
❄ Chapitre 11 (partie 2)
Média : Arcturus.
Musique : Without you de Avicii.
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Nous nous arrêtâmes devant une porte en bois. Rien ne la différenciait des autres que nous avions croisées sur notre chemin, si ce n'était la petite plaque métallique sur laquelle il était écrit «Bureau d'Arcturus A.O.».
— C'est ici, me dit Lily avant de toquer.
J'opinai du chef, plus par réflexe que pour lui montrer que j'avais compris, tout en disant «Okay».
— Entrez ! ordonna une voix masculine, ce que nous nous empressâmes de faire.
Ma meilleure amie ouvrit la porte.
Je ne savais pas quoi faire. J'avais voulu ce moment, vraiment, mais maintenant qu'il était là, que moi j'étais là, j'avais peur d'avoir fait le mauvais choix. C'était bien plus facile de rester avachie dans son canapé à manger du chocolat en lisant un bon livre, plutôt que d'aller se battre pour ses libertés.
Alors que j'étais sur le point de me dégonfler, ce fût Lily qui coupa court à toute protestation de ma part en me poussant dans la pièce. Elle se glissa derrière moi en refermant la porte.
— Tu risques de le regretter, si tu n'y vas pas, me chuchota-t-elle.
Elle avait raison, indubitablement raison, et je le savais. Je risquais peut-être de regretter mon canapé, mon chocolat et mon bouquin, comme cela avait été le cas lors de mon escarmouche avec Anastasia, ou plutôt Icy, mais je regretterais certainement encore plus de m'être défilée devant une occasion pareille. Et puis, comme disait mon père : le plus important dans la vie, c'est la curiosité ; alors j'allais remonter les manches de ma marinière et faire face à cet Arcturus qui ne me faisait ab-so-lu-ment pas peur !
«Qui est-ze que tu ezzayes de convaincre là ?» ricana Tic-Tac dans ma tête, comme pour me pousser à entrer plus vite. «Parze que tes mains qui tremblent prouvent le contraire ! Ze les zens vibrer zuzque dans mes rouazes !»
«Crétin !» pensai-je bien fort en donnant une pichenette dans ma montre avant de remonter mes manches pour me donner du courage.
«Aïe, méchante ! On ne frappe pas zeux qui portent des lunettes ! Et ze ne zuis pas un crétin mais un lutin !» me corrigea ledit lutin.
J'inspirai un bon coup, me retins de lui dire que c'était la même chose et relevai mes yeux qui, jusque là, fixaient le plancher.
J'avais bien fait d'inspirer parce que j'eus le souffle coupé. Mais que faisait donc le garde-forestier derrière ce bureau en ébène ? Ce serait lui, Arcturus ? Ainsi donc, mes pronostics étaient faussés : il ne s'appelait pas Arthur, bien que cela y ressemble grandement.
Je jetai un coup d'œil rapide dans la pièce. Le mur du fond était tapissé de livres et de rouleaux de parchemin plus ou moins bien rangés dans une grande bibliothèque dont les contours épousaient parfaitement la forme des murs. Sur les autres murs, peints en blanc cassé, de nombreuses cartes et plans jaunis ou récents étaient affichés, parfois même encadrés. Dans cet espace qui, sans être exigu, ne se révélait pas bien large, trônait un large bureau en ébène, et derrière le bureau, il y avait le boss.
Il souleva brièvement l'un de ses sourcils broussailleux mais ne sembla pas plus étonné que cela de me voir dans son bureau. Lily avait dû le prévenir de ma venue.
— J'imagine que tu es Eloane, me dit-il.
J'opinai, incapable de faire autre chose tant j'étais intimidée. J'avais l'impression que ses yeux gris me sondaient pour savoir qui j'étais réellement. Pitié, faites que ma timidité parte vite. Je ne voulais pas qu'il me croit muette.
— Assis-toi, je ne vais pas te manger. Lily aussi, tu peux rester.
J'obtempérai et me laissai tomber le plus dignement possible sur une chaise en bois, devant le bureau. Il attendit que Lily en fasse de même avant de continuer.
— Well, j'ai cru comprendre que tu voulais intégrer la Résistance. Est-ce que c'est bien cela ?
Sa voix grave me faisait ressentir un certain sentiment de respect envers lui, comme le weekend dernier, dans la forêt de Brocéliande. Néanmoins, il y avait quelque chose dans le fond de son regard, quelque chose d'indéfinissable, une sorte de tendresse paternelle, qui me rassura et m'aida à me détendre.
— On dirait bien, remarquai-je.
— Tout d'abord, enchaîna-t-il, avant de m'assurer de ta bonne volonté et autres petites choses toutes aussi sympathiques les unes que les autres, je voudrais que tu sois bien sûre de ce dans quoi tu te lances. Ici, ce n'est pas le club med ou la colonie de vacances. Tu risques d'être blessée, voire même de mourir. Bien évidemment, nous faisons tout pour que cela n'arrive pas, mais un accident est vite arrivé ! Enfin, j'imagine que Lily te l'a plus ou moins expliquée.
— Oui, affirma-elle.
Effectivement, pour m'avoir expliquée les risques, elle l'avait fait ! Nous avions passé toute notre soirée du mardi à discuter de cela par sms ; et sans pour autant vouloir me décourager, elle m'avait bien fait comprendre ce dans quoi je me lançais, et ce que je risquais.
— Well, approuva-t-il. De quelle saison es-tu ?
— Je crois que je suis une fille de l'Hiver...
— Tu crois, ou tu en es sûre ? plaisanta-t- il.
Il posa ses coudes sur le plateau du bureau, appuya son menton sur ses mains et me fixa de ses yeux gris.
— J'en suis sûre, lui assurai-je.
— Well, fit-il à nouveau, et quel est ton animal ?
Pourquoi voulait-il savoir si j'avais un animal, et quel était-il ? Il ne voudrait quand même pas que j'emmène Holly avec moi, non ? Si jamais il cherchait des bêtes de combat, il risquait d'être très déçu en voyant l'allure de mon petit carlin !
— Eh bien, j'ai Holly. (Voyant son air sceptique, je précisai :) C'est un carlin.
Lily se racla la gorge avant d'intervenir :
— En fait, boss, elle ne sait rien de tout cela. Anastasia m'a dit que tu étais censé le lui expliquer.
— Qu'est-ce que je ne sais pas et qu'il – je montrai le brun du doigt – est censé m'expliquer ? demandai-je à Lily en reprenant ses mots et en haussant un sourcil.
— Nous pouvons nous métamorphoser en un animal, grogna ledit brun. J'imagine que si tu ne sais pas cela, ce n'est même pas la peine que je te demande quelle est ta pierre...
Nous pouvions nous métamorphoser en un animal. Je pouvais me métamorphoser en un animal. Je. Pouvais. Me. Métamorphoser. En. Un. Animal. Je pouvais... Oh mama mia ! J'allais pouvoir être une petite bête poilue, à plumes ou à écailles !
Pitié, pas une araignée ou un ver-de-terre !
— Oh mon Dieu, chuchotai-je en me laissant tomber sur le dossier de mon siège.
Je m'avachis sur ma chaise comme un paresseux sur sa branche, écrasé par le poids de cette révélation dont je ne savais pas s'il me fallait sauter de joie comme une petite puce ou au contraire me morfondre avec un pot de Ben&Jerry's dans chaque main. Le bois du dossier appuya douloureusement sur ma colonne vertébrale et je ne pus empêcher une grimace de germer sur mes lèvres.
Ma meilleure amie était à mes côtés, sa présence m'était signalée par l'odeur de rose émanant d'elle. Son parfum avait le don de me rassurer ; c'était d'ailleurs ce qu'il faisait en ce moment même. Je m'étonnais parfois de ce nez que j'avais, capable de discerner de multiples odeurs alors que d'autres n'y parvenaient pas. C'était certainement l'une des clauses du contrat que j'avais «signé» à ma naissance, en étant une Enchanteresse, ou du moins je n'y voyais pas d'autre explication un tant soit peu vraisemblable.
Je repensai au nom de code de Lily, Megera, et à sa signification. Est-ce que ça voulait dire que ma meilleure amie pouvait se métamorphoser en renard ?
J'entendis justement Lily se redresser sur sa chaise. Pour être plus exacte, je le devinai au grincement que fit son siège, et non au bruissement de tissus qui s'effectua au même moment.
— Bon, je pense qu'une explication s'impose ! clama-t-elle, étonnamment joyeuse.
Visiblement, ma Lil's était enjouée. Ce n'était pas non plus une nouvelle phénoménale puisqu'elle était la plupart du temps ainsi, surtout depuis mon passage révélateur dans la forêt de Brocéliande. J'espérais juste que ce qu'elle aurait à m'enseigner me mettrait d'aussi bonne humeur qu'elle.
— Et c'est même plus que nécessaire, de ce que j'aie cru comprendre ! rajouta Arcturus avec un clin d'œil qui m'étonna.
Je me redressai, intéressée, et mon dos protesta contre les mauvais traitements qu'il avait à subir. Je me retins de tirer la langue – une manie que j'avais depuis toute petite – à Arcturus pour le clin d'œil amusé qu'il m'avait fait car c'était quand même lui le patron, de ce que j'avais rapidement compris, et je ne tenais pas à passer pour la gamine de service après à peine cinq minutes d'entretien. Et puis, pas sûre que Théophane apprécie que je le détrône aussi rapidement !
— Pour faire à la fois simple, rapide et concis, les enfants des Saisons, dont nous faisons partie, ont des dons spécifiques, mais pas seulement, enchaîna-t-il.
— Comme geler une serrure ou un couloir du lycée, c'est bien ça ? ironisai-je.
— C'est ça... (Il opina pour ensuite ouvrir des yeux catastrophés et s'exclamer :) Attends, tu as gelé un couloir de ton lycée ?
— C'est bien possible, murmurai-je avec un petit sourire coupable.
Il me regarda comme si des antennes étaient sorties de ma tête pour ensuite aller danser la samba avec mes cheveux. Bien que je ne pensais pas que le problème vienne de là, je passai tout de même une main prudente sur ceux-ci en faisant semblant de réajuster ma queue de cheval.
Oups ? Aurais-je fait une bêtise ?
À vrai dire, je n'avais plus pensé au couloir depuis... eh bien depuis maintenant !
— J'ai réglé le problème, intervint Lily alors que je commençais à paniquer. Personne n'a rien vu.
— Heureusement que personne n'a rien vu, sinon je n'aurais pas donné cher de la peau de ta copine, grommela-t-il en me fusillant de son regard d'acier.
Re-oups ?
— Alors, gamine, tu vas bien écouter mes explications parce que je ne me répéterai pas. Est-ce que c'est bien clair ? râla-t-il d'une voix tonitruante.
J'approuvai immédiatement en hochant vivement du chef, impressionnée. Alors qu'il plaisantait il y a quelques instants, le voilà qui était fâché. Aurait-il des tendances à la bipolarité ?
Ma meilleure amie semblait une habituée des événements car elle me fit signe de ne pas m'en faire. Arcturus devait certainement faire le même cirque à tous les nouveaux arrivants, ou alors il n'aimait juste pas devoir expliquer longuement quelque chose.
Il me regarda en plissant les yeux, comme pour réfléchir à ce qu'il allait me dire. Si j'avais eu un doute il y a quelques instants – car il pourrait avoir un frère jumeau, un clone ou juste quelqu'un qui lui ressemble –, il était maintenant balayé, purement et simplement. Sa tenue était différente et ses cheveux n'étaient plus cachés par un béret brun, mais ses yeux étaient identiques, d'un gris anthracite profond. Ses pupilles étaient comme entourées d'un champ de menhirs hypnotisant.
Je tins tout de même à m'en assurer :
— Au fait, est-ce que c'était vous le garde-forestier à Brocéliande ?
— Quelle perspicacité, bravo ! dit-il platement, un soupçon d'ironie paraissant dans sa voix. Mais ne m'interromps plus, sinon je vais perdre le fil de mes pensées...
Il gratta sa barbe de trois jours avant de se lancer.
— Well, trêve de bavardage, passons aux blablas inutiles ! Je ne t'expliquerai pas tout, ce serait trop long, donc si tu veux un compte-rendu détaillé, en long, en large et en travers, il faudra demander à Sterenn ou à Théophane, des vraies pipelettes ces deux-là ! (Il eût un sourire amusé.) Donc, comme je disais précédemment, les Enchanteurs détiennent des dons spécifiques. Ceux-ci sont particuliers à ta saison. Bon, évidemment, sur les autres continents c'est différent. Il y a, par exemple, la City of the Weather. On va laisser le nom en weatheriens, ou américain dans le monde des humains, parce que c'est vraiment moche en saisonniens, à part si tu traduis par la Cité du Temps au lieu de la Cité de la Météo... eux, ils ont les enfants de l'Arc-en-Ciel, du Soleil, des Nuages, et de la Pluie. Nous, nous avons ceux du Printemps, de l'Été, de l'Automne, et de l'Hiver. Les enfants de l'Hiver détiennent le pouvoir de la glace, comme tu as pu l'expérimenter sur le couloir de ton lycée. J'imagine que tu as lu assez de bouquin pour que je n'ai pas besoin de te l'expliquer plus que cela, et puis dans tous les cas ce sera ça de moins à faire ! Donc, nous avons un super dons, sauf que ce n'est pas tout. Chaque Enchanteur a une pierre qui lui est attribuée par la magie du hasard. Avec cette pierre, il peut se métamorphoser en un animal, lui aussi attribué par la magie du hasard. Voilà, tu sais tout ! Des questions peut-être ?
Des questions, avais-je des questions ? Mais bien sûr que j'avais des questions, et pas qu'une ! C'était un rigolo lui dit-donc ! Il dû le lire dans mon regard car il s'empressa de rectifier le tir.
— En fait, je ne veux rien savoir. Si tu as des questions, tu les poseras à ton amie, en dehors de mon bureau ! J'ai du travail donc du balais, allez jouer ailleurs !
— Et pour le test ? demanda Lily pendant que nous nous levions.
— Tu demanderas à Anastasia de le lui faire passer ! rétorqua-t-il en nous poussant à moitié vers la porte.
— Elle est partie avec Kath et Liv pour tu-sais-quoi.
— Eh bien demande à Aurore, fais preuve d'un peu de créativité ma pauvre Lily ! soupira-t-il en claquant la porte.
— Z'est ze qui z'appelle ze faire zeter dehors ! clama aussitôt Tic-Tac depuis mon poignet.
Je ne pris pas la peine de répondre puisqu'il avait totalement raison.
— Que penses-tu d'Arcturus ? me demanda-Lily.
— Il est... spécial ! m'esclaffai-je. Mais il est plutôt marrant, malgré son air d'ours mal léché.
— Si tu savais, pouffa-t-elle.
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Vos impressions sur Arcturus ?
Eloane peut se métamorphoser en un animal... mais qu'est-ce que ce sera ? (pour ceux qui ont lu la première version de cette histoire, merci de ne pas spoiler les autres !)
Des avis/remarques ?
Qu'espéreriez-vous pour la suite ?
Et surtout : MERCI POUR LES PLUS DE 20 300 LECTURES SUR ELOANE !! C'EST DIIINGUE ! :D
Korrigan ❅
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