Son visage dans le miroir l'accueillit avec mauvais augure.

Vraiment, il avait une sale tête.

Ça faisait plusieurs jours que ça durait. Le pire avait été de voir que durant ce laps de temps, Namjoon n'avait pas essayé de le contacter une seule fois.

Le weekend était arrivé, amenant, et heureusement pour Jin, de quoi se changer les idées. Comme à son habitude, il était allé chercher Taehyung et Jimin complétement bourrés dans une boîte de nuit sur Itaewon.

Ces deux-là avaient squatté son appartement tout le dimanche durant lequel Hoseok était passé.

La seule information notable du week-end avait été la facilité avec laquelle Jimin avait commencé à reparler de Seulgi et de leur appartement comme s'il commençait doucement à se remettre de sa rupture et qu'il se montrait bientôt prêt à retourner vivre seul.

Puis la semaine avait repris.

Repris dans le bruit, le stress et l'enfer habituel.

Mais à présent jeudi, Namjoon avait envoyé un message pour le prévenir qu'il rentrait aujourd'hui. Tel avait été en tout cas, le message qu'il lui avait écrit dans la nuit.

Mais Jin n'avait pas sauté de joie, pas vraiment. Depuis cette soirée avec ses collègues, jeudi dernier, il se sentait vraiment mal et confus quant à la suite des choses.

Une inquiétude grandissait au fond de lui et à présent, il arrivait enfin à en comprendre la présence depuis ces derniers mois, de ce sentiment de vide au fond de lui.

Il avait senti les choses changer mais il avait refusé de les voir.

Son cerveau avait nié tous les signes mais maintenant ce n'était plus possible.

Bien sûr il n'en avait parlé à personne et avait préféré faire bonne figure devant ses dongsaeng. Mais la surcharge de travail le poussait un peu plus chaque jour au bout de ses forces mentales et il se sentait à deux doigts de s'effondrer. Maintenant qu'il voyait la vérité, il avait l'impression dramatique de sombrer dans la dépression.

Il chassa cette idée comme quelque chose d'insensé et décida de se remotiver.

Il fallait qu'il s'accroche, qu'il y croit. Il ne pouvait se laisser aller ainsi. Il dramatisait et exagérait les choses, voilà tout. Ce n'était clairement pas son genre de s'apitoyer sur son sort, au contraire il se devait de faire des efforts et rester optimiste.

Ce fut avec une nouvelle envie qu'il se rendit tôt au travail, très tôt même, avec comme objectifs de finir plus tôt et de cuisiner la recette que le chef Kihyun leur avait apprise cette semaine pour dîner avec Namjoon ce soir.

Il fallait qu'ils parlent tous les deux, cette situation ne pouvait plus durer.

Il avait essuyé, dans la journée, la mauvaise humeur et le stress ambiant. Le manageur Lee s'était acharné sur lui parce qu'il ne lui restait que trois semaines avant la clôture des projets et que le sien n'avançait pas.

Mais tant pis, car Namjoon rentrait et Jin ne voulait pas passer à côté de ça.

Il avait donc dû trouver une excuse potable pour que le manageur Lee le laisse partir, et pour grappiller un peu de temps, il n'avait même pas déjeuné au repas de midi.

Il avait presque quitté le travail à l'heure, même si sa conscience le tiraillait comme quoi c'était peu recommandable. Il se fit violence, il en avait vraiment besoin.

Il avait échangé un message avec sa moitié, pour fixer l'horaire et s'était dépêcher de rentrer.

Ensuite, il avait cuisiné et même préparé un dessert, Namjoon adorait les fraisiers. Il avait eu le temps de se doucher et de se changer et avait attendu l'arrivée de son petit ami.

Il avait attendu.

Longtemps.

Très longtemps.

Si longtemps qu'il avait fini par l'appeler et que lorsque Namjoon avait décroché, le bruit de fond, probablement d'un bar ou d'un restaurant bruyant, l'avait empêché de tout comprendre et Namjoon avait seulement dit :

« Désolé hyung, je croyais t'avoir envoyé un message, mon responsable de thèse nous a invité à dîner, tu sais qu'on ne peut rien lui refuser. J'essaye de partir bientôt. »

Jin avait raccroché et s'était laissé tomber sur une chaise. Il aurait pu être en colère mais c'était à présent au-delà de ça. C'est purement et simplement de la consternation.

Ses bras lui en tombaient tant il était déçu.

Son sentiment de vide intérieur était revenu le ronger au fond de sa poitrine et il n'avait pas résisté longtemps à l'envie de pleurer.

Ses pauvres motivations courageuses et optimistes tombaient une à une et laissaient place au pessimiste et à la rumination dépressive.

Il se sentait bête et stupide. Stupide parce qu'il s'était fait tout un film sur l'organisation de cette soirée, le repas ensemble, le bon temps aussi. Il était même allé jusqu'à fantasmer en se disant que peut-être cette fois son petit ami ne serait pas trop fatigué pour qu'ils puissent faire l'amour.

Enfin, il se sentait bête, parce qu'il aurait dû s'y attendre. Ça arrivait si souvent qu'il ne comprenait pas pourquoi il n'avait pas envisagé cette alternative.

Il repensa alors à Jisoo et à ses histoires et cela sonna comme une alarme au-dessus de sa tête. Peut-être que Namjoon le fuyait pour ne pas se confronter à lui, pour qu'il ne remarque pas qu'il ne l'aimait plus. C'était peut-être la raison de ses absences répétées.

Jin en ricana d'horreur et observa la pièce dans laquelle il se trouvait. Il était vraiment devenu une boniche à plein temps. Il cuisinait, s'occupait de la lessive et du ménage, attendait que son homme rentre à la maison pour mettre les pieds sous la table.

Depuis quand en était-il réduit à ça ?

Il consulta l'heure qui tournait et toujours aucun signe de sa moitié.

Que devait-il faire dans cette situation ?

Il était complètement perdu, assailli par des doutes de plus en plus nombreux.

C'est chamboulé, qu'il se décida d'attendre. Vers une heure du matin, fatigué, il décida finalement de se coucher mais le stress et l'inquiétude ne pas le voir rentrer l'empêchait de fermer l'œil.

« Tu rentres bientôt ? »

Message envoyé à 1h34.

Sans réponse.

Une nervosité palpable courait dans ses membres et il tourna et se retourna dans le lit. Il s'imaginait le pire et d'affreux scénarios lui montaient à la tête.

Et si Namjoon le trompait depuis tout ce temps ?

Et si c'était sa faute à lui ? S'il s'était leurré à conserver une image parfaite de son couple alors que petit à petit Namjoon prenait son envol ?

Le véritable aveugle c'était lui ?

Son esprit se remplissait d'affreuses idées et il se sentait un peu plus déprimé de seconde en seconde, propre tortionnaire de son esprit fatigué et démoralisé.

Le pire qui pourrait arriver, serait que le projet sur lequel il travaillait n'aboutisse pas, malgré toutes les heures à s'acharner dessus. Et s'il se faisait virer ? Namjoon le comprendrait-il ? Se moquerait-il ? Le disputerait-il ?

Non.

Parce qu'il ne savait même pas que son compagnon soumettait un quelconque projet.

Jin serra l'oreiller dans ses bras. C'était sûrement la chose la plus triste de toute cette histoire et aussi la plus réaliste.

Et c'est dans cet état d'esprit qu'il entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Quelques jours plus tôt, il se serait levé à l'encontre de son petit ami, l'aurait embrassé, humé son odeur qu'il aimait tant mais dans son état actuel, il eut l'horrible idée de ne pas le faire.

Pire, il fit semblant de dormir alors qu'il entendait les pas arriver jusque dans la chambre.

Est-ce que Namjoon allait l'embrasser ? Lui caresser les cheveux ? Le toucher ? Ou au moins faire un quelconque geste affectif à son égard ?

Jin, lui, le ferait si la situation était inversée.

Jamais il n'aurait pensé à faire ça et il se sentait curieux et angoissé en même temps. Jamais il n'aurait pensé un jour à en être réduit à ce genre d'artifice comme un enquêteur à la recherche de preuves. Il suppliait mentalement que son petit ami lui prouve qu'il se trompait.

La porte s'ouvrit sans grincement, et se referma. Il entendit des vêtements se froisser, tomber au sol, un poids se mettre à côté du sien dans le lit.

Puis rien.

Plus aucun mouvement sous la couette après avoir trouvé une position pour dormir et le silence.

Jin ouvrit les yeux dans le noir sans bouger, les mains crispées et il se retint comme il put de ne pas pleurer.

Namjoon faisait-il seulement attention à lui ?

Au bout d'un long moment à écouter le bruit, à attendre quelque chose venant de l'autre, il se rendit compte que sa moitié dormait profondément. Jin se leva, observant le visage endormi de Namjoon en sortant du lit. Il était quatre heures du matin, il se traina jusqu'à la cuisine et se vautra dans le canapé.

Il se sentit tellement mal qu'il avait l'impression que le monde entier sombrait autour de lui et que des démons invisibles lui murmuraient de sales idées à l'oreille.

Et s'il se jetait de la fenêtre, Namjoon pleurerait-il ?

Et s'il criait, hurlait, comment réagirait-il ?

Il se recroquevilla dans le canapé et les yeux dans le vide, se mit à réfléchir, à penser au passé, à maintenant et au futur.

Mais ce futur était si sombre, si incertain que ça l'effraya.

Jusqu'au petit matin il se mit à ruminer, incapable de dormir malgré l'état de fatigue de son corps et ses journées de travail qui empiraient.

Il y avait une seule chose dont il était absolument sûr, le trou à l'emplacement de son cœur était ouvert et n'allait pas se renfermer.

Et c'était bien la chose la plus douloureuse qu'il avait à vivre.

*******

-Kim à la fin de la journée je veux ton projet sur mon bureau.

Jin releva la tête, huit heures déjà qu'il n'avait pas bougé de cette position et ses cervicales lui faisaient mal.

-Mais monsieur... balbutia-t-il, il n'est pas fini, il me reste encore deux semaines...

-C'est un premier jet, le brouillon si tu veux, mais je le veux.

Le jeune homme sentit une montée de stress l'envahir. La journée arrivait à sa fin et il n'avait pas encore rempli son quota d'appel. D'autant plus, qu'à présent, il devait montrer l'ébauche de son projet, loin d'être terminé, à son supérieur. Que devait-il faire ?

S'il peaufinait le rapport, le quota ne serait pas atteint et il se ferait disputer. S'il remplissait son quota, l'état de son rapport serait catastrophique et il se ferait disputer. Dans le fond la finalité était la même.

Il choisit la première option, et se fit violence pour se comporter comme ses collègues sans la moindre empathie, simplement pour remplir son nombre journalier d'appels et d'offres. 

C'est avec beaucoup de culpabilité qu'il arracha une option d'assurance hors de prix à une cliente en lui promettant davantage que ce que cette offre pouvait véritablement offrir. Il récitait avec culpabilité tout le speech qu'on lui faisait dire à chaque vente et il raccrocha, l'âme en mal.

Petit à petit chacun de ses collègues terminèrent leur journée et il profita du fait d'avoir quelques minutes de tranquillité pour corriger l'ébauche de son projet.

Jihoon restait, lui aussi, mais Lee ne s'acharnait pas autant sur sa personne et Jin avait vraiment l'impression que son manageur avait une dent contre lui.

Vingt heures sonnèrent et Lee tapota sur son bureau nerveusement alors que Jin grapillait quelques minutes pour continuer sur sa lancée. Il aurait suffisamment de temps avant que...

-Kim. Le dossier, maintenant.

Avant ça, justement.

Il envoya par mail le document et poursuivit les rapports qu'il devait finir avant demain, dernier jour de la semaine. Son téléphone vibrait mais il ne pouvait se permettre de consulter les notifications.

Se mordant la lèvre jusqu'à s'en faire mal, il tâcha de faire bonne figure alors que le stress le liquéfiait sur place.

De là où il était, il pouvait voir les expressions agacées de Lee et ses gestes directifs appuyer sur sa souris pour corriger certaines choses.

Enfin, Lee lui fit un signe de tête et Jin vit ça comme une demande implicite alors il remonta la file des bureaux jusqu'au bureau du supérieur.

Le manageur se laissa glisser sur le fauteuil avant de croiser les bras :

-Ce n'est pas mauvais, ce n'est pas bon non plus et c'est loin d'être suffisant. Va falloir faire mieux que ça. Ce genre d'idée est justement en discussion au sein de la compagnie, c'est une bonne chose pour toi. Mais il faudrait plus d'exemples et même un modèle.

-Je...sais mais vu que c'est une ébauche...

-Je ne peux pas t'aider, tu le sais ce serait du favoritisme Kim et ce n'est pas mon genre, trancha Lee en le foudroyant de ses yeux noirs. Mais si je peux te donner un conseil, concentre-toi surtout sur les bénéfices.

-Merci. Je vais faire ça.

S'ensuivit un silence et Jin se tortilla les doigts :

-Vous... vous pensez, que je peux réussir ?

-Je ne sais pas ce que les autres équipes proposent et la décision sera prise entre le manageur en chef, le comptable, le responsable du service supérieur et l'attaché de direction, entre autres.

Ce n'était pas rassurant.

Du tout.

-Mets-toi à fond dessus, et focalise-toi sur ce que j'ai dit, un modèle et des chiffres ça devrait faire l'affaire. L'idée n'est pas mauvaise en soi.

Jin acquiesça mais avant qu'il ne puisse prendre congé, le manageur reprit :

-Dernière ligne droite Kim, ton classement dans le tableau est catastrophique.

En effet, Jin avait eu l'horreur de constater, ce matin en arrivant, qu'il était descendu de deux places. Il figurait à présent dans la zone dangereuse, celle où tout pouvait basculer.

-Je fais de mon mieux, monsieur, assura-t-il. Je ne veux pas perdre mon emploi.

Lee ne répondit pas tout de suite avant de souffler :

-Tu remplis à peine le quota, tu peines à t'organiser, mise tout sur ce projet. S'il doit entrer en compétition avec un projet des équipes adverses, je le défendrai, compte sur moi mais ne te relâche pas.

Jin acquiesça, se sentant étrangement reconnaissant et Lee poursuivit :

-Aie davantage confiance en toi, réveille le compétiteur en toi, c'est le moment.

Le jeune salarié eut un faible sourire :

-Je n'ai jamais été doué pour la compétition, je laissais toujours les autres gagner...

-Change ça, alors, il te reste quelques semaines. Ne fais pas de cadeau aux autres Kim, ici personne ne t'en fera.

-Je sais...

Et c'était sûrement la plus triste des constatations.

Lee soupira et se releva :

-Tu peux partir, bonne soirée et à demain.

-Merci, vous aussi.

Jin prit ses affaires et sur le chemin de l'ascenseur il se fit la remarque que c'était sûrement la première fois que le manageur Lee lui souhaitait une bonne soirée.

Il serra les poings dans les poches de son manteau et tâcha de reprendre du poil de la bête.

Ce n'était pas trop mauvais, il fallait qu'il y travaille encore un peu. Il avait une chance et puis si ça réussissait, il pourrait vraiment sortir de cette boucle infernale dans laquelle il était coincé.

Ça en valait la peine. Il pouvait y arriver.

Sur le chemin du retour, il regarda enfin ses notifications. Namjoon l'informait qu'il était chez Yoongi et qu'il l'attendait. En grognant, Jin quitta le bus avant son arrêt pour en reprendre un autre. Il attendit un moment. Yoongi n'habitait pas du tout dans sa direction.

Il arriva dans l'immeuble du compositeur de musique, quarante minutes plus tard et ce fut Yoongi qui lui ouvrit.

-Rentre hyung, on a commandé des pizzas, on t'attendait mais on a fini par en manger...

-Ce n'est rien, affirma l'aîné, il est tard.

-Tu as encore fini le travail en retard ?

-Oui mais ce n'est pas grave...éluda l'aîné.

Namjoon était dans le salon en compagnie d'Hoseok et de Jimin. Il lui fit un sourire et Jin sentit son cœur tressauter à sa vue.

Il oubliait à chaque fois qu'il était beau et l'effet que ça produisait sur lui mais ce sentiment était affaibli, amoindri par toutes ses pensées négatives de la nuit passée.

Pourtant il lui fit son sourire habituel tout en sachant qu'il n'est pas complètement sincère. Jin se sentait faux, comme jouant son propre personnage pour que quiconque ne connaisse le fond de sa pensée.

Ce n'était ni le lieu, ni le moment de provoquer une histoire.

-Je t'ai gardé les meilleures parts, celles avec le moins de poivrons, déclara Namjoon.

Il fut touché par ce petit geste et se gifla mentalement d'être aussi content pour quelque chose d'aussi ridicule.

Vraiment, ses recherches de preuves d'amour de Namjoon allaient trop loin.

-Merci.

L'appartement de Yoongi était simple, basique, sombre, sans artifices aucun, tout en noir et blanc, goût pour le monochrome qu'il partageait avec Namjoon. C'était moins grand que chez eux. Un petit salon, une petite cuisine et une chambre.

Jin s'assit en tailleur sur le tapis et mangea goulûment la pizza. Il avait vraiment faim.

-Hyung, tu n'as pas mangé depuis trois jours ou quoi ? S'étonna Hoseok.

-Je n'ai pas eu le temps ce midi, confia-t-il entre deux bouchées.

-Oui, j'ai vu que tu avais oublié ta boîte de déjeuner, ce matin, avoua Namjoon.

-A quelle heure tu t'es réveillé ?

-Tard, avec le décalage horaire ça m'a vraiment embrouillé. Je suis allé travailler cet après-midi et j'ai rejoint Yoongi Hyung, ensuite. On parlait de mon intervention à Washington.

Sa moitié était très satisfaite de son séjour aux States et parlait avec animation de ses conférences et autres colloques particuliers. Yoongi écoutait avec concentration et Hoseok ne cessait de l'interrompre avec des commentaires hilarants alors que Jimin buvait ses paroles.

Namjoon avait toujours su faire ça, parler. Bien parler et attirer les gens à l'écouter. Il était fait pour s'exprimer.

Il était brillant, magnétique.

Avec un QI de 148, il avait sauté des classes créant un décalage à l'époque, entre son apparence et la maturité de ses pensées. Jin se souvenait encore lorsque le plus jeune avait rejoint sa classe au lycée malgré leurs deux ans d'écarts. Quelques années plus tard, c'était lui qui avait poussé Namjoon à entreprendre de grandes études, à faire ce qui lui plaisait.

Aujourd'hui Namjoon préparait une thèse financée par la Nasa dans le domaine de l'astrophysique.

Il voulait, à la fin de sa thèse de plus de neuf années de travail, devenir professeur et enseigner l'astrophysique à l'université.

Mais rien n'était encore joué. Lui et d'autres brillants érudits de la cellule de la Nasa en Corée du Sud, bossaient sur une théorie et devaient souvent s'associer et être en compétition avec d'autres nationalités, notamment les russes et les chinois.

Pour le reste, Seokjin n'y comprenait pas grand-chose.

Mais ça forçait le respect. Jamais aucun autre membre du groupe n'irait aussi haut et aussi loin dans les études. De ce fait Namjoon avait une place spéciale, celle qu'on attribuait aux gens brillants et intelligents.

-Il se fait tard, souffla Jin au bout de deux heures, sentant la fatigue lui tomber sur tous les muscles en lui provoquant des courbatures.

-Tu vas rentrer ? demanda Yoongi qui avait sorti d'autres bières.

-Oui.

Jin regarda Namjoon mais ce fut Hoseok qui lui répondit :

-Hyung, tu n'as pas reçu nos messages ? Ce soir on sort mais si tu ne veux pas venir avec nous, ça ne pose aucun problème.

-Vous sortez, en milieu de semaine ? Répéta l'aîné.

-On va faire la fiesta ! Cria le rouquin en se trémoussant exagérément.

Jin se figea, ses yeux papillonnant de Yoongi à Namjoon avant de dire :

-Mais... et le travail, demain...

-Je peux bosser comme je veux, assura le plus pâle d'entre eux.

-J'ai ma matinée, je pourrai dormir, reprit Hoseok.

-Moi pareil, annonça Jimin.

-Je n'ai pas eu le choix, se justifia Namjoon, l'hurluberlu à droite m'a forcé.

-Mais ça fait trop longtemps qu'on n'est pas sorti ensemble ! Geignit Hoseok.

-Moi je travaille demain, marmonna Jin se sentant soudain démuni face à cette annonce, je rentre.

Il releva la tête et regarda Namjoon qui s'était un peu avancé sur son siège pour ouvrir la bouteille de whisky.

Il attendait un signe, un quelque chose, une phrase magique comme « Je vais rentrer avec hyung ». Après tout il venait de revenir de voyage et ils n'avaient même pas pu prendre du temps pour eux deux.

Mais rien ne vint. Rien.

Jin serra le poing et tenta de garder le contrôle de son expression avant de souffler :

-Ne faites pas d'excès. Bonne nuit.

-A plus hyung ! Scanda Hoseok.

-Rentre bien, ajouta Jimin.

-A demain, fit Namjoon.

A demain ?

L'aîné eut envie de lui répondre sarcastiquement un « Vraiment ? » bien ironique mais se retint. Il prit ses affaires et consulta l'heure. A tous les coups il n'y aura plus de bus. En sortant dehors, une fois en bas de l'immeuble, il frissonna sous la froideur de la nuit et consulta le panneau des horaires à l'arrêt de bus.

Bingo, plus de bus.

Il grogna avant de chercher l'application pour contacter les taxis de Seoul dans son téléphone. Il n'attendit pas longtemps pour que le véhicule se gare devant lui et qu'il s'engouffre dans l'habitacle chauffé. Les yeux rivés sur la fenêtre, il regarda les rues défiler.

Il avait encore envie de pleurer et la déception lui donnait un goût amer dans la bouche.

Il essayait de garder espoir, de se rassurer avec cette frêle idée que les choses s'arrangeraient.

Mais si ça ne s'arrangeait pas ?

Qu'allait-il se passer ?

*******

Le travail avait un goût d'enfer sur terre.

Comme d'habitude.

Rien ne changeait vraiment si ce n'était qu'il parvenait difficilement à remplir son quota. Le reste de la semaine, il restait tard à travailler sur son projet.

Il travaillait durement, et vraiment assidûment. Ce travail représentait le dernier espoir pour la poursuite de son emploi.

Il ne cessait de lire, vérifier, compléter, ajouter des schémas et utiliser des logiciels.

Une foule de nouvelles idées lui venait.

Il rentrait tard à l'appartement, et Namjoon n'était presque jamais là. Depuis la soirée chez Yoongi, il l'avait à peine vu, le temps d'un chassé-croisé dans l'appartement.

Ils étaient comme deux inconnus vivant au même endroit. Des fantômes.

Si Jin voulait, au début, courir après le contact, chercher à tout prix à parler avec sa moitié, à présent il laissait cela filer. Il était si déprimé qu'il avait baissé les bras et puis dans le fond, il voulait que ça vienne de lui, de Namjoon.

Il voulait que l'autre lui envoie un signe, qu'il ressentait et vivait la même chose.

Mais il n'avait guère le temps d'y penser. Il finissait le travail de plus en plus tard.

Le Week-end arriva. A l'identique.

Jimin et Jungkook squattèrent l'appartement dans la journée du samedi, Yoongi passa en coup de vent déjeuner le midi, en oublia même son portable et dut revenir le soir.

Dans la nuit, Taehyung l'appela comme d'habitude puis avait squatté le canapé où Jin avait dormi avec lui.

Le dimanche matin, Namjoon n'était plus là. Pas un mot, pas un message et l'aîné avait eu du mal à se réveiller. Il dormait vraiment mal depuis des semaines. Ce n'était pas des insomnies mais un sommeil ravagé par des cauchemars qui le rendaient agité.

Il se doucha tel un zombi, sans vraiment parvenir à se réveiller, puis essaya de se motiver pour cuisiner.

-Hyung j'ai faim ! Geignit Taehyung en s'enroulant dans la couette.

-Je sais...

Les autres allaient arriver pour le déjeuner habituel du dimanche midi. Hoseok avait envoyé une quantité astronomique de messages hier et semblait avoir quelque chose à dire.

Quand Jin lui avait fait la remarque, la réaction du danseur avait été si exagérée que ça prouvait qu'il cachait quelque chose.

Devant sa gazinière, Jin faisait cuire les légumes et attendait que le riz se réchauffe dans le cuiseur.

Les yeux dans le vide il touillait maladroitement du bout de la cuillère en bois qui raclait la poêle.

Il se sentait si vide, si éloigné de la réalité. C'était étrange d'éprouver ça, comme si tout autour de lui était devenu gris.

C'était bizarre, depuis quelques jours ce sentiment durait.

En fait ce n'était pas un sentiment à proprement parler. Juste une sensation qui ne partait pas. Une impression.

C'était pire quand il croisait Namjoon. La nuit dernière quand il avait décroché son téléphone, il l'avait vu endormi à côté de lui, le dos tourné, comme deux inconnus dans le même lit.

Il n'avait pas voulu se recoucher près de lui.

C'en était devenu douloureux.

Le pire c'était qu'il culpabilisait de ça.

Mais sur le coup il n'avait pas su quoi faire avec ce qu'il ressentait. Les épaules et les articulations grippées, il avait l'impression de tant stresser que tout son corps se figeait dans une arthrose maladive et douloureuse.

Le projet l'obsédait.

Tout l'obsédait, en fait.

Et puis, que devait-il faire par rapport à Namjoon ?

Il avait à présent si peur de l'état de sa relation qu'il se sentait démuni, au point de se retrouver bloqué, incapable de faire quelque chose.

Y avait-il encore quelque chose à faire, au moins ?

-Hyung ?

Il se réveilla un peu, se tournant vers Taehyung emmitouflé dans la couverture, debout près de lui, qui fronçait les sourcils, la mine sérieuse.

-Tu vas bien ?

-Hein ? Euh oui, pourquoi ?

-Tu es en train de faire brûler le riz dans la poêle... Fit remarquer lentement le plus jeune.

Jin écarquilla les yeux et baissa la tête. Il arrêta précipitamment les plaques alors qu'une odeur de brûlé se rependait dans la cuisine. Perdu, il arrêta le cuiseur et l'ouvrit constatant qu'il avait inversé légumes et riz.

Il ria un peu, nerveusement :

-Je crois que je ne suis pas bien réveillé...

Taehyung garda les sourcils froncés mais ne prononça rien de plus et sentant qu'il l'observait, l'aîné le chassa, l'incitant à prendre sa douche.

Il corrigea son erreur, se secouant un peu pour chasser sa torpeur, en vain.

Il tâcha de se concentrer jusqu'à midi.

Hoseok fut le premier à arriver, éclaboussant les murs d'un trop-plein de bonne humeur mais même avec ça, cela sortait difficilement son aîné de l'accablement dans lequel il était.

Namjoon arriva tôt pour une fois et souriait à Hoseok plaisantant avec Taehyung. Il était accompagné de Jungkook qu'il était allé chercher aux dires de ce dernier.

Namjoon, lui, avait l'air d'aller bien. À cette constatation, le monde de Jin fut un peu plus noir encore.

Jimin arriva, abordant une nouvelle couleur de cheveux, un gris de perle qui lui apporta un paquet de compliments et de sifflements appréciateurs.

Yoongi arriva bon dernier et se fit charrier sur ce détail.

Jin les regardait tous se retrouver comme à leur habitude, tandis qu'il restait en cuisine de loin, à tâcher de ne pas faire de bêtise.

C'était vain parce que depuis tout à l'heure il ne cessait de faire des erreurs, sur la sauce, l'assaisonnement et il en oublia même les cuisses de poulet dans le four.

-Les gars, commença Hoseok.

-Voilà, soupira Yoongi.

-Je le savais, s'impatienta Jimin.

-Tout le monde le savait, assura Taehyung.

-Laissez-moi finir, se plaignit le rouquin.

-T'étais grillé d'avance hyung, pouffa Jungkook.

-Vas-y fais la, ta super annonce, ricana Namjoon.

-Je suis sûr qu'il va nous dire que lui et Naeyon emménagent ensemble, cingla Taehyung.

-Pari tenu, jura Jimin.

-Bon, vous avez fini, je peux parler ?

-Vas-y.

-Hyung j'espère que t'as du champagne, ricana Yoongi en se tournant vers Jin.

-Eh bien...

-Ça vaut vraiment la peine qu'on boive du champagne pour ça ? Hoseok hyung emménage ce n'est pas la nouvelle de l'année non plus, soupira Taehyung.

-Je vous ferai remarquer qu'à part lui aucun d'entre vous n'a de relation stable, fit remarquer Namjoon.

-Les gars ! cria Hoseok pour les interrompre, je vais me marier !

Tout d'un coup, il y eut un silence et lentement Jin écarquilla les yeux, une clarté chassa les nuages de ses pensées et il sursauta avant d'attraper les mains du rouquin :

-Oh mon dieu, Hoseok. Tu vas...

-Je vais l'épouser, hyung ! Répéta ce dernier dans un ton de voix qui atteignait les aigus. Je l'ai demandée en mariage hier soir et elle a dit oui !

Soudain il y eut un cri, celui de Jimin avant que Taehyung et lui ne sautent du canapé et se jettent dans les bras de leur aîné.

Yoongi était resté figé de même que Jungkook, yeux écarquillés, bouche ouverte. Namjoon éclata de rire.

-Putain, personne ne l'attendait celle-là.

-Félicitations ! Cria finalement Jungkook.

-La pauvre fille quand même. Elle sait dans quoi elle s'embarque au mo... aïe ! Geignit Yoongi alors que le roux le frappait au bras.

-Jaloux, se moqua Taehyung.

-Hé je suis ton hyung, gamin !

-Les gars, fit mine de pleurer Hoseok, une main exagérément posée sur le cœur. Je vais porter un costard et jurer fidélité éternelle vous me voyez ?

-Oui ça risque d'être drôle ! Gloussa Namjoon, faudrait quand même pas que tu pleures avant de dire « Oui ».

-Tu vas avoir l'air d'un pingouin.

-Elle a vraiment dit oui pour te faire plaisir ou simplement... commença Jungkook moqueur.

-Putain Hobi, tu vas être le premier à te marier, lâcha Yoongi ébahi, qui l'aurait cru ?

-Hyung je vais vraiment te frapper, répondit platement ce dernier .

Néanmoins le blond à la peau pâle se leva de son gros fauteuil fétiche pour lui donner une accolade maladroite.

-Vous vous y attendiez pas ! Hein ? Cria Hoseok tout heureux de son effet de surprise.

-Je suis vraiment heureux, souffla Jin en sentant les larmes venir.

-Ah ça y est, Eomma va pleurer, souffla Jungkook.

-Ferme-là, renifla Jimin en défendant son aîné alors que lui-même avait la petite larmichette à l'œil.

-Champagne ! Hurla Taehyung en courant vers le frigo.

-Mais... mais balbutia Jin, c'est la bouteille qu'on gardait pour le diplôme de Jungkook !

-M'en fous, rétorqua le maknae, on en achètera une autre. Là c'est le mariage de hyung, ça vaut carrément plus qu'un diplôme !

-Un diplôme c'est important aussi, rétorqua l'aîné sévèrement.

-Faut qu'on appelle Naeyon pour la féliciter ! S'écria Jimin.

Jimin sortit son téléphone et appuya sur le contact. La jeune fille décrocha avec une voix timide et les garçons scandèrent un « Félicitations ». Derrière, Namjoon chantonnait l'air de musique du mariage avec une voix de casserole que Jungkook et Taehyung reprenaient en chœur, de manière parfaitement harmonisée et juste.

L'espace d'un instant ces deux-là avaient oublié leur animosité.

-Mon épousée, rigola Hoseok dans le combiné avec une voix faussement aristocratique, je crois que les gars sont contents...

Elle se mit à rire de l'autre côté avant de dire sur le même ton :

« Mon épousé, attends et écoute ça. »

Des voix féminines se mirent à crier des félicitations dans le combiné et l'une d'elles lâcha un :

« T'as intérêt à nous faire une putain chorée pour ce mariage, Hoseok ! »

-Elles me kiffent toutes, se vanta exagérément le dénommé en parlant des amies de sa future épouse.

Après un mélange de voix, de cris, Jimin raccrocha. Ils trinquèrent en sirotant les bulles fines du champagne. Au fur et à mesure la joie retomba mais flotta dans le salon comme une douce sensation lorsqu'ils se mirent à table pour le déjeuner.

Petit à petit et à mesure que les heures passaient, Jin se sentit un peu moins euphorique, un peu moins souriant, gardant un visage composé mais factice.

Au fur et à mesure les sombres nuages revinrent, reprenant leur place.

La joie n'avait été que de courte durée.

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Chapitre corrigé par @Cla_ra25

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