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|12| Tu vois, pas si dur que ça, hum ?

Drakaïs n'aurait jamais cru le dire un jour, mais elle regrettait les Enfants de Gaïa.

Malgré leur idéologie pacifique, les Enfants de Gaïa n'étaient pas complètement fermés à l'idée de se battre. Après tout, faire la paix revenait parfois à savoir combattre quand il le fallait. C'est pourquoi ils possédaient une arène, dédiée aux entraînements. Rarement utilisée, et ses occupants alors peu nombreux, l'arène était tapissée d'un sable blanc réchauffé par le soleil, et entourée de bancs creusés dans la roche. Ces derniers étaient souvent, si ce n'est quasiment toujours, vides.

Ce n'était pas le cas ce jour-là.

Drakaïs, donc, regrettait les Enfants de Gaïa.

Car les Enfants de Gaïa, lorsqu'elle les avait vu s'entraîner, le faisait sans parler.

Ce qui n'était pas le cas de tout le monde.

« Ben alors, Fer' ? Je t'ai connu plus en forme ! Pas assez dormi cette nuit ?

– Tu sais très bien que j'ai dormi autant que toi. »

Un coup. Un grognement douloureux.

« Pourtant, tu ne me vois pas batailler autant que toi.

– Qu'est-ce que tu veux, Drakayn... Tu es particulièrement fatiguant.

– C'est vrai... Essayer de m'égaler demande beaucoup d'énergie. »

Le crayon de Lya volait sur sa feuille pour capturer en quelques traits grossiers les postures de Drakayn et de Fergon. A peine en avait-elle fini une qu'elle en enchaînait une autre. A présent, Lya croquait Drakayn, qui essayait de faire trébucher Fergon. Ils étaient accrochés l'un à l'autre et leurs visages étaient légèrement tournés vers le sol. Quelques traits à leurs pieds illustraient la vitesse de leur mouvement. Sin sourit et prit l'un des crayons pour tracer d'autres pieds dans la mêlé, puis ajouta des expressions ridicules sur leur visage blancs : les yeux louchant et la langue tirée. Lya ricana.

« Salaud ! Mais tu vas tomber oui ! grogna Drakayn.

– Et te voir encore une fois fier comme un dragon ? Non, cette fois... »

Un juron édulcoré éclata dans l'air.

Drakaïs exagérait peut-être les choses. Elle regrettait presque les Enfants de Gaïa.

Elle n'avait jamais eu autant envie de rire en leur présence.

« Ah, oui, bien mieux comme ça. Alors Drakayn, la vue est belle d'en bas ? »

Drakaïs quitta des yeux les dessins de Lya et Sin. Ce fut plus fort qu'elle ; elle rit. Drakayn gisait sur le sol ensablé de l'arène, Fergon emmêlé autour de lui pour l'empêcher de se dégager.

« Ah, ah, ah. Moque-toi Drakaïs, mais est-ce que tu ferais mieux ? Fergon est une sale petite anguille.

– Abandonne, chantonna Fergon.

Jamais. »

Drakayn se cambra en gesticulant dans tous les sens. Sans résultat. Le rire de Drakaïs gagna en intensité, attirant l'attention de Lya et Sin, qui la joignirent immédiatement dans son éclat à la vue de cette lutte acharnée. Fergon avait son bras sur la gorge de Drakayn, qui virait à l'écarlate.

« Je peux rester comme ça encore longtemps. »

Drakayn croassa quelque chose.

« Quoi ? Tu peux répéter ? Je n'ai pas entendu.

– Co...nnard... T'as...parfai...tement... entendu... »

Fergon desserra son emprise.

« Oui, mais c'est tellement plus satisfaisant comme ça.

– Enfoiré. »

De nouveau, Drakayn étouffa. Il se mit à taper frénétiquement le bras de Fergon.

« Tu sais ce que je veux entendre. », le nargua Fergon en le laissant prendre de grandes goulées d'air.

Pendant un instant, Drakaïs fut certaine qu'il allait refuser. Mort par refus de s'avouer vaincu ; par orgueil. Plus courant qu'on ne le pensait. Lors d'un entraînement ? Beaucoup plus rare. Et stupide. Du Drakayn tout craché.

« Je me rends, tu as gagné. », cracha finalement Drakayn.

Fergon le relâcha et se releva, un sourire très satisfait sur les lèvres.

« Par les flammes du Mal, dis-moi que je n'ai pas ce sourire stupide sur le visage à chaque fois que je gagne, grogna Drakayn en se massant la gorge.

– Toujours. », confirma Fergon en haussant les sourcils.

Drakaïs ricana. Drakayn se tourna vers elle, en la pointant du doigt.

« Tu ris, tu ris, mais on a le rire facile quand on est pas concerné. Tu ferais moins la maligne si tu me combattais, crois-moi loup-dragon. », la provoqua-t-il, un rictus sur les lèvres.

Loup-dragon. Elle fronça les sourcils. C'était nouveau. Étrangement, elle ne détestait pas. Elle n'aimait pas non plus.

Lya se redressa vivement, ses boucles châtaines rebondissant autour de sa figure.

« Oh, il va se faire défoncer. », souffla le louveteau, son crayon voltigeant entre ses doigts.

Un sourire plein de crocs se dessinait sur les lèvres de sa sœur et Drakaïs se retint de lui ébouriffer les cheveux. Fergon l'observait calmement, intrigué, alors que le regard de Sin sautait sur chacun avec incrédulité. Drakayn la toisait, crâneur, arrogant et moqueur, la défiant de se lever pour venir échanger quelques coups avec elle ; c'était dans ses yeux vermeils, ce petit air hilare qu'elle avait envie d'étouffer.

Elle allait lui faire mordre la poussière.

Elle donna son épée à Lya, retira ses chaussures et quitta son manteau. Elle s'étira en se redressant. Un éclair de satisfaction surgit sur le visage du Malédrake. Par les Six, quel petit bâtard.

« Tu auras l'air moins satisfait une fois remis à ta place, siffla-t-elle en se plaçant devant lui.

– Des mots, des mots... Je veux des actes. »

Il eut tout juste le temps d'éviter son poing. Puis un autre. Et encore un autre. Il dévia sa dernière attaque et lâcha, après un petit rire surpris:

– Eh bien, quand tu t'y mets, tu ne plaisantes pas, hein ?

– Des mots, des mots... », le singea-t-elle dans un murmure dangereux.

Toujours cette lueur hilare dans son regard. Comme avec Fergon avant elle, il ne la prenait pas au sérieux. Il allait le regretter. Elle se jeta sur lui, son instinct aux commandes. Il fit un pas sur le côté pour l'esquiver, mais elle l'avait vu venir. Elle fit une pirouette et son poing écrasa le nez du Malédrake. Un craquement, suivit d'un juron douloureux, retentirent dans l'air.

«Vas-y frangine, explose-le ! », rugit Lya.

Un sourire sauvage gagna les lèvres de la Drakonique. Sa main lui lançait, mais la douleur en valait la peine. Drakayn porta la main à son nez avec une grimace, étourdi.

Elle n'avait pas fini.

« Ça, c'est pour avoir violé mon âme, siffla-t-elle. Et ça... » Un coup dans le plexus solaire, qui lui coupa la respiration. « ... c'est pour ton comportement de merde. Et enfin ça... » Un coup dans l'estomac, qui le plia en deux. « ... c'est juste parce que j'en avais envie. »

Il avait des hauts le cœur, à genoux, la nuque à découvert. Elle pourrait continuer, mais ce serait de l'acharnement. Et elle n'était pas d'humeur à s'acharner. Alors elle se retourna, la poitrine plus légère et l'esprit plus clair qu'auparavant. Elle s'arrêta presque en voyant les réactions des autres. Lya, comme d'habitude pleine d'admiration, tandis que Sin semblait la voir pour la première fois, son expression partagée entre crainte et ébahissement. Et Fergon, qui la regardait comme une ennemi, un avertissement dans ses yeux froids.

« Je l'ai mérité, je l'avoue. », croassa Drakayn derrière elle, et cette fois, elle s'arrêta, stupéfaite.

Drakayn s'était relevé, la tête penchée en avant et les narines pincées entre deux doigts. Mais il la fixait du regard, et l'hilarité s'était éteinte pour laisser place à une flamme qui lui arracha un frisson.

« Fer', soit un ange et passe-moi mon épée tu veux ? »

Fergon lui lança l'épée brusquement, avec un soupir excédé. Drakayn leva le bras pour la réceptionner, son attention toujours fixée sur Drakaïs. Sur le front du Démon, quelques mèches brunes collées par la sueur s'étaient échappées des liens qui les attachaient, et des filets de sang barraient la partie inférieur de son visage. Le tout, avec ses yeux enflammés, le rendait saisissant.

« Qu'en dis-tu, Drakaïs ? Partante pour un petit duel amical ? »

Elle regardait un prédateur et elle refusait d'être vue comme une proie.

« Lya. », jeta-t-elle en tendant le bras derrière elle, sans rompre le contact visuel avec lui.

Drakayn sourit férocement. Dangereux. Le connard arrogant, qu'elle croyait avoir cerné, s'effaçait ; il ne restait plus que cet homme : une énigme aux profondeurs inexplorées.

Une fois son épée dans la main, elle la tira de son fourreau pour se mettre en garde. Drakayn dégaina la sienne, qu'il fit tourner entre ses doigts, la posture relâchée. Invitante. Mais elle ne tomberait pas dans le panneau : ses yeux rouges l'étudiaient avec une intensité intimidante. Il voyait tout. Le moindre mouvement, d'une simple crispation jusqu'au souffle qui quittait ses lèvres. Elle le savait : cette fois, si elle fonçait sans réfléchir, elle perdrait.

Le combat précédent avait été un jeu.

« Tu l'as fais exprès. », cracha-t-elle.

Tout à coup, elle se sentait beaucoup moins satisfaite de sa victoire.

« Hum ? » Il haussa un sourcil, le rictus aux lèvres, les yeux toujours aussi attentifs et habités par ce brasier hypnotique. « Je te l'ai dit : je l'avais mérité.

– Alors quoi, te faire tabasser, c'est ta façon de t'excuser ? s'écria-t-elle, n'en croyant pas ses oreilles. Tu ne peux pas dire 'pardon' comme tout le monde ? »

Et ce sale rictus taquin, avec toujours cet air glaçant dans ses foutus yeux de sang... Joueur mais calculateur.

« Ah, Drakaïs... Mais je ne suis pas comme tout le monde. »

Comme un chat avec une souris.

Et ce fut plus fort qu'elle. Elle refusait, oui, refusait, d'être la souris dans cette situation. Elle était un loup. Elle était un dragon. Alors elle attaqua. Son épée fendit l'air. Et Drakayn esquiva, soudainement silencieux, son sourire disparu. Ne subsistait plus que le prédateur suprême. Plus un chat, mais comme elle : un dragon.

Tout alla très vite ensuite.

Elle fit volte face, prête à le suivre. Elle ne rencontra que la lame froide du Démon, pressée sous son cou.

Elle avait perdu.

L'acier froid quitta sa peau sans l'avoir entamée. Elle fronça les sourcils. Quoi, aucune remarque provocatrice, aucune moquerie, aucun sourire crâneur ?

« On recommence. », lui lança-t-il en reprenant position à quelques pas devant elle.

Elle cligna des yeux. Par dessus l'épaule de Drakayn, Fergon les étudiait, l'expression fermée. Illisible. Lya et Sin ne lui furent eux non plus d'aucune aide pour comprendre la situation.

« Attaque-moi. »

Lâché avec une gravité sans nom, qui seyait bien à l'intensité de son expression.

Elle ne le reconnaissait plus. Où était donc passé le connard arrogant ? Qui était cet homme ?

Qui était réellement Drakayn ?

« Donne-moi tout ce que tu as, Drakaïs. »

Et c'était seulement parce qu'il était sérieux qu'elle s'exécuta sans réfléchir. Cette fois, l'échange dura plus longtemps. Ils virevoltèrent, vifs, volant avec le sable blanc. Attaque, esquive, contre-attaque, choc, déviation. Le sifflement de la rencontre des lames. Encore et encore. Ils valsaient. Et Drakaïs souriait. Elle haletait, son sang battait ses tempes, la sueur coulait dans son cou, et dans sa poitrine, son cœur chantait. Elle se sentait plus légère que jamais. Et Drakayn était pareil. Le brasier parti de son regard avait gagné le reste de son visage, jusqu'à s'emparer de son corps tout entier. Il rayonnait. Leurs pieds dansaient, leurs lames suivaient, et quand leurs regards se rencontraient par dessus l'acier, ils partageaient cette chaleur, l'intensifiaient. Drakaïs brûlait avec Drakayn.

Après quelques minutes, Drakayn se mit à accélérer la cadence. Elle trébucha, mais s'obstina, récolta quelques estafilades. Elle ne vit pas venir la fin. L'autre main de Drakayn fila à son poignet alors qu'elle esquivait une attaque. Une pression douloureuse, et son épée tomba au sol, le choc étouffé par le sable.

Il y eut un flottement, couvert par leurs respirations rapides. Puis, Drakayn se pencha pour ramasser sa lame. Il l'examina, pensif, hocha la tête calmement, et la lui rendit.

Elle souriait toujours. Elle avait perdu contre Drakayn, le Malédrake qu'elle rêvait d'étriper depuis leur rencontre. Et elle lui souriait. Et Drakayn lui souriait en retour. Pour une fois, ce n'était pas un rictus moqueur ou provocateur qui ornait les lèvres de Drakayn, mais un sourire, un vrai, amical et brillant. Son regard, enfin, s'était adouci, plein d'un nouveau respect.

« Tu es vive et ton jeu de jambe est bon, la complimenta-t-il en rengainant son épée. Mais tu laisses trop souvent ta garde à découvert. Et tu as une mimique qui te trahit. Juste avant d'attaquer, tu serres les mâchoires, et tu regardes là où tu veux placer ton coup. Il faut mentir. »

Elle tenta de contenir son rire ; en vain.

« C'est bien un truc de Démon, ça. Appeler une feinte un mensonge. »

Le sourire brillant redevint un rictus amusé. Mais l'irritation qu'elle ressentait habituellement à sa vue ne vint pas.

« C'est notre domaine. Tu gagnerais à y exceller.

– Quoi, et devenir comme toi ? Non merci.

– Comme moi ? rit-il en haussant les sourcils. Voyons, ce serait être trop ambitieuse. »

Oh, par les Six ! Impossible d'être en colère. Pas après ce moment qu'ils venaient de partager. Elle rit à grand éclat.

« Tu es bon, fit-elle après s'être calmée, repensant à leur combat.

– Je sais. »

Elle baissa la tête, en souriant doucement. Une réponse arrogante, mais le ton était humble. Et c'était à cause de cette attitude, qu'elle voyait à présent sous un nouvel angle, qu'elle se sentait aussi calme alors qu'elle avait perdu face à quelqu'un qu'elle avait détesté.

Elle avait perdu, certes, mais elle avait aussi l'impression d'y avoir gagné.

« Drakaïs !», tempêta Lya.

L'appel brisa l'atmosphère détendue entre la Drakonique et le Malédrake. Elle avait oublié qu'ils n'étaient pas seuls. Le Démon se tourna vers leur public, son masque de crâneur de nouveau bien en place. Fergon observait Drakayn, plus apathique que jamais. Tout l'opposé de Lya, qui le foudroyait du regard, meurtrière. Seul Sin avait l'attention ailleurs, tournée vers Elesborn, avachie à côté de lui, une cigarette entre les lèvres. Arrivée entre temps. Drakaïs se crispa, avant de les rejoindre, Drakayn deux pas derrière elle. L'Elfe noire n'avait d'yeux que pour la Drakonique, l'expression indéchiffrable. Finalement, ses yeux passèrent sur Drakayn, et Drakaïs reconnut le signe de son aversion dans le pincement subtil de ses lèvres. Et aussitôt, plus rien, visage lisse. De nouveau, Drakaïs gagna toute son attention.

« Je dois te parler. »

La Drakonique ferma les yeux. Le feu dans sa poitrine gelait. Tout le travail accompli par son combat avec Drakayn, réduit à néant par une simple phrase.

« Alors parle. », marmonna-t-elle en quittant le sable blanc pour gagner la terre froide. Elle attrapa ses affaires.

Elesborn soupira.

« En privé. »

Drakaïs serra les mâchoires.

Elle venait de quitter un combat pour en rejoindre un autre.

La conversation avec Elesborn se déroula comme elle l'avait envisagée : mal.

Elles marchaient dans la forêt, un silence anormal, lourd, entre elles. L'atmosphère apaisante de la forêt Originelle ne réussissait pas à calmer la tension qui régnait. Comment Drakaïs pouvait-elle tout à coup se trouver si inconfortable avec une personne qu'elle aimait tant ?

La trahison. Son cœur ne mentait pas, et depuis les révélations de Seth, son cœur se sentait trahi. Empoisonné d'un venin qui venait vicier son affection pour Elesborn et Cerbère.

Elle parla sans le réaliser :

« Dis-moi ce que tu veux, qu'on en finisse. »

Son regard était rivé au sol, suivant les racines recouvertes de mousse. Ses épaules étaient crispées. Ses écailles la démangeaient sous sa peau.

Elesborn soupira.

«... est-ce que ça va être comme ça entre nous maintenant, petit loup ? »

Elle avait envie de dire : 'Je n'en ai pas envie mais je ne sais pas comment faire autrement. '

A la place, elle cracha:

– Tu as l'air étonnée. Comme si je pouvais faire autrement après tout ça.

L'Elfe lui caressa la joue. La Drakonique recula vivement, puis se figea, surprise par sa réaction. La main de l'Alpha resta en suspens un instant, mais finit par s'abaisser en un poing fermé.

« Je suis désolée. », lâcha Elesborn, la voix nouée. Elle se racla la gorge. « Peut-être qu'on aurait dû te laisser ces souvenirs. Je ne sais pas si c'était la bonne solution, mais... Bon sang, tu étais si jeune. Tu pleurais constamment quand tu nous as rejoint. Et c'était pire après. Tes silences. Ton désespoir... Ta rage et ta haine... Tes terreurs nocturnes... Tout ça dans un petit bout de chou de six ans... Je suis désolée. Drakaïs, je suis désolée. »

Drakaïs était désolée, elle aussi.

C'était la première fois qu'elle voyait Elesborn au bord des larmes. Et il y avait un monstre terrible en elle, qui voulait lui hurler ces horreurs : 'J'ai perdu ma mère et ma sœur, et ma souffrance était la mienne. Pour guérir, je devais souffrir, et pour souffrir, je devais me souvenir. Qu'est-ce qui vous est passé par la tête ? Cacher un problème n'a jamais aidé à le régler. Cacher ma souffrance ne voulait pas dire qu'elle allait disparaître. Et à quoi bon être désolées à présent ? J'ai vingt deux ans, et j'ai l'impression d'en avoir six. J'ai l'impression que je viens tout juste de les perdre. J'ai l'impression d'avoir cherché en toi une mère, et en Cerbère un père, et en Lya une sœur, et en la meute une famille, et tout ça pour les remplacer, pour combler ce vide qui ne le sera jamais vraiment. Mais toi et Cerbère, vous n'êtes pas mes parents. Vous n'êtes pas ma famille. C'était un mensonge. Vous m'avez menti. Vous n'êtes pas ma famille car ma famille est morte. '

Ils n'étaient pas sa famille. Elle devait se rappeler de cette vérité.

Mais surtout : s'il lui avait caché une chose pareille, qui disait qu'ils ne lui avaient pas caché autre chose ?

« Est-ce que tu voulais me parler de ça, Elesborn ? »

Quelque chose mourut dans le regard de l'Elfe, et un sourire amer gagna ses lèvres.

« Non. Non, je... » Elle détourna les yeux, la mâchoire serrée. « L'alliance est conclue. Les Drakoniques... Ton peuple... » Elle secoua la tête. « Idris et Adrias vont rester ici. Eux et les Enfants de Gaïa doivent décider de la marche à suivre. Mais ils se sont mis d'accord sur un point : Quantamoniam. Drakayn, Fergon et Sin sont censés se rendre là-bas pour y retrouver le reste de leur équipe. Et ... »

Elle s'arrêta. Son regard s'égara dans les arbres. Quand elle reprit la parole, sa voix était rauque :

– Et Cerbère et moi, nous avons longuement réfléchi. Et nous pensons que tu devrais partir. Avec eux.

Oui, Drakaïs n'avait pas de famille.

Elle était seule.

Les trois jours qui suivirent, elle resta seule. Elle ignora les regards inquiets de Lya, ignora la confusion et la douleur qui rendaient son regard terne. Elle évita Drakayn et les autres. Elle évita plus que tout Cerbère et Elesborn. Elle resta seule, ses pensées pour seules compagnes. Et elle réfléchit.

Au bout du premier jour, elle admit qu'elle s'était emportée. Cerbère, Elesborn, Lya, la meute ; ils étaient sa famille. Cerbère ne pouvait pas remplacer ce père qu'elle n'avait jamais connu, et Elesborn comme Lya ne pouvaient pas remplacer cette mère et cette sœur qu'elle avait perdu trop tôt. Mais ils restaient sa famille. Cerbère et sa sagesse apaisante. Elesborn et son caractère de feu. Et Lya. Sa petite sœur, si similaire à elle, et pourtant si différente. La petite artiste qui se voulait déjà adulte quand cela l'arrangeait, prenant exemple sur Elesborn, parfois sur Cerbère, souvent sur Drakaïs, les étoiles plein les yeux. Oh, Lya... Elle allait lui briser le cœur.

Car au terme du deuxième jour, elle avait réalisé qu'elle ne se sentait plus à sa place avec eux.

Et enfin, la nuit du troisième jour, Drakayn la trouva.

Les lueurs bleues et vertes des fleurs nocturnes et des champignons phosphorescents mouchetaient l'obscurité de halos fantomatiques. Un ballet d'insectes de lumière dansaient autour des sources éclatantes. Les troncs ombragés des arbres, dessinés par les étincelles colorées, s'élevaient tels des tours pour se perdre dans les ténèbres brillantes. Drakaïs haletait et tremblait, les poings serrés sur la rambarde en bois qui la soutenait, essayant de se perdre dans ce spectacle féerique. En vain. Les visions d'horreur de sa famille, passée comme présente, semblaient comme imprimées sur ses rétines. Encore une nuit peuplée de cauchemars. Encore une nuit sans sommeil.

Encore cette sale migraine, qui pulsait dans son crâne pour le faire exploser de douleur. Elle porta la tisane encore fumante à ses lèvres, lentement, pour éviter d'en renverser à cause de ses tremblements. Par les Six. Elle était pathétique.

« Je suis vexé, Drakaïs. Moi qui pensais que nous avions réglé nos différends... Et voilà que tu reprends tes mauvaises habitudes. », la taquina Drakayn à quelques pas d'elle.

Elle sursauta. Et jura quand la tisane brûlante éclaboussa ses doigts. Par les Six, comment avait-elle fait pour ne pas l'entendre venir ?

« J'aimerais dire désolé, mais nous savons tous deux que ce serait un mensonge. », rit-il en venant s'accouder auprès d'elle sur la rambarde.

Elle le foudroya du regard.

« Ah, oui, de nouveau ce regard noir... murmura-t-il sans la quitter des yeux. Que se passe-t-il, dragon-loup ? »

Elle tourna la tête, les lèvres pincées.

« Pourquoi est-ce que ça t'intéresse ? », cracha-t-elle en reprenant une gorgée de sa tisane.

Elle se brûla la langue. Elle s'accrocha à cette douleur et à celle qui battait ses tempes avec toute la force du désespoir. Calme. Il fallait qu'elle se calme. Ne pas tomber dans son piège. Il voulait la faire parler. C'était pour cette raison qu'il la provoquait. Elle commençait à comprendre que l'homme arrogant et provocateur n'était qu'un masque, et que chacune de ses moqueries était réfléchie.

Elle sentait le poids de son regard sur elle. Elle évita de lui faire face.

« Es-tu heureuse ? »

La question l'ébranla. Elle se tourna vers lui, les traits de son visage noués par la confusion. Drakayn appuyait sa tête sur l'une de ses mains, curieux. Aucune malice dans son regard, aucune trace d'humour sur ses lèvres. Pas de piège. Du moins, en apparence.

Elle resta silencieuse et serra les mains autour de la tasse brûlante. Les yeux de Drakayn suivirent le mouvement.

« Parce qu'on ne dirait pas, continua-t-il. Je me demande pourquoi. Il y a des moments où tu as l'air de l'être. Quand tu es avec Lya. Ou durant notre combat. Mais ce n'est pas du bonheur. Juste de la joie, momentanée. Je t'ai bien observé tu sais, et la plupart du temps, tu es incroyablement malheureuse. Isolée, amère, furieuse, perdue. Mais le pire, c'est quand tu es avec tes Alphas. Ou, pour ce qui est de ces trois derniers jours, quand tu les évites. »

Elle tremblait et elle n'arrivait pas à se contrôler. Ses mains lui brûlaient et son crâne était au bord de l'explosion. Mais la douleur ne suffisaient plus pour l'ancrer sur terre.

Soudain, Drakayn lui prit la tasse des mains. Trop surprise par son geste, elle resta les mains suspendues devant elle, les yeux écarquillés sur le Démon. Il renifla la tasse, fronça le nez, puis, prit une gorgée. Il grimaça.

« Pourquoi est-ce que tu bois ça ? Tu n'arrêtes pas depuis notre rencontre, peut-être même avant. Tu es malade ? »

Est-ce qu'il était sérieux ? Par les Six. Ne pas tomber dans son piège. Ne surtout pas tomber dans son piège.

Il lui rendit la tasse, les sourcils haussés et un petit sourire aux lèvres.

Elle avait envie de lui fracasser le crâne sur la rambarde.

« Il paraît qu'on t'a proposé de venir avec nous. »

Elle se crispa.

« Et tu devrais. Partir, je veux dire. Pas forcément avec nous, mais quitter la meute–

– Je ne veux pas. »

Merde. Elle avait craqué.

« Tu mens. », révéla le Démon, très satisfait de lui-mème.

Oh et puis tant pis. Pourquoi se donner tant de mal pour éviter l'inévitable ?

« Soit, je n'ai pas envie de vouloir partir. »

Il renâcla et se passa une main sur la figure.

« Putain, c'est fou à quel point tu te prends la tête pour si peu de choses. »

Cette fois, il allait trop loin.

« Ah, fit-elle, la voix basse, mais le ton dangereux. Je vois. Bonne nuit. »

Elle lui tourna le dos et commença à s'éloigner, la tasse au lèvres.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

Elle jeta un regard par dessus son épaule. Bouche entrouverte et sourcils froncés. Incrédule.

Bien fait pour sa gueule.

« Ça me paraît évident, voyons, le railla-t-elle. Je suis tes si bons conseil : je pars. »

Oui, pourquoi s'infliger sa présence quand elle pouvait juste partir ?

Le rire de Drakayn l'arrêta dans sa démarche.

Quoi encore ?

Elle résista à l'envie de se retourner.

« Tu veux un vrai conseil de ma part, Drakaïs ? »

Il y avait de l'humour dans sa voix.

« Si tu veux quelque chose, fais tout pour l'obtenir. »

Sa voix se rapprochait.

« Ne te préoccupe pas à te demander pourquoi et ne te prend pas la tête avec ce que tu ressens. Tout ce qui est d'ordre émotionnel va juste te ralentir.»

Comme c'était démoniaque de sa part.

Il la dépassa sans lui accorder un dernier coup d'œil, l'expression songeuse.

« En d'autres mots, si tu veux partir, alors pars, et ignore tous tes doutes ou tes peurs quant à savoir pourquoi tu ressens ce que tu ressens.»

Le dos du Malédrake paraissait solide comme un roc. Il leva la main pour la saluer.

« Réfléchis-y. On dit que la nuit porte conseil. »

Elle ne comprenait vraiment pas Drakayn.

Une fois seule, elle reprit une gorgée de sa tisane, désormais tiède.

Elle réfléchit beaucoup cette nuit-là.

Et au matin, son esprit était tranquille.

Son cœur battait la chamade, ses mains étaient moites et un nœud lui nouait les tripes. Elle réussit à retenir ses larmes lorsqu'elle embrassa les membres de sa meute, mais craqua lorsque ce fut le tour de Cerbère et d'Elesborn. Elle avait tellement de choses à leur dire, mais ne réussit qu'à hoqueter des mots d'amour et la promesse de prendre soin d'elle.

Et Lya. Sa petite sœur pleurait toutes les larmes de son corps. Mais elle refusa un câlin et butée comme une mule, resta sans piper mot.

Les adieux entre Idris, Adrias et Drakayn, Fergon et Sin, furent moins dramatiques. Adrias menaça Drakayn, qui répondit par une insulte provocante. Idris quant à lui, se contenta d'une main sur l'épaule de Sin et de quelques murmures encourageants. Fergon, enfin, resta en retrait, échangeant simplement des hochements de tête avec ceux qui croisaient son regard.

Et les voilà prêts à partir. Elle enfourcha son cheval et croisa le regard enthousiaste de Drakayn.

« Eh ! Têtes de merde ! »

Drakaïs se retourna, les lèvres tremblantes. Lya avait les poings serrés, le regard fixé sur Drakayn, Sin et Fergon, qui observaient le louveteau avec un mélange d'amusement et d'indignation.

« S'il lui arrive un seul truc, je vous fais bouffer vos tripes !»

La Drakonique porta la main à la bouche pour cacher son sourire tremblant. Lya se tourna ensuite vers elle, et son expression féroce vacilla.

« T'as intérêt à revenir. Et à donner des nouvelles. Et à bien botter des fesses. D'accord ? Fais-nous honneur. Et ne nous oublie pas. »

'Ne m'oublie pas.' Comme si c'était possible.

Elle n'arriva pas à quitter sa famille des yeux et resta retournée sur son cheval jusqu'à ce qu'elle les perde de vue. Ce fut à ce moment-là que vinrent les chants de loups. Un dernier au-revoir. Les notes étaient plaintives, similaires aux chants de deuil. Elle porta ses mains en coupe à sa bouche, et se joignit à la meute.

Les autres ne firent aucun commentaire sur ses joues humides.

Elle était partie.


Note:

Bon, bon, je vous préviens, cette note sera assez longue.

Alors, je suis désolée de ma longue absence, qui est un peu venue de nulle part, et du manque de nouvelles. Je vous épargne les détails, mais sans compter mes études, j'ai eu quelques problèmes personnels, assez chamboulants. Et j'ai aussi eu quelques blocages sur la réécriture, notamment sur ce chapitre, ou encore, sur des chapitres précédents, que j'ai envie de corriger. Tout ça fait que, je me suis isolée. C'est un réflexe nul à chier dont j'ai du mal à me séparer. Je sors enfin de ma tanière, donc je vais mieux, pas d'inquiétude. 

Sur ce, parlons quelque peu de ce chapitre.

Purée, j'ai galéré.

 J'ai réécrit quatre fois la scène de fin avec Drakayn. Parce que j'ai énormément changé d'avis quant à savoir qui pourrait parler avec Drakaïs. Premier choix : Drakayn. Puis, je me suis dit "hum, mais ce serait l'occasion de la faire interagir avec d'autres personnages !" Donc, deuxième choix : Idris. Mais, nope, ça n'allait pas. J'ai alors pensé à Seth. Problème: je me suis laissée emportée et le chapitre faisait 10 pages; et en plus, je révélais des choses beaucoup trop tôt. Pas de Seth, donc. J'en suis revenu à mon choix originel: Drakayn. Mais j'ai réécrit la scène. 

Pour le reste, j'ai galéré pour la scène du combat. Je voulais bien faire les choses, donc j'avançais à un à l'heure. Mais au final, j'en suis satisfaite. J'espère que la scène vous aura plu également.

C'est un chapitre assez important et on avance (enfiiiiin) dans l'histoire. Drakaïs quitte le nid ! J'en tire ma petite larme. Sa relation avec Drakayn avance aussi d'une case décisive. Ils sont pas best friend, loin de là, mais quand même, on a quelque chose. 

Les adieux ! J'ai fait court. Pour raison de pages, mais aussi parce que je trouve qu'écrire un pavé n'aurait servi à rien. Les émotions de ce genre, je préfère les sous-entendre plutôt que de tomber dans le pathos. 

Je ne sais pas quand sortira le prochain chapitre. J'ai commencé à l'écrire, je sais parfaitement comment il se déroulera, donc, normalement, tout devrait bien se passer. Mais je ne sais pas quand il sortira. J'ai des partiels à la rentrée, et même si je vais mieux, je ne suis pas non plus complétement tirée d'affaire. J'essaierai, en tout cas, de le sortir le plus rapidement possible dans ces circonstances. 

Je termine cette looooongue note en vous souhaitant une bonne année 2020 ! J'espère qu'elle sera pleine de réussite et de bonheur pour vous !

A la prochaine !



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