Chapitre 31:
De loin, la Tour ressemblait à une fine aiguille, pointée vers le ciel.
De près, c'était une autre affaire.
Immense et majestueuse, elle s'élevait à des centaines de pied de hauteur ; elle toisait le reste de la cité, et la plaine qui s'étendait à ses pieds.
Elle était la fierté, avec le dôme, de Quantamoniam.
Avec ses pierres blanches, si pures, et son sommet, à la toiture de verre, il s'agissait d'une beauté d'architecture.
Une beauté qui se mettait sur leur chemin.
Dans les ténèbres bleutées de la matinée, Drakaïs et les autres se tenaient cachés contre un bâtiment, attendant qu'une patrouille passe son chemin.
Et à seulement une dizaine de pas devant eux, l'entrée de l'édifice qui les dérangeait tant les narguait.
Comme prévu, il y avait deux gardes. En espérant que c'était bien ceux qu'Yls avait engagé. L'opération serait légèrement retardée en cas contraire.
Drakaïs jeta un coup d'œil à Drakayn, plaqué contre le mur, devant elle. Complètement habillé en noir, un foulard de la même couleur contre sa bouche, il était méconnaissable.
De nouveau, elle examina sa propre tenue. Elle portait également des vêtements sombres. Tout comme le reste de l'équipe.
C'étaient les uniformes des Mercenaires Sanglants.
Enfin, Firma, Enzo et Drakayn portaient l'uniforme des assassins.
Capuche sombre, masque de la même teinte avec des inscriptions de sang –seule couleur en dehors de l'autre−, gants, veston et pantalon monochromes aux multiples pochettes, ceinturons et autres lacets, et enfin, chausses élégantes en cuir qui étaient...noires.
Évidemment.
Drakaïs, Sin et Fergon avaient eu droit à celui des Aspirants. Quasiment identique à celui des membres officiels de la guilde, avec seulement, en moins, des accessoires et le rouge sur leurs masques. Mais sinon, c'était la même chose.
Et de quelle couleur ?
Noir.
Bien sûr.
Le contraire aurait surpris.
Ils avaient l'air de cambrioleurs de pacotille...
Enfin, elle et Sin avaient l'air de cambrioleurs de pacotille...
La tenue seyait parfaitement aux autres. Ils n'inspiraient pas le rire, mais la crainte. Surtout Firma, Enzo et Drakayn.
Oui, le noir allait comme un gant au Draconiaque... Il était bien plus séduisant... Plus attirant...
La Draconique fut contente d'être dans l'obscurité, et d'avoir elle aussi un masque sur la partie inférieure de son visage pour cacher ses joues rougies. Ce n'était pas le moment pour avoir de telles pensées ! A côté d'elle, Firma lui fit un clin d'œil.
Peut-être que son masque ne cachait pas son embarras autant qu'elle le voulait...
« On peut y aller. », lâcha Drakayn, tirant par la même occasion la Draconique de ses pensées.
En effet, la voie était libre. La Tour était toute à eux. Vérifiant une dernière fois qu'ils pouvaient passer sans risque, Drakayn leur fit un geste de la main et s'avança vers l'édifice, le reste du groupe à sa suite.
L'air frais et humide de l'aube planait autour d'eux. Peu de personne étaient levées, comme le montraient les rares fenêtres qui éclairaient d'un voile opaque les rues, offrant alors une ambiance sinistre aux environs.
Ou peut-être que c'était l'appréhension de Drakaïs qui lui inspirait cette impression.
Elle avait un mauvais pressentiment.
C'était bien plus qu'un simple stress. Elle ne pouvait pas l'expliquer. Et elle n'aimait pas ce sentiment.
Le plan, en théorie, était simple.
Leurs forces se séparaient en quatre groupes distincts: un pour la Tour, un pour le Conseil, un pour la caserne et l'autre pour s'occuper du reste de la ville, en divers petits bataillons, qui prendraient les postes de gardes et tiendraient les rues.
Le premier, mené par Drakayn et constitué de ceux qui l'entouraient à cet instant, devait agir en premier. Leur but ? Désactiver la Tour. Éviter que Quantamoniam ne puisse prévenir l'Empire de l'attaque, et ne leur envoie alors une armée sur place.
Mais la Tour était truffée de pièges magiques, tous plus complexes à défaire les uns que les autres. Même pour Fergon, la chose prendrait des heures, peut-être même des jours. Et c'était un temps qu'ils ne possédaient pas.
Les gardes de la salle de communication, là où se trouvait le fourneau qui prévenait l'Empire, possédait tous un passe, sous forme de runes ancrées dans leur peau. Impossible de s'en servir pour atteindre leur objectif.
C'était là que Drakaïs entrerait en scène. Comme avec le Passage, elle absorberait la magie des pièges, les rendant inefficaces.
Il s'agissait de la tâche de son groupe. Elle connaissait le plan sur le bout des doigts, ne voyait aucune raison à leur échec.
Mais pourtant, le malaise grandissait en elle à chaque instant.
Peut-être était-elle inquiète pour les autres ?
Akhal, Achoura, Yls et une dizaines de Draconiques et de Draconiaques, s'occupaient du Conseil. Elle ne se faisait pas de soucis pour eux, et voyait mal où les choses pourraient déraper sur ce point.
Cerbère, Lya et Elesborn, alors ? Ils s'occupaient de la caserne et viendraient ensuite tenir les rues. Mais Drakaïs les savaient maîtres de toutes situations. Cerbère, notamment.
Elle sourit sous son masque, une douce chaleur lui tenant le cœur.
En se réveillant ce matin là, elle avait découvert Lya dans ses bras, le nez enfouie dans ses boucles rousses. Et en descendant, sa petite sœur ne la quittant pas d'une semelle, Cerbère, Elesborn et une partie de la meute l'attendaient.
Les retrouver après tout ce temps lui avait apporté un plaisir immense. Surtout Elesborn, sa vieille amie, qu'elle n'avait plus vue depuis des années, depuis son départ de la Forêt Originelle pour rejoindre la meute de Cerbère.
A seulement quelques heures du début des opérations, les retrouvailles l'avaient réconfortée plus que toute autre chose.
Mais alors, d'où lui venait cet étrange pressentiment ? Il ne la quittait pas depuis son réveil, toujours présent, même lorsqu'elle avait serré Cerbère ou Elesborn dans ses bras.
La sensation de nœud dans son ventre ne faisait qu'augmenter au fur et à mesure qu'ils avançaient vers leur objectif.
Cela en devenait presque douloureux.
Firma et Enzo abaissèrent leur masque devant les gardes. Sûrement pour montrer pâte blanche. Amusant lorsque l'on savait qu'ils étaient vêtus de noir de la tête au pied...
Les soldats hochèrent la tête et les laissèrent s'engouffrer dans le bâtiment.
C'était là que les choses se compliquaient.
La Tour était constituée d'un gigantesque escalier. Des centaines de marches, qui une à une, s'élevaient vers le sommet, où se trouvait le centre de communication. En y réfléchissant, le bâtiment avait la configuration d'un phare. Tout en bas, les quartiers des gardes assignés à la Tour, puis, un long escalier, et enfin, en haut, le flambeau de magie, qui ne demandait qu'à être allumé en cas d'urgence. Et entre le rez de chaussé et le dernier étage, de nombreux pièges les attendaient.
Elle et les autres se trouvaient sur le pas de la porte, silencieux, ne voulant pas attirer l'attention.
Devant eux, l'escalier leur faisait face. Et sur les côtés, les maigres quartiers alloués à la dizaine de gardes qui, selon Yls, surveillaient continuellement la Tour, jour comme nuit.
Se concentrant sur le sol et toutes les vibrations qu'elle pouvait ressentir, Drakaïs tenta d'isoler la Tour, pour se focaliser seulement sur les ondes qui lui parvenait dans cette zone.
Chose qui s'avérait des plus complexes ces derniers temps, depuis que la Dragonne était apparue dans son esprit. Lorsque Drakaïs fouillait ainsi la terre, elle avait désormais du mal à séparer le lieu qu'elle voulait examiner du reste de l'étendue qui les entourait. Ses perceptions étaient trop parasitées.
Brusquement, coupant Drakaïs dans son entreprise, Sin leva une main, ses cinq doigts bien écartés, à la vue de tous. Il l'agita un moment, ses sourcils se levant et s'abaissant frénétiquement sous ses mèches blondes.
« Je suis le plus rapide ! », semblaient dire ses yeux, remplis de fierté.
Une taloche de la part de Fergon suffit à arrêter son petit numéro. Drakaïs se contenta de retenir un soupir agacé tandis que Drakayn, au vu de son torse qui se soulevait sans bruit, se moquait du jeune Draconique. D'un coup de coude dans les côtes, Drakaïs ramena au calme le Démon.
Cinq soldats, donc.
Le reste devait se trouver en haut.
Du coin de l'œil, elle observa Sin, qui se frottait vigoureusement sa tête en fronçant les sourcils. Un léger sourire prit forme sur les lèvres de la jeune femme.
Quand Sin le voulait, il pouvait être doué d'un talent rarement vu. Elle qui se pensait experte dans le domaine, voilà que Sin se montrait plus douée encore ! Un point à retenir à l'avenir.
Les deux autres assassins, eux, ne réagirent pas. Ils étaient totalement dans leur élément. L'infiltration, c'était leur spécialité. En plus du meurtre.
Drakaïs devait constamment se rappeler de leur présence. Car ils étaient aussi silencieux qu'une ombre et se confondaient complètement dans les ténèbres. Elles semblaient être une seconde peau pour eux. Drakayn, tout en étant également bien camouflé, ne possédait pas le même niveau que les deux autres hommes. Ce qui était normal étant donné les circonstances.
Mais Drakaïs savait que le Démon était tout aussi mortel, si ce n'était plus, qu'Enzo et Firma réunis.
Soudain, Drakaïs se figea.
Car là, sortant tout juste de ses quartiers, se trouvait un soldat.
Le temps sembla comme ralenti.
Elle vit les yeux de l'homme s'écarquiller tandis qu'il se rendait compte de leur présence.
Le pouls de la Draconique s'accéléra.
L'homme mit la main à l'épée.
L'adrénaline, tel un feu vivifiant, coula dans les veines de Drakaïs.
Le garde ouvrit la bouche pour donner l'alerte.
Elle retint son souffle.
Un sifflement subtil traversa l'air et avant même que le moindre son ne quitte les lèvres du soldat, un couteau de botte se planta entre ses yeux.
Son corps amorça, avec un temps qui parut infini à la Draconique, sa chute vers le sol.
Elle sentit la panique l'envahir.
Un corps qui tombait faisait du bruit. Du bruit attirait l'attention. Et ils étaient découverts.
Elle fit un pas en avant...avant de voir qu'Enzo et Drakayn avaient déjà prévu le coup. Avec une célérité incroyable, ils s'étaient portés avec discrétion vers l'homme, et soutenaient désormais le cadavre.
Elle cligna rapidement des yeux et reprit, le plus silencieusement possible, son souffle. Elle jeta un regard en arrière.
Sin arborait une expression incrédule, les yeux aussi ronds que des soucoupes. Chez Fergon, seuls ses sourcils, haussés, trahissaient sa surprise tandis que sa main tenait fermement le manche de son épée.
Mais Drakaïs survola leur expression pour se poser sur Firma. L'assassin avait l'air d'un prédateur : accroupi au sol, un genou à terre, une main sur sa botte, d'où il sortait déjà une nouvelle lame, son autre bras toujours tendu dans une position de lancée. Avec un regard vermeil, déterminé, froid et professionnel.
Le regard d'un tueur.
L'action n'avait duré que quelques secondes. L'action s'était déroulée dans un silence quasiment absolu. L'action avait été le résultat d'un travail d'équipe terrifiant.
Oui, c'était certain, les membres de la Guilde des Mercenaires Sanglant étaient bien dans leur élément. Et elle sentit un incroyable soulagement à l'idée de les savoir avec eux et pas contre eux.
De leur côté, Enzo et Drakayn déplaçaient le corps, qu'ils collèrent contre le mur.
Plus que quatre.
D'un signe de la main, Drakayn ordonna aux deux assassins et à Drakaïs de le suivre. Arrivée à sa hauteur, la Draconique lui lança un regard interrogateur. Il baissa son masque.
« Efface-toi. », articula-t-il silencieusement.
La jeune femme comprit qu'ils allaient prendre par surprise les quatre derniers gardes. D'un hochement sec de la tête, elle s'exécuta. En fermant les yeux et en se concentrant, elle se transforma avant de se sentir disparaître complètement.
Depuis son premier Effacement, elle s'était entraînée sur son temps libre, entre les séances avec la Dragonne, jusqu'à ce que le phénomène lui devienne naturel.
Il ne manquait plus qu'une chose... En projetant sa magie vers ses vêtements, comme on le lui avait appris, elle activa les runes d'invisibilité qui recouvraient sa tunique. Chaque uniforme des Mercenaires Sanglants en était doté.
Désormais, elle était totalement invisible au reste du monde.
Comme Drakayn, qui ne l'avait pas attendue pour faire de même.
« Il y en a une juste à droite de l'entrée, collée contre le mur, facile à déséquilibrer, murmura la voix du Démon, presque insoupçonnable. Le reste est assis à une table, à parier sur un jeu de cartes. On en prend un chacun. Je m'occupe du plus proche. Attendez mon signal avant de passer à l'action. »
Et il disparut complètement de nouveau, sans attendre leur assentiment. Il savait parfaitement qu'ils lui obéiraient. Après tout, c'était lui qui dirigeait la mission.
Du coin de l'œil, la Draconique vit Enzo et Firma abaisser plus fermement leurs capuchons sur leurs visages. Désormais, pas un pan de peau n'apparaissait. Les deux assassins activèrent également leurs runes et se volatilisèrent. Peu avant qu'elle n'entre dans la salle, elle sentit qu'on lui prenait le bras.
Par les Six ! Elle se retint de crier de surprise. Elle était presque habituée, avec Drakayn...
La voix d'Enzo lui parvint à l'oreille, toujours aussi atone :
-Tu prends le vieux Nain à la moustache.
Et comme si de rien n'était, il la relâcha et s'évapora.
En fronçant les sourcils et en s'enjoignant au calme, la Draconique se posa une unique question : comment Enzo avait-il fait pour la repérer, alors qu'elle était Effacée ?
Elle prit une grande inspiration.
La réponse attendrait.
Doucement, Drakaïs se glissa dans la pièce où se trouvaient les gardes. Des odeurs de café et de fumée de tabac lui assaillirent les sens et elle dû se faire violence pour ne pas tousser. L'endroit était également peu éclairé, par des lampes dont les flammes bougeaient sans cesse, telle une danse endiablée.
Comme Drakayn l'avait expliqué, trois des hommes misaient de l'argent autour d'un jeu de cartes. Ils riaient joyeusement et échangeaient des exclamations enjouées, le tout avec des choppes de bière dans leurs autres mains. C'était la femme, une Fée de la Nuit, appuyée contre le mur dans une posture nonchalante, qui fumait lourdement et qui empoisonnait l'air. Un sourire charmeur reposait tranquillement sur ses lèvres. Drakaïs ne lui accorda pas plus d'attention et se focalisa sur sa cible, qu'elle avait immédiatement remarquée en arrivant.
Le vieux Nain à la moustache.
Il avait les cheveux grisonnants et la peau très terne, l'air presque maladif. Ses yeux étaient minuscules et globuleux. Sa moustache, fine et longue, lui donnait un petit air de rat. Il avait une expression ridicule, son rire strident emplissant la salle à l'entente d'une blague grivoise.
Elle s'approcha de sa proie, la démarche déterminée et fluide.
Le vieux soldat avait une posture faiblarde. Il était avachi sur sa chaise, les pieds étalés sur la table et la tête penchée en avant. Plutôt maigrichon pour son peuple, elle voyait pourtant, sur ses bras dénudés, les muscles s'activer tandis qu'il levait sa chope pour prendre une gorgée.
Elle aurait pu avoir des remords à prendre sa vie. Elle aurait pu se dire qu'il était innocent. Elle aurait pu penser à sa famille qui l'attendait peut-être.
Elle aurait pu.
Mais ce n'était pas la première fois que Drakaïs tuait de sang froid. Ni la dernière.
Elle avait appris à bloquer ce genre de pensées, qui ne faisaient que la ralentir lors d'une mise à mort. Elle devait se concentrer sur son objectif.
Le tuer. Prendre la Tour. Gagner cette guerre. Penser que cette mort était nécessaire. Hors de question de l'assommer et de prendre le risque qu'il puisse s'échapper. Trop de choses étaient en jeu.
Elle était prédatrice, il était proie.
Voila ce qui comptait.
Elle se trouvait juste derrière lui à présent. Elle sentait aussi que les autres étaient en place. Un pressentiment. Plus que le signal. Et la mort fondrait sur le Nain.
Un juron retentit et le bruit d'un choc résonna dans la pièce.
Tous les rires s'arrêtèrent d'un coup.
Drakaïs n'eut pas à observer la femme pour savoir qu'elle était tombée brutalement sur les fesses, sa cigarette volant dans les airs par la même occasion.
Le signal.
Vive comme un serpent, Drakaïs dégaina sa lame, qu'elle plongea droit vers une des tempes de sa cible.
Le Nain ne vit rien venir.
Et le voilà mort.
Le sang coula délicatement sur sa nuque, puis sur sa chemise, gouttant au sol avec lenteur. Elle détourna son regard. Froidement, elle essuya son épée sur ses vêtements et réapparut, la mine fermée.
Elle tuait, certes.
Mais cela ne voulait pas dire qu'elle aimait le faire.
Le reste des gardes avait subi la même fin.
Un coup dans le cœur. Propre. Net. Sans souffrance inutile. Ce n'était pas la plus digne des fins, mais c'était loin d'être la pire.
Les trois autres suivirent son exemple et se dévoilèrent alors que Sin et Fergon apparaissaient dans l'entrée. Le jeune Draconique eut un sifflement d'admiration.
« Mis à part le juron, je n'ai rien entendu ! s'exclama Sin, les yeux grands ouverts.
-Le silence est notre meilleur allié, expliqua Enzo en sortant un tissu pour essuyer sa dague.
-Et ça fait des années que l'on pratique la chose. », ricana Firma en faisant de même.
Drakayn se contenta d'hausser les épaules.
« En tout cas, ils étaient en train de festoyer... observa Sin en prenant un verre de bière, qu'il renifla avec une grimace. Trop amer... rétorqua-t-il.
-Tu n'y connais rien, rétorqua Drakayn en la lui prenant des mains et en prenant une gorgée. Et Quantamoniam s'est trop longtemps reposée sur sa paix. Même si aujourd'hui est un jour de fête, le couronnement ne justifie en rien une telle attitude. » Le Démon reposa sèchement et brutalement la chope sur la table. « La choses est presque trop facile.... », grogna-t-il.
Fergon lui offrit une tape amicale dans le dos.
« Avec toi, tout est toujours presque trop facile... Tu sais bien que toutes tes missions ne sont pas comme celle de la forteresse de nos amis à plume, non ? », rit Fergon en lui ébouriffant les cheveux.
L'autre Draconiaque se contenta de grogner en guise de réponse.
« Bon, maintenant que c'est fait... commença Firma en s'étirant comme un félin. Passons aux choses sérieuses. Cette tour ne va pas se prendre toute seule ! », s'exclama-t-il en quittant la pièce, Enzo sur ses talons, toujours aussi silencieux.
Drakaïs nota sans réelle attention que les autres quittaient également la salle. Mais elle s'immobilisa devant l'entrée, s'immergeant dans le vue qui lui faisait face.
Trois hommes qui riaient il y a encore quelques minutes, désormais inertes sur la table, les yeux encore ouverts.
Elle tourna la tête, plongeant alors son regard dans celui déjà vitreux de la Fée de la Nuit.
Et une femme, baignant dans son sang.
Et elle ne ressentait rien de particulier à cette vue là. Pas de pitié. Pas de dégoût. Pas de colère. Pas de peur.
Rien.
C'était dans ces moments là que Drakaïs se disait que ce funeste jour, il y a maintenant plus de douze ans de cela, avait brisé quelque chose en elle.
«Ça va ? »
La question, chuchotée dans le creux de l'oreille par une voix très familière et réconfortante, la fit sursauter et la tira de ses pensées.
Elle se tourna vers Drakayn, qui l'examinait avec inquiétude. Elle hocha faiblement de la tête, pas assez ragaillardie pour s'exprimer à voix haute. Le Draconiaque prit une mèche de ses cheveux roux, qui pendait devant ses yeux, et la replaça d'un geste affectueux derrière l'oreille. Elle se sentit rougir à ce contact, et fronça les sourcils. Ce sale petit... ! Il ne pouvait pas garder ses mains pour lui, n'est-ce pas ?
Le Démon lui offrit un petit sourire sournois avant de sortir de la pièce. Elle ne tarda pas à le suivre.
Les autres l'attendaient, au pied de l'escalier.
Avec une inspiration, Drakaïs s'accroupit et posa une main sur la première marche. Sous sa paume, elle sentait l'énergie de la Magie, brûlante et attirante.
Des sorts de hauts niveaux.
Mais ils n'étaient rien comparés à ceux de Seth.
D'un mouvement vif de ses doigts, elle traça une ligne imaginaire sur la pierre froide de la marche.
Un...Deux...Trois...Quatre...Cinq...Six... Jusqu'au sommet de la Tour.
A chaque marche, un nouveau sort.
A chaque marche, cette même accumulation de magie.
Invitante, appétissante.
Un vrai festin.
« Tu es sûr qu'il n'y a vraiment aucun risque ? », insista Fergon, le regard dur.
Fergon avait été le seul à soulever quelques objections face au plan. Et c'était compréhensible. Après tout, Drakaïs avait terminé dans un état plutôt handicapant lors de sa dernière absorption de sort...
« Sûre et certaine, fit Drakaïs avec un sourire. Le sort de Seth était l'équivalent d'un énorme pichet de bière. Eux ? » Elle rit doucement. « De simples verres d'eau en comparaison... »
Sa réplique arracha quelques éclats à ses compagnons.
« Alors quand tu veux, partenaire. », l'encouragea Drakayn, en lui serrant l'épaule d'une poigne réconfortante.
Drakaïs ne se le fit pas dire deux fois.
Elle se concentra sur l'énergie qu'elle ressentait sous ses doigts, agrandissant sa zone d'influence à l'ensemble de la Tour.
Des perles de sueurs apparurent sur son front et dans son cou.
L'exercice était éreintant.
Mais très vite, la pierre disparut de son champ de vision, dévoilant des filaments incandescents et virevoltants, qui claquèrent devant elle. Multicolores, ils semblaient danser devant ses yeux, se faufilant sous ses doigts pour venir chatouiller sa peau.
A chaque nouvelle expérience, Drakaïs s'étonnait de ces sensations qu'elle découvrait.
Un monde de perceptions inconnues s'ouvrait à elle.
Elle se permit de lever le regard vers le reste de l'escalier, étouffant un hoquet d'admiration face à la vue qui s'offrit à elle.
Un océan de couleurs, ondulant avec grâce, palpitant à quelques endroits.
Drakayn, en renforçant son emprise sur son épaule d'un geste lent et doux, la ramena à la réalité.
Pas le temps de s'émerveiller.
Drakaïs focalisa toute son attention sur la magie qui lui faisait face, posant ses mains sur la marche avec force, comme si elle cherchait à traverser la pierre pour la rejoindre.
La magie répondit aussitôt à son invitation. Tel un flot rapide, elle afflua vers ses doigts, ses mains, coula sur ses membres, dans ses veines, partout, provoquant en elle un indescriptible sentiment de bonheur et de satisfaction.
Jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.
La Draconique lâcha un soupir, repue, et se laissa tomber en arrière, dans les bras de Drakayn, qui ne l'avait pas quittée.
« Ça ira ? » lui demanda-t-il en la remettant sur ses pieds.
Elle hocha la tête, reprenant son souffle, un sourire euphorique sur les lèvres.
« Il faudra vraiment que tu m'expliques en détail ce que tu as vu et ressenti, une fois que l'opération sera terminée. », lui chuchota Fergon avec un air fasciné.
Derrière lui, Enzo arborait la même expression.
Drakaïs se contenta d'hocher la tête.
Elle se sentait si bien ! Débordante de vie, d'énergie, de vitalité ! Elle se savait capable de tout en cet instant. Un moment, elle oublia son mauvais pressentiment, parfaitement confiante et comblée.
Mais les dos des autres devant elle, qui s'avançaient déjà, la firent redescendre sur terre.
Et de nouveau, le stress et la menace prirent le contrôle de ses tripes.
Fébrilement, elle se mit à grimper les marches, la main à l'épée.
Il leur faudrait combattre, une fois arrivés en haut.
Le silence s'était fait dans leur rang. Ils avançaient sans bruit, le pas vif et discret. Arrivé au dernier tournant, Drakayn leva son poing, arrêtant leur avancée.
Une discussion leur parvenait, d'une manière étouffée.
Une porte.
Drakaïs vit Drakayn froncer les sourcils et abaisser son masque, avant de se tourner vers Firma et Enzo, agacé.
« Ce n'était pas prévu. »
Firma haussa les épaules.
« Dans ce cas, on improvise. Nous sommes préparés à ce genre de situation. Ce n'est pas un problème.», murmura Enzo, inexpressif.
Drakayn secoua la tête.
« Et si ce n'était pas la seule chose qui ne collait pas au plan, hein ? Et puis, nous savons improviser. Mais pour le reste... marmonna en chuchotant le Démon, jetant un coup d'œil à Drakaïs et à Sin.
-Pff ! Nous n'avons pas le choix, Drakayn ! Et fais-nous un peu confiance, d'accord ? Si nous sommes là, c'est pour une raison. », lança Sin dans un filet de voix, visiblement vexé.
Drakaïs n'écouta pas la réplique de Drakayn.
Son mal de ventre s'était accentué. Comme le Draconiaque, elle craignait de découvrir ce qui se cachait derrière cette porte. Cinq soldats normalement. Mais que feraient-ils s'ils étaient plus nombreux que prévu ?
« ...ce qui compte, c'est de ne pas les laisser accéder au flambeau et_ »
Drakaïs coupa Firma, la voix sèche.
« J'ai un mauvais pressentiment. », souffla-t-elle.
Les autres se tournèrent vers elle, intrigués.
« Il y a quelque chose qui cloche, expliqua Drakaïs, perturbée. Je ne pourrais pas vous dire pourquoi ni comment, mais je sens qu'il y a un problème. »
Les yeux de Firma se firent rieurs.
« Drakaïs, c'est normal d'être inquiète. Mais ne va pas imaginer des problèmes là où il n'y en a pas. », tenta de la rassurer l'assassin.
Peine perdue. Drakaïs ouvrit la bouche pour parler, mais Fergon la devança :
-Comme l'a dit Sin, nous n'avons pas le choix de toute manière : porte ou pas, mauvais pressentiment ou pas. Nous devons rendre inactive la Tour. C'est notre mission.
Un bref silence suivit ces paroles.
Drakayn lâcha un soupire, dépité.
« Je ne veux pas un seul de ces soldats à moins d'un mètre du fourneau, c'est bien compris ? », jeta-t-il, l'expression sévère.
Cinq hochements de tête lui répondirent.
« Bien. Réglons la chose discrètement et rapidement. Cherchez à les paralyser avant tout : on s'occupera de les tuer après.», finit-il avec un rictus féroce.
Le Démon se tourna vers la porte, posa son pied sur la surface de bois solide et tira son épée à moitié.
Derrière lui, les autres se mirent en position de combat, leurs lames aux mains.
« A trois... », souffla le Démon en prenant du recul.
Drakaïs prit une grande inspiration, vidant son esprit par la même occasion.
« Un... »
Elle jeta un regard à Sin, juste à côté d'elle : il lui rendit un hochement de tête complice.
« Deux... »
Quelque soit ce pressentiment qui hantait la Draconique...
« Trois. »
...il était impossible de faire marche arrière à présent.
Drakayn défonça la porte, les gonds sautant sous la force de son coup. Il s'engouffra dans la salle de communication, vif comme l'éclair.
Au même moment, Firma et Enzo, situés juste à côté de lui, le suivirent à la même cadence.
Drakaïs eut tout juste le temps d'apercevoir une lame, jetée par Firma, voler dans les airs avant de les suivre.
Elle ne chercha pas à compter le nombre de soldats dans la pièce, ni même à voir ce que les autres faisaient.
Non, à peine entrée, elle focalisa son attention sur la cible la plus proche.
Une femme blonde, le corps figé par la surprise.
Elle était près du flambeau.
Drakaïs fonça sur elle, l'épée en avant.
Son adversaire eut tout juste le temps de parer l'attaque, maladroitement à cause de son choc. Mais Drakaïs ne lui laissa pas le temps de reprendre ses esprits.
D'un geste vif, elle refrappa, plus fort cette fois, déstabilisant la soldate, qui tenait une position bancale.
Instable.
Drakaïs jeta sa jambe dans ses pieds, balayant son ennemie au sol, qui tomba avec un hoquet de douleur.
La femme tenta de se relever, mais la Draconique était déjà sur elle.
Avec force, elle posa son pied sur son ventre, avant de brandir son épée et de l'abaisser avec puissance.
Un tintement sourd et crissant, le choc de sa lame sur les dalles de la salle, retentit avec férocité dans l'air.
La tête de son adversaire roula au sol dans une mare de sang.
Drakaïs ne se permit pas d'être émue par son meurtre brutal. Car du coin de l'œil, elle voyait déjà un autre soldat courir vers le fourneau, l'expression froide et sombre.
Pas de panique sur ses traits.
Il savait ce qu'il faisait.
En quelques pas rapides, elle se trouva devant lui, sa lame rencontrant celle de l'homme avec fougue.
Autour d'elle, elle entendait des gémissements de douleurs et le fracas des armes qui se heurtaient.
Mais elle se força à s'enfermer dans une bulle.
Il n'y avait plus qu'elle et le soldat.
Elle mit plus de force dans ses bras, le repoussant en arrière et le forçant à serrer les dents sous l'effort. Elle le sentit fléchir sous elle et avec vivacité, fit un pas sur le côté, découvrant le flanc de l'homme. Sans attendre, elle plongea son épée dans ses côtes, avant de la retirer pour lui donner un coup de pied rigoureux, qui l'envoya bouler au sol, paralysé.
Elle jeta un coup d'œil aux alentours, mais vit que tous les soldats, sept en tout, baignaient dans leur sang.
Les autres, les torses haletants, se tenaient victorieux au dessus des corps.
« C'était... haleta Sin en abaissant son masque, l'épée dans son fourreau. C'était intense. »
Drakayn ricana en rangeant sa lame d'un mouvement ample.
« Un combat est toujours intense, d'une manière ou d'une autre, Sin. », remarqua-t-il en examinant les alentours.
Le Démon fronça soudainement les sourcils.
« Une porte. Sept à la place de cinq. Deux surprises qui auraient pu nous coûter cher, siffla-t-il, amer.
-Aurait pu, oui. », insista Firma en enlevant son masque, l'expression inhabituellement sombre.
Drakayn se contenta d'un reniflement de dédain.
Avec un petit soupir, Drakaïs se permit enfin d'examiner la pièce, observant avec amertume les corps des soldats au sol, morts brutalement. Pour la plupart, ils n'avaient même pas eu le temps de riposter. L'attaque avait plus des allures d'exécution que de combat... Son attention se porta sur la raison principale de leur présence en ces lieux.
Le socle du flambeau trônait au centre de la pièce, en métal sombre. A travers les vitres, le soleil perçait la brume, éclairant par de minces rayons de soleil la salle de communication.
Elle entendit soudain un cri de douleur et se tourna vers le son, crispée.
C'était le dernier soldat qu'elle avait affronté.
Le pied sur sa poitrine, Enzo le maintenait au sol, sa tête penchée sur le côté avec curiosité.
« Celui-ci respire encore... », lâcha-t-il, apathique. Il releva la tête, son attention focalisée sur Drakaïs. « Tu devrais toujours vérifier que le travail est terminé avant de baisser ta garde. Non, tu devrais même ne jamais te reposer de cette manière, Drakaïs. Personne n'est à l'abri d'un imprévu. »
Elle acquiesça sèchement, en colère contre elle même et la situation. Une erreur de débutant. Devinant ce qui allait suivre, elle se força à observer la scène. L'ignorer aurait été faire preuve de lâcheté.
Sortant une lame de sa ceinture, le Yuuzan la planta d'un geste méthodique et précis dans le cœur de l'homme à terre, l'achevant sans scrupule.
Cette fois, ils étaient bien tous morts.
Les mâchoires serrées, Drakaïs surpris le regard de Drakayn, qui la contemplait avec inquiétude. Un mince sourire fleurit sur les lèvres de la jeune fille, pour apaiser les craintes du Démon.
« Eh bien tu vois, Drakaïs ! s'exclama Firma en passant son bras autour de ses épaules. Tu n'avais pas à tant à t'en faire ! Tout c'est passé exactement comme prévu ! Enfin, presque... », ajouta-t-il avec un petit rictus.
La Draconique se laissa conquérir par la bonne humeur de l'assassin et lui sourit de toutes ses dents. Il avait raison. Leur objectif maintenant atteint, elle ne voyait pas ce qui pourrait venir ternir leur victoire. Ce soir, Quantamoniam serait à eux. Son mauvais pressentiment n'était qu'une chimère... Et à présent, elle regrettait de s'être autant inquiétée.
« Drakaïs... », répéta une voix grave derrière eux, semblant goûter les sonorités de son nom.
Drakaïs sentit Firma se tendre à ses côtés, et vit du coin de l'œil que son autre main filait vers une de ses dagues.
Cette voix...
La Draconique, elle, resta figée par le choc, un long frisson lui traversant le corps.
Elle connaissait cette voix...
Elle fit brusquement face à l'interlocuteur, sa lame en avant. Des sifflements de métal retentissant dans son dos lui apprirent que les autres se préparaient eux aussi à combattre.
La porte, les sept gardes et maintenant, ceci.
Derrière le fourneau, une dizaine d'hommes armés jusqu'aux dents à ses côtés, se trouvait Trei Kinger.
« Je savais bien que tu était une Dragonne, fillette. », siffla le Chasseur.
Elle aurait dû suivre ce foutu mauvais pressentiment.
Note: :D
*évite vos espadrilles* Je suis pas désolée de finir de cette manière et de vous couper là :p ! Parce qu'il fallait que je le coupe en deux et donc, que je m'arrête à un endroit ! Donc, quoique je fasse, ça aurait été frustrant :D !
*se cache derrière un bouclier*....mais oui, il se peut que j'ai fait exprès de prendre le moment le frustrant... Sorry, but not sorry :D (moui, je suis assez sadique >:) !)
*toussote* Mais bref ! Vous voyez à présent pourquoi j'avais besoin de cette petite partie sur la Chasseur XD ! Il venait comme un cheveux sur la soupe sinon (c'est en écrivant la scène que je me suis rendue compte que je l'avais oublié ! *facepalm* Quelle cruche ! Avec mon changement d'organisation pour arriver à l'assaut plus rapidement, il y a des trucs qui sautent on dirait !)!
Et de l'action >:D ! Du sang ! Des morts ! C'est l'heure de la castagne ! MOUAHAHAHAHAHAHAHAHAH...!
...Pardon '_'.
J'espère que ça vous aura plu :D ! Qu'avez vous pensez des combats ? Des pensées de Drakaïs ? Du plan ?
Et surtout, de cette fin ? (me tuez pas x") ! Vous aurez pas la suite sinon '_' !)
Des idées sur la suite :p ?
Allé, je vous laisse ! Bonne fin de week end :D !
Ps: Alors, je reviens à des sorties un plus espacées pour cette semaine, car je vais être assez occupée ! De plus, j'ai épuisé mon stock de chapitres écris, donc, ça risque de prendre plus de temps ! Mais pas de panique, je suis toujours à fond pour finir le tome "rapidement" et le prochain chapitre devrait sortir prochainement, dans le courant de la semaine ! Et puis, je suis bientôt en vacances :D (pour tout ceux qui le sont déjà: chuuuut !)! Yey !
Ps 2: Note moyenne ! Yey !
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