
X
C'était aujourd'hui, le jour J.
A sept heures précises Jin avait déposé sur le bureau de son manageur en chef, son projet.
Ce dernier avait été imprimé très tôt ce matin puis relié. Les dossiers s'étaient empilés et le manageur en chef les avait emportés dans les étages pour sa réunion avec le conseil.
Et ce soir, à dix-huit heures, il annoncerait les résultats.
Soit dans deux heures et dix minutes.
Depuis, Jin essayait de se concentrer sur son travail, en vain.
Ses yeux ne cessaient d'aller et venir sur la grosse horloge.
Mais le pire, c'était sûrement le regard du mangeur Lee sur sa personne. Il ne l'avait vu que ce matin et pourtant, ça l'avait marqué.
Autant Jihoon, ce sale gamin, avait agi de manière parfaitement naturelle, ne semblant souffrir d'aucune honte. Il avait même eu le loisir de faire un petit sourire victorieux à son aîné en déposant son propre dossier.
Comme s'il avait déjà gagné.
Jin avait eu envie de se jeter violemment sur lui et de le frapper jusqu'à ce qu'il s'étouffe avec son sang.
La violence de ses envies l'inquiéta mais après la nuit catastrophique qu'il avait passée, il ne répondait plus vraiment de rien. Jamais il n'avait été aussi proche de la fin et, à présent, il se rendait compte de l'état dans lequel il était, physiquement et psychologiquement.
Mais ce qui lui donnait envie de pousser un rire malsain, c'est que personne, surtout pas Namjoon ne l'avait remarqué.
Après tout, ils ne se croisaient qu'à peine.
Son esprit partait en vrille, son corps aussi.
Il se sentait si déprimé, si las, si démoralisé, qu'il n'était même pas sûr que les choses s'amélioreraient.
Ça avait trop gangrené, il était fichu.
Mais les regards du manageur Lee l'avaient mis très mal à l'aise. Ce dernier semblait vraiment culpabiliser et Jin lui avait jeté, en retour, des coups d'œil incisifs qu'il ne se serait jamais permis auparavant.
Il serra sa prise sur le bois de son bureau, ses jointures blanchirent.
Il voulait croire que le comportement de Jihoon n'aurait aucune incidence sur le résultat. Que dans le monde professionnel, les juges seraient impartiaux et neutres, jugeant la qualité du travail plutôt que la qualité de la fellation reçue sûrement par deux d'entre eux.
Si ce n'est plus.
Ce gosse pouvait-il aller si loin ? Avait-il au moins de la pudeur ? Avait-il conscience de ce qu'il faisait ?
Comment pouvait-il se regarder dans la glace et croire qu'il avait de la dignité ?
Jin essaya de se détendre mais dès qu'il fermait les yeux, il était pris de vertiges qui lui donnaient envie de s'effondrer.
Il sursauta en recevant un message de Namjoon.
« Ce soir, rendez-vous vingt heures à la maison. »
Jin fronça les sourcils mais le message de Taehyung reçu quelques secondes plus tard lui fit encore plus de mal
« Qu'est-ce qu'il y a ce soir chez vous à vingt heures ? J'ai reçu un message de Nam hyung mais je ne comprends pas. Je veux savoir ! Dis-moi tout ! »
Donc c'était un message général.
Jin ne répondit pas, verrouilla l'écran avant d'avoir envie de ricaner méchamment.
« Je n'en ai aucune idée, Taehyung, je vis dans cet appartement mais je ne suis au courant de rien parce que je n'ai pas parlé à Namjoon depuis une semaine et demie ».
Voilà le message qu'il avait envie de répondre mais il ne le fit pas.
Il y avait plus important en cet instant.
Les minutes tournaient et il ne parvenait pas à se concentrer, ni à être jovial et cordial au téléphone. Un client cria même « vous ne pouvez pas être un peu plus aimable, bordel ! ».
Mais il n'avait pas envie d'être aimable, il n'avait plus envie de rien de toute façon.
Hier soir, si le camion n'avait pas furieusement klaxonné, il aurait coupé la chaussée. Mais le chauffeur avait freiné, appuyé férocement sur le klaxon avant de l'insulter copieusement.
Dommage.
Plus que deux heures et cinq minutes.
-Va falloir te détendre ma vieille, parce que là tu vas me faire une syncope, plaisanta Hyoyeon en passant la tête dans son box.
-Ah ah très drôle, siffla-t-il, j'aimerais bien t'y voir.
-Déstresse. Ton dossier est super bon, un des meilleurs que j'ai lu.
Mais ce que Jin voulait à présent, c'était gagner contre Jihoon. Si son dossier à lui était validé et pas le sien, alors il se sera tué à la tâche pour rien. Car il avait juste suffi au gamin de pomper les queues de supérieurs pour avoir sa place dans le palmarès.
Ce serait injuste.
Affreusement injuste.
Jihoon avait rendu un dossier bien plus fin que le sien et Jin avait même cru voir une faute de frappe sur le titre, ce qui l'avait rassuré. Le gamin n'avait jamais fait d'heures supplémentaires, il était là depuis moins d'un an, il n'y connaissait rien.
En gros, il avait bâclé. D'autant plus qu'il était le maknae et le conseil ne validait jamais le dossier d'un nouveau.
Hiérarchiquement, c'était priorité aux aînés.
Jin croisa les doigts.
L'heure tournait d'une lenteur insupportable. Il avait presque l'impression que son cœur se calait sur le rythme de la grosse horloge de l'open-space.
Il allait en perdre la boule.
Lorsque le fameux horaire fut atteint, il regarda la porte vitrée de l'open-space et attendit. Son téléphone de bureau avait beau sonner, il ne l'entendit pas.
Enfin au bout de ce qui lui parut une décennie, le manageur en chef entra, encadré des quatre manageurs des quatre équipes.
Le regard de Lee se cala sur le sien et Jin y vit presque ça comme un signe.
Tout le monde s'arrêta dans ce qu'il faisait et on laissa les téléphones sonner.
Le manageur en chef, de sa mine désagréable qui arracha un frisson de dégoût au jeune homme, se racla la gorge :
-La réunion a pris fin, nous avons tranché pour les projets de cette année. L'heureux élu est un membre de l'équipe B.
Jin sentit la main de Hyoyeon lui tapoter l'épaule et il y eut les sanglots d'une fille de l'équipe A. Jin sentit son cœur s'emballer et Jihoon se tourna soudain vers lui, un sourire mauvais sur son visage.
Jin refréna une envie de meurtre qui fut difficile à refréner.
-Félicitations à Monsieur Park Jihoon pour son projet.
Quelque chose se brisa.
Jin sentit son cœur s'arrêter et ne pas redémarrer.
Le dénommé se leva, tout sourire, alors que les gens l'applaudissaient et chuchotaient entre eux « ce n'est pas le maknae de cette équipe celui-là ? ». Ken et Hyoyeon respectivement à sa droite et à sa gauche, eux, n'applaudirent pas, gardant leurs yeux écarquillés de surprise sur le visage figé de Jin.
Au loin, le manageur Lee n'applaudissait pas, fixant Jin avec un regard indéchiffrable.
-De ce fait, reprit avec bonhomie le manageur en chef quand le silence fut revenu. Nous...
-Attendez.
Jin se leva alors que toutes les têtes pivotèrent vers lui. Le manageur Lee écarquilla les yeux, secouant légèrement la tête comme pour le retenir.
En cet instant, il ne savait plus vraiment ce qu'il faisait, ni ce qu'il disait. Son esprit était mort, racorni dans un coin de son cerveau, ne restait qu'une haine sourde, qu'un sentiment d'injustice distinct, qu'une envie de destruction et d'autodestruction virulente.
Une pulsion de vengeance.
Ses illusions s'étaient cassé la gueule, dans un bruit de verre brisé, aussi fines que du cristal et l'ampleur de cette injustice le rendait fou.
Oui fou, telle était l'insulte que le chauffeur du camion de la veille au soir lui avait attribué « espèce de cinglé ! ».
En fait, il était très probable qu'il le soit.
-J'aimerais connaître vos critères de sélection.
Il y eut un silence lourd.
-Pardon ? Rétorqua le manageur en chef visiblement mécontent d'être interrompu, ce n'est pas quelque chose que nous communiquons aux équipes, ça ne regarde que...
-Pourtant, c'est quelque chose que vous devriez communiquer, trancha Jin d'une voix qu'il ne reconnut pas comme la sienne. Ça nous permettrait de comprendre pourquoi un dossier qui doit faire vingt pages de moins que le nombre demandé et qui possède une erreur de frappe sur le titre, peut être sélectionné comme projet de l'année.
Il y eut un silence et le manageur en chef sembla d'un coup contrarié puis soudain Jin éclata d'un rire froid et brutal avant de dire :
-Ah pardon ! Si, je sais quels sont les critères ! Au temps pour moi ! Je suppose qu'avoir baisé avec le manageur en chef et le manageur Lee a permis à Mr Park Jihoon de se hisser au rang de vainqueur, non ?
Il y eut un blanc puis d'un coup des chuchotements remplirent l'endroit. Jaehyo siffla même, en se laissant aller contre son dossier comme soudain intéressé par le spectacle. Il n'avait jusqu'alors jamais jeté à Jin un regard si admiratif depuis qu'ils travaillaient ensemble.
-Je suppose que c'est comme ça que cet endroit fonctionne, non ? Cingla Jin. Je suppose, Monsieur le manageur en chef, que si j'avais baisé avec vous le jour où vous m'avez fait des avances et que votre main s'était plus ou moins perdue sur ma cuisse, j'aurais pu réussir aussi ? À moins que je ne doive aussi passer sous votre bureau, manageur Lee, parce que vous n'avez pas l'air de cracher sur ce genre de pratiques non plus ?
Le dénommé pinça les lèvres et ferma les yeux alors que le visage du manageur en chef, rougissait de colère au fur et à mesure des secondes.
Puis Jin s'écria, tout sourire dans un rire musical complètement hors propos :
-Je sais, plutôt que de me tuer à la tâche, faire des heures supplémentaires que vous ne payez même pas, à remplir vos quotas telle une machine sans sentiments, j'aurais du baiser avec toute la compagnie, j'aurais sûrement eu une meilleure place que les vôtres aujourd'hui, non ? Maintenant on n'a plus trop à se demander comment vous avez eu vos postes respectifs, en fait.
Quelques rires s'échappèrent mais le manageur en chef hurla :
-Kim vous allez vous taire immédiatement et aller dans mon bureau, ce petit spectacle blasphématoire a assez duré !
-Je refuse ce résultat ! Cria Jin.
-Le fait que votre dossier n'ait pas été accepté n'est pas une raison pour colporter des rumeurs de la sorte !
-Je ne colporte rien du tout, je vous ai vu !
-Ça suffit, taisez-vous ! Dans mon bureau maintenant !
Jin se mit à trembler :
- J'ai investi tout mon temps dans cette compagnie, ça fait cinq ans que je travaille ici ! Chaque année le quota change et chaque année c'est de plus en plus difficile de suivre le rythme ! Vous nous prenez pour des esclaves, vous nous payez un salaire minable pour le travail fourni ! J'ai passé des heures assis devant ce putain d'écran, en cinq ans j'ai vendu des centaines et des centaines de vos contrats et c'est ça que j'obtiens au final ? Me faire griller ma place par une petite pute qui suce des queues !
-Vous êtes viré Kim ! S'égosilla le manageur en chef. Vous m'entendez ! Vous...
-Oh non. Vous n'allez pas me virer, siffla le dénommé. Je vais démissionner là, tout de suite, maintenant ! Et je vais porter plainte et s'il faut aller jusqu'au tribunal, je le ferai ! C'est de l'abus de pouvoir, je suis sûr que beaucoup de nos conditions de travail ne sont pas légales et surtout... Surtout je vais porter plainte pour harcèlement sexuel. Contre vous !
Son supérieur hoqueta alors que des salariés écarquillaient les yeux en ouvrant la bouche.
Jin prit son sac balança le peu d'affaires qu'il avait, arracha son ordinateur qu'il jeta au sol dans un bruit de plastique cassé.
-Allez tous bien vous faire foutre.
*******
Il lui avait fallu déambuler dans les rues de la capitale un très long moment pour réussir enfin à se calmer. La journée avait décliné et la soirée s'était installée.
La fureur avait laissé place à la colère, puis à la rancœur pour continuer vers l'agacement, puis descendre rapidement vers la désillusion et, enfin, la sidération.
Ne lui restait qu'une espèce d'inquiétude lui broyant la poitrine.
Il avait pété un câble, il avait insulté tout le monde, il était parti.
Et surtout il avait démissionné.
Le regret vint prendre immédiatement place dans son esprit, comme le bouquet final de ses émotions.
Mais Jin savait qu'il était trop tard, que c'était fichu. Impossible de revenir en arrière, de présenter ses excuses, et dans le fond en avait-il vraiment envie ?
Il se mit à réfléchir à toute vitesse, à la réaction de Namjoon, à celle de ses amis, à cette idée de se retrouver sans emploi, sans salaire.
Comment allait-il payer le loyer ? Comment allait-il payer les factures ? Les courses ?
Sa fierté ne lui permettrait en aucun cas de le dire à ses cadets.
Un regret amer lui mangeait le cœur. Qu'allaient-ils penser de lui ? Eux qui avaient presque tous une situation, qui allait même se marier pour l'un d'entre eux, de voir leur aîné ainsi, réduit à l'état de chômeur.
Mais surtout, qu'est-ce que Namjoon allait dire ? Est-ce qu'ils allaient avoir au moins une conversation cette fois ? Est-ce que l'homme qui partageait sa vie allait enfin s'intéresser à autre chose qu'à lui-même et daigner porter un intérêt à son histoire qu'il avait ignoré ces derniers mois ?
Jin regarda son téléphone, voyant qu'il était tard.
Il avait décidé de tout faire sauter, sa dignité, son calme, son boulot, son respect envers ses supérieurs, le même jour où Namjoon avait un truc « si important » à annoncer.
Clairement pas le bon jour pour avouer, comme une fleur, avoir démissionné et avoir dit à ses patrons d'aller « se faire foutre ».
Non mais sérieusement, qu'est-ce qu'il lui avait pris d'user de tant de vulgarité ?
En prenant la direction de l'appartement, cherchant un arrêt de bus, Jin ne cessait de se passer une main sur le visage et dans les cheveux.
Il avait beau s'être lâché, avoir tout envoyé valser avec vulgarité et sans gêne aucune, il se sentait toujours aussi mal, aussi vide. Au final son soulagement et sa fureur n'avaient été que temporaires. Ses angoisses, le vide intérieur, étaient toujours là et rien ne semblait pouvoir les enlever.
Il fut soulagé de voir que sa ligne de bus passait par cet arrêt et attendit le véhicule, les yeux dans le vide.
Pourquoi avait-il fallu que tout tombe ce jour-là ? Le résultat des projets et le fait que Namjoon invite tout le monde chez eux ?
Il fallait qu'il parvienne à faire bonne figure au moins ce soir et demain qu'il parle avec sa moitié.
Une bonne fois pour toute.
Il aperçut son reflet dans la vitre et se trouva abominable. Il avait une tête méconnaissable.
Après tout, tout son comportement depuis ces dernières semaines n'était pas digne de lui. Jamais il n'avait été comme ça. C'était à peine s'il reconnaissait ce grand type, aux épaules larges, à la bouche trop grosse à son goût et aux cheveux désorganisés.
D'habitude il aimait prendre soin de lui, aller souvent chez le coiffeur, utiliser des produits pour femmes pour la peau et les cheveux à propos desquels Namjoon le charriait mais qu'il empruntait tout le temps.
Là, il n'était que l'ombre de lui-même, gris, émacié, presque fou.
Le bus mit moins de temps qu'il n'avait prévu, il avait réellement dû faire beaucoup de chemin pour être si proche de la maison.
En entrant dans l'immeuble, puis dans l'ascenseur, et enfin jusqu'à la porte de l'appartement, il ne ressentait qu'une profonde tristesse chargée de regrets.
Il prit une grande inspiration, se calant un masque sur le visage qu'il espérait correct et absent de toutes mauvaises émotions. Il fallait qu'il porte un masque tiré à quatre épingles pour faire comme s'il était heureux. Juste au moins pour ce soir.
Il rentra, retira ses chaussures en entendant du bruit dans le salon, puis arriva dans la pièce principale et aperçut que Taehyung et Jimin étaient déjà là. Ils le saluèrent avec entrain en pleine partie de jeux vidéo sous l'œil attentif de Namjoon qui tapotait sur son téléphone, un grand sourire aux lèvres.
-Hobi est parti chercher Jungkook, ils ne devraient pas tarder.
-Tant mieux parce que les pizzas arrivent d'ici cinq minutes, fit la voix totalement apathique de Yoongi depuis la cuisine. Salut, hyung.
-Tu as commandé des pizzas ?
-Oui, je te voyais mal cuisiner pour nous sept en rentrant du travail. Ça a été ta journée ?
Sourire, relever la tête, acquiescer et répondre :
-Bien sûr et la tienne ?
-Eh bien, ouais.
-Pourquoi encore des pizzas, se plaignit Jin en rangeant la vaisselle, on commande trop souvent ça à mon goût.
-Jimin et Taehyung ont insisté, répondit platement Yoongi.
-Et tu ne t'y es pas opposé ?
-Pas quand ils sont tous les deux ligués contre moi.
Hoseok arriva avec le maknae quelques minutes plus tard et, comme à leur habitude, se calèrent dans le canapé, se bataillant pour la meilleure place, et se combattant dans une partie de Mario Kart.
Les pizzas arrivèrent très vite et chacun mangea avec bonne humeur, commentant leur journée. C'était comme s'ils attendaient que Namjoon soit le clou du spectacle.
Les boîtes à pizza à présent vides et les bières bien entamées, chacun se cala confortablement sur le tapis au sol, dans les fauteuils et sur le canapé.
Jin avait à peine grignoté mais il consentit quand même à nettoyer, voyant bien que sa moitié ne cessait de répondre à des mails et n'était donc pas encore prête pour cette « fameuse » nouvelle.
Qu'est-ce qu'il pouvait bien annoncer ?
Peut-être que sa thèse était enfin terminée et qu'il allait passer sa soutenance, marquant la fin de ses études.
C'était sûrement ça, s'imagina Jin. Il poussant soupir de soulagement inaudible.
Au moins, l'un des deux aura un travail, car l'université allait sûrement embaucher Namjoon après ça. Il en parlait souvent, de devenir professeur.
Est-ce qu'avec son seul salaire ils arriveraient à payer le loyer le mois prochain ?
Non, Jin se devait de trouver du travail avant, même un minuscule job histoire de payer les factures.
Il avait de l'expérience dans des tas de domaines, parce qu'il avait fait de nombreux boulots, normalement il devrait...
-Bon tu accouches, s'impatienta Hoseok à moitié allongé sur le tapis. On ne va pas passer la soirée à t'attendre.
Jimin se mit à rire avant que Yoongi ne lâche, platement :
-Ouais, magne-toi, je vais me rendormir...
- Si tu attends trop, la belle au bois dormant va dormir d'un sommeil éternel, se moqua Taehyung.
-Oh, et tu veux te dévouer pour m'embrasser ? Ironisa Yoongi.
-Tu aimerais ça.
Ils se mirent à glousser et Jin s'arracha un sourire en revenant vers le salon. Namjoon reposa, enfin, son téléphone et son sourire s'élargit :
-Les gars, j'ai une super nouvelle.
-Tu as fini ta thèse ? Soupçonna Jungkook.
-Tu vas devenir prof ? Renchérit Hoseok.
-Laissez-moi finir...
-T'as demandé hyung en mariage ! Je veux être demoiselle d'honneur ! cria Taehyung en sautant sur le canapé.
-Tae, soupira Jimin, c'est pour les filles ça !
-M'en fous.
-Bon, vous me laissez finir ou pas ? S'agaça le plus grand de tous.
-Fermez-là, lâcha Yoongi toujours calé dans son fauteuil en position fœtale.
-Oh, le papy s'est réveillé.
-Toi, le sale gosse, je...
-Ce matin mon directeur de thèse m'a appelé pour me proposer de finir mes travaux aux États Unis et m'offrir un poste au siège de la Nasa en tant que physicien théoricien pour poursuivre mes recherches et enseigner.
Il y eut un silence.
Un silence de stupeur, durant lequel Jin releva subitement la tête et où son cœur s'emballa à tout rompre.
Ce moment de latence fut brisé par pas moins de quatre voix en même temps qui se mirent à crier de joie.
-Nom d'un kimchi !
-C'est dément !
-Hyung tu es Sheldon Cooper mais en vrai !
-C'est la classe internationale ça !
-Quand ? Combien de temps ? Demanda Yoongi.
Cela apaisa, un peu, l'ampleur des autres et Namjoon en rigola et, en essayant d'échapper aux câlins sauvages de Taehyung, il répondit :
-A la fin du mois et pendant trois ans à peu près, c'est la durée du contrat qu'ils veulent me faire signer.
Ça calma soudain l'euphorie de tout le monde.
-Trois ans ? répéta Hoseok les yeux écarquillés alors que Taehyung retirait son câlin, surpris.
-En comptant la fin de ma thèse, ma soutenance et ma prise de poste, plus une année de poursuite de recherche pour monter une équipe internationale qui travaille sur le même domaine... Oui.
-Trois ans sans que tu reviennes en Corée ? Demanda Jimin d'une petite voix.
-Eh bien oui, les allers-retours seront difficiles...
-Et le mariage ? S'inquiéta Hoseok.
-Ça par contre, c'est sûr je reviens !
-C'est une offre exceptionnelle, commenta Yoongi de sa voix dénuée de sentiments. Ils ne font pas ça à tout le monde.
-Même, ça veut dire que tu vas t'en aller ? Demanda Jungkook.
Jin se leva d'un coup, comme un diable en sortant d'une boîte et se dirigea vers la cuisine faisant mine de ranger ce qu'il lui restait à ranger.
Dans sa tête c'était le chaos le plus total.
Il avait cru qu'il pourrait garder la face toute la soirée, se retenir, se contenir, s'empêcher de craquer, de pleurer, de se plaindre. Il y avait vraiment cru, que son masque factice passerait inaperçu, que même si la situation avait empiré il y avait toujours un moyen d'arranger les choses.
Et puis Namjoon avait annoncé ça.
C'était comme un coup mortel, un coup de couteau dans le dos.
Une véritable trahison.
-Je ne vais pas m'en aller tout seul, répondit Namjoon en essayant de détendre l'atmosphère soudain devenue plus lourde.
-Ah parce que tu comptes aussi nous retirer Jin hyung, pendant trois ans ! S'écria Taehyung catastrophé.
-Vieux, je suis content pour toi, admit Hoseok, mais je t'avoue que ça fait bizarre.
-C'est une grande opportunité, acquiesça Jimin, tu as brillamment réussi hyung, je suis vraiment fier de toi.
Seokjin sentit ses épaules s'abaisser, son cerveau se mettre en rade et une flopée d'émotions et de sentiments encore à vif de son après-midi, ressurgir.
Namjoon comptait l'emmener ?
Et il devait en être heureux ?
Il le disait comme ça, comme si c'était une évidence.
La vérité le frappa aussi violemment que si on l'avait giflé. Namjoon ne voyait rien, n'avait rien vu durant ces dernières semaines et ne verrait sûrement rien à l'avenir.
Il était aveugle à lui, à l'autre. Concentré uniquement sur ses objectifs, son ambition.
Mais surtout il ne comptait même pas lui demander son avis ?
L'aîné se mit à trembler, dos au salon, ses mains se crispèrent sur le rebord du plan de travail.
Partir aux États Unis ? Lui ?
Non.
-Non.
Ses mains sur le plan de travail poussèrent son corps en arrière comme pour se donner un élan sportif dans une situation tendue.
-Non, répéta-t-il plus fort.
Le salon sembla redevenir silencieux, les rires et la joie revenus s'effacèrent de nouveau, les visages se tournèrent en direction de l'origine de cette négation.
Jin fit volte-face brusquement, fusillant sa moitié du regard.
-Non, pas question.
Namjoon ouvrit la bouche, la referma et répondit avec un doux sourire :
-Hyung, je sais que tu es surpris mais je me suis occupé de tout, j'ai déjà regardé les apparts à Washington et j'ai...
-Non je ne viendrai pas avec toi.
Voilà c'était dit. C'était comme la touche finale, la dernière bombe sur ce champ de bataille.
Une tension étrange flotta dans la pièce à l'entente de cette phrase et la surprise se peignit sur tous les visages. Namjoon fronça les sourcils, la surprise gagnant ses traits :
-Quoi ?
Jin s'avança, tremblant de cette fureur qui ne l'avait pas quitté. Jamais le trou dans son cœur n'avait été si grand, si profond, aspirant tout sur son passage. Jamais il n'avait eu une telle expression de rage, de folie dans les prunelles.
-Je ne viendrai pas avec toi aux États-Unis. Je ne te suivrai pas !
Cela ébranla les invités du salon qui se mirent à échanger des regards paniqués, un peu mal à l'aise d'assister à une scène de dispute et Yoongi quitta sa position fœtale pour se diriger vers son aîné.
-Hyung, tu es fatigué je crois. Tu devrais aller te reposer, vous en reparlerez demain, rien ne presse non ?
-Non.
Jin repoussa son cadet en le contournant, le regard calé dans celui de son petit ami. Ce dernier les yeux écarquillés répondit alors :
-Comment ça ? Hyung pourquoi tu ne veux pas venir avec moi ?
-Pourquoi ? POURQUOI ?
Les murs auraient pu trembler sous la force sa voix, ce qui fit sursauter tous ceux assis dans le canapé dont le principal concerné :
-Tu es sérieux Namjoon, tu me demandes pourquoi je ne veux pas te suivre ?
-Hyung, réessaya Yoongi abandonnant son air apathique pour l'échanger contre une mine inquiète.
Puis soudain la colère retomba, la fureur arrêta de faire trembler les murs et les épaules de l'aîné de tous retombèrent, éreintées, fatiguées. Comme abandonnant une bataille.
Une émotion passa, s'aggrava sur ce visage qui avait été si beau et qui n'était plus qu'à présent l'ombre de lui-même. Jamais il n'avait paru si vieux, si fatigué, si émacié à lumière du jour. Le masque tomba et Jin lâcha dans un sanglot :
-J'en ai marre Namjoon, je veux que tout s'arrête.
Il y avait tant de larmes qui dégoulinaient de ses pupilles cernées que personne ne savait comment les arrêter. Jin répéta :
-J'en ai marre de faire semblant Namjoon, j'en ai marre de tout ça. Je veux que ça s'arrête.
-Qu'est-ce que tu dis ? Paniqua l'interpellé en se levant brusquement du canapé faisant tomber un Taehyung figé en équilibre sur le haut du dossier
-Je veux qu'on se quitte.
Cette phrase avait été prononcé avec la plus grande douceur, la plus belle tournure, le plus distinctement, le plus délicatement possible et son effet fut pourtant dévastateur. Plus que sa colère précédente, plus que son cri.
Comme les battements des ailes d'un papillon qui déclencheraient un ouragan.
Les yeux sur tous les visages s'écarquillèrent et celui de Namjoon passa par une gamme de surprise, sidérée à tétanique avant de balbutier :
-Tu... quoi... tu viens de dire quoi, hyung ?
-Je viens de te dire que je veux qu'on se sépare.
-Non !
C'était sa réaction la plus honnête, la plus désespérée et les autres suivaient cet échange de manière effrayée, paniquée comme soudain conscients que quelque chose se brisait, s'effondrait en cet endroit.
-Pourquoi est-ce que tu dis une chose pareille ?
-Pourquoi ? Répéta Jin d'une voix éteinte, son corps semblant ballotté par un courant d'air inexistant, comme une poupée. Parce que j'en ai marre de jouer le couple parfait alors qu'on n'est plus rien pour l'un et l'autre !
-Mais, enfin, hyung, qu'est-ce que tu racontes...
Comme une douce envolée, la tristesse disparut et la colère revint comme si deux personnalités s'opposaient l'une et l''autre dans l'esprit du plus âgé.
-Ah oui ? Alors pourquoi on ne se parle pas, pourquoi on ne s'embrasse pas, on ne se touche pas ? Ça fait quoi, six mois, huit mois, peut-être, que c'est comme ça. Tu ne me vois pas, tu ne me regardes pas, tu fais comme si je n'existais pas. Je ne suis pas une bonniche Namjoon, je ne suis pas ton coloc non plus !
-Qu'est-ce que tu racontes ? Bien sûr qu'on se parle...et je sais que tu n'es pas une bonniche ni même un...
-TU RACONTES N'IMPORTE QUOI ! Regarde-moi, regarde-moi bien Namjoon ! Tu ne trouves pas qu'il y a un problème ! Tu ne me poses jamais de questions, tu ne sais rien de ma vie, tu ne t'occupes que de toi, de toi, de toi et encore de toi ! Tu ne m'as même pas demandé, ces quatre derniers mois comment j'allais, alors je vais te répondre !
Le corps dévasté sembla reprendre un élan de vitalité, furieux, dément, violent et brutal, croisant les bras sur sa poitrine.
-Je vais mal ! Figure-toi que je viens de perdre mon travail, que j'ai pété un câble, que mon patron m'a harcelé sexuellement, que je me suis investi pour un projet au point d'en faire des insomnies, que je ne sais plus quand est-ce que j'ai mangé trois repas par jour pour la dernière fois. Et tu veux savoir le pire ? Hier soir j'ai même essayé de me tuer en me jetant devant un camion...
Le temps se figea dans le salon de l'appartement.
-J'ai voulu mourir Namjoon ! Hurla Jin les larmes se déversant sur son beau visage, diluant sa beauté dans ses paroles monstrueuses. Je ne suis plus qu'un fantôme, vide, tu ne t'intéresses jamais à moi. J'ai souhaité passer sous les roues d'un camion et j'aurais réussi s'il n'avait pas freiné ! Mais aujourd'hui tout s'est écroulé, le projet que j'ai construit n'a pas abouti, j'ai pété un câble. Parce que je n'en peux plus de cette vie, de ces apparences, de ce sketch qu'on joue devant les autres ! Si tu ne m'aimes plus pourquoi tu ne me le dis pas ! Tu préfères jouer les indifférents pour me torturer ? Tu sais à quel point ça fait mal de devenir invisible à tes yeux ? Et là tu m'annonces, sans me demander mon avis qu'on part aux États Unis...Tu ne sais rien, Namjoon. Tu es complètement aveugle à tout ce que j'ai vécu ces trois derniers mois. Pourquoi je suivrais quelqu'un pour qui je n'existe plus, hein ? Qu'est-ce que je vais faire là-bas ? Hein ? T'attendre toute la sainte journée comme le cliché d'une épouse soumise ! C'est ça que tu attends de moi ?
-Hyung...
-Ça suffit Namjoon. Cette comédie a assez duré.
Et comme un dernier acte, la tristesse était revenue, foudroyante, palpable, envahissante.
-Ça suffit j'en ai marre. Je voulais tout arranger mais il n'y a plus rien à sauver. Je souffre tellement...
Sa voix s'était brisée et il répéta dans un sanglot :
-Je suis tellement malheureux, si tu savais.
-Hyung...
La voix de Namjoon était désespérée, il tendait presque les bras pour l'attraper. Mais l'aîné ne voulait pas se laisser prendre.
-Je veux qu'on se quitte, je veux que ça s'arrête, je veux que tu t'en ailles et que tu ne reviennes jamais.
-Hyung. Écoute-moi...tu ne peux pas faire ça. Écoute-moi, je t'en prie...
Les yeux pleins de larmes et le corps debout, douloureux, torturé, l'aîné répondit alors dans un fugace ricanement froid :
-Bien sûr que si Namjoon, on peut faire ça... parce qu'on ne s'aime plus. Parce que tu ne m'aimes plus mais que tu es trop lâche pour me le dire. Et ce que font les gens quand ils ne s'aiment plus, ils se quittent, voilà tout
-Tu ne peux pas dire ça ! Paniqua-t-il.
-Tu as tout fait pour que je te dise ça ! Cria l'aîné. Tu n'as pas eu suffisamment de couilles pour me le dire et tu m'as laissé toutes les responsabilités mais là je n'en peux plus... Alors, toi et moi, c'est fini Namjoon, pour toujours.
Ses paupières se fermèrent, les dernières larmes tombèrent, s'écrasant sur le sol, son visage semblant comme mort d'un coup, apparaissant dans un repos éternel avant que ses paupières ne se rouvrent et que Jin ne fasse volte-face, attrapant sa veste dans le silence et l'abasourdissement général et ne sorte en claquant la porte.
Le vide avait gagné, il avait tout aspiré, le monde s'écroulait, son être se détruisait.
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Elle est là, enfin ! Elle a finit par arriver ( au bout de dix chapitres, je suis super lente pour mettre en place mes histoires, je me fatigue moi-même parfois -_-).
Ressemble-t-elle à ce à quoi vous vous attendiez ?
Parce que cette histoire commence à l'envers et il va de soit que des beaux jours attendent Jin par la suite, donc ça veut dire : des chapitres moins lourd et dramatique. ;)
Merci beaucoup pour vos vues, vos votes et vos commentaire. <3
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Chapitre corrigé par @Cla_ra25
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