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Chapitre 11 - A cœur ouvert

Salut  ! Merci à tous pour commentaires sur le dernier chapitre, ça m'a fait très plaisir. J'adore de plus en plus écrire cette histoire donc la partager est vraiment génial !

Je sais que je ne mets pas de citation d'habitude pour cette fanfiction, mais ce chapitre peut en appeler deux donc les voici ! Bonne lecture ! 

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"Tu seras viril mon kid, tu tiendras dans tes mains l'héritage iconique d'Apollon / Et comme tous les garçons, tu courras de ballons en champion / Et deviendras mon petit héros historique".

- Eddy de Pretto, Kid

"Tu seras jolie ma fille, ta silhouette, sa minceur, l'esthétique / Les figures imposées, les diktats le verdict / Il faut être belle pour se faire aimer".

- Barbara Pravi, Kid réécriture

Chapitre 11 : A cœur ouvert

Tant bien que mal, Will essaya de cacher sa déception et son inquiétude quant à la décision de Lou Ellen. Dès que l'arc-en-ciel s'était dissout, emportant les images tremblantes de Kayla et Austin, tout le monde s'était mis à s'activer et il n'avait pas pu faire autrement que suivre le mouvement.

Pour se donner l'illusion d'être utile alors que Nico, Connor et Lou Ellen discutaient stratégie, il rangea les matelas gonflable avec Lacy. La fille d'Aphrodite avait abandonné son pull rose pour un haut blanc au logo du groupe Guns N'Roses qui lui donnait un air plus rock. Alors qu'elle repliait la couverture violette avec laquelle elle avait dormi cette nuit, Will se décida à rompre le silence :

- Ca a été sur le canapé ? T'as pu réussir à t'endormir ?

- Oh je crois que j'aurais pu m'endormir par terre, le rassura-t-elle. J'étais fatiguée...

- Oui, moi aussi... dit-il. Je pense que le « test » de Mélinoé dans nos têtes était plus épuisant qu'on le croyait.

Lacy tressaillit.

- C'était vraiment étrange, marmonna-t-elle. Quand elle m'a enveloppé dans la fumée, c'est comme si... le reste de la grotte avait disparu et qu'on était juste toutes les deux. Du coup, elle connaissait toute vie et je ne pouvais pas m'échapper...

- Oui, je comprends, j'ai ressenti ça aussi, avoua-t-il.

Il se rappela soudain la sensation d'étouffement, presque comme s'il était emprisonné, alors que la fumée s'était enroulée autour de lui en même temps que l'emprise de Mélinoé. Il pouvait presque encore sentir le souffle de la déesse au creux de son oreille tandis que les silhouettes de Lee Fletcher et Michael Yew se dressaient devant lui, impassibles et inchangées, figées par la mort. C'était une réalité difficile à appréhender : Lee et Michael avaient tous les deux été ses grands frères, ses conseillers en chefs, ses modèles. Ils lui avaient paru tellement plus âgés que lui, plus mûrs et plus sages. Aujourd'hui, Will se trouvait ridicule. Il avait l'âge de Michael quand il était mort et seulement un de moins que Lee... Et par les dieux, il n'avait pas l'impression d'être ni mûr ni sage.

La poitrine comprimée par le souvenir de ses frères, il secoua la tête et se reconcentra sur Lacy. Il se souvint de ce qu'il avait entendu Mélinoé lui dire derrière le mur de fumée.

- Elle a parlé de tes grands-parents, c'est ça ?

Tendue, Lacy crispa ses mains autour de la couverture contre elle et Will crut un instant qu'il avait été trop loin, mais elle répondit avant qu'il n'ait pu s'excuser :

- J'ai vécu avec eux depuis que je suis petite, raconta-t-elle. Mon père est revenu vivre chez eux après que ma... enfin après qu'Aphrodite l'ait quitté. Il ne s'en remettait pas, il en a même perdu son travail. Alors mes grands-parents l'ont aidé et ils ont décidé de m'élever. (Elle battit des paupières et des perles de larmes s'accrochèrent à ses cils). Ils sont morts il y a deux ans, quelques jours après mon dixième anniversaire... Un accident de voiture.

- Je suis désolé...

Lacy déglutit. Les yeux baissés, elle empila les couvertures ensemble et sa voix se mit soudain à trembler et à dérailler :

- Je... je venais d'arriver à la Colonie. Mon père était tellement paumé qu'il n'a pas réussi à me joindre tout de suite et j'ai appris la nouvelle une semaine plus tard... Je n'ai même pas pu me rendre à l'enterrement...

- Oh Lacy...

Sans hésiter, il tendit un bras vers elle et elle se laissa faire. Un sanglot s'étouffa dans sa gorge. Will, qui n'avait jamais eu de problème à être tactile, referma mécaniquement ses bras autour d'elle. Il aurait aimé pouvoir faire disparaître sa peine aussi facilement qu'il le faisait lorsqu'il s'agissait d'une blessure physique, mais il savait que la douleur de Lacy était bien plus profonde. Et il ne pouvait pas lutter contre ça...

De l'autre côté de la pièce, Lou Ellen, Connor et Nico avaient relevé la tête en entendant les pleurs de Lacy. Ils lui jetèrent un regard perplexe et inquiet à la fois et Nico amorça même un mouvement pour se lever, mais Will l'arrêta en secouant la tête discrètement. Il ne voulait pas que Lacy se sente soudain acculée par tout le monde.

- Viens, souffla-t-il. Je vais te donner un verre d'eau, on va discuter.

Sans la lâcher, il l'entraîna vers la cuisine et referma la porte du salon pour faire bonne mesure. Lacy s'assit sur un tabouret de cuisine, le même que celui de Nico plus tôt ce matin, et Will se demanda combien de crises il allait devoir gérer aujourd'hui. Mais après tout, ça ne le dérangeait pas. Il était presque même habitué. Il ne savait pas si c'était parce qu'il renvoyait l'image d'un « gars cool et sans pression » comme lui avait un jour dit Kayla, mais les pensionnaires de la Colonie avaient souvent tendance à se confier à lui lors de passages à l'infirmerie. Il supposait qu'il était un peu devenu une figure quotidienne pour eux : celui qui soignait, guérissait, écoutait, donnait des conseils. Et il était heureux de pouvoir reprendre ce rôle pour Lacy, même pendant leur quête.

- Là, respire un grand coup, intima-t-il en lui tendant un verre d'eau.

- Merci...

Elle le porta à ses lèvres, mais n'en but qu'une petite gorgée. Il ne réalisa qu'elle avait mis du crayon qu'en voyant les légères traces noires sur ses joues, comme si sa tristesse s'était extériorisée et avait littéralement marqué sa peau.

- Désolée, murmura-t-elle, je ne sais pas ce qui m'a pris.

- Eh, tu n'as pas à être désolée. Mélinoé a été dure avec tout le monde, c'est normal que tu sois perturbée.

- Tu parles... (Elle laissa échapper un rire sans joie et cynique qui ne lui allait pas du tout). Les autres n'ont pas pleuré. Toi non plus. Il n'y a que moi...

- Chacun gère à sa manière, Lacy. Tu as vu tes grands-parents et ils te manquent. C'est parfaitement normal que tu...

- Nico a vu sa mère, protesta-t-elle, le regard résolument baissé. Il n'a pas pleuré.

- En toute honnêteté, Lacy, je ne crois pas que Nico soit le meilleur modèle quand il s'agit de sentiments. (Il sourit et ajouta d'un air conspirateur). Mais ne lui dit pas que j'ai dit ça, il fait des progrès.

Lacy sourit en retour, amusée une seconde, avant de reprendre son expression plus sérieuse.

- Mais Mélinoé a fait passer le test à tout le monde... objecta-t-elle. Et je suis la seule qui pleure... Drew dirait que je fais encore ma gamine.

Will se retint véritablement de rouler des yeux et d'insulter Drew.

- Lacy, tu as douze ans par les Dieux. Ne laisse pas Drew te faire croire que tu dois grandir trop vite, crois-moi. Je... j'ai entendu ce que Mélinoé t'a dit à la fin. Sur le fait que tu avais peur de... enfin...

Gêné, il butta sur ses mots et Lacy s'empourpra. Il faillit changer de sujet de discussion, puis il se fustigea mentalement. C'était en mettant des tabous sur les choses et en refusant d'en parler que les lignes ne bougeraient jamais. Et si Will détestait bien quelque chose, c'étaient les lignes fixes, les idées reçues. Essayant de feindre la nonchalance pour ne pas mettre Lacy mal à l'aise, il reprit d'une voix neutre :

- Que tu avais peur du changement maintenant que tu grandis, toute l'idée des attentes sur les filles d'Aphrodite...

- Je... je ne pensais que tu avais entendu... marmonna-t-elle. C'est idiot en plus...

- Non, je ne crois pas. Je trouve que c'est même plutôt important, assura-t-il avec fermeté. Je comprends aussi que ce n'est pas toujours facile quand les autres attendent quelque chose de toi.

- Vraiment ?

Will rit pour tenter de dédramatiser et se pointa lui-même du doigt avec humour.

- Tu m'as regardé ? Je ne suis pas exactement le modèle du héros à la Percy Jackson ou Jason Grace.

- Mais tu soignes les gens...

- Oui, je soigne les gens. Et je pense que c'est important, j'en suis fier. Mais ça n'a pas toujours été le cas et il y a encore des jours où c'est pas évident. Tu sais pourquoi ?

Hésitante, Lacy secoua la tête. Ses mèches blondes voletèrent doucement.

- Parce qu'on m'a appris que les garçons devaient être d'une certaine façon. Pas ma mère, mais les autres enfants à l'école, les pubs à la télé, les dessins-animés, tout ! On m'a dit que les garçons et surtout les héros devaient aller combattre les monstres, savoir se battre, s'imposer, avoir des muscles... aller sauver les filles en détresse même.

Il ne put s'empêcher de grimacer sur cette dernière information et Lacy se redressa, soudain alerte. Elle n'avait plus les yeux baissés et Will prit ça comme un signe d'encouragement. Dans un coin de son esprit, il réalisa qu'il avait envie d'en parler depuis un moment mais n'en avait jamais vraiment eu l'occasion.

- C'était même presque pire quand je suis arrivé à la Colonie. Tout le monde devait apprendre à se battre avec des épées, grimper des murs de laves, avoir des entraînements physiques. Moi ? Je lisais des livres de médecine et ce que je préférais, c'était d'aller ramasser les fraises pour pouvoir en manger en douce !

Lacy éclata de rire. Il forçait le trait exprès pour la détendre et ça avait l'air de marcher. Elle l'écoutait, plus détendue, et continua même à boire son verre d'eau.

- Ce n'était pas facile non plus avec mes frères et sœurs, reprit-il, la voix plus basse comme s'il lui confiait un secret, ce qui était certainement le cas en un sens. Ils étaient tous doués en plein de choses artistiques, c'est vrai, mais surtout en tir à l'arc ou en combat rapproché.

- Tu sais tirer à l'arc, coupa Lacy. Je t'ai vu pendant les entraînements de tirs !

- C'est vrai, admit-il, mais je ne suis pas aussi doué que j'aurais pu l'être.

- Parce que ton père est Apollon ?

- Voilà. Exactement. Disons que... comment dire ? Il y avait des attentes qui pesaient sur moi. De la part de tout le monde. Ma famille, mes amis, les autres à la Colonie, Chiron... C'était assez dur. Pourtant, j'étais très doué en une chose.

- Guérir les autres !

Will sourit, incapable de se retenir.

- Ouais, guérir c'était mon truc. Et c'était peut-être pas aussi impressionnant que les constructions des Héphaïstos, les combats menés par les Arès ou même les pouvoirs de personnes comme Percy ou Jason, mais...

- C'est hyper cool quand même, termina Lacy pour lui, enthousiaste. T'as sauvé tout le monde plein de fois !

Cette fois, il rit franchement. La sincérité de Lacy le toucha malgré lui.

- Ce que j'essaye de te dire, c'est que les gens auront souvent des codes et des normes pour toi. Et ça va être dur de t'en détacher. Mais crois-moi, les attentes des autres sont ridicules si elles te mettent mal à l'aise ou si tu ne t'y reconnais pas. D'ailleurs, il faudrait ignorer les attentes des autres. Ce qui est important, c'est ce que toi tu veux faire et être. Tu comprends ?

- Oui... oui, je crois.

Lacy le regarda intensément et enroula une mèche blonde autour de son doigt. Il sentait bien qu'elle voulait dire quelque chose, mais que les mots mettaient du temps à sortir. Heureusement, fréquenter Nico lui avait appris une chose : être patient pour mettre l'autre assez en confiance. En voyant qu'il ne cherchait pas à la forcer ni à lui couper la parole, Lacy se décida à parler :

- Mais... Pour les filles... Drew a dit qu'il y avait des règles pour notre bungalow.

- Je sais. Je connais ces règles. Elles sont stupides.

- Tu penses ? Fit-elle d'une petite voix.

- Crois-moi, je pourrais en faire un manifeste tellement les règles de Drew m'énervent. (Il serra ses poings contre ses genoux et se laissa le temps d'inspirer avant de reprendre). C'est un peu l'opposé de ce qu'on attendait de moi comme fils d'Apollon, non ? Être le garçon artistique, sarcastique, sûr de lui et bon en sport. Pas un geek qui aime Mario Kart, la médecine et Star Wars. (Il la désigna d'un geste de la main). Toi, c'est pareil. Parce que tu es la fille d'Aphrodite, certains, comme Drew, pensent que tu devrais juste être jolie, penser aux garçons, leur briser le cœur, et surtout ne pas mettre le pied sur un champ de bataille. C'est ça, pas vrai ?

Nerveusement, Lacy acquiesça. Elle paraissait soudain petite, perchée sur son tabouret, les épaules voûtées en avant comme si elle cherchait à se protéger. Pas une enfant ni encore une femme, elle renvoyait l'image d'une jeune fille perdue et déstabilisée. Pourtant, elle le surprit en reprenant la parole.

- Avec Drew, c'était ça... Et un peu avant elle aussi. Mais Piper a voulu changer les règles. Elle disait qu'on devait participer à Capture l'Etendard.

- Et t'étais d'accord avec elle ?

- Oui, oui... Je ne suis pas très douée, mais j'aimerais essayer de mieux me battre. Comme Lou Ellen hier.

Will sourit, attendri.

- Mais Drew disait que se battre n'avait rien à voir avec les domaines d'influence d'Aphrodite et que ça allait contre notre nature... poursuivit Lacy, visiblement soulagée de pouvoir enfin dire ce qu'elle avait sur le cœur. Qu'on ne pouvait pas mêler sentiments et guerre, apparence et combat. Je l'ai enlevé à la fin de l'été, mais elle se moquait aussi de mon appareil dentaire. Et de mes couettes.

Maintenant qu'elle le disait, Will se rendit soudain compte du changement d'apparence de Lacy depuis quelques temps. Terminé l'appareil dentaire, terminé les couettes blondes de petite fille. Elle portait ses cheveux détachés ou stylisés et se maquillait davantage. Il ressentit une colère sourde gronder en lui à l'idée que les commentaires piquants de Drew aient pu l'atteindre.

- Bon, écoute-moi bien, dit-il avec sérieux. On va mettre quelque chose au clair : tout ceux qui ont un argument qui repose sur « ce truc est contre nature », ça commence mal. On est des demi-dieux, le combat fait autant partie de toi que l'héritage de nos parents divins. Et la personne qui déclare que le bungalow 10 ne devrait pas se battre n'a clairement jamais vu Piper sur un champ de bataille ou Silena foncer sur un Drakon pendant...

L'image de Silena Beauregard surgit dans l'esprit de Will avec force en même temps qu'il parlait et les mots s'estompèrent d'eux-mêmes en lui. Il laissa sa phrase en suspens. Il réalisa que Lacy n'avait même pas connu Silena et à nouveau le sentiment complexe de nostalgie, de perte et de culpabilité déferla en lui. Pour éviter de s'attarder sur un souvenir douloureux, il préféra faire comme si de rien n'était et continua :

- Tout ça pour dire que tu n'as pas à t'inquiéter de ce que dit Drew. Si elle ne veut pas se battre, c'est son choix, il est respectable. Mais tes choix le sont tout autant. Et tes couettes étaient supers.

- Merci, souffla-t-elle en souriant.

Dans ce simple mot, Will sentait qu'elle était sincère. Ses pleurs avaient cessé et elle paraissait plus apaisée. Ça ne faisait aucun doute qu'elle juste eu besoin de parler et que l'évocation de ses grands-parents avait juste été un déclencheur. Maintenant qu'elle avait vidé son sac, elle se mordit la lèvre, gênée de sûrement voir la conversation s'achever, et son regard glissa vers la porte.

- On... on devrait peut-être rejoindre les autres, non ? Fit-elle.

- Ouais, bonne idée. Il va falloir qu'on parte en plus.

Ils se levèrent tous les deux. Ils allaient franchir le seuil de la cuisine lorsque Will se souvint soudain d'une dernière chose et il retint Lacy par le bras. Elle haussa un sourcil.

- Eh juste une dernière chose. J'aurais voulu qu'on me le dise alors... (Il expira un grand coup). Tu sais ce que je disais sur les normes et les codes qu'on nous impose ?

- Oui ?

- Ca vaut aussi pour autre chose que les attentes sur les genres... Quand on disait que les filles d'Aphrodite devaient briser le cœur des garçons... Dis-toi qu'elles peuvent aussi briser ceux d'autres filles. De tout le monde même. Les genres vont au-delà du masculin et du féminin. (Il reconsidéra soudain sa phrase). Enfin, il vaut mieux éviter de briser le cœur des gens évidemment mais... bref, tu m'as compris je crois... ou j'espère au moins...

Les joues rouges, Lacy hocha la tête, même si elle le regarda avec une certaine solennité. Il aurait aimé lui dire plus, mais il n'oubliait pas qu'elle avait tout juste douze ans et qu'elle avait le droit d'être une enfant encore quelque temps. Il aurait aimé lui dire ce que lui-même aurait aimé entendre à son âge : que l'amour n'était pas figé, n'avait pas qu'une seule forme, et qu'il n'y avait pas une bonne façon d'aimer. Que l'amour et l'attirance étaient des choses complexes et qu'elle n'était pas obligée d'être sûre d'elle ou au contraire de s'obliger à rentrer dans des cases parce que la société l'avait déclaré. Il aurait aimé lui dire que même en sachant cela, c'était normal de ressentir quand même la pression du regard des autres. Il se souvenait encore de ses pensées lorsqu'il avait dû finir par s'avouer à lui-même que ses sentiments envers Nico n'étaient pas « normaux ». Le mot de normalité l'avait obsédé longtemps et il s'était détesté pour ça. Il aurait voulu être au-delà de ces codes d'un autre temps, mais la réalité était vicieuse. Parce que la normalité, ou du moins l'image qu'elle véhiculait, était partout autour de lui : dans les films, dans les conversations de ses amis, dans les discours de tous. Petit, sa grand-mère lui demandait toujours s'il avait « une amoureuse », et plus tard ses cousins parlaient du sexe opposé comme si c'était une évidence. Pour Will, l'évidence avait paru effrayante. Trop absolue et fermée. Et il avait fallu qu'il rencontre Nico pour comprendre.

Pourtant, il ne dit rien. Ces questions-là viendraient plus tard. Au moins, Lacy savait qu'il était là pour elle et peut-être que ça suffisait pour le moment.

Dès que Will rouvrit la porte du salon, Connor, Lou Ellen et Nico relevèrent la tête. Ils les dévisagèrent, s'attardant particulièrement sur Lacy, mais aucun ne fit de commentaire en voyant que la situation avait l'air de s'être apaisée et Will leur en fut reconnaissant.

- Alors ? Lança-t-il à la cantonade d'un ton enjoué. On a un plan ?

- A peu près, dit Connor, renversé contre le dossier de sa chaise. On a dû adapter notre plan de voyage puisqu'on ne peut pas vraiment se rendre en Colchide en avion ou en bateau à cause d'une certaine personne.

Sans subtilité, il pointa Nico du pouce. Celui-ci roula des yeux. Will avait presque oublié que les enfants des Trois Grands devaient éviter d'entrer dans le territoire des deux autres dieux principaux.

- Et alors comment on va faire ? La camionnette a ses limites et elle ne roule pas encore sur l'eau.

- Non, c'est vrai, la camionnette n'est pas Jésus, approuva Lou Ellen avec sarcasme. Donc si on ne peut pas voler au-dessus de l'océan ni le traverser, on va passer en dessous.

- Quoi ?

- Le Labyrinthe, explicita Nico. On va prendre le Labyrinthe pour arriver plus vite en Europe. Avec un peu de chance, ça nous fera gagner du temps. Il ne reste plus que huit jours avant Halloween et on doit faire vite.

- Mais... ce n'est pas dangereux ? S'étrangla Lacy. J'ai entendu d'autres pensionnaires raconter des histoires sur le Labyrinthe...

Intérieurement, Will fut reconnaissant que Lacy pose la question. L'idée de descendre dans le Labyrinthe – voire d'y voyager – ne le rassurait pas, mais il ne voulait pas être encore celui qui émettait des doutes.

- Il l'est moins qu'avant, dit Nico. Avec la mort de Dédale, le Labyrinthe s'était en quelque sorte détruit, mais Pasiphaé l'a... ranimé, on pourrait dire, grâce à sa magie. Depuis ça, il est un peu plus sûr. Chiron pense même à l'utiliser pour des activités d'ici quelques semaines, c'est lui qui me la dit.

- Donc il y aura moins de monstres dedans ?

- Moins qu'avant en tout cas, confirma Lou Ellen.

- Et on arrivera à s'y repérer ? Demanda Will, bras croisés avec nervosité.

Il devait pourtant assez bien donner le change car aucun de ses camarades ne parut le remarquer.

- C'est là que nos hypothèses entrent en jeu, répondit Connor, un rictus au coin des lèvres. On mise tout sur nos talents incroyables et notre ADN.

- Je ne te suis pas...

- Fille d'Hécate, instinct développé pour prendre des décisions et savoir reconnaître les bons chemins aux carrefours, commença-t-il à énumérer en pointant Lou Ellen avant de se désigner lui-même. Fils d'Hermès, dieu des voyages, et donc normalement un bon sens de l'orientation. Et enfin, ajouta-t-il en montrant Nico, fils d'Hadès à l'aise dans les souterrains et accessoirement explorateur officieux du Labyrinthe depuis ses onze ans.

- N'importe quoi, marmonna Nico.

- Quoi ? C'est vrai, non ? Tu déambulais dans les couloirs du Labyrinthe pour renforcer tes airs ténébreux je suis sûr. Ça faisait craquer les filles. Et Will probablement.

Alors que Will rougissait – il n'avouerait jamais que Connor avait en partie raison – Nico se contenta de donner un coup de pied dans la chaise du fils d'Hermès. Surpris, Connor n'eut pas le temps de se rattraper au bord de la table avant que sa chaise ne bascule vers l'arrière et qu'il s'écrase au sol dans un cri étranglé. Lou Ellen éclata de rire.

- Tu l'as cherché, imbécile ! Se moqua-t-elle.

- Peut-être bien, marmonna-t-il. Aïe.

Il se frotta les côtes en ronchonnant, même s'il n'avait pas l'air de s'être réellement fait mal. Will soupira. Il se contenta de tendre la main pour aider Connor à se relever et il le tira sur ses pieds.

- Bon, très bien, reprit-il après cette interlude. Admettons qu'on prenne le Labyrinthe pour aller en Europe et que vous arriviez à vous repérer pour qu'on ne ressorte pas en plein désert d'Australie. Comment on y entre ? On connaît une entrée pas loin d'ici ?

Nico fronça les sourcils et joua avec sa bague tête de mort.

- C'est le problème, pas vraiment. Les entrées recensées sont à la Colonie, au Texas, en Arizona, à San Francisco...

- A San Francisco ? Parfait ! S'exclama Connor. On a qu'à faire un tour au Camp Jupiter, on se réapprovisionne et on repart !

- Est-ce qu'on ne va pas perdre du temps ? Dit Lacy. C'est presque plus de 40h de route jusqu'en Californie.

Les sourcils de Connor s'envolèrent.

- Ok, on oublie San Francisco. Hors de question que je conduise tout ce temps !

Personne ne souleva d'objections. Visiblement, le charme du road trip s'était évaporé assez rapidement après les kilomètres avalés depuis deux jours et les séances de karaoké. Will tenta de se creuser la tête. A la limite, ils n'étaient qu'à 3h de route de la Colonie et pouvaient y retourner pour entrer dans le Labyrinthe, mais il trouvait ça étrange de revenir à leur point de départ aussi rapidement, comme un départ raté ou un échec avoué.

Brusquement, Lou Ellen se redressa. Will reconnut immédiatement son regard : c'était celui qu'elle faisait dès qu'elle avait une idée qu'elle ne pouvait pas garder pour elle. Plus jeune, elle avait même l'habitude d'entrer en trombe dans l'infirmerie pour lui exposer les choses qu'elle venait de penser, juste pour avoir son avis. Elle avait arrêté le jour où Will, distrait, avait manqué de planter l'aiguille du rappel de vaccin de Pollux dans le bras de Cecil qui était là pour une cheville foulée.

- Je viens peut-être de penser à quelque chose ! S'exclama-t-elle. Nico ! Qu'est-ce que tu as dit il y a deux minutes ?

- Euh...

- Il ne s'est pas excusé de m'avoir mis par terre en tout cas, grommela Connor.

- C'était une décision parfaitement consciente, tu sais, l'informa Nico avec un demi-rictus.

Avant que Connor ne puisse feindre l'indignation tel le comédien qu'il était, Lou Ellen les interrompit en battant des bras.

- Non, je parlais du Labyrinthe... De sa reconstruction après la mort de Dédale !

- Tu veux dire Pasiphaé ? Le souffle de magie qu'elle a insufflé au Labyrinthe ?

- C'est ça ! Deux choses : ça ne vous semble pas probable que Pasiphaé se soit rangée du côté de Médée après sa défaite cet été contre Hazel ? Et si elle a intégré de la magie dans la reconstruction du Labyrinthe, est-ce que ça veut dire que d'une certaine façon elle l'a relié à Hécate et à son influence ?

Les questions de Lou Ellen les plongèrent tous dans un long silence réflexif. Intéressé, Will s'assit autour de la table et son cerveau se mit à tourner à toute allure. Maintenant que Lou Ellen le disait, ce n'était peut-être pas si invraisemblable. Mélinoé et Hécate elle-même avaient mentionné « des magiciennes » qui s'étaient alliées pour gagner en pouvoir et sortir de l'ombre d'Hécate alors que la déesse leur avait octroyé leurs dons.

- Médée, Circé, Pasiphaé, énuméra Nico d'un ton sombre. Ça ne va pas être simple...

- Non, c'est sûr, confirma Lou Ellen. Mais si c'est vrai, c'est un mal pour un bien. Parce que si Pasiphaé a vraiment mis de la magie dans le Labyrinthe, alors il devient en partie un domaine de magicienne. (Elle leva sa main et quelques étincelles brumeuses crépitèrent au bout de ses doigts). Et ça, ça veut dire que je peux nous y faire entrer.

- Sérieusement ? dit Connor. Juste comme ça ?

Lou Ellen pencha la tête sur le côté et sa queue de cheval brune caressa son épaule.

- Peut-être pas « comme ça », corrigea-t-elle en claquant des doigts. Mais ça veut dire que le Labyrinthe est empreint de magie et de Brume. Si je... comment dire ? Si je « tire » assez, je devrais pouvoir faire apparaître une entrée.

- Tirer assez ? Répéta Will, perplexe.

- Rah, je ne sais pas comment l'expliquer... J'ai toujours ressenti mes pouvoirs comme ça. C'est assez bizarre... C'est comme si la magie venait de moi et que je l'extériorisais, mais que la Brume était tout autour de nous et que je devais l'attirer vers moi pour la manipuler. Et donc, je pense que faire surgir une entrée de Labyrinthe va jouer sur ce double truc : extérioriser ma magie pour la raccrocher à celle du Labyrinthe et tirer sur la Brume pour le faire apparaître en même temps. Vous voyez ?

En toute honnêteté, Will ne voyait absolument pas. Ses pouvoirs à lui venaient autrement. Il avait toujours eu une facilité déconcertante pour tout ce qui touchait de près ou de loin à la médecine, comme s'il lui suffisait de lire ou d'entendre une fois une information pour qu'il la retienne. Parfois, il avait aussi l'impression de savoir à l'instinct, tel une sorte de pressentiment qui résonnait en lui. A la limite, la seule chose qui se rapprochait de ce que décrivait Lou Ellen pouvait être son pouvoir de guérison. Il n'arrivait pas à s'en servir tout le temps, mais il sentait toujours une sensation de chaleur monter du creux de son ventre quand ses pouvoirs se manifestaient, comme s'il extériorisait quelque chose en lui, le dirigeait vers l'extérieur hors de son corps.

Heureusement, il n'était pas le seul à être perplexe face aux explications de Lou Ellen car Connor et Lacy la dévisageaient, l'air incertain. Seul Nico fronçait les sourcils avec compréhension.

- Je crois que je vois ce que tu veux dire, dit-il après quelques secondes. Je ressens un peu pareil pour les ombres, même si c'est différent quand je me glisse dedans. T'as déjà essayé le voyage par Brume ?

- Non... avoua-t-elle. Je sais que c'est possible, mais je ne sais pas trop comment faire ni même si j'y arriverais.

- Hum...

Nico semblait penser profondément à la question et avant qu'il ne puisse proposer un exercice en vol d'ombre ou en voyage de Brume, Will se décida à remettre tout le monde sur les rails. Il sentait que le soleil approchait de son milieu de course, ce qui signifiait qu'il était presque midi et qu'ils devaient y aller. Ils étaient déjà restés assez longtemps au même endroit.

- Bon allez, enjoignit-il. Prenez vos affaires, on y va ! (Il se leva, puis cria à travers l'appartement). M'man ! On doit y aller !

Il eut à peine le temps de ramasser son sac à dos que sa mère surgit dans l'encadrement de la porte. Elle devait venir de rentrer des courses car elle tenait encore son sac à la main. Le menton haut mais avec une certaine émotion dans le regard, elle promena ses yeux marrons sur leur petit groupe et s'arrêta sur lui. Will sentit sa gorge se contracter. Il déglutit. Il aurait presque voulu partir sans faire de vague, ni de grands aurevoirs, mais alors qu'il se tenait face à sa mère maintenant il s'en sentait incapable.

Il ne savait pas si Lacy était plus sensible aux émotions que les autres à cause d'Aphrodite, ou si leur moment partagé dans la cuisine avait créé une sorte de lien entre eux, mais ce fut elle qui le poussa gentiment dans le dos.

- Vas-y, l'encouragea-t-elle doucement. On t'attend dehors.

- Ouais, prends ton temps, mon vieux, dit Connor en lui donnant une tape sur l'épaule.

Ses amis le dépassèrent. Avant de sortir de la pièce, Lou Ellen adressa un sourire chaleureux à sa mère.

- Merci encore pour l'accueil, madame Solace, remercia-t-elle. Et merci aussi pour le t-shirt. Je vous le rendrai bientôt.

- Ce n'est rien, un plaisir, ma grande ! Et garde-le, vraiment, c'est un vieux t-shirt acheté à un concert des Stones en 93.

- Stylé, commenta Connor.

- Mick Jagger était incroyable ce soir-là, se souvint sa mère en souriant. Enfin, allez, je ne vous retiens pas. Bon courage... Faites attention à vous surtout, d'accord ?

- Oui madame !

- Bien... (Elle sembla hésiter une seconde, puis elle se tourna vers Nico). Je voulais juste te dire que j'ai été ravie de te rencontrer, même si c'était un peu particulier... Tu es le bienvenu n'importe quand ici ou au Texas, vraiment !

Sa sincérité était palpable. A l'arrière du groupe, Nico observa sa mère, la tête légèrement inclinée vers le sol et Will pouvait presque percevoir de là où il se trouvait les sentiments conflictuels qui l'agitaient : malaise, reconnaissance, espoir... Il aurait aimé que la scène soit plus privée, qu'ils n'aient pas tous le poids de la quête sur eux, mais il s'en contenterait. Surtout, il était fier de sa mère.

- Merci, finit par dire Nico si bas que Will faillit ne pas l'entendre.

Et sans qu'il ne comprenne bien comment c'était arrivé, sa mère ouvrit les bras et Nico se laissa faire tandis qu'elle l'attirait dans une étreinte toute maternelle. Les autres firent mine de regarder ailleurs, mais Will ne détourna pas les yeux. Il avait l'impression que sa poitrine était trop petite pour contenir ses émotions. C'était sans doute idiot, mais Nico était la première personne qu'il présentait à sa mère et il ne pouvait s'y empêcher d'y voir une étape.

Au moment où Nico s'écarta, il vit sa mère lui glisser quelque chose à l'oreille et il hocha la tête avec gravité.

- Je vous l'ai promis ce matin, dit-il, cryptique. Je le ferai.

- Je te remercie, Nico. (Un sourire ironique se glissa soudain sur ses lèvres). Tu es sûr que tu ne veux pas prendre le pull jaune ?

- M'man, laisse-le tranquille !

Tout le monde éclata de rire – sauf Nico qui grogna, embarrassé – et la tension se diffusa. Connor désigna la porte.

- Allez, tous dehors ! On a une entrée de Labyrinthe à faire apparaître !

- Au revoir, madame Solace ! Fit Lacy.

- Au revoir, Naomi.

Will cligna des yeux. S'il n'avait pas vu les lèvres de Nico bouger, il n'aurait jamais cru que c'était lui qui venait de parler. Pourtant, il souriait à moitié en partant et, dès qu'ils furent enfin seuls, sa mère se retourna vers lui, un sourire aussi lumineux que le soleil accroché au visage.

- T'as vu ? Dit-elle. Je pense qu'il m'aime bien, non ? Ca s'est passé bien passé tu crois ? Il t'a dit quelque chose ?

- M'man, rit-il.

- Quoi ? Il est important pour toi alors il l'est aussi pour moi !

- Vraiment... ?

Il détesta la touche de vulnérabilité qui perça dans sa voix.

- Oh William... souffla-t-elle et son visage s'adoucit. Viens là.

A nouveau, elle ouvrit les bras et Will ne réfléchit pas. Il traversa la pièce en deux enjambées et la serra contre lui avec force, les larmes aux yeux en tentant d'ignorer le fait qu'il la dépassait de plusieurs centimètres désormais. Elle le berça doucement sur place, une main dans son dos et l'autre derrière sa tête. Il se sentit en sécurité.

- Tu me promets de faire attention, hum ? Chuchota-t-elle contre son épaule. Tu me contactes dès que tu reviens à la Colonie ?

- Promis...

- On ira voir un concert ensemble quand tu reviendras. Et on ira manger une glace.

- Et faire un tour le long des quais ? Comme avant ?

- Voilà, tout comme avant.

Dans cette simple phrase, il entendit surtout son amour pour lui.

- Tu sais, reprit-elle sans le lâcher, ton père serait fier de toi.

- Tu crois vraiment ?

- J'en suis certaine. Moi je suis fière de toi. Mon petit garçon...

Elle parut ravaler ses larmes et Will n'osa pas bouger. Pourtant, elle finit par s'écarter et repoussa tendrement ses mèches blondes qui ondulaient sur son front dans un geste familier.

- Allez, va les rejoindre. Veillez les uns sur les autres.

Le cœur lourd, il ne trouva rien à répondre. Il se contenta d'attraper son sac à dos, la gorge obstruée par une myriade d'émotions aussi épaisses que des morceaux d'ambroisie réconfortants mais douloureux après une blessure. Lorsqu'il franchit le seuil de l'appartement, il eut l'impression de laisser un bout d'enfance derrière lui et peut-être que c'était le cas... 

**********************

Et voilà ! J'ai adoré écrire Naomi Solace, vraiment ! Un plaisir ^^ Sinon pour la conversation entre Lacy et Will au début, je pense qu'elle aurait pu être plus poussée, mais j'espère que l'idée et les thèmes abordés se ressentent suffisamment. C'était paradoxalement assez dur de poser des mots sur quelque chose qui me touche si personnellement parce que j'ai l'impression de beaucoup me questionner sur les normes et les attentes de la société ces dernières années ^^ 

A part ça, on se retrouve dans deux semaines ! Prochain chapitre : 28 juin ! 

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