Drakaïs réfléchissait.

Elle n'avait pas eu l'occasion de le faire jusqu'à présent, mais maintenant qu'elle en avait le temps, elle en profitait.

Plusieurs questions trottaient dans son esprit. La plupart concernaient Inviat : Qui était-il ? Comment était-ce possible qu'il soit un Vampire, vieux qui plus est, alors que la dernière fois qu'elle l'avait vu, c'était un Humain ? Que savait-il de la barrière ? Et d'autres encore. Mais tout le reste de ses interrogations portaient sur Seth. Et celle qui la perturbait davantage que toutes les autres et dont elle voulait plus que tout une réponse était celle-ci : Seth était-il le créateur du dôme ? Et avec elle, en venait de nouvelles. Qui était Seth ? Quel était son rôle ? Pourquoi avait-il crée la barrière ?

Qui ? Quoi ? Pourquoi ? Comment ?

Elle sentait que son crâne allait éclater.

Elle mourrait d'envie d'ouvrir sa bouche et de laisser libre cours à toutes ces questions. Elle avait le sentiment que cela la soulagerait. Mais au plus profond d'elle-même, elle en doutait. Tout simplement parce qu'elle n'était absolument pas sûre d'avoir des réponses.

On en revenait toujours à cela. Elle voulait savoir des choses, et les personnes qui détenaient les informations qu'elle cherchait ne voulaient rien lâcher. Le pire était de savoir que ceux qui avaient ce qu'elle voulait étaient juste sous son nez. Mais cela ne changeait rien à leur affreux silence.

C'était frustrant.

Dans l'obscurité qui grandissait au fur et à mesure qu'ils avançaient, Drakaïs fusilla du regard le dos du Vampire. Elle voulait tellement savoir ! Elle se mordit la lèvre. Pourquoi ne pas demander ? Cela ne coutait rien d'essayer, non ? Mais il ne fallait pas qu'elle se fasse trop d'espoir. Il allait surement l'envoyer balader ou esquiver ses questions. Comme d'habitude.

« Inviat. »

Drakaïs avait parlé sans même s'en rendre compte, sa voix claire brisant le silence.

« Oui ? fit avec un détachement l'intéressé.

- Tu n'étais pas un Vampire la dernière fois que nous t'avons vu.», commença-t-elle.

Elle aperçut le regard de Drakayn. Le Draconiaque lui souriait et, à sa manière, l'encourageait à continuer son investigation. Le Vampire ne daigna même pas se retourner, à croire que la question sous-entendue par la Draconique était habituelle.

« Bonne observation. », nota-t-il simplement.

Drakaïs était sûre qu'à cet instant, Inviat devait avoir un énorme sourire sur les lèvres. Même si elle avait compris qu'il évitait le sujet, elle insista, ne voulant pas baisser les bras pour si peu. Car elle s'était, après tout, attendue à de la résistance.

« Comment est-ce possible ? Je t'avoue que ça me préoccupe. »

Le Nécromancien eut un rire bref à ces mots.

« Drakaïs, Drakaïs, Drakaïs ... Sincèrement, j'aimerais vraiment te raconter ma vie, mais elle bien trop longue et compliquée pour que je le fasse maintenant. »

Une bien belle façon de dire : non, je ne te répondrai pas.

« Ah bon ? s'incrusta Drakayn. Je suis pourtant sûr que nous avons tout le temps pour ça...

-Et je t'assure du contraire.

-Allons, ne joue pas à ça avec moi. Je suis un Démon, je sais donc déceler un mensonge, aussi joliment caché soit-il. Alors ai au moins l'honnêteté de nous dire que tu ne nous répondras pas parce que tu n'en as pas envie, et non pas parce que tu manques de temps. »

Inviat se tourna vers eux et continua à avancer à reculons.

« Soit, soit... lâcha le Nécromancien en ricanant. J'avoue que ce n'est pas la joie qui m'anime lorsque je pense à vous dire ce qui se cache derrière mon existence de Vampire. Mais puisque vous semblez tant vouloir le savoir, je vous dirai seulement ceci : à ce que je sache, j'étais un Humain de pure souche et ma transformation en buveur de sang..."Il mima des crocs avec ses doigts."... est due à une malédiction.

-Oui, oui, vous dites tous la même chose, vous qui n'êtes pas des Vampires de naissance... s'amusa Drakayn en démissionnant sa réplique d'un geste de la main.  "C'est une véritable malédiction qui s'est abattue sur moi ! Il a suffi que je croise la route d'une de ces odieuses créatures et s'en était fini de moi ! ", se moqua le Démon avec un faux air de désespoir.

-J'avoue que la ressemblance est troublante, rigola le Vampire. Mais je ne suis pas comme ces pitres. Je parle d'une vraie malédiction. Pas de morsures pour moi. Non, un geste a suffi et « s'en était fini de moi ! », fit-il en reprenant la voix du Draconiaque.

- Ah oui ? Je n'ai jamais entendu parler d'une chose pareille, remarqua Drakayn d'un air sceptique.

-Eh bien, c'est chose faite ! s'écria le Vampire en ouvrant les bras.

-Et depuis quand es-tu comme ça ? s'enquerra Drakaïs.

-Hum... fit mine de réfléchir le nécromancien. Je ne peux pas te le dire exactement, mais cela doit remonter à un sacré bout de temps ...

-Mais alors, comment as-tu pu être Humain il y a à peine quelques jours ? s'exclama la jeune fille en fronçant les sourcils d'incompréhension.

-Ah ça, vois-tu, c'est tout le mystère de mon existence ! répondit le Vampire avec air sournois. Je t'aime bien Drakaïs, et tu es la protégée de Seth, mais ce n'est pas pour autant que je vais te dire tous mes secrets ! »

« Evidemment, c'était trop vouloir que de savoir tout dès le début... », songea avec amertume la Draconique.

Elle se consola en se disant qu'elle avait tout de même appris quelque chose. Mais elle espérait tirer d'autres informations d'Inviat... D'ailleurs, il lui avait fourni une occasion parfaite pour qu'elle aborde un nouveau sujet.

« En parlant de Seth, quel est ton lien avec lui ? », demanda-t-elle d'une voix des plus maîtrisée.

Elle avait dû faire appel à toute sa concentration pour ne pas laisser paraitre dans ses paroles l'excitation qu'elle ressentait.

Le Vampire leur montra son dos une fois encore.

« Ah, Seth... Vois-tu, j'attendais que tu me poses la question et je m'étonnais que tu ne l'ais pas encore fait... Seth et moi, c'est... comment dire...particulier. Nous somme comme des frères l'un pour l'autre. Voila. Fin.

-Mais qui est-il ? s'impatienta-t-elle.

-Seth.

-Ça, je le sais, grommela-t-elle.

-Tu le sais, oui, et c'est suffisant. Seth est Seth, et rien d'autre. », murmura Inviat en s'étirant comme un chat.

Drakaïs réfléchit pendant un instant. Les paroles du Vampire étaient remplies de mystère. Mais elle voyait bien qu'il resterait évasif sur le sujet. Seth était un être si complexe... Un coup à lui parler avec amusement, un autre à la menacer et à tenter de la tuer... Elle se demandait ce qui se cachait derrière ses actes douteux.

« Je ne le comprends pas... », fit-elle au bout d'un moment.

Elle entendit Inviat soupirer.

« Ne t'inquiète pas, même moi, qui le côtoie depuis très longtemps, je n'en suis pas sûr non plus. Et je ne connais personne qui peut se narguer de cet exploit !

- Pourquoi s'intéresse-t-il à moi ? continua-t-elle, de la frustration dans sa voix tremblante.

-Pourquoi ne s'intéresserait-il pas à toi ? », répliqua le Vampire en haussant un sourcil.

Répondre à une question par une autre. Ou comment vous faire comprendre qu'on ne comptait pas vous dire ce que vous mourrez d'envie de savoir...

« A-t-il un lien avec moi ? », insista-t-elle.

Inviat haussa vaguement les épaules. Difficile de décrypter un tel geste. Alors pour faire comprendre à son interlocuteur qu'elle n'était pas une personne que l'on pouvait berner ainsi, elle décida d'attaquer :

-Est-ce lui qui a créé le dôme ?

Drakayn, qui jusqu'à là avait prêté une oreille distraite à cette conversation, se concentra pleinement sur celle-ci.

« Tu en es quasiment persuadée, alors pourquoi me demander ? lâcha d'un air ennuyé Inviat.

-Pour être sûr. »

Le Vampire ricana froidement.

« Toi, quand tu as une idée en tête, impossible de t'arrêter ... Cela ne devrait plus m'étonner après tout ce temps... chuchota Inviat en secouant la tête.

-Alors ? continua Drakaïs en ignorant sa remarque.

- Tu n'as qu'à lui demander. Je ne suis pas là pour répondre à tes questions, Drakaïs. », déclara-t-il d'un air las, en secouant sa tête.

Drakayn, à coté, eut presque envie de rire en l'entendant. Si le Vampire croyait la désarçonner de cette manière, il se trompait... Il n'allait, au contraire, qu'exacerber son désir de trouver la vérité. Et au vu de l'importance de ce dernier point, ce n'était pas lui qui allait l'arrêter...

« Et comment veux-tu que je lui demande ? siffla la Draconique, hors d'elle.

-Ça, c'est à toi de voir. Mais ne compte pas sur moi, rit le Nécromancien, un soupçon de colère dans le haussement d'épaule qui accompagna ce refus.

-Un oui ou un non, c'est tout ce que je te demande. Un petit mot de rien du tout, ça ne peux pas être si compliqué que ça ! s'exaspéra Drakaïs.

-Eh bien, il se trouve que si. C'est avec des mots pareils que ce sont écroulés des empires. Vais-je mener telle guerre contre mon voisin ? Oui. Me brouiller avec celui-ci ? Non. Et pour revenir à cet interrogatoire que tu mènes avec acharnement depuis tout à l'heure, sache que, je me répète, je ne suis pas là pour répondre à tes jolies et ennuyeuses questions. Si tu n'es pas au courant pour le dôme, c'est que tu ne devais pas l'être. Fin de l'argumentation. Maintenant, si tu le permets, j'aimerais finir le chemin tranquillement et de préférence, en silence. Alors, admirez le paysage et fermez-là. »

Inviat avait lâché ces paroles d'une voix douce mais dangereuse. Ce n'était pas de la colère mais cela s'en rapprochait. Drakaïs comprit qu'elle n'en saurait pas plus pour le moment. Elle posa sa main sur le bras de Drakayn, qui, les yeux pétillant de rage, était prêt à écharper le Vampire. A croire qu'il n'avait pas apprécié le ton de celui-ci... Mais ce n'était pas le moment pour une nouvelle effusion de sang et Drakaïs préférait s'arrêter dans ses investigations et se contenter du peu qu'elle avait appris. Elle enjoignit donc Drakayn au calme et ce fut avec quelques difficultés qu'il ravala sa colère.

Ils continuèrent donc le reste du trajet en silence.

Et Drakaïs en profita pour observer les alentours comme le Vampire le lui avait si gentiment conseillé.

Ils étaient dans une ruelle qui semblait s'enfoncer dans les profondeurs de la terre, en une pente légère. L'humidité régnait dans l'air et on pouvait voir quelques flaques sur le sol. Il faisait très sombre et le Démon avait dû invoquer une flamme pour leur permettre d'y voir plus clair. A quelques endroits, on apercevait de rares embranchements ténébreux qui menaient à des endroits inconnus. Le Vampire passait devant eux sans même y jeter un coup d'œil.

Et alors que la fatigue commençait à envahir la Draconique et qu'un froid de plus en plus glacial se faisait sentir au fur et à mesure qu'ils avançaient, ils arrivèrent à un cul-de-sac.

Ils étaient dans une immense cavité qui laissait résonner le bruit de leurs respirations et des gouttes d'eau qui tombaient. C'était comme un tombeau. Un frisson remonta le long du dos de la Draconique. Elle n'aimait pas cet endroit. Il s'en échappait une ambiance qui, étrangement, lui rappelait la traversée du Hurleur.

« Nous y sommes.», déclara Inviat en les regardant.

Un étrange sourire ornait son visage. Il semblait presque moqueur.

Aux côtés de Drakaïs, le Démon s'était tendu comme la corde d'un arc.

« Qu'est-ce que cela signifie ? gronda Drakayn.

-Nous sommes arrivés, c'est tout, répéta nonchalamment le Vampire, les bras croisés.

-Ne te fous pas de notre gueule, il n'y a rien ici ! », siffla le Démon.

Le Draconiaque avait déjà franchi la maigre distance qui le séparait d'Inviat. Il était furieux. Et cette fois, même Drakaïs ne pourrait pas réussir à le calmer.

« Mais c'est là, je t'assure, fit en souriant Inviat.

- Pourtant, je ne vois rien... », lâcha Drakayn en empoignant le Vampire par le col de sa cape.

L'autre ponctua cette action par un ricanement strident.

« Moi non plus, mais ce n'est pas pour autant qu'il n'y a rien, susurra le Nécromancien.

-C'est ça ! Tu nous as trompé, oui ! rugit le Draconiaque.

-Comme tu l'as si bien dis tout à l'heure ; tu es un Démon, tu sais quand je mens, non ? Alors, suis-je en train de le faire à cet instant ? »

Drakaïs, quant à elle, ne pouvait qu'observer la scène. Elle était comme figée. Elle vit les muscles du Draconiaque se crisper.

« Non, répondit Drakayn en serrant les dents.

-Bien. Maintenant, vas-tu me laisser ? »

Le Vampire parlait à Drakayn comme à un enfant. Drakaïs savait que ce n'était pas de cette manière que les choses allaient s'arranger. Vu comment la situation était partie, elle pensait plutôt qu'elle allait s'envenimer.

« Non. », répéta Drakayn en resserrant son emprise.

Il était furieux. La colère qu'il avait retenue durant tout ce temps contre Inviat menaçait d'exploser à tout moment. Il examinait minutieusement le Vampire de ses yeux écarlates, comme lorsqu'il s'apprêtait à tuer. Seule sa raison et Drakaïs l'avait empêchés de le faire jusqu'à là, mais il sentait que même cela ne serait plus suffisant à présent.

« Tu ne mens peut-être pas, mais la situation t'amuse trop pour que tu sois complètement honnête. Tu caches quelque chose, cracha Drakayn.

-Comme on pouvait s'y attendre venant d'un Démon ! s'exclama Inviat. Mais je me répète : lâche-moi. Ma patience a des limites. »

Le Nécromancien avait toujours un mince sourire sur les lèvres, mais ses yeux, eux, laissaient passer un autre message.

« Soit. La mienne aussi de toute manière, et cela fait bien trop longtemps que je les ais atteintes. », déclara Drakayn d'une voix remplie de colère.

Et les événements basculèrent.

Drakaïs vit la main d'Inviat voler vers la gorge de Drakayn. Ce dernier esquiva cette attaque en lâchant sa prise, et, aussi vite que son adversaire, transperça le ventre du Vampire de sa main. Inviat se dégagea rapidement et recula, sa paume venant faire compresse sur la plaie. Une grimace de douleur barrait son visage.

« Ça, ça fait très mal... », grommela Inviat en laissant échapper un ricanement étouffé.

Le Draconiaque montra sa main recouverte d'écailles et ses griffes effilées, ensanglantées :

-Et tu n'as encore rien vu...

Trop, c'était trop ! Le sang coulait, et les choses prenaient une direction bien trop dangereuse ! La Draconique se décida à intervenir. Ayant comprit son intention, Drakayn l'en empêcha :

-Drakaïs, ne t'en mêle pas.

La Draconique voulu protester, mais de nouveau, Drakayn la coupa dans sa démarche en lui jetant un regard froid. Il répéta encore une fois les mêmes paroles, impérieusement, avec autorité et force. Au ton qu'il avait, elle préféra se taire. Furieux comme il l'était, cet imbécile ne voulait pas entendre raison. Drakaïs serra les dents et mit la main à l'épée...pour la retirer aussitôt. Rejoindre le combat ne réglerait rien. Les deux hommes avaient chacun trop de stress et de violence à évacuer. Il fallait pourtant que cette situation s'arrête absolument... Elle observait la situation avec angoisse et agacement. Ces mâles... Ils commençaient sérieusement à la fatiguer, avec leurs conneries.

Le Nécromancien, lui, était toujours plié en deux et toussa, le sol prenant une teinte écarlate par la même occasion.

« Je t'ai pourtant prévenu qu'il ne fallait pas faire couler le sang d'un Vampire... »

A ces mots, le sang d'Inviat s'élança comme un javelot vers Drakayn. Le Démon le prit de plein fouet mais ne broncha pas. Son corps était cette fois totalement transformé. Ses yeux rouges luisirent dans l'obscurité de la caverne. Et malgré la situation, Drakaïs ne put s'empêcher d'admirer l'apparence du Démon. Ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait ainsi, mais à chaque transformation, elle trouvait ses écailles d'ébènes à couper le souffle. Et ses cornes brunes, qui se dressaient fièrement sur son crâne, lui donnaient l'air d'un roi. Il respirait le danger. La mort. Le mal.

Inviat eut un sifflement d'admiration :

-Aussi noires que celles d'Onyx !

Drakaïs entendit le sifflement familier d'une lame dégainée et la seconde d'après, Drakayn s'élançait sur son adversaire, les traits déformés par l'excitation du combat à venir. Le Draconiaque fut sur Inviat très rapidement. D'un coup fluide et vif, il décapita à moitié le Vampire, qui s'était juste à temps écarté d'une dizaine de mètres pour éviter que sa tête ne tombe complétement.

Quand Inviat redressa sa tête, qui ne tenait que par un mince filament, un spasme de nausée parcourut Drakaïs. Le Vampire appliqua sa main à sa nouvelle blessure mais la pression qu'il exerçait n'arrivait pas à endiguer le flot de sang. Il y en avait partout.

« Drakayn, Drakayn... croassa Inviat tandis qu'il saignait abondamment de la bouche et de sa plaie. N'apprendras-tu donc jamais ? »

Cette fois, un véritable mur écarlate se leva. Tels des tentacules, ils s'élancèrent sur Drakayn et le ceinturèrent. Le Démon tenta de se libérer mais les liens qui le tenaient se resserrent davantage, le forçant à lâcher son épée, qui tomba en un tintement métallique. Inviat s'avança vers lui, ses plaies toujours aussi vermeilles. Il y avait tellement de rouge que Drakaïs ne parvenait pas à comprendre d'où il venait. Etait-ce une particularité de ces créatures ?

Le Nécromancien laissa retomber ses mains sur ces flancs, un air sinistre sur le visage. Un étrange filet noire s'éleva autour de ses blessures et s'incrustèrent dans ses chairs à vifs. La peau se ressouda lentement et une odeur de pourriture, qui fit plisser le nez à la Draconique, s'éleva dans la caverne. Une tache sombre entourait désormais ses anciennes plaies.

Drakaïs avait observé la scène morbide, médusée.

Quant à Drakayn, il était toujours retenu prisonnier par la force du Vampire. Mais il continuait de se débattre, ses muscles tendus par l'effort et la rage transformant son visage.

« Ça ne sert à rien, tu ne pourras pas te libérer, expliqua Inviat d'une voix toujours rauque.

-Ah oui ? cracha le Démon. Tu oublis un détail important : mes flammes. »

Inviat eut tout juste le temps de grimacer en comprenant ce qu'impliquaient de telles paroles. D'un claquement de doigt, Drakayn utilisa son pouvoir, un sourire mauvais sur les lèvres.

Une explosion retentissante éclata sur le Vampire, qui fut projeté sur les parois de la caverne.

Tout comme Drakaïs, qui fut plaquée au sol par le souffle de l'explosion.

Sonnée et les oreilles sifflantes, elle tenta tant bien que mal de se relever. Soudainement, elle sentit une main la prendre et la remettre sur pied. C'était Drakayn. Il l'aida à tenir debout et lui parla. Mais elle n'entendait toujours rien : les sons lui semblaient étouffés. Elle comprit finalement qu'il lui demandait si tout allait bien. Elle hocha faiblement la tête.

Il dû la penser suffisamment remise, car il la laissa pour s'occuper d'Inviat.

Le Vampire gisait par terre. Il était en piteux état. Il était gravement brûlé et on pouvait voir ses chairs, écorchées et cramoisies. Mais déjà, il cicatrisait. Drakayn ne comptait pas pour autant le laisser ainsi. Il s'avançait vers lui d'une démarche déterminée et froide, sa lame à la main. Dans ses yeux, on pouvait observer cette lueur dure qu'il avait seulement lorsqu'il s'apprêtait à donner la mort. Enfin arrivé près du Nécromancien, il le releva sans ménagement.

« Bien joué, cette petite explosion... Très efficace. », gémit Inviat, un sourire moqueur barrant son visage.

Sa peau, déjà guérie, était aussi rose que celle d'un nouveau né.

Drakayn ne répondit rien. Il le prit par la gorge. Il le souleva aussi facilement que s'il tenait un enfant et resserra son emprise.

Drakaïs décida qu'elle ne pouvait plus rester inactive. Si elle ne faisait rien, l'un d'entre eux allait mourir. Et alors que la tête lui tournait encore, elle appela faiblement le Draconiaque :

-Drakayn...

Il n'en fallu pas plus au Démon. Il tourna vivement la tête vers elle et l'interrogea du regard. Le cœur de la jeune femme fit un bond dans sa poitrine quand elle vit dans ses yeux de l'inquiétude et de la culpabilité. Elle comprit qu'il s'en voulait d'avoir utilisé une telle attaque alors qu'elle était à proximité, la mettant alors en danger.

« Laisse-le... », ordonna-t-elle d'une toute petite voix.

Le visage de Drakayn s'assombrit de nouveau.

« Non, Drakaïs. Il est allé trop loin, siffla-t-il durement en ramenant toute son attention sur le Vampire.

-Vous êtes tous les deux allés trop loin... », murmura Drakaïs en fronçant les sourcils.

Le Démon eut un rire sec.

« Ne t'inquiète pas, Drakaïs. Mes blessures ne sont pas aussi graves qu'elles le paraissent. Drakayn ne peut pas me tuer. Il est né mille ans trop tôt pour cela. Garde donc ton inquiétude pour lui... déclara d'une voix toute aussi faible qu'elle le Vampire.

-Si tu peux encore parler c'est que, en effet, je n'y suis pas allé suffisamment fort.», grogna Drakayn.

Le Démon ne le montrait pas, mais il était plus perturbé qu'il ne le paraissait. C'était la première fois qu'il voyait quelqu'un, Vampire ou pas, se régénérer aussi vite. Inviat n'était décidément pas normal. Son instinct lui soufflait de le tuer le plus vite possible, mais de nouveau, les paroles de Drakaïs l'avaient ébranlées. A croire que c'était sa spécialité...

Cette indécision lui coûta cher. Inviat, comme il l'avait dit, était loin d'être aussi affaibli qu'il en avait l'air. Avec célérité, il plongea sa main vers le bras de Drakayn et le brisa, un craquement grave résonnant dans la cavité. Drakayn en jurant et en grognant, répliqua en envoyant son autre poing dans le ventre d'Inviat, là où la chair du Vampire ne voulait pas guérir. Il frappa juste, car le Nécromancien laissa échapper un sifflement de souffrance et se plia en deux. Le Démon s'apprêtait à recommencer, avec une expression mauvaise et furieuse, quand le hurlement de Drakaïs l'en empêcha :

- Arrête ! Arrêtez tous les deux !