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17.5/ Les reptiles d'Arctique-A


Remirebeau de Grand-Bourbonnais

« Tu m'éteins cette radio ? » Grince Lili, de mauvaise humeur.

Au volant de notre Rhino, Périgueux ne dit rien et coupe les actualités politiques de Syracuse-2. Le flux audio se coupe, seul le bourdonnement des accumulateurs nous tient éveillé, alors qu'on roule depuis deux heures sur des chemins de campagnes oubliés de tous. Dans la nuit noire, à la lueur des phares et bientôt, des lunettes de vision nocturne.

Nous sommes quatre mutants dans une auto-blindée, sur les traces de Talbot et ses hommes.

Lili est installée à l'avant, à la place du mort, le fusil Mule calé entre ses jambes, notre tireuse d'élite et éclaireuse guette la route d'un air las. La fenêtre grande ouverte, elle fume une cigarette sans plaisir, son esprit ailleurs. Elle a ce tic nerveux, de toujours vérifier où est son arme : elle contracte très légèrement la cuisse, faisant bouger de quelques centimètres son cracheur de plomb.

C'est cette blessure à l'intérieur, cette tension permanente qui l'habite depuis qu'elle a été capturée par le rejeton du boucher, du blasphémateur, qui a consolidé ma décision. Celle de tuer Talbot, qu'importent les ordres, parce que personne ne touche à mes hommes. C'est une règle d'or : je suis le chef, je suis responsable de mes soldats, c'est moi qui trie leurs affaires quand ils meurent.

C'est moi qui les accompagne dans leurs derniers instants, c'est moi qui décide qui vit et qui meurt. Talbot a scellé son destin quand il l'a piqué avec un anesthésiant dosé à l'aveugle.

« Sacré ambiance, » commente Périgueux, les deux mains sur le volant.

Notre ingénieur, qui double aujourd'hui en tant que pilote, jette un coup d'œil sur la caméra arrière, puis dans les rétroviseurs. Il doute mais ne dit rien, comme d'habitude, il est la voix de la prudence dans notre groupe. Bien malgré lui, il essaie tant bien que mal de réconforter tout le monde, même quand il n'y a rien à dire, ou à faire : certaines blessures se résorbent par la mort de leurs créateurs.

Néanmoins, Périgueux a une bonne tête de ce qu'il est : avec ses yeux grands ouverts et ses traits harmonieux, il a une tête de lézard, ceux qu'on trouve dans les dessins animés pour enfant. C'est pas un faciès de vipère comme Lili, ou une gueule de caïman comme moi. Non, c'est une trogne de caméléon cool qui joue aux échecs dans un parc, avec son ami oiseau, et on diffuse ses aventures sur les sites pour enfants.

« Que veux-tu Périgueux ? On meurt tous un jour. » Répond Honoré.

Comme d'habitude, le mitrailleur lourd est celui qui manque le plus de tact. Même pour les mutants, Honoré est du genre imposant, c'est pour ça qu'il est mitrailleur : parce qu'il a une morphologie de congélateur industriel. On mesure une femme à ses mensurations, de préférence en centimètres, on mesure Honoré au garrot comme le bétail, de préférence en mètres cubes.

Installé à l'arrière, comme moi, il somnole, plongé dans un demi-sommeil dont il émerge le temps de quelques sarcasmes. Indifférent à la bataille à venir, il garde une main paisible sur le canon de sa mitrailleuse, à intervalle régulier, il caresse le bout du cache-flamme du pouce, comme s'il caressait un hamster.

Mais trêve de poésie, je distribue les ordres :

« Toutes les vies ne se valent pas. » Je fais craquer mes poings avant de reprendre, d'une voix blasée. « Périgueux, on arrive, planque le rhino. » Notre pilote ralentit à l'approche de l'objectif. « Mettez les lunettes nocturnes. » Notre ingénieur coupe les phares après avoir rabattu ses optiques à amplification de lumière : malgré l'obscurité toute relative, brouillée par la lueur fébrile de deux lunes, nous voyons comme en plein jour ou presque. Les ombres sont lourdes, étouffantes.

On arrive devant une scierie abandonnée : des installations qui ont été rachetées par les Républiques marchandes quelques années avant la guerre. Situé non loin de la base des thermes, pour ne pas dire à la distance minimum légale, il y a des rumeurs sur un tunnel qui mènerait aux laboratoires sécurisés.

Le rhino s'arrête dans un coup de frein un peu sec qui me tire de mes pensées. Périgueux stationne notre béhémoth tout au fond de la scierie.

On descend, les autres commencent déjà à explorer la zone.

Je prends un instant pour moi, moi et ma jambe prosthétique, on en a vu des vertes et des pas mûres. Pourtant, en voyant la mission qui nous attend, je ne peux m'empêcher d'avoir un soupir. Ma grande passion dans la vie c'est les chiffres et l'espace d'un instant, je me rappelle de la compta derrière toute cette mission.

Nous sommes quatre mutants, nous sommes en embuscade dans une scierie qui constitue le dernier lieu d'intérêt pour Talbot et ses mercenaires. Recrutés avec l'argent du ministère de la santé, Talbot tente un pari stupide : retrouver le Physiochoc, récupérer la prime et payer ses hommes avec. Ou du moins, c'est ce que ma sagacité habituelle en pense. En réalité, il va mourir aujourd'hui, avec ses chiens de guerre.

Lieu d'opération : une vieille scierie en forêt, qui appartenait au ministère des armées et servait de sortie secrète pour les laboratoires militaires des Thermes. Non loin de la base où repose peut-être le Physiochoc.

Effectif pour cette mission : quatre, notre escouade.

Mode opératoire : embuscade. Nous serons en sous-effectif, selon l'informateur anonyme qui nous a balancé le tuyau, il y aura une dizaine de porte-flingues avec notre cible.

Objectif : tuer tout le monde, surtout Talbot.

Chouette programme, j'ignore si c'est empreint d'ironie que j'exprime cette pensée : on va se venger après tout, je devrais être heureux.

C'est la voix de Lili qui me tire de mes pensées.

« Mon lieutenant ?

-J'arrive, » je les rejoins et on visite les lieux. Mon frangin, ce mycologue professionnel, aurait sans doutes les bons mots pour décrire la pourriture environnante, mais je ne suis pas jardinier, je ne l'ai jamais été. Alors je vais me contenter de l'essentiel : en marge de tous les bâtiments et hangars qu'on peut trouver, indispensables à la transformation des troncs d'arbres en planches, on trouve aussi des tas de bois, rongés par les champignons. Plusieurs décennies à la merci des éléments ont transformé les menuiseries en une parodie de ce qu'elles étaient. Mais ce qui attire mon attention est le grand nombre de faux : des planches en plastique, des camions gonflables.

Les Républiques marchandes ont pris grand soin de camoufler cette issue de secours en une scierie tout ce qu'il y a de plus respectable. Je porte une main à mon oreillette et discute à la radio avec la base.

« Ici Fauve-1-1 à destination de Colosse-1, communiquez. » De l'autre côté des ondes, c'est une voix d'homme qui me répond.

« Ici Colosse-1, on vous reçoit parfaitement, parlez.

-Fauve-1-1 est arrivé sur zone, on visite les lieux et on se met en position pour l'embuscade.

-Compris, on vous tient au courant s'il y a un changement dans l'ordre de mission. »

Devant-moi, Lili et Périgueux se fendent de quelques commentaires : ayant tout entendu dans leurs oreillettes, ils s'en donnent à cœur joie, notre vipère la première.

« Colosse-1 n'a pas l'air en forme.

-Colosse-1 n'est jamais en forme, corrige l'ingénieur, pourtant, il fait un boulot d'enfer avec l'information. Imaginez, lui et son équipe, ils gèrent les communications de la base. Au moindre pépin, ils nous dénichent du soutien et de nouvelles consignes, qu'est-ce qu'il ferait s'il acceptait de dormir plus de quatre heures par nuit.

-On aurait le Physiochoc sur un plateau, avec le docteur Mitarashi et sa clique de dégénérés pieds et poings liés. » Enchaîne Honoré qui se joint à la fête. Il m'adresse un regard un peu sceptique : malgré les lunettes nocturnes qui cachent ses yeux, sa bouche se tord en une grimace songeuse. « Je n'arrive toujours pas à croire que tu n'aies pas insisté pour avoir sa tête, Remirebeau. » J'allais répondre de manière honnête, mais ce soir-là, à l'aérodrome, les autres ont bien ricané quand j'ai parlé de ma vie professionnelle. Je me permets une petite vengeance mesquine.

« Le plan de cul de Lili était avec la flic, je n'avais pas envie de l'intimider. » Tout le monde rigole, sauf elle évidemment.

« Mon plan cul n'arrive pas à avec six heures de retard lui. » Riposte notre éclaireuse d'un ton acide.

Un point partout.

Les conversations s'éternisent et très vite, on a fait le tour des lieux. Au dernier bâtiment, je réitère encore et toujours la routine traditionnelle : j'observe la disposition des pièces, tape sur les murs pour distinguer ceux faits de briques de leurs cousins en préfabriqué. Quelle portion est un plâtre qu'on perfore à la carabine Mule, quelle portion est un rempart de béton étanche aux balles. Je vérifie les fenêtres et les angles de vue qu'elles procurent, dans quelle direction. Autour de l'édifice, leur hauteur : est-ce qu'un homme peut entrer depuis l'extérieur, est-ce qu'il y a une gouttière qui permettrait de grimper sur le toit ? Quelles sont les portions délimitées par des grillages et des clôtures, des culs de sacs. Où sont les points d'accès pour rejoindre les toits, les issues de secours, les reliefs naturels.

Lorsque nous avons fini notre tour du propriétaire, nous avons deux conclusions : il n'y a qu'une seule entrée et cette dernière est un abattoir en situation de combat. En franchissant le portail, les ennemis arrivent dans un grand espace vide.

On se divise en deux binômes. Moi et Lili d'un côté, cachés dans un dortoir sur la gauche de l'entrée. Honoré et Périgueux devant le portail, en position dans un bâtiment administratif. Je me cale près d'une fenêtre, dans une position confortable : je sens que cette embuscade va prendre du temps. Ils arrivent demain matin après tout. Nous avons toute la nuit à attendre.

Dans cette parenthèse tranquille, Lili commence à me parler à mot couvert, comme si elle avait peur de dire à voix haute ses sentiments.

« Qu'est-ce que tu penses d'Archer ? » Dans une vaine tentative de faire du bruit blanc, elle traîne un bureau au milieu de la salle pour se ménager un poste de tir.

« C'est un humain de valeur. » C'est un ancien militaire, qui aujourd'hui sert un employeur plein de vertu.

Je sais très bien où elle veut en venir : est-ce un bon parti ? Est-ce qu'un amour sans enfant vaut le coup d'être vécu ? Est-ce que j'approuve cette relation ?

En théorie, non, je ne peux pas approuver cette histoire qui ne débouche sur rien. Certains diraient que c'est abâtardir le destin d'Archer en le mêlant à celle d'une mutante, que les humains n'ont pas à s'abaisser à une liaison avec une militaire de caste. En un sens, ils ont raison : nous sommes inférieurs aux humains, bien sûr, nous pouvons dire que nous le sommes, que nous avons les mêmes ancêtres. Néanmoins, la réalité immonde tient dans un mouchoir de poche : l'humain sera toujours mon frère, mais jamais mon beau-frère. Les couples mixtes n'auront jamais d'enfant, nous sommes trop distants génétiquement pour cela. Nous existons pour servir le Directoire, pour être des soldats.

Bien sûr, nous avons une existence en dehors des drapeaux et de l'uniforme, mais nous portons en nous cet héritage bien visible. Lili en a conscience, elle reprend, inquiète.

« Je sais, mais, est-ce que c'est la bonne chose à faire ? » Non Lili, les mutants n'ont pas à empoisonner le destin des humains avec leurs récits de feu et de poudre.

C'est ce que je devrais lui dire, en tant que chef d'équipe et supérieur hiérarchique. Mais je mentirais, je pense qu'au contraire, ils peuvent avoir une belle histoire.

« Oui Lili, si toi et Archer, vous souhaitez faire un bout de chemin ensemble, il n'y a aucun mal à cela.

-Mais l'hygiène de race...

-S'il te plaît, tu essaies de te positionner en victime de tes émotions. » Peut-être que je suis économiste avant toute chose, mais à force de fréquenter mes semblables, j'ai appris quelques trucs sur la psychologie. « L'hygiène de race, c'est comme la notion de déshonneur à la nation, ce sont des sornettes qui n'existent que dans les textes de lois. Des crimes flous qui ont des définitions brumeuses, pour enfoncer les dissidents et les traîtres au tribunal. »

L'hygiène de race, c'est un terme qui s'appliquerait aux humains plus qu'aux mutants. Nous incarnons une race qui est déjà uniforme au point de vue génétique et physique, il n'y a pas de mutant noir, jaune ou brun. Il n'y a que des crocodiles blancs. Le déshonneur à la nation, qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que je déshonore la glorieuse nation mutante quand j'oublie de donner un pourboire au serveur ?

En réalité, ces concepts, ils ont été inventés par un officier-juriste, à une lointaine époque où le Directoire craignait encore pour son existence. Alors, pour donner un vernis de légalité aux simulacres de procès qui se tenaient, quand on jugeait un dissident politique. Une manière d'alourdir sa peine, pour pouvoir l'exiler ou le condamner à mort sans paraître tyrannique. En réalité, ces notions révèlent une mort future et inéluctable plutôt qu'un malaise racial, tout le monde l'a compris, même Lili, surtout Lili.

L'Empire parle d'atteinte à la liberté, le Directoire de déshonneur à la nation, les Républiques de violation du pacte social, trois termes pour une même idée : celle de punir les récalcitrants.

Je reprends la parole, plus calme.

« Qu'est-ce que tu crains ? Si tu souhaites tenter ta chance avec Archer, je ne t'en empêcherai pas. Tu es une bretteuse de talent, tu sais défendre ton honneur en duel. Honoré et Périgueux te soutiennent, moi aussi. » Mais il y a un mal plus profond, une angoisse qui nourrit son hésitation de cœur.

« C'est dur, » admet ma tireuse d'élite. « D'être une mutante.

-C'est dur d'être humain. » Bonnet blanc et blanc bonnet.

En réalité, sous une formule passe-partout qu'on aime ressortir à toutes les occasions, je vois très bien où Lili veut en venir. Ce n'est pas une question d'être un martyr qui est condamné à une vie dans la grande institution, je connais bien ce refrain parce que je l'ai chanté pendant un long moment avec ma jambe mécanique. Nous avons passé l'âge des querelles de lycéens, nous savons très bien qu'il n'y a de justice que pour ceux qui la méritent, les autres, ceux qui ne se sont jamais investis dans la lutte, qui ont spéculé sur les échecs de leurs camarades, eux méritent un crachat au visage et rien d'autre.

Mais Lili, elle, mérite justice.

Au fond, ce n'est pas sa condition de mutante qui l'accable, c'est l'image qu'elle porte sur son dos tous les jours. Face aux humains, nous portons l'humiliation et le déshonneur de nos aïeux criminels. Au contraire, les humains portent en eux l'injure d'être trop faibles pour se défendre eux-mêmes. Nos deux races forment une seule et même faction, mais nos sociétés vivent côte-à-côte. En partant de cet axiome, facile de comprendre la pression qu'un humain ou un mutant peut s'infliger : face à l'autre, au sens racial du terme, on se sent obligé de tenir son rang et de maintenir une différence. Pas nécessairement en rabaissant son frère d'idéaux, mais en se faisant un parangon de son devoir. Soudainement, devant Archer, Lili se met à sourire, à être pleine d'énergie et d'une loyauté inébranlable, avec une touche de racisme pour donner de l'épaisseur à cette caste militaire. Si je ne doute pas qu'il y a une part de vrai dans son numéro d'esbroufe, je sais aussi que Lili reste une personne avec ses craintes, ses passions et ses objectifs. Une soldate qui aspire à la reconnaissance de ses pairs, une sœur qui souhaite s'élever à la hauteur d'un grand frère qui lui a tout pardonné et qui est capitaine dans la police militaire, une femme qui cherche l'homme avec qui passer le reste de sa vie.

En un sens, c'est peut-être pour ça que je souhaite la mort de Talbot de manière quasi-obsessionnelle. Parce que, au-delà de la vengeance, il y aussi cette volonté d'anéantir ce deuxième apocalypse moral qui se prépare. D'autres mutants, d'autres devoirs d'esbroufe pour satisfaire à l'image qu'on doit projeter aux autres.

Lili est la première victime de cette hystérie collective, celle qui consiste à dire que les mutants sont plus forts que les humains. C'est vrai d'un point de vue physique, mais mentalement, nous sommes du même moule, il n'y a pas de formule magique pour faire de nous des surhommes, si ce n'est le conditionnement dès la naissance. Et encore, l'endoctrinement à ses limites : s'il était parfait, nous n'aurions pas besoin de lois draconiennes, nous n'aurions pas autant de dissidents politiques.

Talbot est lui aussi une victime de cette psychose : il croit qu'un flacon rigolo va lui permettre de créer des mutants derniers cris, de restaurer l'honneur de sa famille et consolider la place des Républiques marchandes sur la scène internationale. Tu parles, à ce stade, je préfère croire qu'en frottant une lampe à huile, un bon génie en sortira pour m'offrir un tank décapotable et une chaire à l'université.

Lili n'a commis aucun crime, elle est simplement l'aboutissement de plusieurs siècles d'endoctrinement culturel. Elle n'a pas fauté, simplement, elle doit apprendre à lâcher prise face aux humains. En un sens, je suis heureux de voir qu'elle s'est éprise d'un impérial : Archer n'a pas ce bagage idéologique qu'ont les humains du Directoire.

Je secoue la tête, essayant de rassurer ma tireuse d'élite comme je peux.

« Ne t'inquiètes pas, donne-toi du temps et un peu de naïveté. Archer est un gentil garçon, vous formerez un joli couple si tu le souhaites vraiment. » Néanmoins, on ne peut pas aller contre la nature des gens.

Lili me le rappelle bien malgré elle, quand elle s'exclame d'un air presque révolté :

« Evidemment que je le souhaite ! »

Humain ou mutant, on partage les mêmes traits.

Après tout, nous venons du même moule.

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