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|13| ils n'ont pas eu le choix.

 La foule est opaque, le bruit omniprésent. Sa cible est droit devant lui, un homme noble, qui discute avec une femme accrochée à son bras. Elitz accélère le pas, se faufile entre les passants sans se faire remarquer.

Comme une petite souris.

Et hop, en quelques pas furtifs, le voilà juste derrière sa proie. Ce con est en train de rire : il rejette la tête en arrière, les yeux fermés, et la femme penchée sur lui est la diversion idéale. Vif comme l'éclair, la main d'Elitz file vers la poche de sa cible. Il agrippe une bourse.

Bingo.

Son larcin accompli, Elitz recule pour s'éclipser dans la masse. Ni vu, ni connu. Il soupèse la bourse. Elle est assez lourde, une bonne pioche. Avec ça, il va pouvoir payer les médicaments de papa, et peut-être qu'il pourra acheter quelques bricoles pour ses sœurs ; un vieux bouquin pour Yallen, une sucette pour Zia. Qui sait, avec un peu de chance, il arrivera peut-être même à ramener quelque chose pour mam–

Un fond noir, rapidement comblé par des flashs colorés, fondant bientôt les uns dans les autres pour former des images. Un bruit de fond brouillon les accompagnait, composé de paroles inaudibles, de plus en plus claires à mesure que les secondes s'écoulaient.

« –yais vraiment que j'allais te laisser partir comme ça ? C'était pas notre marché, petit. Tu as du talent. Je ne me séparerai pas de toi pour si peu. Voyons... où seraient les bénéfices ? »

La main sur son épaule se fait douloureuse. Elitz sent le souffle d'Aryon sur son oreille. Il boue, il enrage ; il aimerait crever les yeux de ce sale enfoiré, lui faire bouffer ses tripes et lui arracher ses burnes.

– Qu'est-ce que je dois faire pour que tu me foutes la paix ? grogne Elitz.

Il écarte Aryon d'un coup d'épaule. Ce salopard rit dans son dos, en sifflotant avec amusement.

–Elitz, Elitz, Elitz... Pourquoi est-ce que je te laisserais partir, vu tout ce que tu me rapportes, hum ?

A d'autres. Tout pouvait se négocier.

« Ton prix, Aryon. », martèle-t-il en se tournant vers lui.

Le salaud sourit de toutes ses dents, le regard jubilatoire. Elitz sent l'angoisse lui nouer les tripes.

« Il sera élevé. », minaude le connard en examinant ses ongles.

Il a un mauvais pressentiment. Le rictus d'Aryon ne lui inspire rien de bon. Elitz reste silencieux.

« Je veux que tu rendes une petite visite à ton cher paternel, lâche finalement l'autre Nuifée. Un petit oiseau m'a rapporté qu'il avait des bricoles intéressantes. J'ai déjà quelques acheteurs en tête.

– Plutôt crever ! Je mettrai pas un seul pied dans la baraque de cet enfoiré ! »

Le rire d'Aryon est cette fois grinçant, teinté d'un amusement sadique.

« A prendre ou à laisser, petit. »

Et au final, est-ce qu'il a vraiment le choix ? Il a promis à maman d'arrêter ses magouilles, de se ranger, quoiqu'il en coûte. Alors, qu'est-ce qui est le plus important ? Sa foutue fierté, enragée rien qu'à l'idée de se servir de Zerin pour s'en sortir ? Ou bien maman, maman et ses pleurs, maman et ses peurs, qui veut juste que son petit garçon vive sa vie loin de tout ça ?

Mais maman est malade.

Et sans son traitement, maman va mourir, emportée par la même saloperie que papa.

« Je te laisserai même ta part du gâteau, susurre Aryon, percevant sans doute son hésitation, tel un requin sentant du sang dans l'eau. Ta mère... Vizeule, c'est bien ça ? Elle est malade, non ? Les médicaments sont de plus en plus chers, à ce qui paraît. Durs à se procurer.

– Ta gueule. », crache Elitz en se passant les mains sur le visage.

Aryon lève les mains au ciel, son sale sourire toujours sur la figure.

Qu'est-ce que vaut un dernier coup, même chez ce connard de Zerin, comparé à tout ce qu'il peut lui rapporter ?

Elitz lâche un lourd soupir

La réponse est évid–

Cette fois, la transition entre l'obscurité opaque et le souvenir fut plus fluide.

La musique est douce, lente. Sa partenaire pour cette valse est collée contre lui, brûlante.

Elitz ne sait pas où regarder.

La femme a un rire.

« Vous réagissez comme si je tenais un couteau sous votre gorge. »

Il déglutit. Il lui jette un coup d'œil, ses yeux attirés par ses lèvres. Elle lui sourit avec une gentillesse espiègle. Il détourne le regard, une panique absurde agrippant sa poitrine.

Il ne sait pas comment se comporter avec la gente féminine ; sa mère et ses sœurs sont les seules exceptions.

Sa cavalière soupire, et il se crispe davantage. C'est un miracle qu'il ne lui ait pas encore marché sur les pieds.

« Je suis...nerveux. », admet-il au bout de quelques secondes, l'attention fixée sur sa fiancée, qui les foudroie du regard à l'autre bout de la salle.

Il retient une grimace. Sa cavalière rit de nouveau.

« Et moi qui pensais vous sauver des griffes de votre fiancée et trouver en vous un allié... Quel piètre preux chevalier je fais ! »

Avec ses mots, il examine réellement sa cavalière. Son sourire toujours en place, les yeux plissés, taquins, entourés de petites tâches dorées, banales pour leur peuple, mais pourtant si saisissantes sur sa peau. Comme des constellations étalées sur une nuit mauve. Son apparence n'est pas plus exceptionnelle que celles des autres femmes dans la salle, que celle de sa fiancée. Mais quelque chose chez elle... le captive.

Elle est flamboyante. Et Elitz est le papillon de nuit attiré par sa flamme.

« Quel est votre nom ? », souffle-t-il, hypnotisé.

Le sourire de sa cavalière gagne en douceur. Elle ouvre la bouche, et le regard d'Elitz est une nouvelle fois attiré par ses lèvres :

– Elay–

« SORS DE MA TÊTE ! »

Le souvenir vola en éclats, l'obscurité reprit son règne ; seul l'écho du hurlement d'Elitz survécut. Barrock résista à l'envie de porter une main à son front et ravala une grimace de douleur. À la place, il rit. Elitz gisait devant lui, redressé sur des bras chancelants, le souffle court et les lèvres retroussés. Le Démon vint s'accroupir devant lui. Il l'examina quelques secondes, étudia les tremblements qui agitaient son corps, apprécia les larmes qui menaçaient de tomber, et se délecta de la souffrance qui habitait son regard fou. Il ne résista plus : il lui agrippa le menton.

« Je me demande... chuchota Barrock en plantant ses ongles dans la peau du Nuifée. Que dois-je faire pour dormir sans entendre tes jérémiades ? »

Pour toute réponse, Elitz lui cracha au visage. Le Possesseur baissa la tête, le sourire crispé. Il s'essuya la joue. S'humecta les lèvres. Puis resserra sa prise brutalement, jusqu'à faire couler le sang. Le Nuifée attrapa son poignet, sans résultat.

« Tu crois que tu as encore le choix, que tu peux reprendre le contrôle en m'ayant à l'usure, marmonna le Démon, avec un sourire qui tirait sur la peau brûlée de son visage. Mais ça ne marchera pas. Car j'ai connu tellement pire, martela-t-il, une secousse appuyant chacun de ses mots. Tu ne fais que m'énerver. Et tu ne veux pas m'énerver, crois-moi. »

Et sans plus de cérémonies, il fit rejaillir dans son esprit les pires souvenirs de son hôte. L'agonie d'un homme aimant, qui avait tout, sauf le sang, d'un père. La perte d'une mère, dernier pilier face à la tentation. Le chantage d'un géniteur opportun. Le corps battu d'une jeune sœur et l'impuissance humiliante qui accompagna sa vue. Un premier meurtre, pour se défendre. Et le pire...

« Elle est morte, idiot. Elle est morte depuis des mois, et les restreintes ne sont pas les bonnes. »

Un hurlement de douleur secoua Elitz. Il se tortillait en tous sens et des plaies fleurissaient un peu partout sur son corps, marque de sa souffrance mentale. Les secondes filèrent, se transformèrent en minutes. Ce ne fut qu'une fois le Démon satisfait, le corps du Nuifée encerclé par le sang, que la torture cessa. Elitz resta prostré, immobile, semblant sans vie. Barrock essuya ses ongles, écarlates.

« J'ai besoin de calme pour aujourd'hui, lâcha-t-il avec détachement. Une grosse journée. Les funérailles de ton Empereur et de ta femme. »

Elitz frémit.

« Tu sais, tout pourrait bien se passer entre nous, continua Barrock en se relevant. Ton corps est mon véhicule, ta mémoire, ma source d'informations. C'est tout ce dont j'ai besoin. Je n'ai pas besoin de forcer ton silence, de te briser de la sorte. Mais tu ne me laisses pas vraiment le choix. »

Avant d'abandonner le confort familier des ténèbres de son esprit, le Possesseur laissa un dernier message à son hôte :

– N'oublie pas que si tu es dans cet état, c'est parce que tu l'as voulu.

Barrock vit quelque chose se briser dans le regard de son hôte. Sa combativité, avec un peu de chance. C'était déjà la troisième fois qu'il venait donner une leçon à la Nuifée. Perdre du temps à mater ou à surveiller Elitz était risqué, se défouler sur la Nuifée était risqué ; diviser son attention était risqué. Cette mission réclamait toute sa vigilance, et la moindre erreur pouvait lui être fatale. C'était une chose de jouer avec sa proie, cela en était une autre de décevoir le Diable.

Un écho à ses pensées perça l'obscurité, un hurlement lointain, le spectre désespéré d'un souvenir refoulé. Barrock retint un tressaillement.

Il avait trop traîné.

Le passage entre son esprit et le monde réel ressemblait à celui entre le sommeil et le réveil : instantané et imperceptible. Barrock ouvrit les yeux sur le plafond blanc de la chambre de son hôte – sa chambre à présent.

On toqua à la porte. La voix féminine était étouffée par le bois :

– Elitz ? Tu es réveillé ?

Un soupir resta bloqué dans la gorge du Démon.

Une longue journée l'attendait.

Barrock était l'un des meilleurs espions du Diable, un maître de la manipulation, un acteur et un menteur exceptionnel. Des talents qui demandaient d'entrer en contact avec des gens, qui demandaient de la sociabilité. Dans sa jeunesse, le Possesseur n'avait qu'un but : être au centre de l'attention. A présent, son souhait le plus cher était de disparaître, d'être seul.

Mais on n'avait pas toujours ce que l'on voulait, n'est-ce pas ?

Elitz avait une femme, Elayne. Elitz avait également deux sœurs.

Yallen, l'aînée, était une puissante Magicienne qui enseignait à l'Académie, tandis que Zya, la cadette, appartenait à la garde royale, en poste au palais des terres ancestrales des Nuifées. Là où l'aînée était svelte et gracieuse, la plus jeune possédait une carrure chétive qui seyait à sa combativité têtue.

A la nouvelle de la mort et des funérailles d'Elayne et de l'Empereur, elles avaient accouru pour soutenir leur frère. Trois jours depuis leur arrivée. Trois jours sans solitude, sans paix. Il y avait des moments où il se retenait à peine d'exploser.

Yallen vint l'enlacer dans son dos. Barrock se força à se détendre.

«Je sais que c'est dur, El', murmura-t-elle. Mais comme pour papa et maman, nous arriverons à surmonter cette tragédie. Ensemble. »

Quel ramassis de niaiseries dégoûtantes.

Barrock ferma les yeux, et pria le Mal de lui épargner une nouvelle embrassade collective. En vain. Zya les rejoignit. Elle lui enserra la main en tremblant.

Merde.

Il sentait de loin leurs corps sur lui, la bile qui remontait le long de sa gorge, ses poumons qui fonctionnaient par automatisme, en rythme avec les chiffres qu'il récitait dans sa tête. Il ne voulait pas qu'on le touche. Mais on n'avait pas toujours ce que l'on voulait.

Il se dégagea doucement, le visage dénué de toute expression.

« Je vais bien. » lâcha-t-il, la voix blanche.

La plus jeune renâcla, et récolta en retour un regard noir de sa sœur.

« Quoi ? se moqua Zya. S'il veut mentir, il pourrait au moins essayer d'y mettre la forme. »

Si Barrock avait quelque chose à foutre de l'opinion de cette gamine insolente, il aurait pu se sentir vexé. Mais il se contenta de rire doucement, avant de lui caresser la joue. Au lieu d'une caresse, il s'imagina en train de la lui arracher : il n'y avait que la souffrance des autres qui l'aidait à surmonter son dégoût du contact. Il sourit, pleinement, franchement ; força ses yeux à sourire avec ses lèvres, mit toute l'affection possible dans ses traits. Zya se figea.

« Et là, c'est mieux ? » demanda-t-il chaleureusement.

Personne ne répondit. Il laissa son visage reprendre son état apathique.

«Elayne est morte. Je le sais. Il n'y a pas une seule minute où j'oublie sa mort. Si ce n'est pas la rage, c'est le désespoir, et si ce n'est pas ça, je ne ressens rien. Mais actuellement ? Je vais pouvoir dire au revoir à ma femme et à mon roi. Je suis entourée des gens qui comptent le plus pour moi. Je ne me sens pas seul. Alors, oui, au vu de la situation, je dirais que je vais plutôt bien. »

Zya baissa la tête, les mâchoires serrées.

« Je déteste te voir comme ça. », croassa-t-elle.

Il la prit dans ses bras – s'il serrait assez fort, il pourrait lui briser quelques côtes– et l'embrassa sur le front – et de ses dents, lui arracher la peau.

Yallen posa sa main sur son épaule.

« Ça va aller, chuchota l'aînée.

– Je sais. », confirma-t-il.

Encore deux jours à supporter ce manège, et il retrouverait sa précieuse solitude.

Barrock avait en horreur les funérailles. Non seulement il n'y avait rien de plus barbant et de pathétique, mais il était toujours incroyablement jaloux de la personne décédée. Et celles de l'Empereur Azetor de Lapuzis ne faisaient pas exception.

La journée avait débuté par la traditionnelle cérémonie des mots embrasés. Le bûcher aux flammes vertes avait englouti les lettres des endeuillés. La légende voulait que les paroles des vivants parviennent aux défunts dans les Limbes. Une façon, pour ceux qui restaient, de faire ses adieux sans forcément requérir aux services d'un Nécromancien. Barrock ignorait si la cérémonie était efficace ou non. Il n'avait pas pris de risque. Ses lettres, sobres, ne contenaient que des vérités. Un « Votre mort ne sera pas en vain » pour l'Empereur, et un «On se retrouve de l'Autre Côté » pour Elayne. Simple et efficace. Il avait embrasé la lettre sous les yeux de tous, aux côtés de Yallen et Zya. Pour la forme, il avait versé une larme, une seule, l'unique craquelure sur son masque d'indifférence, jugé le plus adéquat pour cette journée sensée être si sombre.

C'était sans doute le seul avantage de cette satanée journée : porter un masque qui était le plus proche de sa véritable identité. L'apathie était sa compagne favorite, avec la douleur, la rage et le désespoir. Et le deuil les revêtait chacune, à un moment donné ou un autre.

Pas besoin, donc, de trop se fatiguer à être quelqu'un d'autre. Pas sur ce point en tout cas.

La journée s'était poursuivi sur un discours qui glorifiait les exploits de feu l'Empereur, le roi prodige des Nuifées, le plus jeune souverain choisi par la Pierre, devenu un grand réformateur, au règne le plus enrichissant pour l'Empire ; le pacifiste, le généreux, celui qui avait su redorer les blasons de l'Empire et unir comme jamais auparavant tous les peuples placés sous sa tutelle. La participation du Démon fut courte, mais poignante selon lui :

–L'Empire, l'Éden, les six mondes, ont perdu leur plus grand souverain, débuta-t-il avec gravité devant l'assemblée larmoyante. J'ai servi sa majesté durant de longues années. Une de ses paroles me revient aujourd'hui : je veux que mon règne soit pour mes descendants tel un phare qui les guide en pleine tempête. Mais le phare ne s'est pas éteint avec sa mort. C'est à nous, les vivants, qu'il laisse le flambeau. Nous ne savons pas encore ce que l'avenir nous réserve, même s'il reste certain que la perte de la lumière qu'il représentait le rendra plus sombre. Il nous faut pallier à ces ténèbres en faisant honneur à l'héritage qu'il nous laisse, un héritage éclatant, porteur de progrès et de paix. Que ce phare qu'il nous a donné soit le symbole de son esprit, parmi nous même à travers la mort.

Il ignora les applaudissements, répondit avec humilité aux remerciements de la famille royale et rejoignit Yallen et Zya, qui s'agrippèrent aussitôt à lui.

« Tu as toujours eu un talent pour les mots. », lui chuchota Yallen.

Il lui serra la main avec détachement, trop occupé à dévisager Welkim, le dernier orateur. Il écouta sans réelle attention le discours –le sien était meilleur– pour se concentrer sur son expression de bon vieux grand-père fragile. Une façade. S'il devait se fier à ses sources, c'était son plus grand ennemi.

Une fois le discours sur l'Empereur terminé, ce fut au tour des autres défunts d'avoir droit à des paroles pitoyables. Elayne, en tant que ministre des relations étrangères, était à l'honneur. Le Démon avait refusé de parler, préférant jouer le rôle du mari trop touché pour faire bonne apparence : « Pour sa majesté, je pense y arriver. Mais pour Elayne...Je... C'est encore trop frais, je– ... Veuillez m'excuser, je...je ne sais pas ce qui me prend. ... Vous voyez ? C'est exactement ce qui arrivera si je prends la parole pour Elayne. Je ne veux pas ternir sa mémoire par mes larmes.» Et ils n'y avaient vu que feu. Pauvres imbéciles. Il ne comprendrait jamais pourquoi les larmes avaient un tel pouvoir de persuasion.

Elayne Teïz. Une amie, une épouse, dont la brillance était admirée par tous ceux qu'elle avait côtoyé, même ses ennemis. Et blablabla. Barrock laissa son attention vagabonder au bout de quelques phrases : même si Elitz ne réagissait pas, encore catatonique après l'entrevue plus tôt dans la matinée, il était hors de question de tenter le diable. Et quitte à jouer le mari effondré par la mort de sa femme, autant le faire jusqu'au bout. Il s'appuya sur Zya, qui le retint, la mâchoire tremblante et les joues inondées. Yallen se joignit à eux, la poitrine secouée par les sanglots.

A eux trois, ils faisaient un joyeux tableau.

La messe funèbre suivit. D'un ennui mortel également. Sans mauvais jeu de mot.

Et enfin, vint le plat de résistance : les funérailles. Le corps de l'Empereur Azetor de Lapuzis était enveloppé dans une chrysalide mauve afin de le préserver. Chaque invité alla se recueillir sur sa tombe. Dans les mois qui suivraient, le corps de l'Empereur circulerait de cité en cité, de pays en pays, pour que chaque citoyen de l'Empire aille en faire de même. Une fois revenu à la capitale, la dépouille serait placée dans le caveau impérial, parmi ses prédécesseurs.

Barrock observa avec un désintérêt feint les convives de renoms. Chaque monarque appartenant à l'Empire était présent, tout comme les grands conseillers de chaque Cité Impériale et les dirigeants des organismes d'Eden. Parmi eux, il reconnut aussitôt son grand-oncle, Satan, dont l'invitation avait fait polémique à cause de ses origines démoniaques : il paraissait indécent d'inviter un Démon quand c'était l'un d'entre eux qui avait assassiné feu l'Empereur. Avec ses cheveux noirs lustrés en arrière, son costume tirés sur quatre épingles et son épée de braises, il était impossible à Barrock de manquer le maître incontesté de la Possession. Et si ce n'était pas suffisant pour le remarquer, alors il n'y avait qu'à chercher ce que tout le monde, ou presque, foudroyait du regard. Une telle aversion à son égard était pourtant absurde. Cela faisait des siècle que Satan ne représentait plus l'Enfer, et encore moins le Diable, qu'il haïssait. Il ne fallait pas s'y tromper : c'était bien en tant que Voix Noire de l'Alliance, et non pas en tant que Prince des Enfers, que le grand oncle de Barrock se trouvait ici. La Voix Blanche, la Dragonne Ancestrale Cristal, et la Voix Grise, le Lutin Kim Du-Petit-Tronc, l'accompagnaient. Barrock se résolut à tout faire pour éviter l'autre Possesseur. Il se savait doué, mais même dans sa jeunesse, il n'avait jamais douté de la supériorité de Satan dans le domaine ; après tout, il en était le fondateur. Son grand-oncle le démasquerait dès qu'il croiserait son regard, il en était certain. Il l'avait été pour moins. Pour éviter le pire, il lui fallait se fondre dans la masse.

Le masque d'indifférence du Démon faillit voler en éclat lorsqu'il trouva le Nocturne Yls Desombre, présent en tant que Conseiller de Quantamoniam. Combien de fois cette petite fiente avait-elle réussi à sortir sans aucune égratignures d'une confrontation avec le Diable? Bien trop au goût de Barrock. Il savait parfaitement les liens qui unissaient son roi et le Nocturne, savait parfaitement quel service il lui avait rendu pour avoir droit à un tel traitement. Yls n'avait pas encore perdu l'estime du Diable. Pas comme Barrock. Et quelque chose en lui, la partie indomptée de son âme, attendait avec impatience de voir Yls déchu de son statut, tombé en disgrâce.

« Si tu as besoin d'une pause, dis-nous, El'. »

Barrock se tourna vers Yallen, qui portait sur lui des yeux doux et une moue inquiète.

«Elayne n'a pas encore été enterrée. »

Selon ses souhaits, la femme de son hôte devait être enterrée à l'écart, dans un cimetière dédié aux plus grands serviteurs de l'Empire, au terme d'une cérémonie qui ne devait réunir que ses proches.

Zya eut un reniflement dédaigneux, tout en jetant des œillades noires sur les convives. Sa voix, lorsqu'elle s'exprima, siffla comme un fouet :

– Et nous pouvons encore attendre longtemps. Regarde-les, à se pavaner et à médire. Combien de ces rois et reines sont en train de jubiler, à espérer être le prochain dirigeant de l'Empire ? Je suis prête à parier que la moitié feint leurs larmes.

Eh bien, eh bien, la petite était encore plus cynique qu'il ne le pensait ! Pour son venin, elle eut droit à une taloche de la part de sa sœur aînée.

« Tient ta langue, petite idiote ! cracha Yallen. Je sais que le chagrin t'es insupportable, mais ce n'est pas pour autant que tu dois manquer de respect à ceux qui souffrent comme toi ! L'Empire entier est en deuil ! En plus d'une amie qui nous est chère, nous avons perdu un chef exceptionnel ! Les temps s'annoncent durs. J'aurais pensé qu'en tant que soldat, tu y aurais été sensible. Mais il faut croire que j'avais tort : ton effronterie si capricieuse semble empirer avec l'âge. »

De mieux en mieux. Pour cacher son sourire, Barrock se frotta le nez. Zya resta silencieuse, les lèvres pincées et un soupçon de douleur dans ses yeux rouges pâles. Aussitôt, les épaules de Yallen se décrispèrent et elle soupira avant de prendre sa plus jeune sœur dans ses bras. Celle-ci se laissa faire sans rien dire. Seul le tremblement de ses épaules trahit ses sanglots.

« C'est tellement con. Je suis tellement conne, chuchota Zya en s'essuyant furieusement les yeux. Regardez-moi, à pleurer, alors que vous restez solides comme des rocs. Je côtoie la mort plus souvent que vous, mais faut croire que c'est pas suffisant pour que je m'y fasse. Je suis désolée. »

Barrock parla sans s'en rendre compte :

– On ne se fait pas à la mort, petite imbécile.

Puis, se reprenant vite, il mentit avec agilité :

– Et entre éclater en sanglots et rester complètement de marbre, je préfère encore les sanglots.

Il eut à peine prononcé ces mots qu'il manqua d'être renversé : Zya lui avait sauté dans les bras. Barrock soutint l'attaque, crispé.

« Je te renvoie la pareille, gros bêta, marmonna en reniflant la gamine. On est là pour toi, d'accord ? Je déteste te voir comme ça. Tout, plutôt que ce masque inexpressif. Avec nous, tu n'as pas besoin de jouer au plus fort. Tu as été là pour papa et maman, à nous d'être là pour toi cette fois. »

Le Possesseur utilisa toute sa volonté pour répondre à l'étreinte et forcer ses muscles à se détendre. Yallen les observait avec chaleur et – par les Six, était-ce encore des foutues larmes qu'il voyait au coin de ses yeux ? – Barrock regarda par dessus son épaule pour essayer de se distraire. Il réussit.

Au loin, perdu au milieu d'autres têtes, il reconnut le dos voûté de Welkim. Le Second de l'Empire était en pleine discussion avec une femme qu'il ne parvenait pas à voir correctement, si ce n'était ses longs cheveux d'encre. L'affaire semblait louche : le vieux renard semblait tout aussi crispé que Barrock il y a quelques instants. L'interlocutrice se pencha vers Welkim pour lui chuchoter à l'oreille, ce qui, chose extraordinaire, eut pour résultat de le crisper davantage.

Un mouvement secoua la foule. Il les perdit de vue quelques secondes. Quand ils réapparurent, Barrock ne put contenir sa joie à leur vue. Il parvenait, cette fois, à identifier la femme avec qui parlait le vieillard.

Fen Chun, la souveraine Yuuzan.

Oh.

Oh.

Barrock n'entendait pas ce qui se disait entre eux, mais il pouvait imaginer ce dont il était question.

Trop absorbé par ce spectacle, Barrock réalisa trop tard la présence du nouveau venu à ses côtés.

Un raclement de gorge le ramena sur terre. Yallen et Zya sursautèrent. Barrock, lui, se figea.

Oh, merde. Il reconnaissait ce raclement de gorge.

Satan.

Il fixait sa foutue montre à gousset, les sourcils froncés. Toujours cette petite moue contrarié, ce pincement aux coins des lèvres qui marquait son impatience, ces yeux acérés qui ne loupait pas le moindre détail, le moindre indice. Ces sales yeux qui quittait l'aiguille de sa montre pour venir examiner le groupe qu'il avait interrompu.

Barrock baissa le regard sur la poitrine de son grand-oncle, le visage plus inexpressif que jamais.

« Monsieur Teïz, maugréa Satan d'une voix atone. Je viens vous présentez mes plus sincères condoléances. J'ai eu le plaisir de travailler avec votre femme par le passé. C'était une personne brillante. Il est regrettable qu'elle nous ait été enlevée aussi tôt, dans des circonstances pareilles. »

La Voix Noire ferma le clapet de sa montre et la rangea dans sa poche. Il y eut un silence. A sa gauche, Yallen s'agrippait de tous ses ongles au bras de Barrock, et à sa droite, Zya était tendue comme la corde d'un arc. Le silence s'éternisa. Satan resta sur place, ressortit sa montre –un signe d'impatience. Barrock continuait de fixer le torse de son grand-oncle.

Zya lui marcha sur le pied.

Ah, oui. Il devait le remercier. Il décolla avec difficulté la langue de son palet, puis déglutit, là encore sans facilité.

« Je vous...remercie pour vos mots. »

Puis, rien. L'affaire aurait du se terminer là. Barrock jouait le rôle d'un mari endeuillé, au bord de l'implosion, face à un Démon de la même caste que ceux qui lui avaient ravi sa femme et son roi, un Possesseur, de haut rang dans la société démoniaque. Il n'y avait rien, rien, qui ne le trahisse dans sa réaction.

Ce fut presque imperceptible :

–Hum...

Et rien qu'à ce simple son, Barrock sut que son grand-oncle le dévisageait, les traits complètement détendus, comme lorsque Barrock, dans son enfance, était pris sur les faits d'une bêtise qu'il essayait de lui cacher. Il avait toujours échoué.

Quelque chose, il ignorait quoi, avait attiré l'attention de Satan. Tel un limier qui avait flairé le sang de sa proie, sa méfiance s'éveillait. Et impossible de la rendormir.

« Mr. Du Trisix, mesdames, veuillez m'excuser, mais je vais devoir vous emprunter Elitz quelques temps. », déclara calmement Welkim, surgit de nulle part.

Sans plus de mots, le vieux Nuifée entraîna Barrock avec lui. Le soulagement qui embrasa la poitrine de Barrock aurait pu le suffoquer. Il pouvait presque sentir le poids du regard de son grand-oncle dans son dos. Mais cela attendrait. Aussitôt, une pression sur sa manche l'arrêta. C'était Zya, qui les avait suivis. L'expression sereine de bon vieux grand-père de Welkim se fissura :

– Mlle Zya–

– Je n'en ai pas pour longtemps Mr. Wiltizen, le rassura la plus jeune sans un regard pour lui.

Elle examinait Barrock, les yeux brillant de détermination.

« Yallen et moi, on voulait t'annoncer la nouvelle tranquillement, mais vu qu'on est destiné à être interrompu, d'abord par l'autre corneille démoniaque– »

Barrock manqua de s'étouffer. Corneille démoniaque ? Parlait-elle de Satan ?

« –puis par des affaires politiques, alors je n'irai pas par milles chemins. Yallen et moi, on s'inquiète. On sait qu'on ne peut pas compter sur toi pour prendre soin de toi-même, alors on a décidé qu'on restera le temps qu'il faudra pour que tu ailles mieux. »

Elle continua de le fixer quelques secondes, semblant vouloir être sûre qu'il avait bien compris ce qu'elle disait. Il hocha la tête mécaniquement, toute sa bonne humeur envolée.

« Bien. »

Et elle les laissa.

« Alors on a décidé qu'on restera le temps qu'il faudra pour que tu ailles mieux », vraiment ? Ces pauvres petites écervelés, il s'était retenu avec peine de les étriper depuis leur arrivée, comment allait-il pouvoir les supporter pour une durée indéterminée ?

« Votre sœur est décidément bien à sa place en tant que soldat, s'amusa Welkim en reprenant la route vers le palais. Même si elle est peut-être un poil trop indisciplinée.

– Un poil n'est pas le mot, marmonna-t-il, en essayant de mettre son agacement de côté. De quoi vouliez-vous me parlez ? »

L'amusement de Welkim fondit comme neige au soleil.

« Nous avons un problème, chuchota le vieillard, l'air grave. Fen Chun nous a percé à jour. »

Barrock feignit la surprise.

« Pour la Pierre ?

– Elle sait tout, siffla Welkim avec une fureur mal contenue. Elle l'a Lu dans le flot du temps, il y a des mois de cela. Elle savait que l'Empereur allait mourir et cette petite catin n'a rien dit !

– Et que veut-elle ? »

Le Nuifée devint si rouge de colère que Barrock crut un instant qu'il faisait une attaque.

« En échange de son aide, elle veut le trône. »

Nous y voilà. Tout se déroulait comme prévu.

« Oh, lâcha Barrock.

– 'Oh', c'est le moins qu'on puisse dire, grogna Welkim, le teint moins rouge. J'ai réuni tout le Conseil. La nuit sera longue. »

Oui, tout se passait comme l'avait planifié le Diable.

Il songea à Yallen et Zya. Puis à Satan.

Il se rembrunit.

Ou presque.

Note:

*pointe le bout de son nez*

...hey !

Vous vous rappelez quand je disais que c'était pas la grande forme, mais que j'en sortais ? Eh bien, je me trompais, ah ah ah ah...ah. Et puis, oh, mais que voilà ! Coronaqwa ?Confineqwa ? Saperlipopette ! 

Mais je suis de retour ! Ce chapitre vient aussi tard car, en plus de raisons extérieures à ma volonté, il m'a causé beaucoup de soucis. Il me faisait chier, clairement. Trop mou, trop lent. Au final, voilà le résultat et j'en suis satisfaite. 

Bon. Il fait plus de 5 000 mots. Certes. Un détail.

Ahah.

...

MOVING ON !

Je me suis concentré sur Elitz et Barrock. Vous en apprenez un peu plus sur chacun d'entre eux. J'introduis aussi d'autres personnages, qui sont venus à l'improviste, je l'avoue: les deux soeurs. Elles devaient être trois  à l'origine, et puis je me suis dit que non, trois, c'était trop. Donc les voilà. Et elles emmerdent tout le monde, Barrock et moi en premier !

Autre invité surprise de ce chapitre: Satan ! En relisant mes notes sur Barrock, je me suis rappelé de son lien de parenté avec Barrock. Je me suis aussi rappelé qu'il était logique qu'il soit présent lors des funérailles. And the rest is history. Dites bonjour à Satan, et soyez contents de sa présence, c'est  grâce à lui que le chapitre sort aujourd'hui: dès qu'il a pointé le bout de son nez, les mots se sont écrit tout seul.

J'ai aussi brièvement fait allusion à Yls et Fen Chun. Les anciens se rappelleront peut-être de leur importance. Dans tous les cas, rappelez-vous bien d'eux, ils referont parler d'eux !

Je ne sais pas quand sortira le chapitre 14. Je voudrais déjà relire les chapitres précédents et apportez quelques corrections qui ont été soulevées. Je n'ai pas envie de faire de promesses hâtives (on sait ce que ça donne...), mais je pense que vous n'aurez pas à attendre aussi longtemps.

Je remercie tous ceux qui votent et commentent, vous êtes ma principale source de motivation! 

J'espère qu'en ces temps difficiles, vous allez bien. Prenez soin de vous et à la prochaine !

Je dédie ce chapitre à Hudren car il a été, avec une autre amie à moi, celui qui n'a cessé de me pousser à cracher ce chapitre de mes entrailles. Merci à toi l'ami !

Gros poutou de loin, avec masque ! Merci de votre patience !

PS: Grosse absence, grosse pandémie, gros chapitre... Grosse note oblige !

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