Chapitre 3
Note: hello les gens ! :D Rien de particulier à vous dire sur ce coup-là, mis à part un petit mot pour ceux qui me lirait et que je ne connais pas : cela me ferait énormément plaisir si vous me laissiez un tout pitit riquiqui commentaire de rien du tout pour me dire ce que vous en pensez ;) ! Voila ! Bonne lecture :) !
Sa sœur et elle se trouvaient dans une cage aux barreaux épais et froids, plongées dans l'obscurité. Devant elle, une table couverte de sang les narguait. Mais ce qui la terrifiait le plus étaient les instruments qui se trouvaient dessus : des machettes, couteaux et autres objets de torture qui lui étaient inconnus, outils pour semer la souffrance et la mort.
Elle avait tiré sur ses chaines, et sa peau écorchée la brûlait, lui arrachant des larmes de douleur. Elle n'osait pas regarder la blessure, qui devait être sale. « Débat-toi, mais tu n'arriveras jamais à te libérer. », lui avait craché un des hommes qui les avait capturé. Elle l'avait ignoré et avait tenté de briser les barreaux et les chaines avec ses crocs. Elle s'était donc faite muselée comme un chien avec un masque en acier. Sa sœur gisait à ses côtés, toujours inconsciente. Drakaïs savait que ses blessures étaient sérieuses. Mais elle refusait d'y penser correctement, de peur que la panique ne la submerge totalement. Sa mère se trouvait dans une cage différente et lui murmurait des mots apaisants qui n'avaient aucun effet.
Sa mère était elle aussi blessée, au ventre et à la tête. Elle s'était transformée, et même dans une telle situation, Drakaïs ne pouvait s'empêcher de la trouver magnifique. Ses longs cheveux bruns et ses écailles violettes étaient poisseuses de sang, et pas seulement du sien, mais cela la rendait encore plus belle, encore plus sauvage.
Drakaïs ne pouvait arrêter de sangloter, serrant désespérément Drags contre elle, et quand enfin, sa sœur se réveilla, leurs tortionnaires arrivèrent.
Ils étaient six.
Ils commencèrent par leur lancer des insultes et des regards remplis de haine.
Au fond d'elle-même, Drakaïs savait que le pire n'était pas encore arrivé, que cela n'était que le début. Elle n'arrêtait pas de se poser la même question : pourquoi ? Pourquoi eux ? Pourquoi les traiter ainsi ?
Ils sortirent brutalement sa mère de sa cage en la tirant par ses cheveux. Elle laissa échapper un cri de douleur mais resta brave et courageuse. Drakaïs le vit dans son regard. Elle tenta de se débattre mais un des hommes lui asséna un coup dans le ventre, la faisant cracher une gerbe de sang. Ils la plaquèrent sur la table et l'attachèrent. Ce fut à ce moment que Drakaïs comprit réellement qu'ils allaient la tuer.
A l'instant où elle le réalisa, une haine froide l'envahit en même temps qu'une vague de panique immense, qui la fit trembler de tous ses membres et qui lui arracha des gémissements.
Drags, à peine éveillée par le nouveau raffut, analysa vite la menace qui pesait sur elle. Son corps, crispé, semblait prêt à bondir à la moindre occasion. Il y avait une peur indescriptible mais aussi la même haine qui grondait chez Drakaïs. Pourquoi leur faisaient-ils cela ? A quoi cela rimait-il ?
Ils commencèrent tout d'abord à aiguiser leurs machettes, tout en regardant la cage dans laquelle Drags et Drakaïs se trouvaient avec des yeux remplis de convoitise, comme si elles n'étaient que des vulgaires tas de viande. C'était ce qu'elles devaient être pour eux ; des proies. A cette idée une colère sourde s'empara de Drakaïs.
Ils laissaient trainer la chose, pour implanter l'idée de la mort de leur mère dans leurs esprits. Pour implanter l'idée qu'elles seraient impuissantes ; juste des spectatrices. Et qu'en suivant, ce serait leur tour à elles.
Et tandis qu'ils levaient leurs machettes, prêts à les abattre sur son corps, sa mère lui cria désespérément, la voix secouée par les sanglots:
- Ne regarde pas !
Drags essaya de l'empêcher de tout voir. Mais elle était en trop piteux état pour faire quoi que ce soit.
Drakaïs vit tout.
Elle ne pouvait détourner son regard. Elle était comme figée.
Ses yeux se focalisaient sur les machettes qui s'abattaient encore et encore, sur le sang qui giclait encore et encore et sur les hurlements de douleur qui résonnaient encore et encore dans la pièce.
Elle fut le témoin de tout cela.
Elle ne voyait et n'entendait plus que cela.
Et tout en faisant subir cela à sa mère, les humains criaient « Monstre !» à chaque coup qu'ils abattaient sur ses membres.
Mais pour Drakaïs, les véritables monstres étaient devant elle.
Sa mère n'hurlait plus depuis déjà longtemps. Elle n'était presque plus qu'un cadavre sanglant en lambeaux. Et juste avant qu'elle ne lâche son dernier souffle, et que les Faucheurs ne viennent la chercher, sa mère leur livra une dernière phrase. Drakaïs ne l'entendit pas, mais en regardant ses lèvres, elle put y lire un : « Je vous aime ...».
La lumière dans ses yeux s'éteignit. Elle cessa de respirer, de souffrir, de vivre.
Sa mère était morte.
Cette figure d'amour qu'elle avait connu depuis sa naissance n'était plus de ce monde.
Elle ne sentirait plus jamais son odeur. Elle ne verrait plus jamais son sourire. Elle n'entendrait plus jamais son doux rire. Elle ne goûterait plus jamais à ses gâteaux délicieux. Elle n'aurait plus jamais de baiser avant qu'elle aille se coucher. Elle ne se ferait plus jamais gronder à cause d'une de ses bêtises.
Elle avait disparu pour toujours.
Et lorsqu'elle se rendit compte avec violence de tout cela, les larmes coulèrent à flot sur ses joues d'enfant.
Les humain continuèrent leur boucherie jusqu'à ce qu'il ne reste plus que des morceaux sanguinolents du corps de leur mère.
Ce serait bientôt leur tour. Mais Drakaïs s'en fichait. Elle entendait encore les cris, voyait encore le sang. Elle était figée dans un cauchemar qui était bien réel.
Elle fut sortie de sa léthargie par les Humains. Ils avançaient cette fois-ci vers leur cage. Elle les vit pointer du doigt Drag. Les larmes coulaient également sur les joues de sa sœur. Drakaïs sut, qu'elle aussi, elle entendait en boucle les hurlements remplis de douleur et de peur.
Mais elle n'avait pas vu. En quelque sorte, Drakaïs l'estimait chanceuse de ne pas avoir tout aperçu.
Elle regarda les monstres dans les yeux. Cette fois, ils venaient pour sa sœur. « Le travail était déjà bien commencé. », disaient-ils avec euphorie. C'étaient des monstres assoiffés de sang et de massacre.
Pourquoi ?
Son rythme cardiaque s'intensifiait, si bien que les battements de son cœur résonnaient dans son esprit.
Pourquoi eux ?
Ils étaient décidés à enlever à Drakaïs toutes les personnes qu'elle chérissait.
Pourquoi ! Pourquoi ! Pourquoi !
Son corps s'agita à cause des tremblements qui la secouaient.
Tandis qu'ils ouvraient la cage, ils avancèrent leurs mains avides vers Drags. Ce fut leur plus grande erreur.
Pourquoi ? La réponse lui apparut avec une clarté soudaine et aveuglante: parce que c'était la vie.
Et à l'instant où ils la touchèrent, elle perdit le contrôle.
∞
Drakaïs pleurait, les yeux ouverts sur le plafonds pourpre de la tente. Du rouge. Du sang. Elle se tourna sur le côté et se passa une main rageante sur ses yeux piquants. Par les Six ! Elle détestait se rappeler de ce moment-là ... Elle pensait que cette scène, après les maintes fois où elle l'avait revue plus jeune, ne viendrait plus la perturber. Comme elle s'était trompée...
Elle se releva doucement, le nez rouges et les joues humides. En bougeant quelques muscles, elle remarqua qu'elle était beaucoup moins faible que la veille. Un des avantages de son peuple.
Elle nota la présence de Drakayn, qui l'observait d'un air intrigué depuis un coin de la tente. Elle commençait à s'habituer à ne pas le sentir, mais cela l'agaçait légèrement de savoir qu'on pouvait être à côté d'elle sans qu'elle s'en rende compte, tout cela alors qu'elle dormait. Et elle s'énervait encore plus quand elle savait que c'était lui.
Comprenant qu'elle pleurait toujours, et face aux yeux inquisiteurs du Draconiaque, elle essuya rageusement ses larmes avec sa main. Elle n'aimait pas pleurer, et encore moins devant des gens qu'elle ne connaissait pas.
Voyant qu'elle le regardait d'un air revêche, Drakayn cessa de la contempler.
« Tu es rétablie ? »
Drakaïs aperçut des vêtements mis à sa disposition. Un uniforme militaire à tous les coups ...
« Je peux sûrement marcher.», lui servit-elle comme réponse.
Elle commença à se déshabiller, et Drakayn détourna le regard, sans qu'elle n'ait l'occasion de le lui demander.
Les habits qu'on lui avait donnés étaient faits dans un tissu simple, et avaient un style bien à eux. Elle se rappelait l'avoir aperçu sur les Draconiques d'hier. Son intuition ne l'avait pas trompé. C'était bien un uniforme militaire. Il était jaune et vert, et l'image de leur emblème, la tête de dragon noir, était cousue sur la cape qu'on lui avait fournie. Celle-ci était blanche et avait un capuchon. Sa texture était plus douce et légère que le reste, et cela ne lui ferait pas de mal de sentir de la douceur sur sa peau découverte.
«Tu dois te rendre à la tente d'Idris. Il voudrait s'entretenir avec toi.»
Et elle avait une petite idée de la raison pour un tel entretien.
« Où se trouve-t-elle ? », demanda-t-elle en finissant d'enfiler son haut.
Il soupira et lorsqu'il nota qu'elle était prête, lui fit un geste en lui lançant:
- Suis-moi ! Je te dois bien ça pour hier !
Elle lâcha un reniflement agacé. Oh, il lui devait bien plus pour la blessure qu'il lui avait infligé... Elle se leva précipitamment pour le suivre hors de la tente rouge.
« Tu parles de la blessure ou du mensonge ? », déclara-t-elle, légèrement amusée malgré elle.
Un sourire se dessina sur les lèvres du Démon.
« Les deux, je suppose ... Tu arrives à suivre ? »
Elle était plus rétablie qu'elle ne l'avait pensé.
« Oui, je pourrais même me battre si l'occasion m'était donnée... lui répondit-elle en s'esclaffant, une lueur dangereuse dans le regard qu'elle lui lança.
- Ne me tente pas ... », rit-il avec un rictus féroce.
L'humeur quelque peu enjouée de la Draconique s'évapora comme glace au soleil lorsqu'elle réalisa que l'ambiance était plutôt bon enfant. Etait-elle si peu rancunière pour oublier si vite ce que cet enfoiré lui avait fait ? Ou pire, naïve ? Elle serra les lèvres. Patience. Pour le moment, elle n'avait qu'à faire avec. Elle n'avait pas vraiment le choix de toute manière. Car elle devait faire bonne figure. Si, comme elle le pensait, Idris voulait l'enrôler, eh bien, elle devrait s'entendre avec les Draconiaques. Même si elle ne les détestait pas réellement, elle ne savait pratiquement rien d'eux. Drakayn avait été le premier de son espèce qu'elle rencontrait. Tout ce qu'elle avait entendu d'eux lui venait des maigres informations qu'elle avait réussi à récolter plus jeune auprès de sa mère, qui semblait, elle, leur avoir voué une haine féroce. Enfant, elle avait donc pensé que c'étaient des créatures impitoyables et malfaisantes. En se rappelant de ses différentes entrevues avec eux, elle songea qu'elle n'avait pas été si loin de la vérité.
« Mais ma mère n'est plus là désormais ... », se marmonna-t-elle avec amertume. Son rêve était encore trop présent dans son esprit. Elle secoua la tête pour faire partir de son esprit les images du massacre.
Elle examina le camp en effervescence. Les soldats s'activaient comme des fourmis, et Drakaïs ne put s'empêcher de questionner Drakayn sur ce sujet.
« Hum ... Je dirais que c'est plutôt normal dans un camp ... Mais tu as raison, il est plus agité que d'habitude. Surement à cause de l'expédition qui partira bientôt pour Quantamoniam et notre prochain départ...
- Quantamoniam... Vous vous battez donc contre l'empire lui-même ?", s'exclama-t-elle avec surprise.
Le sourire du Démon prit un air mauvais et fourbe.
« En effet, acquiesça-t-il en se tournant vers elle. Tu ne le savais donc pas ? la questionna-t-il, les sourcils froncés.
- Non ...répondit-elle, prête à recevoir une nouvelle flopée de questions.
- C'est vrai que la nuit dernière, tu avais l'air de ne pas du tout comprendre la situation ! » Il arrêta de lui parler un instant pour saluer chaleureusement un autre Draconiaque. Il lui chuchota quelques mots, puis reprit en marchant : « Si tu ne sais pas contre qui nous faisons la guerre, tu ne dois sûrement pas en connaître les raisons ...
- Pas vraiment, non », maugréât-elle avec embarras.
Cette fois, Drakayn se retourna d'un bloc vers elle, les yeux écarquillés par la surprise, et le rire prêt à sortir de la gorge.
« Mais où te trouvais-tu pour ignorer une telle chose ? »
Drakaïs se sentit mal à l'aise.
« A un endroit où de telles nouvelles ne filtrent pas, je suppose ...
- Un vrai coin perdu alors ! »
Drakaïs ramena son attention sur les soldats, cherchant un moyen de détourner son attention pour ne pas lui répondre.
Les Draconiques et les Draconiaques avaient l'air de se détester mutuellement. Cela ne faisait que confirmer les faits dont elle avait été témoin la nuit passée. Elle se demandait comment ils comptaient faire pour gagner cette guerre. Car avant d'envisager une quelconque bataille, ils devraient résoudre leurs problèmes internes.
Elle décida d'en parler à Drakayn quand elle vit les Draconiques siffler de dégout sur leur passage :
- Tu n'es pas vraiment apprécié ...
- Hum ? lâcha-t-il, ailleurs. Pas vraiment, non ! ricana-t-il sombrement. Ils pensent que nous ne sommes pas très différents de leurs adversaires. Après tout, nous étions encore ennemis il y a peu, et je suis plutôt haut placé dans notre armée. Mais je remarque que tu ne sembles pas partager leur avis. »
Une question joliment cachée ...
« Eh bien, je ne vous connais pas assez pour me faire ma propre idée, et je pense que sur ce coup-là, on devrait oublier un temps les querelles du passé pour se concentrer sur un objectif commun."
'Mais je pense quand même que tu es un sale connard arrogant.', ajouta-t-elle pour elle même. Patience, patience, patience. Qui sait, peut-être qu'elle aurait l'occasion de lui rendre la monnaie de sa pièce plus tard...
"Ah ? Une chose que nous savons déjà, mais que nous avons du mal à mettre en pratique ! expliqua-t-il en riant. De plus, ces « querelles », comme tu les appelles, sont parfois bien plus graves et plus anciennes que tu ne l'imagine...
-Tout ça parce que nous appartenons à des peuples différents... siffla-t-elle, la mort de sa famille en tête. Quelle connerie.
- Ce n'est pas vraiment à cause de ça que tout a commencé ... souffla-t-il, dans ses pensées. En y réfléchissant, cette affaire est plus tragique qu'autre chose.»
Un silence s'installa de nouveau. Drakaïs essaya de découvrir le sens caché de ces paroles. Tragique, hein ? A croire que toutes les histoires commençaient dans les larmes et le sang...
« Et les Humains ? » Elle se figea. « Ne les détestes-tu pas ? »,
Voyant sa mine sombre, il ajouta :
« Ne me répond pas 'non'. La plupart des tiens les haïssent encore plus que les Draconiaques, ce qui est compréhensif quand on sait ce qu'ils vous font ... »
Elle prit le temps de choisir ses mots. Comment lui expliquer le plus clairement possible ce qu'elle ressentait pour eux ?
« Si je pouvais, je crois que je les exterminerais tous ! », cracha-t-elle avec rage.
Il la regarda, surpris d'un tel éclat. Il s'apprêta à dire quelque chose mais elle le devança pour continuer d'une voix soudain plus calme, apathique et stoïque :
- C'est sûrement ce que je t'aurais répondu il y a une dizaine d'années. Mais je me suis rendue compte que détester leur race entière à cause d'actes commis par un certain nombre d'entre eux est stupide. De plus, je suis un peu humaine moi aussi. C'est quelque chose que je ne peux pas nier, peu importe mes efforts. Je serai toujours attirée vers eux, même si cela ne me plaît pas. Donc, pour répondre à ta question, j'éprouve envers eux de la haine, de la peur aussi, mais pas entièrement. Il y a en plus, une sorte de respect et de la curiosité envers cette facette qui fait immanquablement parti de mon existence, de mon être ... »
Drakayn la regarda intensément.
Cela lui coupa le souffle. Elle avait l'impression qu'il fouillait son âme, une sensation qu'elle avait déjà ressentie auparavant, mais dont le souvenir lui échappait. Elle ne voyait plus que ses yeux rouges sangs, et un sentiment étrange commença à émerger en elle ...
Puis, il se retourna, coupant court à l'échange étrange. La connexion et l'émergence en elle de cette impression s'envolèrent si brutalement que Drakaïs hoqueta. Drakayn se passa une main légèrement tremblante dans ses cheveux.
« Tu ne mens pas ... Tu es plus surprenante que je ne le pensais ... », murmura-t-il enfin, la voix rauque et emplie d'un profond malaise.
Drakaïs eut l'impression de se fermer comme une huitre. Elle se raidit et jeta au dos de Drakayn des regards assassins. Toute sa bonne humeur s'était envolée. Il avait bien utilisé, comme elle l'avait senti, ce pouvoir si spécifique aux Démons: lire l'âme, la Plongée. Malgré elle, elle se sentait déçue et incroyablement véxée de savoir qu'il ait eu besoin d'aller faire un tour dans son âme pour vérifier ses mots. Salaud. Toute sa nonchalance et le peu de confiance qu'elle lui avait donné avaient disparu. Oh, oui, un vrai connard. Elle ne pouvait pas l'attaquer ? Elle n'était certainement pas obliger de lui parler non plus ! Qu'il aille se faire foutre ! Il n'obtiendrait d'elle que son silence. Elle serait muette comme une tombe, même si elle devait paraître puérile.
Elle n'eut pas à se priver. Drakayn ne lui adressa pas la parole. Vraisemblablement, son attention semblait accaparée par autre chose. Cela arrangeait plutôt Drakaïs. Cela l'empêchait d'avoir à rester stoïque face aux tentatives de Drakayn pour relancer, en vain, la conversation.
Quand enfin, Drakayn s'arrêta devant une tente immense, aux mêmes couleurs que la tenue qu'elle portait, elle comprit qu'elle était arrivée à la tente d'Idris, patriarche et général des Draconiques.
« Bien, nous sommes arrivés.", chuchota-t-il, préoccupé.
Il se tourna vers elle, un léger sourire sur les lèvres. Elle serra les mâchoires. Il croyait vraiment que son sourire allait changer quelque chose ?
"A plus tard. Essaye de ne pas te laisser intimider par eux."
Le Draconiaque parti en lui faisant un signe de la main auquel elle ne fit pas écho. Remarquant sa raideur, Drakayn afficha un petit sourire moins ironique que d'habitude. A quoi s'attendait-il ? Un bisous sur la joue et un câlin ? Ah ! Peut-être qu'il y réfléchirait à deux fois maintenant, avant d'aller lire l'âme d'une personne sans sa permission.
Deux soldats gardaient l'entrée. Drakaïs s'annonça, et ils la laissèrent passer en l'observant suspicieusement.
Une fois à l'intérieur, Drakaïs ne fut pas surprise de découvrir le patriarche, assis, entouré d'hommes, semblant être tous des Draconiques. Un des leurs, avait, à son arrivé, écarquillé les yeux de surprise. Elle semblait ne pas être arrivée au meilleur des moments ... Idris ne leva même pas les yeux de ses cartes et lui fit signe de s'asseoir sur un des sièges se trouvant devant son bureau. Elle prit place, et se rendit compte que son intrusion en pleine réunion stratégique ne ravissait pas tout le monde... Parmi ces visages inamicaux, elle n'en connaissait qu'un seul. Idras était présente, et était mécontente d'être ici. En tout cas, c'est ce que pensa Drakaïs en voyant sa mine renfrognée...
Pourquoi Idris l'avait-il convoquée dans un tel moment ?
Brisant l'ambiance sinistre, le patriarche des Draconiques prit la parole :
- Je te remercie, Drakaïs, de ta présence à un moment pareil. J'ai convoqué mes lieutenants pour que tu leur expliques la raison de tes blessures et de ta présence en ce camp.
Drakaïs se figea. Cette affaire n'avait-elle pas déjà été résolue ?
« Pas officiellement ... Raconte leur de nouveau ton mensonge ! », ordonna une voix amusée et affreusement familière.
Drakaïs toussa pour cacher la surprise qui avait dû apparaître sur son visage. Idras prit un air exaspéré, et Idris leva un sourcil interrogateur.
Drakaïs avait senti une présence dans son esprit au moment où cette voix lui avait parlé. Mais désormais, il n'y avait plus rien. Que lui arrivait-il encore ?
« Je marchais dans la forêt, quand j'ai été attaquée par une créature. Elle m'a prise par surprise, et a réussi à m'infliger une blessure au flanc.», elle prit une courte pause dans son récit inventé de pure pièce. « Et j'ai été forcée de m'enfuir au vu de la situation. »
Certains lieutenants montrèrent leur approbation face à cette dernière affirmation.
« Elle m'a poursuivi tout le reste de la journée, et lorsque j'ai compris que nous allions sortir de la forêt, j'ai pensé à aller sur la route principale. Je m'étais dit que je rencontrerais sûrement des gens, et qu'ils me viendraient en aide. La créature ne m'a pas suivi. Hélas, le monstre m'avait déjà infligé de trop nombreuses blessures, et je serais certainement morte si Drakayn,−A ce nom tous les Draconiques sursautèrent.− ne m'avait pas ramenée dans sa tente et soignée. »
Les Draconiques avaient l'air peu convaincu du geste de Drakayn ... Ils avaient tous bronché en entendant ces faits. Drakaïs était sûre que la vérité leur aurait semblé bien plus réaliste.
« Il n'y a donc aucun malentendu et vous voyez maintenant à quel point vos accusations étaient futiles !, s'empressa de clamer Idras.
- Je m'excuse, Idras, je n'aurais pas dû porter de telles accusations sur les Draconiaques sans preuves. »
La Draconiaque afficha un air jubilatoire, visiblement satisfaite de sa victoire. Idris soupira face à sa réaction.
« Bien, les deux questions sont donc réglées. Messieurs, je vous demande de nous laisser seuls avec la jeune Drakaïs, Idras et moi. »
Les lieutenants quittèrent la place en échangeant des propos sur Drakaïs. Celui qui l'avait regardée avec surprise à son arrivée, chuchota des mots à son patriarche, qui haussa les sourcils et scruta Drakaïs en réfléchissant.
Une fois seul, le Draconique se détendit. Cette réunion semblait l'avoir mis sous tension. Il était vrai que cela ne devait pas être facile d'être un chef de guerre ...
Drakaïs prit le temps d'étudier la tente. Spacieuse, et confortable, de nombreuses armes, armures et ouvrage rares témoignaient des goûts du patriarche.
« Bon, Drakaïs, je souhaite te demander une chose. »
Drakaïs se tira de ses pensées.
« Je vous en prie ... », fit-elle sur ses gardes.
A côté, Idras écoutait attentivement.
« Que sais-tu exactement du conflit qui nous oppose à l'Empire ? »
Drakaïs choisit la voie de la franchise, se préparant déjà aux réactions qu'elle allait susciter.
« Je ne sais justement absolument rien ... »
Idras n'eut pas le même tact que Drakayn, et partit d'un grand éclat de rire. Quant à Idris, son attitude était restée la même, seules ses mains s'étaient crispées face à sa réponse.
« Hum ... C'est assez ... surprenant. Nous sommes les premiers concernés dans cette guerre, et cela m'étonne que tu ne saches rien de cette affaire... Y-a-t-il une raison à cela ? »
Les questions devenaient plus privées désormais. Drakaïs commençait à se sentir mal à l'aise ... Les événements prenaient une tournure peu appréciable pour elle ...
« L'endroit où je me trouvais ne devait pas être impliqué dans la guerre ...
-Je ne connais pas un tel endroit ... L'Empire entier participe à cette guerre, et seuls quelques peuples ne font pas partie du Cercle ... »
Le général se rapprochait de plus en plus d'une vérité que Drakaïs n'avait pas envie de révéler, et il l'avait compris. Il poussa donc ses questions plus loin :
- Qui es-tu Drakaïs ? D'où viens-tu ?
La jeune Draconique tenta le tout pour le tout.
« Est-ce un interrogatoire ? Je pensais à autre chose lorsque vous m'avez convoquée ici ... »
Idris comprit enfin que ses questions la mettaient mal à l'aise. Idras avait écouté la conversation avec un net intérêt, toujours avec cette petite mimique amusée. Et ce fut elle qui prit les rênes de la conversation :
-Bon, puisque tu ne sais rien, veux-tu que j'éclaire ta lanterne ? Nous te semblerions bien stupides si nous attaquions l'Empire sans raison !
Drakaïs hocha la tête distraitement, trop occupée à scruter le visage du Draconique. Elle avait attiré son attention sur un sujet épineux, et il continuerait de chercher tant qu'il n'aurait pas trouvé le fin mot de tout cela ...
« Un de nos espions chez l'empereur nous a appris la mort de ce dernier, à la seconde où cela s'est produit. Nous avons donc voulu savoir sur quelle race allait revenir l'honneur de gouverner l'Empire ! »
Drakaïs comprit où elle voulait en venir, et son visage commença à changer sous l'effet de la surprise, de la peur, et de l'excitation réunies. Idras l'avait remarqué, et son sourire satisfait s'agrandit :
- Et c'est sur les Draconiques que le choix de la Pierre s'est porté ! Soyez en heureux !
Elle comprit immédiatement de quelle pierre Idras voulait parler. Plus qu'une pierre, c'était un symbole pour l'ensemble des peuples qui vivaient dans ce monde. C'était elle qui décidait quel peuple prendrait le pouvoir sur l'Empire, et cela depuis l'aube des temps. Certains prétendaient que c'était un instrument des Dieux pour communiquer leur souhait aux mortels, d'autres que la Pierre avait sa propre conscience. Mais pour Drakaïs, c'était un mythe qu'on lui avait raconté dès son berceau. Qui enfant, n'avait pas rêvé d'entendre le nom des siens résonner à travers toute la planète, signifiant leur ascendance au titre de « peuple suprême », les faisant ainsi pénétrer à tout jamais dans l'histoire du monde ?
Les Draconiques avaient été appelés à régner ! Personne ne pouvait s'y soustraire. La volonté de la Pierre était irrévocable. Mais pour Drakaïs, cela signifiait que les Draconiques ne seraient plus jamais persécutés ! Son histoire ne se répéterait pas auprès d'autres !
Les jambes de Drakaïs tremblèrent sous l'effet de cette révélation. Et les larmes coulèrent sur ses joues.
« Mais ... »
La voix mielleuse d'Idras fit voler en éclat toute ses espérances. Il existait une raison à chaque guerre. Visées sur les territoires voisins, querelle entre deux royaumes ... et il en existait aussi une pour la leur. Drakaïs entrevoyait maintenant cette raison.
« ... malheureusement pour vous, continua la Draconiaque, les Fées de la Nuit en ont décidé autrement ! Ils ont enfreint l'Interdit, ce qui ne s'était pas produit depuis l'époque de Dodrémont ... Ils ont passé sous silence l'avis de la Pierre, et vont élire un peuple eux-mêmes. Bien sûr, lorsque je l'ai appris, je me suis empressée de le dire à Idris. Même pour des Démons, une telle attitude est inexcusable. »
Drakaïs siffla de rage. Une colère qu'elle avait crue disparue à jamais s'empara d'elle. Ces Fées de la Nuits ... Qui étaient-ils pour leur arracher leur droit de régner ? C'en était trop pour elle ... On persécutait leur peuple, qu'on affublait du nom péjoratif de « lézard », sous prétexte qu'ils étaient considérés comme des monstres, des abominations, pire que toutes choses. Et désormais, alors que cela aurait pu cesser à tout jamais, on le leur enlevait ! Depuis la mort de sa mère, elle croyait avoir vécu le pire, et comprendre à quel point elle s'était trompée ne faisait qu'attiser le feu de la colère qui couvait en elle.
Les raisons de leur marche sur l'Empire étaient limpides à présent ... Mais quelque chose lui échappait encore.
« Cela ne m'explique pas pourquoi nous nous sommes alliés avec les Draconiaques, qui sont censés être nos ennemis héréditaires avec les Humains. »
Idris et Idras tiquèrent à ces mots. Ils affichèrent tous deux un air sombre voilé de tristesse. Et à la grande surprise de Drakaïs, ce fut Idris qui s'exprima le premier, en chuchotant si bas que le commun des mortels n'aurait pu saisir le chuchotement qu'était sa voix à ce moment :
- L'infériorité numérique.
Drakaïs avait entendu avec son ouïe surdéveloppée, mais le sens de ces mots lui restait légèrement vague.
Idras ayant compris son embarras, ajouta d'un ton peu chaleureux :
- Il veut dire par là que vous étiez trop peu face à l'Empire. Votre général −Elle montra Idris, toujours environné d'une atmosphère lourde.− a donc fait appel à moi, et nous avons conclu une alliance. Hélas, nous ne sommes pas encore assez pour affronter l'armée immense de l'Empire, c'est donc pour_
Idris lui coupa la parole d'un claquement de langue impérieux, qui finit de mettre Idras de mauvaise humeur.
« C'est donc pour ça, reprit-il, que nous ne pouvons laisser passer l'occasion de recruter des soldats. »
Il laissa passer un court moment, laissant à Drakaïs le temps de tirer les conclusions de sa réplique.
« Combat avec moi, avec nous, dit-il d'une voix grave tout en englobant l'espace avec ses bras pour illustrer sa demande. L'épée que tu portes à ta taille est de haute facture, et je ne pense pas qu'une telle lame ait été faite pour un simple amateur. Tu dois avoir une certaine maîtrise en escrime alors pourquoi ne pas la mettre au service de ton peuple ? »
On en venait enfin au point qu'elle attendait et ce fut avec une émotion encore présente qu'elle s'agenouilla en disant :
- Mon épée est votre obligée.
Et pour la première fois en sa présence, Idris s'esclaffa.
« Relève-toi, Drakaïs. De tels élans ne sont pas nécessaires avec moi. »
Drakaïs s'exécuta sous le regard amusé des deux patriarches.
« Tu peux disposer Drakaïs. J'aurais bientôt l'occasion de vérifier tes aptitudes, mais en attendant, tu peux visiter le camp à ta guise.», la congédia Idris.
Et à Idras d'ajouter tandis que Drakaïs se retirait:
- Va voir Drakayn, il te servira de guide.
« Je ne suis pas vraiment pressée de le retrouver, celui-là ... », pensa amèrement la jeune fille en quittant la tente du général.
∞
La jeune Draconique partie, Idras se tourna vers Idris.
« Elle est comme Drakayn ... La jeunesse est si fougueuse de nos jour !
- Il fut une époque où nous étions semblables, n'est-ce pas ?, lui répondit-il avec un sourire féroce.
- Peut-être, mais cette époque-là est révolu désormais ...
- En es-tu sûr ?, demanda-t-il, le ton rempli d'espérance.
- Oui.», répondit-elle en s'asseyant sur le bureau.
Idris approcha une main de son bras :
- Idras ... Me pardonneras-tu un jour ?
Elle retira son bras vivement.
« Cela, seuls les Dieux le savent, Idris.», rétorqua-t-elle sèchement.
Il soupira. Elle ne changerait jamais ... Toujours aussi froide avec lui depuis le drame qui les avait séparé. Il décida de changer de sujet, celui sur lequel ils s'étaient engagés ne ferait que les mener à une nouvelle dispute, qui creuserait un peu plus le fossé les séparait déjà.
« Il faudrait faire quelque chose pour améliorer l'entente entre nos deux peuples. Il serait stupide d'espérer gagner cette guerre avec cette ambiance-là dans notre armée ...
- Je sais très bien cela !, siffla-t-elle. Mais nos hommes voient clairement que nous ne nous apprécions pas ! Comment veux-tu qu'ils se supportent ? Rajoute à cela les trois siècles de mésentente qui nous opposaient encore il y a peu, et tu verras que cette situation est insoluble ! »
Un silence glacé envahit la tente.
« Je pense pourtant avoir une solution ... Ce n'est pas sûr que cela arrange les choses, cela pourrait même les faire empirer, mais cela ne coûte rien d'essayer. »
Idras le regarda, intriguée.
« Et quelle est-elle, cette soi-disant solution ? », demanda-t-elle d'un air narquois.
Idris prit cette pause si habituelle chez lui, qui consistait à croiser les mains devant son visage avant de révéler un de ces plans, et expliqua son idée à Idras.
Elle ricana lorsqu'il eut fini de la lui présenter.
« L'idée n'est pas aussi mauvaise que je le pensais ! Certes, cela ne ravira pas tout le monde, mais c'est un bon début pour installer une bonne entente dans le camp !
- Bon, que dirais-tu de l'annoncer cette après-midi ?
- Le plus tôt serait le mieux ; je suis d'accord. »
Idras sauta au sol.
« Sur ce je te laisse, tu me feras part de l'heure du début des réjouissances ! », annonça-t-elle en faisant un léger signe de la main.
Une fois seul dans sa tente, Idris s'accorda enfin un moment de repos, où il redevint alors pour un court instant, un homme simple. Il manipula entre ses doigts le pendentif qui tombait sur sa poitrine. Il l'ouvrit délicatement, faisant apparaître l'image dessinée d'une femme blonde à la beauté éblouissante.
"Et toi, que penserais-tu de tout cela ?"
Mais seul le silence lui répondit.
PS: Allez ne soyez pas timides ;) !
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