Chapitre 9
Camille
« Bonne année.
_ Bonne année à toi aussi. Alors ces fêtes ?
_ Pas comme avant. Gab' n'a pas pu venir et So' a fugué.
_ Je sais, ta mère me l'a dit. Mais tu as fait connaissance avec la petite amie de Max.
_ Mais ce n'est pas pareil. Et puis...
_ Au fait j'ai des nouvelles de Meqdad. Il a des problèmes personnels et ne va surement pas revenir avant un certain temps. Par contre si tu as besoin de quoi que ce soit tu peux toujours lui envoyer un mail.
_ Gabriel vient au mois de février et aimerait faire sa connaissance.
_ Ce serait bien aussi. »
Après des vacances et des fêtes pas comme avant, je suis revenue en cours. Je n'ai pas revu Meqdad depuis l'épisode de la grande bibliothèque et je n'ai pas de nouvelles. Ma sœur ne me faisait vraiment pas de blague et Gabriel ne veut toujours rien me dire. Il m'a juste dit qu'elle y pensait depuis son stage à Chicago, en avril dernier.
Maman n'a pas l'air de se soucier de l'absence de sa fille. Je lui en ai parlé une fois mais elle n'a pas bronché ni même donné d'importance au problème. Je n'ai plus ouvert le sujet. Max n'a pas l'air d'être si préoccupé non plus. Je suis la seule à la maison que cette histoire ronge depuis deux semaines maintenant.
Je finis ma journée de cours et vais voir Pablo. Il est toujours à l'écoute et me propose de sortir à chaque fois qu'il le peut.
« Bouh !
_ Wesh !
_ Comment ça va ?
_ Comme on peut.
_ Qu'est ce qui se passe ?
_ Je sors du tribunal.
_ Comment ?!
_ J'ai un pote qui vient de se faire juger. Mais vas-y j'ai pas envie d'en parler. »
Je passe le reste de la soirée avec lui et rentre chez moi. Je me mets à réviser tout en discutant du projet d'entreprise avec mes co-équipiers sur Messenger. Les professeurs nous ont juste expliqué ce qu'ils attendent sans donner de piste. Ils n'ont même pas pris en compte le fait que c'est la première fois et que certains d'entre nous n'ont aucune idée de l'organisation d'une entreprise. Ils me demandent d'envoyer un message à Meqdad pour lui demander de l'aide mais je doute qu'il y répondra. Je cède finalement tout en leur disant que je ne suis pas responsable s'il ne donne aucune réponse.
Effectivement Monsieur n'a donné aucune réponse au bout de quelques heures et bien sûr j'ai dû en subir les conséquences. Les autres n'ont pas voulu comprendre que ce garçon n'en fait qu'à sa tête et qu'il ne peut pas répondre maintenant. Ils ne me croient pas non plus quand je leur dis que je n'ai rien à part son adresse électronique. Me croire ou pas c'est leur problème, mais qu'ils viennent me harceler pour que je lui parle et que j'essaie d'avoir au moins son numéro de téléphone, ça je n'admets pas. Et puis j'ai déjà pensé à demander ses coordonnées à Laurine, l'amie de maman qui nous a mis en relation, mais je tiens un minimum à ma vie.
Je me demande quand même ce qu'est ce problème qui le retient. Je veux bien l'aider mais je n'ose pas proposer de peur de me faire rejeter ou humilier. Je sais qu'il n'est pas comme ça. J'ai appris à le connaitre et à l'observer pendant les quelques séances de tutorat qu'il m'a faites. Je sens que son problème personnel, qui l'empêche de m'aider, a un certain rapport avec le coup de fil qu'il a reçu à la grande bibliothèque.
Meqdad
« M. Raghib, vous êtes palestinien n'est ce pas ?
_ Oui.
_ Puis-je savoir d'où vous venez exactement ?
_ Objection Monsieur le juge ! »
Elle a pas à demander ça. Il a été pris pour appel au boycott et ça a rien à voir avec son lieu d'origine. Alhamdulillah Jalal a un bon avocat. Je sais pas où il est parti le chercher mais il a bien choisi.
« Oh !
_ Hm ?
_ Ta gauche.
_ J'ai vu. J'irai la voir après. »
A ma gauche y a une meuf chelou. Je l'ai jamais vue mais elle a pas l'air d'être venue pour le fun comme certains. C'est ça qui a attiré mon attention.
Le procès est terminé en milieu d'après-midi avec une décision finale de deux ans fermes et sans amende parce que Jalal a refusé de payer. Normalement c'est un an ferme et 35 000€ d'amende. Il allait de toute façon être poursuivi pour ça donc autant anticiper.
« Ja' ! »
Quand il se retourne j'ai bien vu son sourire.
« Oublie pas...
_ La liberté est interne avant d'être externe.
_ Pas ça sale hmar !
_ Quoi alors ?
_ Ton respect. Une femme...
_ Quelle qu'elle soit ça se respecte mais faut aussi qu'elle se comporte en femme.
_ Mort. De. Rire. T'es conscient que t'as tout faux là ! Bref elle est à toi.
_ Qui ça ?
_ Tu sais.
_ Si elle veut pas attendre...
_ Elle attendra.
_ Hm... et Karim !
_ Ouai ?
_ Marie-toi.
_ QUOI ?!
_ Tu sais très bien ce que je veux dire. Mayar elle a besoin de toi.
_ Et donc ?
_ Fais pas le con ! Marie-la. Si vous voulez pas faire de grande fête ou quoi c'est votre problème mais au moins le civil. »
Karim soupir et baisse la tête. Il le veut mais pas sans lui. Moi le premier je me marie pas en ayant un frère derrière les barreaux. Mais là c'est de Mayar qu'on parle. Elle a besoin d'un pilier et Riyadh il est trop jeune et pas assez fort pour tout assumer tout seul. Jalal il veut au moins être tranquille pour une chose. Et il a préféré donner sa sœur pour pouvoir faire d'une pierre deux coups. Le premier c'est qu'elle puisse avoir une épaule de plus pour pleurer et un pilier principal sur lequel se reposer, la deuxième c'est que les deux puissent se voir sans avoir peur de quoi que ce soit et surtout sans limites.
On était encore en train de parler de ça quand je me fais bousculer et je vois Mayar se jeter sur son frère. Elle pète les plombs comme jamais. Là je dis rien mais quand on rentre je vais l'allumer. Je lui ai dit d'aller en cours et que je m'occupais de tout avec Karim mais elle écoute jamais cette fille. Autant son frère en deux mots j'ai pu le calmer mais elle, elle est majeure donc je peux pas lui chercher d'excuse externes.
Juste après y a l'avocat qui vient nous voir. Il est avec la fille de tout à l'heure, la bizarre.
« Tu fous quoi ici ?
_ Rien. Je suis venue admirer le travail de mon père. Mais il semble que son client est plus têtu qu'une mule cette fois.
_ C'est bien pour ça que...
_ Attendez avant de vous battre. T'es qui toi ? Depuis tout à l'heure je te vois mais je te connais pas. »
Le truc que j'aime bien chez Karim c'est ce que je déteste le plus aussi, c'est qu'il est direct. Il passe pas par trois milles chemins. C'est bien dans certains cas mais pas tous.
« Rachel Karim, Karim Rachel. T'es content ?
_ Ta gueule. Concrètement c'est qui ? Son blase j'en ai rien à foutre.
_ La meuf avec qui je taffe.
_ Tu parles de ça au taff maintenant ?!
_ Non, je l'ai rencontrée dedans. Avant de commencer à taffer avec elle. »
Je vois le délire mais il sent pas bon. La fille elle a pas l'air méchante et son père il a l'air de comprendre l'histoire. Mais moi je pense à ma sœur. Et ce qu'il m'a dit tout à l'heure de pas la laisser l'attendre... Tout ça, ça me met le doute. Je vais pas parler de ça maintenant, mais dès que j'ai une occasion je collecte des infos.
Après tout ça ils l'embarquent et on rentre. Dans la voiture c'était silence cimetière. Karim je sais pas à quoi il pensait, mais moi je digère pas l'histoire de la Rachel. Et Mayar qui arrive en plein milieu aussi je peux pas rester silencieux là-dessus. Je l'ai embarquée avec moi mais elle m'a ni regardé ni parlé de tout le trajet. Elle sait qu'elle a merdé et qu'elle va en subir les conséquences.
Arrivé chez moi je résume la journée à mon père et je vais dans ma chambre. Enfin un peu de tranquillité. Je me jette sur mon lit avec des pensées qui fusent. Mon frère en prison... Qui aurait cru ? Il a pris 2 ans mais il les regrette pas. Le seul truc qu'il regrette c'est de laisser sa famille derrière. Perso je réalise pas. Pour moi c'était les autres qui tombent mais pas mon frère. Tout le monde sauf mon entourage proche. Bah je me suis clairement trompé. Là les flics ils sont spécialement venus pour lui. Ils ont laissé passer tout le monde sauf lui, au lieu d'embarquer tout le monde sauf lui.
Je veux bien trouver celui qui l'a poucave mais j'ai pas le temps. Je fais mes ablutions et en posant le front au sol je demande à Dieu de le faire pour m'alléger et me permettre de m'occuper d'autre chose à la place. Parce que en soi, même si je trouve le gars, je vais faire quoi ? Au mieux frapper au pire faire couler du sang. Les deux sont équivalents à me salir les mains et entrer dans un cercle plus vicieux que le vice lui-même. Cette démarche si elle fait pas de mal, ce qui est loin d'être réaliste, elle fera aucun bien et elle règlera pas le problème. Résultat de l'histoire, poser mon front au sol et demande à Celui qui sait de faire le travail et de pas laisser passer ça.
Une fois ma prière finie, mon esprit calmé et mon sang refroidi, je vais faire un tour dans mes affaires. Je vais voir ma mère, celle de Jalal, les petits et mes mails. J'en vois un de Camille. Je l'ai oubliée elle.
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