le visage de Jimin sortit de son amusement rapidement. Il laissa sa phrase en suspend pour joindre ses mains ensemble sur la table. Comme s'il lui fallait tenir quelque chose pour reprendre ses esprits.

-À force de se séparer, se rabibocher, encore et encore on n'a pas fait gaffe et voilà. Franchement c'est la pire année pour elle, elle finit ses études et elle a son mémoire à présenter. Ni elle ni moi ne pensons que cet enfant arrive au bon moment. J'ai fait des recherches internet sur l'avortement et... il y aurait eu un moyen.

-Un moyen illégal, précisa l'aîné. Jusqu'à preuve du contraire notre pays n'autorise pas cette pratique.

-Illégal certes, admit Jimin. Mais ... c'était une histoire d'argent. J'étais prêt à débourser toutes mes économies pour payer ça, même faire un crédit à la banque... Il ne nous restait qu'une semaine, après ça aurait été trop tard. Tout était prêt, on était décidés et puis elle... en a parlé à ses parents et là c'est complètement parti en vrille.

Il soupira longuement.

-Pour eux il est inimaginable qu'elle ne veuille pas de cet enfant ou qu'on souhaite avorter. Je te passe le discours qu'ils lui ont sorti. Ils lui ont mis la pression et elle a changé d'avis. Maintenant elle parle comme eux et le délai est passé et... On va l'avoir ce bébé.

Il souffla une nouvelle fois.

-De toute façon ça aurait été difficile de trouver cet argent à temps...

-Cet argent on aurait pu t'aider en te le donnant, nous, tenta de l'apaiser Jin.

Bien que sa volonté eût été de se montrer soutenant, sa phrase provoqua l'effet inverse :

-Justement j'en ai ras le bol de dépendre de votre argent à tous ! C'est insupportable de vivre comme ça !

-Jimin, calme-toi s'il te plaît.

-Ça ne change pas, ça n'évolue pas ! Je suis encore le seul à dépendre de vous ! Je suis pas foutu d'avoir ma propre indépendance financière. Est-ce que tu sais à quel point c'est frustrant ?

Jin ne répondit pas, il compta sur le silence pour tenter de le calmer. Aborder ce sujet avait été maladroit de sa part et il préféra poursuivre sur un sujet plus important :

-Que va-t-il se passer maintenant ?

-Le bébé va naître voilà ce qui va se passer, annonça le plus jeune d'un ton calme mais directif. Ses parents veulent qu'un mariage se fasse avant, comme la tradition l'exige. Ils sont prêts à tout payer eux aussi. Ça leur est insoutenable que leur fille mette au monde un enfant et l'élève seule.

-Mais toi, que veux-tu faire ?

-Assumer, répliqua-t-il sur un ton de défi. Prendre ma responsabilité. Quel autre choix, ai-je ?

Il était nerveux à présent, il bougeait avec angoisse et contrariété sur sa chaise.

-Ses parents semblent attendre que je me désiste, on dirait qu'ils voient en moi le responsable. Comme si on n'était pas deux pour faire un enfant tiens...

Il avait craché ces derniers mots avec sarcasme.

-Toute façon la question ne se pose même pas, reprit-il rapidement. Que Hae-jung et moi ayons des problèmes de couple, c'est une chose, mais que je prenne la fuite parce que j'ai la trouille, pas question.

Puis il asséna d'une voix terriblement sèche :

-Hors de question d'être comme mon géniteur.

Jin acquiesça doucement en se passant une main sur le visage.

-Ok, d'accord, on t'aidera s'il le faut.

Mais il arrêta son dongsaeng avant qu'il ne s'offusque :

-Je sais que ça ne te plait pas, mais rappelle-toi que c'est aussi ce que les amis font. Ce n'est pas qu'une histoire d'argent.

-Hors de question qu'on en parle aux autres !

-Quoi ?

-Je veux pas en parler, asséna le plus jeune, pas maintenant. C'est trop tôt... c'est une chose de le dire à toi et une chose de le dire à tout le monde.

-Jimin, tenta Jin.

-Non.

Puis il fit la grimace :

-C'est pour ça que je ne voulais pas venir, ou te le dire ! C'est encore un secret et j'en ai ras le bol de ça ! On dirait que je n'ai pas évolué, que rien n'a changé !

-Bien sûr que tout a changé...

Jin souffla puis acquiesça doucement :

-Il faudra le dire aux autres mais... quand tu te sentiras prêt.

Il releva le regard pour apercevoir Hyunju qui lui faisait signe et il chuchota :

-Désolé Jimin, il faut que j'y retourne.

-Moi aussi faut que j'y aille, répondit le plus jeune en se levant, faut que je fasse le tri dans ma tête, faut que je trouve... une solution à plein de nouvelles choses...

-Jimin, l'arrêta le plus âgé. Passe demain soir à la maison, on mangera ensemble et on en reparlera.

-Hyung je veux me débrouiller tout seul.

-S'il te plait...

Il se passa une main dans ses cheveux rouges avant d'acquiescer :

-Ok mais pas de piège, je ne veux pas que Yoongi hyung soit là.

-Ça n'arrivera pas. Moi je ne piège pas les autres.

-Tu es encore bloqué dessus ? Ce que tu peux être rancunier des fois, plaisanta Jimin en lui donnant une tape dans l'épaule.

Jin le regarda sortir, descendre l'escalier, traverser les rayonnages et disparaitre derrière les portes automatiques. Il lui resta l'angoisse, le désarroi, la sidération et la sensation désagréable de la pluie qui avait trempé ses vêtements.

Seulement voilà, Jimin annula le dîner le lendemain soir.

Il le fit plusieurs heures avant puis avait éteint son téléphone le reste de la soirée pour être certain d'être injoignable. Jin le vit comme une rébellion, une tentative de gérer les choses par lui-même sans l'aide de personne. Comme il avait toujours agi et comme il agirait certainement encore pendant longtemps.

Malheureusement cette action déclencha chez l'aîné un effet de régression important. Ce fut le retour de quelque chose plus fort que lui qu'il ne pouvait contrôler : l'inquiétude.

Il devait s'inquiéter, il devait aider, se dévouer, écouter, faire quelque chose, n'importe quoi.

Les obsessions revenaient ainsi que cette impression d'être impuissant, d'être éloigné de l'autre, de ce Jimin qui lui tournait le dos. C'était insupportable. Ça lui renvoyait à un sentiment d'inutilité, comme s'il était devenu obsolète, qu'il n'avait plus sa place, son rôle au sein du groupe et il se détesta de penser à nouveau ainsi sans parvenir à se contrôler de le faire.

Il avait la terrible impression d'avoir fait trois pas en arrière.

De plus Jimin repartait avec Hoseok pour le dernier week-end de festival de danse du mois d'août qui clôturait ainsi la fin des festivals d'été. Il fallut donc encore une longue semaine d'attente avant que Jin n'ait l'occasion de recroiser Jimin. Cela se fit quelques heures avant leur rendez-vous de groupe dans un restaurant de viande réputé, pour lequel un des artistes de Yoongi lui avait réservé une table pour le remercier pour son travail. Plutôt que de s'en sentir flatté et de s'y rendre pour lui-même, le producteur avait décidé de convier tous ses amis.

Jin, profondément inquiet et terrassé par cette angoisse de non seulement ne rien savoir mais de ne rien pouvoir contrôler, avait décidé d'aller chercher Jimin chez lui directement. Le danseur vivait dans un minuscule appartement à l'ombre d'un grand bâtiment. Lorsqu'il ouvrit la porte, il soupira bruyamment :

-Je m'en doutais.

Il l'invita malgré tout à rentrer et Jin se faufila en moins de cinq pas entre des piles de vêtements, quelques livres et un lit calé face à une kitchenette très réduite.

-Comment tu te sens ? S'enquit-il.

-Hyung, stop.

-Non pas stop, répliqua l'aîné. J'ai envie de t'aider !

-Et moi j'ai envie de me débrouiller tout seul dans cette situation. Je ne veux pas avoir toujours besoin de toi.

-Alors comment comptes-tu faire ? L'interpella Jin. Comment allez-vous faire tous les deux ?

Cette fois-ci Jimin se mordit la lèvre en se balançant d'un pied sur l'autre.

-On ne sait pas...

En soufflant bruyamment il s'assit sur un coin de son lit à la couette défaite :

-Ce que je sais par contre c'est que je ne veux pas laisser ses parents à elle tout s'approprier. Ils nous traitent comme des gosses, comme des moins que rien. On dirait qu'ils veulent tout contrôler.

Jin ne put s'empêcher de se sentir personnellement visé par cette critique et il s'assit à son tour sur un coin du petit lit. L'un à côté de l'autre ils faisaient face à la petite kitchenette encastrée dans le mur et à l'évier si minuscule qu'il ne pouvait laver que deux tasses et des baguettes. De l'eau coulait du robinet mal refermé et les gouttes faisaient un bruit sourd et répétitif.

-On va remplir les papiers de mariage, juste les papiers, pas de cérémonie, pas de robe, pas de costume. Ce sera purement administratif pour que cet enfant soit reconnu comme le mien et le sien. On n'a pas d'autre choix. J'ai essayé de me renseigner pour agir autrement mais sans mariage mais c'est un bazar administratif incohérent. Hae-jung a un peu d'argent de côté donc ça nous aidera à payer les frais des consultations et des échographies. Pour le reste je ne sais pas encore ce qu'il faut que je fasse. Elle vit chez ses parents et moi là...

Il désigna d'un geste de la main son appartement :

-On peut pas faire élever un enfant ici.

Jin lui passa une main sur les épaules puis dans le dos.

-On peut y réfléchir, tous ensemble et tu le sais, tout le groupe... Ce n'est pas dépendre de nous c'est justement trouver la meilleure solution.

-Tu sais ce qui est le plus bizarre.... Marmonna Jimin, les épaules voutées. C'est qu'au grand jamais j'aurais imaginé avoir un enfant un jour. C'est un sujet si compliqué à aborder, surtout pour nous.

Il se tourna vers son aîné avec un air mélancolique :

-Tu sais pourquoi je ne veux pas en parler au groupe ? Parce qu'aucun de nous n'aime ce sujet et qu'on a tous peur, au fond de nous, d'y être confronté.

Jin baissa la tête sans rien dire. Il n'avait pas les mots pour répondre à ça, il partageait aussi cette pensée envers les autres membres.

-Tu sais que Hoseok et Nayeon n'en ont jamais parlé, jamais. Hoseok prend la fuite quand elle veut amener le sujet. Tu sais que Taehyung hait les enfants de tout son cœur...

Le plus jeune se passa une main fatiguée sur le visage.

-Aucun de nous ne veut être parent et pourtant je suis là et c'est en train de m'arriver et j'essaye de ne pas baliser comme un lâche...

-Je sais que tu ne veux pas être comme ton père, murmura Jin.

-Oui. Mais en même temps, même si c'est horrible ce que je vais dire, je peux comprendre pourquoi il a agi comme ça. Et ça me fait chier de trouver des excuses à cet enfoiré, cracha Jimin avec violence.

-Tu ne lui trouves pas d'excuses, tu prends juste du recul.

-L'histoire se répète quand même... lâcha-t-il d'un air contrarié.

-Mais elle n'aura peut-être pas la même fin, confia Jin. Cet enfant à naître il sera aimé, accueilli, encouragé et entouré.

Le plus jeune eut un regard touché tandis qu'il se tournait vers son aîné. Ils restèrent ainsi un moment jusqu'à ce que le plus petit des deux ne marmonne :

-Il faut que je renonce.

- À quoi ?

-À être danseur.

Jin se figea mais le jeune homme aux cheveux vermeils reprit :

-C'est une évidence maintenant, je n'ai pas le choix. Il faut renoncer, trouver un métier, un truc, n'importe quoi, qui paye le loyer.

-Mais Jimin... tu adores danser...

-Je sais mais je n'arrive pas à en vivre. Et puis je sais pas si c'est mon rêve ou si c'est la seule chose que je sais faire et que je m'y suis accroché désespérément...

Il bougea avant de se redresser un peu :

-J'ai dansé en observant Hobi hyung le faire, j'ai copié quelque chose, j'ai continué comme si je n'avais que ça.

Ses lèvres tremblèrent :

-J'aurais voulu que ça marche mais tout ne fonctionne pas comme on veut toujours que ça fonctionne. Je dois faire le choix de soit persévérer dans cette idée et alors de ne pas être en mesure d'assumer financièrement la grossesse de ma copine et le futur de cet enfant ou de lâcher prise. Renoncer pour prendre la place que je dois prendre ainsi que mes responsabilités.

-Tu réduis beaucoup d'alternatives

-Je caricature mais c'est ça. Qu'est-ce qui est important, moi ou les autres ?

-C'est toi et les autres.

-Hyung, ça ne marche pas toujours comme ça, chuchota-t-il.

-Jimin...

-C'est rien, franchement ça ira, assura le plus jeune avec un air calme mais triste. Je suis prêt à renoncer, à lâcher prise parce que tu vois, parfois je me dis que c'est pas si mal. J'ai pu danser, j'ai pu monter sur scène, être payé pour ça et c'était cool, c'était vraiment incroyable et puis y'a cet enfant. Peut-être que c'est ma revanche sur la vie, sur l'abandon, sur mes parents. La boucle est bouclée.

Un téléphone vibra dans une poche et Jimin se leva :

-Ils vont nous attendre et puis vu la qualité de ce restaurant et la gratuité de la chose j'ai plutôt la dalle...

-Jimin, chuchota Jin, si tu nous laissais t'aider, tu n'aurais pas à renoncer.

Mais le plus jeune se mit à sourire, cette fois parfaitement confiant. Il eut l'air si mûr l'espace d'un instant que Jin se demanda si les derniers traits de sa jeunesse ne venaient pas de disparaître pour de bon :

-Non hyung, c'est pas comme ça que ça marche et tu le sais. Et si tu étais à ma place tu ne l'accepterais pas non plus... Je pense que renoncer est la meilleure chose qui puisse m'arriver. Je veux assurer, moi et moi tout seul et prendre mes propres décisions, sans tricher. Je vais avoir un enfant, alors il est temps d'être un adulte.

Et cette dernière phrase remplit le cœur de Jin d'un grand désarroi, d'un chagrin qui lui comprima le cœur mais qui, paradoxalement le rassura un peu aussi.

Le restaurant fut un délice, d'une rare finesse et ils mangèrent comme des rois sur le compte de ce chanteur populaire dont Hoseok avait voulu tout savoir. Il avait même enregistré dans ses favoris sa page Wikipédia pour ensuite, selon ses dires, créer un autel à sa gloire.

Jin eut la gorge nouée durant tout le repas. Il apprécia les mets et l'alcool mais son esprit n'était focalisé que sur la dernière conversation avec Jimin. Jimin qui d'ailleurs profitait complètement de la soirée sans que personne ne se doute de rien.

Il savait définitivement bien mentir.

Enhardis par l'alcool et le bon repas, et alors qu'il était encore tôt et que la soirée douce avait laissé place à la nuit, Hoseok proposa qu'ils continuent sur leur lancée. Il était rouge écarlate et même si Yoongi ne souffrait pas des rougeurs intempestives dues à l'alcool, son petit sourire niais prouvait que son esprit était, lui aussi, tout sauf clair.

Namjoon avait été modéré dans sa conduite et Jimin était trop guilleret pour être parfaitement sobre. Jin n'écoutait pas vraiment leurs débats ni leurs conversations, l'esprit embrumé, non pas par le makgeolli mais bien par tout ce qui le composait habituellement : inquiétudes, angoisses, anticipations anxieuses...

-... chez hyung.

Jin se reconnecta à la réalité en comprenant qu'on s'adressait à lui et Hoseok répéta :

-Chez toi c'est le plus près d'ici, qu'en penses-tu ? On peut faire la fête jusqu'au bout de la night, hyung !

-Oui, acquiesça l'aîné sans y réfléchir davantage, ok, allons-y.

-Je prendrais bien une glace, avoua Yoongi dans le taxi.

Ils s'étaient tous entassés dans le même véhicule au grand dam du conducteur. Namjoon avait réussi à acquérir la place à l'avant et les autres s'étaient serrés à l'arrière. Le trajet fut assez court mais un Yoongi un peu émoustillé sortit sa carte bancaire noire pour payer la course. Il se fit presque applaudir et siffler comme s'il s'agissait là d'un événement important. Pour une fois il fut fier de lui et ce, sans masque aucun. Cette carte bancaire illustrait sa propre revanche sur les choses, celle où il avait fini par réussir financièrement.

C'est avec cette fine équipe bruyante et chantante que Jin ouvrit la porte de son appartement.

Le congélateur fut dévalisé et assoiffés, en manque d'alcool pour certains, Jin leur servit du thé, des chocolats chauds ou des infusions.

Durant plusieurs heures, les sujets varièrent. Tout partit d'un débat pseudo politique, pour passer sur la question du positionnement de chacun envers les réseaux sociaux, avant de basculer sur des avis divergents sur l'éducation scolaire des jeunes coréens d'aujourd'hui, puis prendre exemple sur des films et des romans sortis récemment, pour conclure, enfin, sur le fait que les chiens valaient dix fois mieux que les chats.

Après un temps de latence où chacun dégustait ses cônes au chocolat ou à la fraise, la conversation bascula sur une inquiétude de la part d'Hoseok quant à la situation et notamment le comportement de Taehyung.

Peut-être que Jimin dû sentir que le terrain devenait glissant et que s'il se mettait à parler de l'un d'entre eux, ils allaient sûrement parler de chacun. De ce fait il se leva :

-Je suis claqué, je vais rentrer. Quelqu'un veut partager un taxi avec moi ?

Cela coupa court à la conversation et voyant que tous faisaient le constat de son état de fatigue, Yoongi soupira :

-Moi. Tu as raison, il est tard et on embête hyung. Rentrons.

-Je partage le taxi avec vous, assura Hoseok en se levant du canapé à son tour. Surtout si ma petite guimauve merveilleuse paye encore la course.

-Enlève le surnom niais et ce sera peut-être possible, répondit placidement le producteur de musique.

-Nam ?

-J'habite dans l'autre sens par rapport à vous, Hobi.

-Ah oui c'est vrai.

-Ton sens de l'orientation laisse à désirer, gros nounours poilu, ricana Yoongi.

-Pourquoi gros devant ?

-Tu devrais réagir à nounours poilu, enfin !

-Bah non, tu as mis gros devant.

-Tu lui donnes des surnoms aussi, maintenant ? s'étonna Namjoon en se tournant vers son aîné.

-Je voulais le faire réagir pour lui montrer que ce n'était pas agréable, annonça Yoongi en grimaçant.

-Ça veut dire que je suis gros à tes yeux ? S'inquiéta le danseur.

Jin chercha à capter le regard de Jimin, en vain. Tandis que Namjoon cherchait désespérément son téléphone, charrié par un Hoseok dont le taux d'alcoolémie était redescendu à la normale, Jin consentit à leur ouvrir la porte.

-Tu as laissé ton téléphone près de la plante de hyung, l'informa platement Yoongi,

Namjoon s'excusa, retourna dans la pièce principale tandis que le trio le saluait bruyamment et que leurs voix résonnaient dans le hall de l'étage. Jin se retourna en entendant le bruissement froissé des vêtements du jeune professeur d'astrophysique qui semblait se dépêcher et le salua doucement.

-Bonne nuit Namjoon.

-Bonne nuit hyung.

Le trio s'engouffrait dans l'ascenseur sous une dispute puérile entre Hoseok et Yoongi et le retardataire fit un pas pour quitter l'appartement et ainsi rattraper les autres. Pourtant son pas fut hésitant et alors que les portes automatiques de la cage d'acier se refermaient et que Jin, la main sur la poignée, poussait le battant principal de son appartement, Namjoon se retourna.

-Hyung, qu'est-ce qu'il y a ?

Jin releva la tête et leurs regards se croisèrent mais cette fois-ci dans les yeux sombres du jeune professeur il y avait de l'inquiétude et non plus uniquement cette étincelle ambiguë que l'aîné aimait tant observer.

-Rien, ne t'inquiète pas, lui assura-t-il.

-Non, justement je m'inquiète. Il y a quelque chose, ça s'est vu sur toi toute la soirée.

Alors il avait remarqué ?

Jin se sentit soudain envahi d'une douce chaleur et d'un sentiment de prévenance qui lui fit du bien. Cela faisait si longtemps que Namjoon n'avait plus distingué ses émotions. Le fait qu'il soit de nouveau attentif à lui, lui arracha un sourire gêné et attendri.

Ils se regardèrent encore et Jin rouvrit sa porte en grand et ils s'observèrent ainsi, à la fois dedans et dehors, sur le seuil de quelque chose de symbolique. Comme des amis, des anciens amants et différentes choses non définies encore.

Au croisement.

Jin relâcha la poignée et sans écouter son esprit, ni son cœur qui tambourinait il murmura :

-Est-ce que tu peux juste... juste me prendre dans tes bras un instant ?

Il y eut une seconde de latence, l'espace d'un battement de cil et Namjoon traversa le seuil en ouvrant les bras, Jin s'y jeta instantanément. L'odeur lui remplit le nez immédiatement et la chaleur de son étreinte lui procura une montée d'émotions qu'il parvint néanmoins à contrôler. Le nez dans son cou il resserra sa prise et par écho Namjoon resserra la sienne.

Ils restèrent ainsi un long moment à tanguer d'un pied à l'autre comme une sorte de slow statique avant que Jin ne recule. Le mouvement fut lent, fragile et ils ne s'éloignèrent pas vraiment mais leurs regards se croisèrent plus difficilement, plus timidement.

-Merci.

-Que s'est-il passé aujourd'hui ?

-Je ne peux pas te le dire...

Le visage de Namjoon changea, ses sourcils se froncèrent :

-Il y a des secrets, encore ? Je pensais que tout cela était terminé depuis longtemps...

Jin haussa seulement les épaules.

-Il s'agit duquel ?

-Je ne peux pas te le dire... répéta l'aîné.

-Et pourtant tu pourrais, ça t'éviterait de porter tout le poids sur tes épaules.

Jin acquiesça doucement, conscient que son interlocuteur énonçait ici une vérité.

-Ça ne changerait pas grand-chose, je m'inquiéterais quand même. C'est parce que je ne peux pas me ruer pour me dévouer à ce dongsaeng là que je le vis aussi mal. Je ne peux plus avoir cette place et tout faire à leur place...

Namjoon pencha doucement la tête :

-Alors ça, ça aurait changé ?

-Namjoon, tout a changé.

Cette fois leurs regards croisés se révélèrent moins doux, plus sur le qui-vive comme si l'atmosphère venait de basculer.

-Est-ce que tu étais vraiment sérieux quand tu as évoqué le fait qu'on irait ensemble à cette exposition de lumières ? se lança soudain Jin.

-Je le suis toujours, assura Namjoon. J'ai parfaitement conscience que cela ressemble à un rendez-vous... Mais si tu veux pas t'y rendre, je comprendrais aussi...

-Peut-on vraiment y aller en toute impunité, sans n'avoir rien dit, ni rien parlé de la dernière fois ?

Le plus jeune des deux bougea, mal à l'aise, avant de prendre une profonde inspiration.

-Je me suis dit qu'on aurait le temps, l'exposition ne sera pas avant plusieurs mois...

Jin détourna le regard mais le jeune professeur reprit :

-Tu penses qu'on fuit ?

-Parce que tu penses qu'on ne fuit pas ?

Namjoon baissa le regard et le silence s'installa alors, néanmoins il ne le laissa pas s'éterniser parce qu'il se redressa :

-Laisse-moi rentrer à nouveau et asseyons-nous, ce sera plus confortable.

Jin le fixa, légèrement surpris de cette soudaine prise d'initiative avant de se décaler et de le laisser remettre ses chaussures à leur place pour s'avancer, pieds nus, jusqu'au salon.

Ils s'assirent tous les deux dans un coin du canapé. L'aîné se mit soudain à regretter d'avoir tendu la perche comme si les choses se retournaient à présent contre lui. Était-il vraiment prêt ? Ou était-ce le désarroi de sa situation avec Jimin qui emplissait toutes les autres sphères de sa vie ?

Namjoon souffla longuement :

-Je suis désolé d'avoir réagi comme ça après la nuit qu'on a passée ensemble au mariage d'Hoseok. Mais j'étais profondément blessé et j'avais l'impression que tous mes espoirs naïfs venaient de s'effondrer. Je n'avais pas conscience d'avoir été autant dans le déni.

-C'est moi qui devrais m'excuser... Je n'ai pas pris tes sentiments en considération, je n'ai pensé qu'à moi...

-On est tous les deux fautifs.

-Et maintenant quoi ?

-Je sais pas, avoua honnêtement le plus jeune.

Ils se fixèrent en coin, assis dans la même position, presque gênés.

-J'ai peur qu'on s'effrite à nouveau, comme si on ne savait plus comment s'apprivoiser, admit Namjoon.

-Moi je crains que l'histoire se répète, avoua Jin.

-Tu veux dire, si on revenait ensemble les choses se passeraient exactement de la même manière ?

L'aîné acquiesça sans un mot.

-Peut-être, concéda le plus jeune... Ces derniers temps je me demande si on est vraiment prêts à tout ça et en même temps...

Il souffla, se passant une main dans les cheveux l'air encore plus gêné.

-En même temps quoi ? L'interpella Jin.

-Tu flirtes avec moi.

Le ton était un doux mélange entre un constat mi coupable et mi amusé, une directive boudeuse et non assumée.

-Moi, je flirte avec toi ?

-Tu te joues de moi, admit Namjoon.

-Parce que toi tu ne flirtes pas avec moi, peut-être ? s'exclama Jin. Dévoiler tes clavicules à longueur de temps ce n'est pas intentionnel ?

Le jeune professeur se pinça les lèvres faisant semblant de regarder ailleurs et le plus âgé secoua la tête mais avec un sourire qui se faufilait sur ses lèvres. Puis le silence revint et leurs nouveaux coups d'œil demeuraient plus chaleureux, amusés, presque de connivences.

-Est-ce qu'on est prêts hyung ?

-Je ne sais pas, parfois ça me fait peur... avoua Jin.

Puis une pensée le traversa :

-Tu te souviens quand tu m'as appelé de Washington pour me demander si je te manquais ?

Namjoon leva les sourcils avant d'acquiescer.

-J'aurais voulu te dire oui, mais je n'y arrivais pas, avoua l'aîné. À cette époque je n'en avais pas conscience mais je voulais me découvrir moi, en tant qu'individu. Vivre par moi-même, me montrer, te montrer, montrer à tout le monde qui j'étais, ce que je valais et ce que je pouvais faire... Maintenant j'ai l'impression que c'est ton tour et sur ça on est à présent en décalage.

Namjoon baissa les yeux et Jin reprit, en murmurant :

-Tu as ce besoin et je le comprends tout à fait et je ne peux pas l'entraver. Apprendre sur toi, se découvrir, faire des choses seul par soi-même c'est effrayant, c'est angoissant mais ça fait aussi tellement de bien.

-Alors pourquoi tu me manques comme ça ?

Le cœur de Jin eut un loupé et la chaleur se répandit de ses joues à ses oreilles soudainement.

-Namjoon...

-Oui, c'est vrai et tout ce que tu dis est juste et pourtant j'en reviens à toi. J'ai besoin de la solitude, j'ai besoin de mon individualité mais peut-être pas autant que tu crois. J'ai découvert que j'étais foncièrement dépendant de toi...

Il bougea, soufflant profondément. Assis ainsi, il demeurait tranquille, droit mais sans rigidité apparente.

-Notre rapport à la solitude n'est pas le même pour chaque individu, hyung. Au final ce n'est même pas une question de solitude pour moi mais d'indépendance. J'ai pris conscience que je t'avais laissé gérer toute ma vie parce que ça m'était plus simple et plus confortable. Ça me mettait à distance de moi-même. Je n'ai plus envie que tu gères ma vie, mais que tu y sois.

-J'y suis déjà.

-Oui, tu y es...

Et il y avait à la fois un constat d'une grande tristesse et d'un élément consolateur.

-Oui tu y es mais même si j'ai pris conscience de certaines choses, les mauvaises habitudes ont la vie dure. Je n'ai plus envie que tu gères ma vie mais je ne sais toujours pas la gérer moi-même. Pas encore en tout cas et j'ai peur de me reposer encore sur toi, sur les autres, comme si j'étais incapable d'être autonome...

Par le croisement de regard, Namjoon se redressa encore avant de se tourner entièrement vers son interlocuteur :

-Jin.

Le dénommé sentit un frisson lui remonter tout le corps et il se mordit la lèvre l'espace de quelques secondes.

-J'ai peur de toi et j'ai peur de moi.

Les larmes arrivèrent et l'interpellé sentit son nez piquer avant d'acquiescer doucement.

-Je sais. Il est trop tôt, Joon pour que nous prenions une décision.

Ce dernier sembla secoué un instant et instinctivement leurs mains se retrouvèrent et se lièrent ainsi au milieu du canapé.

-Je n'arrive pas à trier le passé, je suis encore bloqué...J'essaye de comprendre, de déconstruire tout ce qui s'est passé, ce qu'on a loupé, avoua le jeune professeur.

-Je sais.

-Si je n'arrive pas à comprendre comment je fonctionne et pourquoi j'agis comme ça, alors tout recommencera encore une fois. Et la dernière chose que je veux c'est qu'on se fasse du mal à nouveau.

-On a repris des couleurs, individuellement parlant, admit Jin, mais on ne sait pas si on est capables de se mélanger à nouveau.

Ils se fixèrent doucement comme s'ils se comprenaient dans cette incertitude. Ils pouvaient se sentir attirés l'un vers l'autre mais ils ignoraient encore si redevenir un couple serait une bonne chose. Le cœur et l'esprit demeuraient non-alignés une fois encore.

-Mais il y a ta proposition de se rendre à cette exposition, marmonna l'aîné avec le besoin incontestable de se raccrocher à quelque chose. On a encore des semaines devant nous, peut-être qu'à ce moment-là on se décidera ? On penchera alors d'un côté ou de l'autre de la balance. On a encore du temps, nous ne sommes pas obligés de nous précipiter.

-On se laisse de l'espoir, admit alors Namjoon, la gorge serrée.

Jin ne parvint pas à refouler une larme mais acquiesça doucement, en souriant paisiblement. Et ils restèrent ainsi à se regarder, se caresser du regard, se montrer timides, décidés, enclins et peu enclins, dans un mélange d'ambivalence et d'ambiguïté.

Un mélange à la fois réconfortant et encourageant.

Leurs mains se détachèrent doucement et Namjoon murmura d'une petite voix comme s'il avait peur de briser le moment :

-Je vais appeler un taxi.

-D'accord.

Ils s'éloignèrent l'un de l'autre et Jin se servit un grand verre d'eau en marchant jusqu'à sa cuisine ouverte. Il se sentait étrangement apaisé, l'esprit chargé certes, mais sans angoisse cette fois. Comme baigné dans un bain d'eau tiède. Tout restait en suspend mais par petites touches, il s'apercevait que pourtant les choses avançaient, changeaient, se modifiaient...

Avant il aurait soit voulu ouvrir les portes en grand ou les fermer automatiquement, à présent il demeurait dans l'entre-deux. Des choses ne lui appartenaient pas, ni ne pouvaient venir entièrement de lui. Il ne pouvait qu'accompagner les réflexions des autres et attendre que le temps, la vie et toutes sortes de choses fassent profiler des éléments différents.

Puis soudain une pensée le traversa, ce fut si brusquement qu'il reposa le verre d'eau près de son évier alors que Namjoon le saluait, prêt à sortir et prendre congé.

Il savait, il savait comment s'y prendre pour aider Jimin sans pour autant ni se dévouer, ni tout faire à sa place.

Il savait quel juste milieu il pouvait apporter.

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Jin était un peu nerveux et gardait un œil avisé sur l'étage ouvert du Purple, où peu après les rambardes de bois, Jimin se trouvait en ce moment en entretien avec Jihyo et Kihyun.

Voilà trois jours que l'idée avait émergé et il s'était empressé dès le lendemain de prévenir les principaux concernés.

A Jimin il lui avait proposé de postuler pour le Purple, un poste était disponible en temps plein, il n'influencerait pas le choix des recruteurs mais ça permettrait au jeune danseur de s'assurer d'une stabilité professionnelle et d'un salaire très correct dans les mois à venir. À Kihyun et Jihyo il avait seulement évoqué avoir proposé la candidature à un de ses dongsaeng mais ne voulait en aucun cas intervenir davantage.

Au final Jimin avait été inscrit à la dernière minute dans la phase de recrutement qui avait lieu ce jour, cinq personnes au total étaient venues pour un entretien.

-Tu es sûr de toi ?

Hyunju était arrivée derrière lui et tenait des cartons où armée de son cutter, elle y coupait le scotch pour être amenée à les plier après avoir terminé de disposer tout ce qu'ils contenaient en rayon.

-Pas du tout mais j'espère que Jimin réussira l'entretien.

-Non, je te parle du fait que tu lui as proposé de postuler sur le poste maudit.

Il se tourna vers elle en lui renvoyant un regard en coin :

-Cette malédiction n'est pas vérifiée.

Elle leva un sourcil sceptique et Jin tenta de se justifier :

-Peut-être qu'en venant il mettra fin à la malédiction.

-Donc tu y crois bien un peu quand même...

-Jimin est très travailleur et c'est quelqu'un de consciencieux, rien à voir avec ceux qui ont été recrutés auparavant pour ce poste...

-Je m'en doute mais tu lui as dit que bientôt tu serais son futur manageur ? L'interrogea-t-elle.

-Il le sait.

-Alors croisons les doigts, approuva-t-elle. Je l'apprécie bien, il est mignon avec sa bouille, ça va nous ramener encore plus de clients.

Jin roula des yeux mais pouffa malgré tout.

Au final, Kihyun et Jihyo ne donnèrent de réponse seulement trois jours après les entretiens. Si Jimin ne semblait pas nerveux tâchant de rassurer son aîné que même si le résultat ne serait pas positif ça n'allait pas être un problème, Jin se sentit anxieux durant ces trois jours.

Néanmoins il resta à sa place et se garda bien non seulement d'envahir la sphère de son dongsaeng mais de profiter de sa position pour demander des informations supplémentaires.

Seulement, le mercredi quand il aperçut Jihyo arriver vers lui avec un petit sourire et le regard pétillant, il sut.

Jimin avait réussi.

Il fut très en joie la semaine qui suivit et où son dongsaeng embaucha pour la première fois.

La nouvelle du travail de Jimin filtra par le biais d'Hoseok qui était venu au Purple chercher son iced-coffee habituel et flâner dans la boutique. Le danseur étant dans l'incapacité de garder un secret, les autres avaient donc rapidement été mis au courant.

Le mercredi soir suivant, se rassemblant dans l'appartement de Namjoon pour manger des sushis, déguster de la bière et appeler simultanément Taehyung et Jungkook par visio, le sujet revint sur le tapis. Il fallut une bonne demi-heure de problèmes techniques pour se connecter aux appels vidéo des deux plus jeunes qui n'arrivaient pas soit à entendre soit à voir et ce fut qu'une fois tout stabilisé que Jimin annonça qu'il travaillerait dès à présent au Purple.

Il avait l'air sûr de lui, heureux et mature. L'espace d'un instant Jin se sentit envieux de le voir si solide, si stable dans ses décisions et ce malgré les événements.

-Le temps est adapté pour te laisser le temps de passer des auditions ? s'étonna Yoongi.

-Non.

Les sourcils d'Hoseok se froncèrent immédiatement et Jin croisa le regard de Namjoon dont l'expression se montrait attentive.

-Je ne passerai plus d'auditions.

La surprise et le manque de réponses du groupe lui permirent de prendre une grande inspiration.

-Les gars, Hae-jung est tombée enceinte.

Il y eut de l'effarement et le visage de Jungkook demeura si figé que Jin s'interrogea sur le fait d'un bug ou si vraiment il était capable de rester ainsi immobile.

-Elle accouchera dans cinq mois maintenant... Ne vous inquiétez pas, tout ira bien. Hyung m'a permis d'avoir un travail et elle aura le temps de passer son mémoire et sa soutenance avant d'accoucher. Elle y tient beaucoup. On va faire en sorte que la vie de ce bébé soit la plus confortable possible.

Namjoon fut le premier à sortir de sa sidération et souffla :

-Félicitations Jimin.

-Merci hyung.

-Putain de bordel de merde.

Qu'autant de vulgarités sortent de la bouche d'Hoseok alerta Yoongi qui bougea, se tournant vers lui avec un regard appuyé. Le producteur acquiesça ensuite doucement :

-Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où nous trouver même si ta fierté mal placée t'en empêchera.

-Ma fierté t'emmerde, hyung, râla Jimin.

-Je me disais bien aussi.

« Hyung... c'est un truc de fou ! Je ne m'attendais pas à ça », exulta soudain Jungkook.

Soudain l'écran provenant de chez Taehyung se coupa, comme s'il avait raccroché au nez de la réalité. Tout le monde le vit mais personne ne prononça quoi que ce soit, très certainement sonné par cette coupure violente. Hoseok bougea difficilement. Il semblait littéralement agité de bugs mais se reprit, du mieux qu'il put :

-Tu... Tu vas être père ?

Il reprit :

-Ok, d'accord, ok, c'est simplement que c'est bizarre là pour le coup...

Un appel résonna soudainement et Namjoon bougea pour décrocher tandis que Taehyung avait rappelé.

« Satané de portable de merde », râla-t-il, « j'ai pas voulu raccrocher mais la connexion ici est à chier ».

Jin se sentit infiniment soulagé d'entendre cela, même s'il s'agissait de propos vulgaires. Taehyung n'avait pas raccroché, il n'avait pas agi comme il le faisait habituellement face à ce qui était trop grand pour lui.

-Tu veux dire quelque chose, peut-être ? supposa Yoongi avec un sourire ironique en coin.

« Pas vraiment non, j'aime pas les mioches. Pour moi cet accident n'est pas une nouvelle réjouissante. »

Évidemment il n'aurait pas fallu trop lui en demander.

« Par contre, je suis d'accord pour la fierté mal placée. »

-Hé, se scandalisa Jimin.

« Fais pas ton fier, alors que tu flippes. »

-Je ne flippe pas !

« A peine... »

Une espèce de chamaillerie puérile était en train de débuter et elle semblait porteuse de bon augure. Le tout fut interrompu par Jungkook :

« Quand est-ce qu'elle accouchera ? »

-Mi-décembre normalement, répondit Jimin. Et non hyung, on ne veut pas savoir le sexe avant l'accouchement...

Yoongi qui s'était fait couper avant de poser sa question, referma la bouche.

-Tu es sûr d'avoir réfléchi à tout ? Insista Hoseok d'une voix où transpirait une certaine anxiété.

-Oui, hyung, à tout. Ne t'inquiète pas.

-Cet enfant aura tout une tripotée de hyung ou de oppa, surenchérit en souriant Namjoon.

-Vous trois-là, s'exclama le nouveau vendeur du Purple en désignant à la fois Jin, Namjoon et Yoongi. Vous ne le gâterez pas !

L'aîné des trois fit mine de regarder ailleurs.

S'ensuivit alors d'une flopée de questions sur la première échographie, les informations glanées par Jimin sur la manière dont se passait un accouchement, la question du logement, des parents de Hae-jung, de sa relation à la jeune femme et de l'obligation d'un mariage selon les mentalités coréennes traditionnelles...

Seul Hoseok demeurait perturbé, soudain absent, mal à l'aise et ce fut Yoongi qui lui donna des coups de coude en tentant de le motiver.

Péniblement et de manière bancale le danseur marmonna :

-Ok... eh bien, câlin général.

Même s'il n'y avait pas la même fougue qu'habituellement pour celui qui investissait toujours ces moments exagérés, chacun s'y plia et on entendit Taehyung râler à travers le téléphone et Jungkook applaudir.

« Vous savez quoi, ce serait incroyable que le bébé naisse à l'anniversaire de Jin hyung. », s'écria le maknae.

-Tu veux dire quand toi tu seras en Corée, pouffa Namjoon.

« Oui aussi. Jiminie hyung, dis au bébé d'attendre que j'arrive. »

L'interpellé eut un grand sourire en acquiesçant puis se tourna vers son aîné le plus âgé :

-Ce serait vraiment le présage d'un grand bonheur si ce petit être naissait le même jour que toi.

Jin se mit à sourire en retour, touché par ses mots.

Oui, foncer était une chose mais le présage de grand bonheur lui, semblait être porteur d'un espoir tellement plus ravissant.

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Pour info, au niveau de la timeline, l'histoire de La Rupture se déroule avant la légalisation de l'avortement en Corée du Sud ( effective depuis janvier 2021).

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Chapitre corrigé par Cla_ra25

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L'histoire fera bien cinquante chapitres au total, la fin approche ;)

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