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Chapitre 15 - Le poignard des Dactyles

Bonjour ! J'espère que vous allez bien parce que moi je vais super bien ! Tom Daley est champion olympique ahhhhhh ! J'arrive pas à arrêter de sourire !

Pour les personnes qui ne connaissant pas Tom Daley : c'est un plongeur britannique prodige du plongeon. Il a été le plus jeune champion du monde à seulement 14 ans en 2009 après avoir participé de manière exceptionnelle au JO de Pékin parce que techniquement il était trop jeune pour le faire. Son père est décédé d'un cancer à peu près à ce moment-là. Il a fait quelques années plus tard son coming out sur sa chaîne youtube quand il a rencontré le réalisateur-scénariste oscarisé Dustin Lance Black (power couple ^^). Plusieurs années plus tard, au JO de Rio et alors qu'il aurait pu gagner l'or ou au moins l'argent, il n'a pas passé les demi-final et était dévasté. Mais il est revenu l'année d'après au championnat du monde et a remporté le titre contre toute attente, presque dix ans après son premier titre mondial. Il a continué à s'entraîner, il s'est marié avec Dustin, ils ont eu un petit garçon ensemble (vraiment je me lasse pas de regarder ses vidéos youtube). Et aujourd'hui, pour ses 4e JO, il vient de remporter la médaille d'or en plongeon synchronisé ! Je suis trop fière ! J'espère qu'il aura aussi une médaille en individuel plus tard, mais c'est déjà énorme ! Donc voilà, si vous voulez découvrir un super athlète/youtubeur je vous encourage à aller voir Tom Daley rien que pour son engagement pour la communauté LGBT+ particulièrement dans le sport ! 

Et maintenant j'arrête de vous embêter, place au chapitre ! (Y'a pas que Perri qui peut parler sport haha) 

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Chapitre 15 : Le poignard des Dactyles

En toute objectivité, ils devaient l'air d'idiots absolus, cachés comme ça dans les buissons. Lou Ellen en avait bien conscience, mais c'était une idée de Connor et elle avait suivi le mouvement. Pourtant, ses jambes commençaient à protester de sa position accroupie alors qu'une ronce s'accrochait à sa manche.

- On a l'air ridicule, marmonna-t-elle entre ses dents.

- On est en mission d'observation, corrigea Connor, une paire de jumelles enfoncée sur le nez. Alors laisse-moi observer.

- Et qu'est-ce que tu vois ? Demanda Lacy, l'air sincèrement curieuse.

Connor tourna la tête vers elle, un rictus malicieux aux lèvres.

- Merci de poser les bonnes questions, miss Brown. Ce que je vois, c'est un garde seul qui surveille l'entrée. Il a une sorte de trousseau de clés à sa ceinture. Si on arrive à lui piquer, on pourra sûrement entrer dans l'usine.

- Et comment on lui pique ?

- Plusieurs moyens ! Premièrement, je suis spécialiste du vol, énuméra-t-il en comptant sur ses doigts. Je devrais pouvoir y arriver. Mais on peut aussi la jouer plus subtil. T'as déjà tenté l'enjôlement ?

- Oh... Euh, non pas vraiment. Mais tous les enfants d'Aphordite n'arrivent pas à...

- Je sais, je sais. Mais ça serait l'occasion de s'y essayer, non ?

Lou Ellen sut à la seconde que c'était une mauvaise idée. Du peu qu'elle avait observé Lacy, elle ne paraissait pas posséder de pouvoirs d'enjôlement, mais elle n'osa pas l'exprimer à voix haute de peur de la vexer et parce qu'elle voulait que Lacy commence à parler pour elle-même.

- Je ne sais pas, dit-elle justement, nerveuse. Je n'ai jamais vraiment réussi à forcer quelqu'un à faire quelque chose juste avec ma voix... Je ressens un peu les sentiments des autres et je perçois surtout les émotions amoureuses, mais c'est tout.

- C'est déjà énorme, assura Lou Ellen. Et on ne te force pas. Connor a juste des idées étranges !

- Eh, c'est faux. Je dis juste que le vigile sera aussi beaucoup moins méfiant s'il la voit elle plutôt que moi.

Cette fois, il n'avait pas tort. Toute personne saine d'esprit se méfierait de l'air d'enfant terrible de Connor mais ferait confiance les yeux fermés à celui angélique et sage de Lacy.

- Ca se tente, concéda-t-elle finalement. Lacy ? T'en penses quoi ?

Nerveusement, la concernée scruta le vigile qui faisait les cents pas devant l'imposante grille. Elle parut réfléchir intensément quelques secondes, puis hocha la tête avec gravité, menton levé.

- Je vais le faire, décida-t-elle. Ça ne doit pas être bien dur. Pas besoin d'être Piper ou Drew non plus juste pour récupérer des clés.

- C'est l'esprit ! L'encouragea Connor. On reste là au cas où si t'as besoin d'aide. Bonne chance, ma jeune apprentie !

Et juste comme ça, il lui donna une petite pression dans le dos pour la faire sortir des buissons. Déséquilibrée une seconde, Lacy piétina avant de s'avancer d'un pas raide vers l'entrée de l'usine. Lou Ellen se rapprocha de Connor. Il lui coula un regard de profil un bref instant avant de se concentrer à nouveau, même si elle sentait bien qu'il était tendu.

- T'es sûr de toi sur ce coup ? Interrogea-t-elle sans pouvoir endiguer son scepticisme. L'enjôlement, c'est un sacré pari...

- Je sais, admit-il en soupirant, les mains crispées autour de ses jumelles. Mais je me suis dit que ça lui donnerait un peu confiance en elle de voir qu'on la laissait faire seule, tu vois ?

- Pas bête... Enfin, faut encore qu'elle y arrive.

Ils observèrent Lacy aborder le vigile. Avec un sourire timide et un air ingénue, elle lui fit un sourire et commença à parler en agitant les mains en même temps. L'homme ne paraissait pas plus inquiet que ça face à une gamine de douze ans habillée d'un pull rose et Lou Ellen ne pouvait pas l'en blâmer. Mais il était peut-être là, l'atout de Lacy : se faire sous-estimer.

- J'aimerais entendre ce qu'elle lui raconte, marmonna-t-elle.

- Moi aussi... Les filles d'Aphrodite sont douées pour baratiner les gens normalement.

- Comme Drew ? Répliqua-t-elle sans pouvoir se retenir.

Connor déglutit, mal à l'aise et elle veilla à garder le regard droit devant elle, histoire de préserver un peu sa fierté. Elle n'oubliait pas pour autant sa révélation lors de leur virée en voiture au début de la quête. Il avait embrassé Drew dans les écuries aux dernières vacances de noël l'année dernière.

- C'était juste comme ça, se justifia-t-il au bout d'un moment. Elle ne m'avait pas baratiné.

- Oh donc tu voulais vraiment l'embrasser ?

- Je... je ne sais pas, peut-être. Enfin, non. (Perdu, il abaissa ses jumelles pour lui jeter un regard incertain). Euh, pourquoi j'ai l'impression que c'est une question piège ?

- Pas du tout, nia-t-elle d'une voix neutre. Je me demandais seulement si elle avait utilisé son enjôlement sur toi ou si tu l'avais embrassé de ton plein gré en ayant juste perdu la tête. Je veux dire, c'est Drew.

- Merci j'étais au courant que c'était Drew, railla-t-il avec évidence. Et elle ne m'aurait jamais enjôlé pour m'embrasser. Elle est peut-être caractérielle, mais je suis à peu près sûr que ça aurait été une agression sinon.

Lou Ellen lui accorda le point. Pourtant, ça n'aida pas à dissoudre le poids qui venait de lui tomber au creux du ventre et elle fit mine de rester concentrée sur Lacy, toujours en pleine discussion avec le vigile dans ce qui semblait être le récit d'une histoire abracadabrante.

- Donc tu l'as embrassé par choix ? Reprit-elle, visiblement incapable de se taire.

Le ton de sa voix dû malgré tout mettre la puce à l'oreille de Connor car il fronça les sourcils.

- Oui, en un sens... (Il hésita avant d'ajouter, presque prudemment). En fait, je ne sais pas trop ce que t'essayes de me faire dire.

- Je n'essayes rien du tout, je m'intéresse.

- Oh arrête, Lou, pas à moi, contra-t-il en pivotant vers elle. Tu fais « ta tête ».

Immédiatement, elle tenta de changer d'expression, mais dû seulement paraître idiote. Elle sentit ses joues chauffer et veilla à maintenir une façade à peu près correcte.

- Quelle tête ? Répliqua-t-elle sur la défensive. Je ne fais pas de tête.

- Si, c'est la tête de toutes les femmes contrariées. C'est celle que fait ma mère quand elle reçoit mon bulletin de notes, celles de Dylan quand Travis essayait de la semer dans Denver, celle d'Annabeth quand Percy fait l'imbécile.

- Tu veux dire tout le temps alors ?

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire en coin et il acquiesça, amusé.

- Probablement... dit-il. Mais pour en revenir au sujet initial, j'ai embrassé Drew parce que ça faisait presque deux mois que c'était fini entre Leah et moi, que Drew le voulait et que j'étais curieux, je pense. Je voulais voir ce que ça faisait d'embrasser une autre fille, voir si j'étais vraiment passer à autre chose...

Lou Ellen joua mécaniquement avec son collier et le triple croissant de lune s'enfonça dans sa paume. Elle sentait son cœur battre plus vite qu'il n'aurait dû, conscience que la conversation dérivait vers des eaux peu familières pour eux et elle ne savait pas quoi penser. De manière générale, Connor et elle n'avaient jamais vraiment parler de choses aussi personnelles sur le point amoureux. De toute façon, ce n'était pas comme si elle aurait eu beaucoup de choses à raconter. Elle avait embrassé seulement un garçon dans sa vie : ça avait été au bal du lycée en juin dernier. Il l'avait juste invité pour quelques danses et ils s'étaient embrassés sur les coups de minuit, grisés par l'ambiance de la soirée. Puis les vacances étaient arrivées et elle était repartie à la Colonie sans vraiment prendre la peine de garder contact. Et face à ce maigre constat, elle ne pouvait qu'avoir horriblement conscience que Connor, lui, était bien plus expérimenté. Il était sorti avec Leah pendant près d'un an, il avait passé une soirée à embrasser Drew, et elle se doutait bien qu'il y avait eu d'autres filles. Elle avait entendu les rumeurs à la Colonie et même avant quand elle était au Bungalow 11 : Connor plaisait aux filles et il le savait, même s'il avait davantage passé son adolescence à faire les quatre cents coups avec Travis qu'à draguer la gente féminine. C'étaient pourtant dans ces moments-là qu'elle avait horriblement conscience de leurs presque deux ans de différence.

- Et alors ? Articula-t-elle finalement avec difficulté alors que ses doigts relâchaient son collier. T'étais passé à autre chose ? C'était comment ?

La réponse mit quelques secondes à arriver. Embarrassé, Connor se passa une main sur la nuque et sembla hésiter.

- Oh, ça a été efficace oui... jugea-t-il. Je me suis rendu compte que j'avais bien aimé Leah, mais pas aimé dans ce sens-là non plus. Pas complètement... (Il eut soudain un sourire effronté). Mais Drew embrasse bien !

Elle mit une seconde à comprendre ce qu'il venait de dire, occultant la première partie de sa phrase, et sa réaction fusa avant qu'elle n'ait réussi à se contrôler.

- T'es sérieux ? S'indigna-t-elle en se tournant enfin vers lui.

- Quoi ? (Il cligna des yeux, surpris). Qu'est-ce que j'ai dit ?

- Oh par les dieux, parfois j'ai envie de te gifler.

- Mais...

Elle ne le laissa pas finir et se contenta de le pousser d'un coup dans l'épaule. Accroupi comme il l'était, il perdit l'équilibre et finit les fesses par terre, l'air perdu. Elle ravala la boule dans sa gorge. Ce n'était pas le moment de flancher, même si elle réalisait à cet instant que la gêne qui labourait son ventre et remontait dans sa poitrine à lui en serrer la cage thoracique ne pouvait être que ce qu'elle refusait de s'avouer depuis des mois : elle était amoureuse de Connor. Ou peut-être qu'amoureuse était encore en grand mot qu'elle ne saisissait pas, mais les sentiments étaient là à un certain niveau. Ils avaient même peut-être toujours été là sous d'autres formes, comme lorsqu'elle admirait Connor de loin plus jeune. Ce n'était pas difficile de mettre des mots sur ce qu'on ressentait quand toutes les preuves et les évidences se faisaient sentir physiquement. Elle avait toujours été lucide avec elle-même.

- Lou...

- Laisse-moi.

- On peut parler au moins... ?

Il se redressa et voulut tendre une main vers elle, mais son attention fut soudain happée par ce qu'elle avait devant elle.

- Pas maintenant, Lacy a besoin de nous, lança-t-elle en bondissant sur ses pieds.

Sans attendre qu'il réagisse, elle se mit en mouvement. A quelques mètres, le vigile avait empoigné Lacy par le bras et haussait visiblement le ton. Contrairement à Connor, elle était restée assez concentrée sur la scène pour ne pas louper le moment et elle accéléra le rythme pour venir à leur rencontre. Connor la rattrapa en quelques enjambées.

- Eh ! Apostropha-t-il. Lâchez-la !

- Elle est avec vous, la gamine ? Vociféra le vigile. Je lui ai dit de déguerpir ! Allez, foutez-moi le camp tous les trois ou j'appelle la sécurité !

- Lâchez-la d'abord !

- Non mais attends, petit, tu ne vas pas faire la loi avec moi ! (D'un geste autoritaire, il traîna Lacy vers eux et Lou Ellen la vit grimacer). Qu'est-ce que vous fichez ici d'abord ? C'est interdit de...

Il s'interrompit brusquement. Ses yeux se plissèrent sous sa casquette et firent la navette entre eux trois avant de s'écarquiller.

- Des demi-dieux !

D'un bond, il voulut s'emparer de son talkie-walkie. Connor leva son épée, mais Lou Ellen fut plus rapide. Instinctivement, elle projeta ses mains vers l'avant et sentit la Brume s'épaissir autour d'elle, invisible. C'était une capacité des enfants d'Hécate : percevoir la Brume physiquement là où elle demeurait cachée aux yeux des autres. D'un geste, elle la déplaça et l'enroula autour du vigile, la manipulant comme Chiron lui avait appris. Aussitôt, les prunelles du vigile se voilèrent.

- Qu'est-ce que... lâcha Lacy, étonnée.

- Chut !

Sans ménagement, elle tira la fille d'Aphrodite vers eux tandis que le vigile regardait autour de lui, perplexe. Il fixa là où ils étaient sans paraître les voir et finit par hausser les épaules, perplexe. Gauchement, il retourna vers sa cabine à côté de la grille.

- Comment... Tu l'as ensorcelé ? S'exclama Connor, bouche-bée.

- On n'est pas Harry Potter, idiot, riposte-t-elle avec gêne. J'ai juste... manipulé la Brume pour lui faire croire autre chose que la réalité.

Lacy leva ses grands yeux caramels vers elle, impressionnée.

- Waouh, fit-elle, mais c'est génial !

- Merci, répondit-elle en souriant doucement. Ça va, toi ?

- Oh oui... J'ai failli l'avoir. Je lui ai raconté une histoire pour qu'il me laisse entrer, comme quoi j'étais la fille du propriétaire de l'usine qui contrôle le terrain et que je voulais à tout prix rentrer. Il a douté un peu, mais j'ai fini par m'embrouiller. (Elle s'empourpra). Et je pense que le test n'est pas concluant : je suis nulle en enjôlement.

Elle baissa les yeux sur ses chaussures, comme si l'aveu lui pesait. Immédiatement, Connor passa un bras autour de ses épaules et prit un air nonchalant :

- Mais non, ma jeune padawan ! Tu as été parfaite, une vraie espionne. Je suis fier de toi !

A ses mots, Lacy releva la tête. Un large sourire s'étira sur son visage et Lou Ellen se sentit sourire en écho. Il était sans doute là le talent caché de Connor : remonter le moral en quelques secondes. Puis, brusquement, elle se rappela qu'elle était censée être en colère contre lui et elle se força à reprendre une expression plus neutre. La douleur était toujours présente entre son ventre et sa poitrine, impossible à effacer tout à fait.

- Bon, faut toujours entrer, rappela-t-elle. Comment est-ce qu'on...

- Ah, j'ai réussi à lui piquer ça ! Coupa Lacy dans un excès d'enthousiasme.

Et sans prévenir, elle leva son bras bien haut. Au bout de ses doigts se balançait le trousseau de clés du vigile.

- Miss Brown, t'es plus qu'incroyable et géniale, t'es incroyablement génialissime ! S'exclama Connor dans un grand éclat de rire avant de la soulever littéralement du sol pour la faire tournoyer.

Lacy rit à gorge déployée. Ravie, Lou Ellen s'empara des clés et les soupesa. Elles émirent un tintement métallique dans ses mains.

- Parfait, approuva-t-elle. Allons un peu voir ce qu'il y a là-dedans et qui sont les Dactyles !

**

*

Assez étrangement, personne ne les arrêta lorsqu'ils pénétrèrent dans l'usine. Peut-être que le fait d'avoir les clés et de ne pas déclencher d'alarme de sécurité joua en leur faveur, mais en tout cas ils atteignirent le hall sans encombre. L'usine était classique, ni plus ni moins qu'un bâtiment industriel du XXe siècle tout en fer et en taule. Des énormes cartons de livraisons attendaient dans un espace de dépôt et Lou Ellen distingua le logo de l'entreprise dessus, la fameuse montage surmontée d'un marteau.

- J'espère vraiment que Phobos ne nous a pas fait un mauvais coup... maugréa Connor en tournant sur lui-même pour embrasser la pièce du regard.

Au fond d'elle, Lou Ellen l'espérait aussi. Tomber dans un traquenard après tout ce qu'ils avaient enduré aujourd'hui serait la goutte de nectar de trop. Avec inquiétude, elle se demanda si tout allait bien du côté de Will et Nico. Elle n'avait pas besoin des pouvoirs de Lacy pour avoir senti la détresse du fils d'Hadès et elle frissonna en repensant malgré elle aux images du Tartare ou à l'air terrifié de Nico alors qu'il pensait se dissoudre dans les ombres. Avec un peu de chance, Will réussirait à le calmer. Il était doué pour ça après tout, il l'avait toujours été : Will était un guérisseur dans l'âme, ce qui faisait de lui un ami incroyable, toujours prêt à écouter et à aider. Elle ne comptait plus les fois où elle s'était reposée sur lui.

Perdue dans ses pensées, elle manqua de rentrer dans Connor au pied d'un grand escalier en béton et recula précipitamment. Il avait rabattu la capuche de son sweat sur sa tête, sûrement pour être plus discret, et elle se retint de lui faire remarquer que c'était un effort un peu vain quand on entrait illégalement quelque part avec une adolescente vêtue d'un pull rose. Il dut la sentir juste derrière lui car il se retourna à moitié et elle entrevit seulement son profil et ses cheveux châtains qui lui revenaient sur le front. Il ne commenta pas et se remit en marche, furtif. Avec la fin de la guerre et le départ de Travis, elle n'avait pu eu l'occasion de le revoir en action, mais il lui rappelait à cet instant pourquoi il avait été – et restait sans doute – la terreur de la Colonie en matière de blagues et mauvais coups. Elle n'avait tout simplement jamais vu quelqu'un se déplacer comme Connor et avoir conscience de l'espace comme lui. Il balaya le grand hall-hangar du regard et ses traits se crispèrent, concentrés. Elle savait qu'il venait de repérer les issus, les portes, les fenêtres, et les appuis en cas de combats avant même qu'elle n'ait songé à le faire. Hermès n'avait pas gagné le titre de Prince des voleurs en étant désorganisé.

- Qu'est-ce qu'on fait alors ? T'as un plan ? Interrogea-t-elle en se remettant à lui.

- Des idées... admit-il. Beaucoup d'idées, la plupart irréalisable, une bonne dizaine qui impliquerait tour à tour un ballon gonflable, un parapluie armé et Travis, et encore deux ou trois qui pourraient fonctionner avec de la chance et de l'audace mais on n'a rien de tout ça sous la main.

- Même pas la chance et l'audace ? Lança Lacy en souriant.

Connor eut un rictus que Lou Ellen avait appris à reconnaître comme préavis d'embrouille et il s'agita, animé d'une énergie nerveuse et familière qui l'habitait dans les moments comme ceux-là.

- On va vite le voir, répondit-il avant de pivoter sur ses talons et de se planter face à elles. Voilà le plan : on ne sait pas ce qu'on cherche, ni pourquoi on est là. Ça ne servirait à rien de foncer dans le tas. (Il désigna la volée de marches derrière lui). Je propose qu'on monte à l'étage en essayant de se faire remarquer le moins possible et qu'on se glisse dans un conduit de ventilation. C'est pratique pour se déplacer, observer, écouter ! On en apprendre sans doute plus.

Lou Ellen émit un bruit de gorge, à moitié convaincue. Dans l'idée, le plan était bon et logique, mais elle détestait le fait de ne pas savoir ce qu'ils faisaient là. A ce rythme, ils pouvaient bien rester planquer des jours dans leur conduit de ventilation. Elle allait faire part de ses doutes quand une voix s'éleva au-dessus d'eux :

- C'est une bonne stratégie, mais vous pourriez tout simplement vous adressez à nous.

D'un même mouvement, ils sursautèrent et levèrent la tête. En haut de l'escalier, un homme était penché par-dessus la balustrade, un fin sourire sur le visage. Immédiatement, Connor dégaina son épée, Lacy leva ses poignards et Lou Ellen fit apparaître une boule de cochon-magie entre ses mains. L'homme haussa un sourcil.

- Doucement, enjoignit-il en faisant le tour pour descendre vers eux. N'employons pas la violence si vite. Après tout, c'est vous qui vous êtes introduits ici et qui avez des comptes à nous rendre, non ?

Il descendait maintenant les escaliers et Lou Ellen put véritablement l'observer. D'apparence humaine, il était vêtu d'un habit étrange, entre blouse de travail et toge de prêtre. Une montagne et un marteau étaient brodés sur le devant de sa poitrine et il tenait un grand agenda entre ses mains. Quand il arriva enfin à leur hauteur, il ne parut pas se formaliser de leurs regards méfiants et leur adressa un hochement de tête ferme et avenant.

- Bienvenue chez les Dactyles idéens, annonça-t-il d'un ton professionnel. Je dois avouer que votre visite est un peu inattendue mais nous sommes ravis de vous accueillir.

Lou Ellen cligna des yeux. Ce qu'elle trouvait inattendu, c'était la tournure que prenait la situation.

- Vraiment ? Dit-elle, étonnée. Vous êtes ravis ?

- Ravis est peut-être un mot fort, concéda-t-il, l'air embêté. Après tout, notre vigile est habituellement compétent, mais votre intrusion prouve qu'il n'est pas infaillible.

- Oh, j'espère qu'il n'aura pas d'ennuis... s'inquiéta Lacy.

Elle jeta un coup d'œil dans son dos, mais ils ne pouvaient pas le vigile depuis l'intérieur.

- Les ressources humaines s'en chargeront, éluda l'homme après court silence. Mon nom est Danaméos, mais vous me connaissez peut-être sous le pseudo de DanaMagic sur Youtube ? Je tiens une chaîne de magie et d'astuces de bricolage.

- Ah...

- On a du louper l'info, s'excusa Lou Ellen qui ne voyait absolument pas ce dont il parlait. Hum... En fait, on cherchait les Dactyles...

- Vous les avez donc trouvés, ma chère. J'en suis moi-même un.

Il inclina la tête légèrement avec cérémonie. Connor le dévisagea.

- Excusez-moi de poser une question sûrement bête mais... Qu'est-ce que c'est les Dactyles exactement ?

- Comment ça « qu'est-ce que c'est » ? (Il les regarda tour à tour avec perplexité). Je croyais que vous nous cherchiez.

- C'est un peu la partie bizarre de l'histoire... On nous a dit de venir vous trouver parce qu'on a un problème, expliqua Lou Ellen. Ou plutôt un quête. Nous sommes à la recherche des torches de ma... de Hécate.

Pendant une seconde, elle fut persuadée que Danaméos allait lui rire au nez et la traiter de folle, mais il la surprit en faisant une expression sombre, l'air en colère.

- Le vol des torches est inacceptable, nous n'arrivions pas à y croire, s'insurgea-t-il. Faire ça à notre bienfaitrice !

- Votre bienfaitrice ? Répéta Connor.

- Bien sûr ! Dame Hécate est la bienfaitrice de tous les magiciens et de toutes les magiciennes. Elle guide ceux qui empruntent les chemins obscurs des arts sorciers, même si ce ne sont pas ses enfants. Peu de dieux ont cette considération. Hermès est peut-être le seul, lui qui veille sur les voyageurs et les écumeurs de possibles.

La formulation était belle, songea Lou Ellen en croisant le regard de Connor. Sans le savoir, Danaméos venait de mettre en évidence un nouveau lien entre eux et elle se détourna en priant pour ne pas rougir.

- Donc Hécate est votre divinité bienfaitrice ? Résuma-t-elle.

- Elle et Héphaïstos, oui, confirma Danaméos. Nous sommes un peu à la frontière de leurs deux arts : la magie et l'industrie. Nous construisons en mêlant le fer et les enchantements. C'est notre nature. (Il tapota le logo brodé sur sa poitrine avant de se mettre à raconter). Vous voyez cette montagne ? C'est le mont Ida en Crète. Notre maison, notre origine si on peut dire. Nous sommes semblables à nos frères Telchines car nous avons tous découverts le pouvoir créateur de la métallurgie et de la magie mais, contrairement à eux, nous sommes restés une petite entreprise familiale. Voyez-vous, on nous appelait « les Doigts du mont Ida » parce que vous avions nos forges dans cette montagne et que nous étions dix, comme les doigts des mains !

- Donc vous... forgez le métal ?

- C'est cela ! Nous travaillons le fer, le bronze, l'or impérial avec soin pour apporter une qualité supérieur à nos clients. (Il pointa l'épée que Connor avait toujours en main). Celle-là viens de chez nous, fils d'Hermès. Ton père l'avait commandé pour la Colonie des Sang-Mêlé en demandant d'y graver son emblème il y a environ sept ou huit ans pour ses enfants. La transformation en mousqueton était un de nos ajouts grâce à la magie, comme à peu près toutes les sortes de camouflages d'armes que nous produisons. Dionysos nous doit encore le retour de la facture signée !

Pris au dépourvu, Connor baissa les yeux sur son épée et sembla l'observer d'un air nouveau. Lou Ellen se doutait de ce qu'il pensait : il y a sept ou huit ans, c'était le moment ils étaient arrivés à la Colonie avec Travis. Hermès avait-il voulu offrir un cadeau à ses fils en faisant passer son geste pour un simple signe du hasard ? C'était bien son genre...

- Mais alors... intervint Lacy en jouant avec son bracelet. Vous pouvez nous aider ? Pour les torches de ma mère... je veux dire de Hécate ?

- Bonne question, demi-dieux. Je pense que oui. L'affaiblissement d'Hécate nous affaiblit directement et ce n'est jamais bon pour les affaires ! Avez-vous une idée de l'identité des voleurs ?

- Médée avec certitude, commença à énumérer Lou Ellen. Probablement Pasiphaée et Circée.

Danaméos ne parut pas surpris. Il se contenta de lever les yeux au ciel et de maudire dans sa barbe.

- Evidemment, grommela-t-il. Ces trois-là... Des magiciennes hors paires, vraiment, mais la magie ne vient pas toujours avec la sagesse. Elles en sont certainement l'exemple. (Il leur fit signe de le suivre et remonta l'escalier). Venez, demi-dieux ! Je pense avoir une idée pour vous ! Si tout se passe bien, je pourrais même atteindre 1 million de vue sur ma chaîne diffusée sur le mont Olympe grâce à ça.

Hésitante, Lou Ellen interrogea Connor et Lacy du regard. Ils haussèrent les épaules. « Et puis après tout, pourquoi pas », songea-t-elle. Advienne que pourra. Ce n'était pas comme s'ils avaient d'autres pistes. Déterminée, elle emboîta le pas à Danaméos.

**

*

La forge des Dactyles était énorme. Il n'y avait pas d'autres mots pour la décrire. Sur toute la surface du bâtiment s'étendait un atelier à la fois chaotique et organisé. Peu importe où Lou Ellen posait le regard, tout était en mouvement : un réseau de tapis roulants acheminaient des bouts de métaux et des armes à moitié construites entre des passerelles en fer qui formaient plusieurs niveaux. Au sol, des grandes cavités et des chaudrons fumants abritaient des flammes dansantes ou ce qui semblait être de l'or impérial en fusion tandis qu'un peu plus loin deux hommes maniaient une enclume avec force et précision. Tout en haut, sur la plus haute passerelle le plus loin possible du feu, plusieurs personnes étaient penchées au-dessus de vieux grimoire ou agitaient leurs mains au-dessus d'épées, de marteau, de massues et d'arc. Des étincelles magiques jaillissaient de leur main pour s'infiltrer dans le métal encore malléable. Toute la scène était baignée dans une lueur rougeoyante en bas et mauve en haut, sans parler de la fumée et de la Brume qui s'entrecroisaient. Même la chaleur paraissait tangible tant elle était forte.

- Par les dieux... admira Lacy. Ça c'est une forge !

- Merci, apprécia Danaméos avec superbe. Nous en sommes très fiers, je ne vous raconte pas la difficulté de la transporter du mont Ida à Rome sous le règne de Tibère. (Il commença à descendre le long d'un escalier en métal qui grinça sous eux, à peine audible par-dessus le fracas de l'enclume plus bas). Prochainement, on devrait se délocaliser à Chicago, ajouta-t-il, d'où les cartons dans le hall. On attend qu'Hermès vienne nous donner un coup de main !

- Faites gaffe, marmonna Connor, il peut vous faire attendre des années avant de se pointer. Ou ne pas se pointer du tout d'ailleurs...

Danaméos ne parut pas l'entendre, continuant sa route avec bonne humeur. Lou Ellen, elle, l'entendit. Son cœur se serra une seconde. Dernièrement, peut-être depuis que Hermès avait rendu visite à Travis, elle sentait bien la rancœur qui s'accentuait chez Connor. Elle savait qu'il n'était pourtant pas jaloux de son frère : Travis n'avait après tout rien demandé. Mais il avait une attente qui bouillonnait en lui d'enfin faire face à son père, de pouvoir lui dire ce qu'il avait sur le cœur et sans doute de retrouver l'égalité qu'il avait toujours connu avec son frère. Elle espérait qu'il aurait bientôt la chance d'avoir cette conversation si attendue. Elle-même restait encore ambiguë quant à sa rencontre avec sa mère, mais elle ne la regrettait pas. Ça avait au moins eu le mérite de lui faire comprendre qu'elle ne devait rien attendre de vraiment maternelle de la part de Hécate qui n'était de toute façon pas connue pour être la déesse la plus proche des mortels, même lorsqu'il s'agissait de ses enfants. Hermès, en revanche, l'était davantage. Elle supposait que ça rentrait dans sa sphère d'influence de dieu des messages et de la communication.

- Celmis ! Appela soudain Danaméos lorsqu'ils atteignirent le premier niveau de la forge. Viens donc, je voudrais te présenter nos visiteurs.

Le dénommé Celmis releva la tête de sa table de travail, son marteau encore à moitié levé, et avisa leur petit groupe. Il avait le crâne chauve et portait un bleu de travail plus classique que celui de Danaméos, définitivement le commercial de la bande. A pas mesurés, il arriva à leur hauteur.

- Bonjour, les salua-t-il. Bienvenue chez les Dactyles.

- Enchantée, répondit Lou Ellen. Désolée de débarquer à l'improviste.

- Ce sont des sang-mêlés, expliqua Danaméos. Ils sont en quête pour retrouver les torches de Dame Hécate. Apparemment, le coup aurait été monté par Médée, Circée et Pasiphaé.

- Rien d'étonnant...

- Oui, c'est ce que j'ai dit aussi. (Ils échangèrent un regard entendu). Mais enfin, je te les amène car ils ont été dirigés vers nous pour obtenir de l'aide. Bien évidemment, je pense que nous sommes les plus qualifiés pour les soutenir dans leur entreprise. Je pensais que tu pourrais peut-être reproduire ton fameux poignard, celui où tu avais inversé la polarité magique ?

Celmis parut pensif, l'air un peu patibulaire, mais il acquiesça malgré tout avec solennité.

- Ca pourrait fonctionner, oui. J'étais justement en train de travailler sur un bloc de fer qui serait très réceptif à ce genre de sortilège. (Il balaya leur groupe du regard, sourcils froncés). Mais ça va prendre un peu de temps, sans doute une bonne heure.

- Une heure ? C'est tout ? S'exclama Connor, surpris. Oh par les dieux, je m'attendais à rester coincer à Rome pendant trois semaines ! C'est parfait ! Il fait quoi au juste ce poignard ?

- Il annule la magie. Si un magicien ou une magicienne est touché par le poignard, celui-ci absorbe sa magie momentanément. Plus l'exposition au poignard est longue ou profonde – une entaille ou un coup plus violent – plus la retenue de magie est importante.

Immédiatement, Lou Ellen dressa l'oreille. Un poignard pareil contre trois magiciennes, ça n'avait pas de prix et elle n'était pas idiote : il représenterait un avantage certain. Connor et Lacy durent penser la même chose car ils hochèrent la tête, intéressés.

- Mais... Qu'est-ce que vous voulez en échange ? Demanda Lacy, méfiante.

Lou Ellen lui fut reconnaissante de poser la question. D'après son expérience, rien ne venait jamais gratuitement, elle le savait. Danaméos sourit comme un politicien.

- J'avais une idée en tête, admit-il. Voyez-vous, nous étudions la magie avec passion et précision depuis des siècles maintenant comme beaucoup d'autres. Médée et Circée par exemple. De grandes enchanteresses qui ont maîtrisé la magie car elles avaient une affinité avec, exactement comme nous. (Il désigna la forge de la main, englobant la dizaine de silhouettes qui s'agitait entre les passerelles). Mais la descendance d'Hécate est quelque peu... différente. La magie coule dans leurs veines.

A ces mots, il la regarda cette fois spécifiquement et Lou Ellen sentit une pointe de malaise se matérialiser au fond de son esprit. Elle laissa pourtant le Dactyle continuer.

- Nous essayons d'en comprendre le fonctionnement de la façon la plus scientifique possible et ça serait un grand honneur pour nous si vous nous autorisiez à... faire quelques tests. En tant que fille d'Hécate, vous nous seriez précieuse.

- Quel genre...

- Hors de question, interrompit Connor, soudain tendu. Elle n'est pas un rat de laboratoire !

Danaméos s'empressa de lever les mains, apaisant.

- Bien sûr, bien sûr ! Ca ne serait rien d'extrême, juste quelques démonstrations de magie et prises de sang, un scanner tout au plus...

- Non, vous ne...

- Connor, attends.

Elle le coupa, incertaine de ce qu'elle s'apprêtait à dire. S'il ne s'agissait que de prises de sang et d'une démonstration, ce n'était pas la mer à boire et elle pouvait faire un effort. Pourtant, l'idée de servir de cobaye la mettait mal à l'aise. Danaméos dut lire son expression car il s'adressa à elle, ignorant Connor qui s'était presque positionné devant elle comme s'il avait peur qu'une armée de scientifique ne débarque pour l'enlever.

- Je vous promets que tout sera fait dans le plus grand respect, assura-t-il. Aucune douleur, juste une aiguille pour la prise de sang et nous pourrons extraire votre magie pour l'analyser pendant votre démonstration.

A nouveau, elle hésita. Mais Danaméos avait l'air sincère.

- Si ce n'est que ça...

- Parfaitement !

- Alors d'accord, accepta-t-elle.

- Lou...

- Je vous propose de venir avec moi dans ce cas, invita Danaméos. Et comme preuve de ma bonne foi, cette jeune demoiselle peut rester avec Celmis pendant la création du poignard pendant que vous nous accompagner si vous le souhaitez ? Ajouta-t-il en direction de Connor.

Il croisa les bras sur son torse et lâcha un rire sans joie.

- Comme si j'allais la laisser y aller seule, rétorqua-t-il. Bon, allez-y, montrez-nous.

Sans leur laisser de temps de changer d'avis, Danaméos s'empressa de les guider vers les escaliers qui menaient en haut des passerelles pendant que Lacy et Celmis s'éloignaient vers la table de travail de ce dernier. Plus ils gravissaient les étages, moins la chaleur était forte et Lou Ellen fut capable de respirer plus librement. A chaque marche, elle tentait de contrôler son appréhension, mais ça s'avérait difficile. Elle s'attendait à tous moments à une attaque des Dactyles, mais leur façade bienveillante ne se craquela pas une fois. Danaméos faisait même la conversation, leur racontant comment il avait lancé sa chaîne Youtube et entretenait maintenant une relation privilégiée avec ses abonnés et sa communauté. Sa voix se réduisit à un bruit de fond et elle vit bien que Connor ne l'écoutait pas non plus. Ses yeux, alertes, ne cessaient de regarder de tous les côtés et elle se détendit légèrement. Elle n'était pas seule.

Arrivés au troisième niveau, Danaméos les fit emprunter une passerelle plus petit qui semblait n'avoir aucun sens puisqu'elle terminait en plein dans un mur. Pourtant, lorsqu'ils s'approchèrent, Lou Ellen distingua les contours d'une porte. Danaméos rentra un code dans un boîtier positionné sur le côté et le battant s'ouvrit dans un clic sonore. De l'autre côté, l'équivalant des forges se déployait sur un immense laboratoire de plein pied. Contrairement à la forge, baignée dans une lueur rouge ambiante, la pièce était entièrement blanche et éclairée aux néons. D'autres Dactyles travaillaient, penchés au-dessus de paillasses couvertes de tubes à essais et de notes griffonnées. Il y avait même des objets qui flottaient dans l'air, suspendus par magie pendant que des hommes en blouses blanches observaient le phénomène.

- Des flèches capables de voler seules seraient intéressantes pour la prochaine saison, disait l'un d'eux en repoussant ses lunettes.

- Certainement, certainement. Et nous pourrions... Oh Danaméos ! Que fais-tu ici ? Accompagné en plus !

A nouveau, Danaméos se chargea de faire les présentations. A la mention de sa filiation, les yeux des deux Dactyles se mirent à briller d'intérêt.

- Une fille d'Hécate ! Merveilleux !

- N'est-ce pas ? C'est pour cela que je vous l'amène. Elle a gracieusement accepté de passer quelques tests pour vos recherches et de faire une démonstration de sa magie.

- Vraiment ? Mais c'est fantastique ! Venez donc, mademoiselle. (Il l'entraîna vers un coin du laboratoire qui ressemblait à une sorte d'infirmerie). Je m'appelle Émon. Je vais procéder aux tests. Venez, asseyez-vous ici.

Émon se mit à s'activer. En quelques minutes, Lou Ellen se retrouva branchée à une machine qui enregistrait ses signaux vitaux avec plusieurs électrodes et elle dû enlever sa veste pour la prise de sang. L'aiguilla la piqua à peine. Elle était trop déboussolée pour vraiment y faire attention et elle croisa le regard de Connor, assis sur une chaise prêt d'elle. Il surveillait avec attention tous les gestes de Émon.

- Je reviens, je vais préparer le protocole pour les test de magie. N'hésitez pas à m'appeler s'il y a un problème, je laisse la machine continuer à enregistrer vos données.

- Oh... D'accord...

Et juste comme ça, Émon repartit en slalomant entre les paillasses du laboratoire, la laissant avec Connor. Pendant plusieurs secondes, aucun des deux ne parla. Nerveuse, elle croisa ses jambes puis les décroisa, sensible aux non-dits qui pesaient entre eux. Comme souvent, ce fut Connor qui se retrouva incapable de supporter le silence.

- Lou... On peut parler ?

Elle grimaça.

- Aucune conversation n'a jamais bien commencé avec cette phrase, commenta-t-elle en observant ses ongles comme s'ils étaient devenus aussi intéressants que l'Athéna Parthénos. Mais oui... Oui, je suppose qu'on peut parler.

- Je ne sais pas, c'est toi qui avait l'air... Enfin tout à l'heure tu as dit sur Drew...

- C'était juste une blague, Connor.

Elle tenta de mettre autant de conviction que possible dans sa voix, mais elle était trop crispée pour que ça fasse naturel. Connor ne s'y trompa pas.

- Je suis le spécialiste des blagues, cherche pas à raconter n'importe quoi, lui opposa-t-il. Si t'as quelque chose à me dire, dis-le franchement. Je déteste marcher sur des œufs.

- Je n'ai rien à dire pourtant. Pas plus que ce que t'as déjà compris.

Instinctivement, elle baissa les yeux, incapable de l'affronter. Son courage avait ses limites et elle sentait son cœur battre à tout rompre à cause de la nervosité qui lui tordait le ventre. L'aiguille dans son bras était peut-être la seule chose à laquelle elle pouvait s'accrocher comme point d'ancrage.

Pendant plusieurs secondes, Connor resta silencieux. Quand il reprit, ce fut d'une voix lente, presque hésitante.

- Tu veux dire que... La raison pour laquelle le baiser avec Drew t'agaçait c'était parce que...

- Parce que j'étais jalouse, oui. Ne fais pas semblant de ne pas le savoir, s'il te plaît. Pas après tout... Je veux dire on a passé l'été ensemble, je t'ai ramassé à la petite cuillère quand Travis est reparti et... (elle déglutit, la gorge nouée et étouffée par l'angoisse qui la rangeait). Enfin je veux dire, tu t'en doutais forcément !

- Quoi ? Non !

Elle le dévisagea. Au bout de quelques secondes, il se tortilla sur sa chaise, mal à l'aise et jeta ses mains vers le plafond.

- Oui, bon, d'accord, soupira-t-il. Je m'en doutais. Mais... je me doutais du crush quand on était plus jeunes, c'était marrant. Je ne pensais pas que... encore maintenant tu...

- Bah si « encore maintenant », coupa-t-elle sur la défensive. Tu t'en amusais bien à une époque. Tu faisais tout pour me faire rougir.

Aujourd'hui, ce fut lui qui rougit et il eut le mérite d'avoir l'air penaud. A nouveau, Lou Ellen déglutit pour essayer de faire passer cette foutue boule qui lui obstruait la gorge, sans succès.

- J'étais pas malin, reconnu-t-il. J'avais surtout aucun intérêt pour les filles à ce moment-là, tout ce que je voulais c'était rendre Chiron et Annabeth fous avec les meilleurs coups !

- Un grand succès...

- Ouais, sans doute...

Il se passa une main dans les cheveux et elle suivit le mouvement avec l'impression qu'elle ne pouvait elle-même plus bouger tant ses muscles étaient contractés.

- Je suis désolée, lâcha-t-elle. Tu ne voulais peut-être pas savoir, mais... je ne pouvais plus le garder pour moi et... (Avec horreur, elle sentit les larmes lui monter aux yeux). Par les dieux, Connor, je ne suis pas sûre de moi ni de mes sentiments en vrai parce que... comment on sait ? Mais je pense que... Enfin, je sais qu'avec toi c'est différent...

Lou Ellen était sûre qu'elle aurait pu servir de combustible pour la forge plus bas tant son visage devait ressembler à un soleil miniature. Ses joues étaient brûlantes et elle ne s'était jamais sentie aussi vulnérable, surtout parce qu'elle n'arrivait pas à lire l'expression de Connor. Elle était bien consciente que ses phrases n'étaient pas cohérentes, mais elle espérait qu'il comprenait. Elle n'avait pas la force de réexpliquer.

- Dis quelque chose, souffla-t-elle quand le silence s'étira.

- Je... je ne sais pas quoi dire, avoua-t-il. Je comprends ce que tu ressens parce que... évidemment que je l'ai ressenti aussi. Mais je ne sais pas si ça veut vraiment dire...

Visiblement, lui non plus n'arrivait pas à aligner une phrase grammaticalement correct, mais ce n'est pas ce qui l'interpellait. « Je l'ai ressenti aussi », venait-il de dire. Son cœur bondit, animé par l'espoir et elle se concentra sur sa respiration pour tenter de se maîtriser. Elle comprenait au fond d'elle les doutes de Connor. Comment les autres avaient su ? Comment Annabeth et Percy, comment Will et Nico, comment Jason et Piper avaient su qu'ils s'aimaient ? Que les sentiments qui les troublaient n'étaient pas dû à une simple ambiguïté ou à une amitié proche ? Et puis elle repensa à sa jalousie vis-à-vis de Drew. Elle n'avait jamais été jalouse des filles qui approchaient Cecil, ni Will, ni aucun de ses amis. Seulement Connor. Même à l'époque où il formait un tout avec Travis à tel point que les gens avaient du mal à les différencier, elle ne s'était jamais trompée. Pour elle, ça avait toujours été Connor. D'abord comme compagnon de bungalow : il avait incarné ce garçon plus âgé qui avait toujours le bon mot ou le sourire en coin à sortir au bon moment. Puis comme ami au fil des étés : il avait été ce partenaire de blagues et d'activités en tout genre, toujours un peu inaccessible parce que personne ne pouvait vraiment se glisser entre les jumeaux Alatir. Elle avait appris à vraiment à le connaître et à le voir pour ce qu'il était. Enfin, elle était devenue son amie proche ces six derniers mois alors que la menace de Gaïa s'accentuait et qu'il se retrouvait pour la première fois sans son frère. C'était sans doute là que tout avait basculé.

Submergée par ses émotions, elle essuya une larme qui venait de rouler sur sa joue et Connor écarquilla les yeux.

- Non, Lou, pleure pas, la supplia-t-il. Sérieusement, tout va bien !

- Désolée... Je me sens idiote, je crois, hoqueta-t-elle, désemparée. J'avais peur que tu... Di immortales, j'étais terrifiée de ce que tu allais dire...

Connor fronça les sourcils. Brusquement, un air déterminé tomba sur son visage et il rapprocha sa chaise pour être le plus près d'elle possible. Penché en avant, il attrapa sa main dans la sienne et elle sentit une sensation de chaleur lui remonter le long du bras.

- Ok, on va mettre un truc au clair, dit-il avec solennité. Premièrement, tu es courageuse à un point que tu n'imagines même pas. Ce que tu viens de faire ? Jamais je n'aurais pu... (Il se passa une main sur le visage avec celle de libre). Et je t'en supplie, n'aie jamais peur de venir ce que tu penses ou ce que tu ressens. Ce que Phobos t'as montré ? Ca n'arrivera jamais, d'accord ?

Il la regarda droit dans les yeux, comme pour ancrer ses paroles et la boule dans sa gorge fondit enfin. Faute de savoir toutefois quoi répondre, elle hocha simplement la tête.

- Alors... murmura-t-elle en s'humectant les lèvres, vidée de son énergie. Qu'est-ce qu'on fait ?

- Honnêtement ? Aucune idée... (Il soupira). Je sais que ce n'est peut-être pas la réponse que tu voulais, mais je pense que j'ai juste besoin d'un peu de temps pour... réfléchir à tout ça. Je ne te dis pas non ni oui, juste...

- Que t'as besoin de temps. Je comprends... je comprends...

C'était vrai, elle comprenait. Ça n'empêchait pas que ça faisait mal, mais c'était déjà moins horrible que l'alternative qu'elle s'était imaginée où il se contentait de la repousser. Elle n'était pas en train de le perdre. Phobos pouvait bien s'amuser à lui montrer ses peurs, Connor venait de lui prouver qu'il ne la repousserait jamais. Et alors que le silence les enveloppait à nouveau, ils ne se lâchèrent pas la main.

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Et voilà ^^ On se retrouve la semaine prochaine pour le chapitre 16... qui est sûrement mon préféré parce qu'on va enfin retrouver Will et Nico mouahaha ! 

Bonne semaine ;)  

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