Chapitre 47
Meqdad
« Un de nos clients a vu votre femme et...
_ Et sous mes yeux vous l’avez laissé ? Vous auriez dû lui dire de venir me voir avant.
_ Tu l’aurais laissé ?
_ Oui.
_ J’en doute.
_ Comment tu peux en être sûr ?
_ Disons que...
_ On arrête de jouer là non ? »
Il rigole et vient me prendre dans ses bras. Il m’a manqué n’empêche. Mais une enflure reste une enflure hein. Je le pince dans le cou au passage. Si il a pas changé, il va avoir mal. Mais il rigole l’enfoiré. Faudra que je trouve autre chose pour le punir.
Quand je me retourne vers Camille, elle a l’air perdue. Je rigole et la présente en premier avant de lui expliquer.
« Je te présente Unays. Un des jumeaux de Anissa.
_ Un des jumeaux ?
_ C’est des triplets. Unays, qui est devant toi, Anas et Anissa qui sont en Angleterre.
_ Je comprends mieux. Mais c’est qui concrètement ?
_ Ça, c’est pour plus tard. Ça te dérange d’attendre un peu plus ? Je vais discuter un peu avec lui.
_ Vas-y. Mais je veux tout savoir hein !
_ T’inquiète pas pour ça. »
Je fais durer la torture, je sais, mais j’ai envie de la pousser à bout. J’ai envie de voir à quel point elle est patiente. Ça fait partie du jeu. C’est pas drôle sinon. Pourvu qu’elle aille pas se plaindre à mon grand-père. Je suis foutu si elle le fait.
« Donc le gars qui nous a servi c’était bien Yacoub ?
_ Ouai.
_ Et le petit c’est qui ?
_ Fudhayl. Son petit frère.
_ Genre ! Je te crois pas.
_ Si. T’as qu’à lui demander.
_ Et leurs parents ils sont où ?
_ Reviens demain matin. Ils seront là in sha Allah.
_ In sha Allah. Quelle heure ?
_ Huit.
_ C’est chaud ! Y a pas moyen de les voir là ?
_ Non. Ça te dit pas de ranger avec nous ? C’est l’heure de la fermeture et on doit nettoyer.
_ Et ma femme j’en fais quoi ?
_ Appelle Fudhayl pour l’emmener en cuisine. Elle reste là-bas le temps qu’on finisse.
_ Combien de temps ?
_ Une demi-heure. Pas plus. Y a juste les tables à essuyer et la serpillère à passer. Le plus gros il se fait à l’intérieur.
_ Asy bah appelle-le. »
Je vais tout redire à Camille et voir si ça la dérange pas. Ça fait bizarre quand même de les revoir. La dernière fois que je les ai vus, Unays il était au lycée et Yacoub en primaire. Le petit il existait même pas. Mais j’ai envie de voir ma tante. Y a pas moyen, demain je laisse Camille dormir et je viens ici juste pour la voir.
Quand on a fini de nettoyer, une heure après, on se pose à une table. Ça me fait penser, j’ai même pas pris mon dessert et Camille non plus. Je sais même pas ce qu’elle fait en cuisine.
« Ça te ronge hein de pas l’avoir vers toi !
_ Je vous fais même pas confiance. Surtout après ce que vous m’avez fait.
_ T’inquiète, elle est en sécurité.
_ Ouai, ouai. Je te crois.
_ Suis-moi. »
Je le suis dans l’arrière-boutique. Je vois Camille et une autre meuf de dos. J’essaie de l’identifier par la voix mais ça fait trop longtemps. Je jette un œil à Unays qui sourit de ses 49 dents. Je comprends pas au début, mais quand j’arrive à distinguer les mots, je sens le bonheur à plein nez. Je vais prendre ma tante dans mes bras par derrière. Je lui cache les yeux pour pas qu’elle me reconnaisse.
« Unays ! Arrête de...
_ Genre moi j’ai les mêmes mains que Unays ! »
J’enlève mes mains et me poste face à elle pour qu’elle puisse bien me voir et m’identifier. Comment elle m’a manqué elle aussi ! Bon, ses plats aussi mais voilà, je tiens à ma vie, donc je vais pas le dire tout haut. Je la prends dans mes bras un long moment. Madame pleure en me serrant fort contre elle. Je lui essuie ses larmes et prends un chaise à côté de ma femme à qui je souris de toutes mes dents. Je suis vraiment heureux là. Je pouvais pas rêver mieux pour un voyage de noces.
Après avoir discuté un peu avec elle, je reprends le chemin de l’hôtel avec Camille. Je m’en veux un peu de l’avoir délaissée ce soir. Je suis venu pour elle et je l’ai pas trop calculée. Mais faut me comprendre aussi. Je les ai pas vus depuis des années et là ils sont venus à moi sans que je m’y attende. Mais je lui dois des explications à elle aussi.
« Tu as l’air heureux.
_ Tu sais pas comment ! Alhamdulillah.
_ Alhamdulillah. Mais tu me dois quelques explications.
_ Ça c’est sûr. Mais pas maintenant. Là je suis crevé.
_ En même temps quelle idée de faire le ménage à cette heure-ci !
_ Pas le choix. Si ma tante venait à savoir que j’étais posé avec eux sans rien faire j’en aurais eu pour mon grade.
_ Tu l’aurais mérité.
_ Et pourquoi ça ?
_ Parce que. Ah oui ! Je vais juste te demander de répondre à une question.
_ Si je la trouve trop...
_ Ne t’inquiète pas. Je ne la pense pas gênante.
_ Je verrai bien de toute façon.
_ Est-ce que c’est ta tante dont tu m’avais parlé quand on mangeait ? Celle qui te faisait tes plats préférés.
_ Ouai c’est elle. Et Yacoub il me faisait penser à lui-même.
_ Ça c’est quelque chose ! Comment ils t’ont reconnu au fait ? Parce que ça fait un moment et...
_ Les enflures qui me servent de frères et surtout celui qui me sert de beau frère ils leur ont envoyé une photo de moi à mon mariage.
_ Je vois. Et ils ont monté le scénario de l’admirateur secret en 10 minutes.
_ Y avait pas que les deux à mon avis.
_ Comment ça ?
_ Yacoub il a une grande sœur. Je l’ai pas vue là, mais elle doit pas être innocente. Elle est rentrée un peu avant que je les reconnaisse. Au moment où on a reçu la carte.
_ Je vois. Elle a quel âge ?
_ Elle est comme Safwan il me semble. Tu la verras demain in sha Allah.
_ In sha Allah.
_ Ah oui ! Toi là ! Tes gants, tu les enlèves jamais ? Les gars ils me l’ont fait remarqué. Tu manges même avec !
_ Bah comme j’ai toujours le henné, je suis pas à l’aise. Même mes examens je les ai passés avec. Un examinateur me l’avait fait remarquer. Je lui ai dit que c’est parce que je transpire beaucoup et donc, comme ça a sali certaines de mes copies d’examens, j’ai décidé d’en acheter pendant le weekend.
_ T’es trop forte ! Tout le monde n’a pas la même chance que moi, on dirait.
_ Non. Personne n’a la chance que tu as.
_ Y a plutôt intérêt. »
Camille
J’ai passé une super semaine. Malgré le fait que Meqdad me délaisse en quelque sorte tous les soirs au restaurant de sa tante, j’ai vraiment aimé ce séjour. Meqdad a été aux petits soins avec moi, m’emmenant là où je voulais, m’achetant ce que je désirais et écoutant tout ce que je disais. On a été au parc aquatique de Antalya, aux chutes d’eau, à la plage, partout, même dans l’eau puisqu’on a été en croisière. J’ai pu voir Antalya dans toute sa splendeur. Comme ce n’est que le début de l’été, il n’y a pas beaucoup de touristes. On a donc pu en profiter au maximum.
En plus, Unays avait prêté sa voiture à Meqdad, ce qui a facilité nos déplacements et fait économiser pas mal d’argent. Ce qui nous a permis d’encore plus profiter l’un de l’autre et nous rapprocher. Des fois, il me racontait ses souvenirs d’enfances pendant toute la durée du trajet. Le sujet qui était tabou il y a quelques jours, est maintenant un de nos principaux sujets de conversation. Il en parle avec passion et nostalgie à la fois.
J’ai pu parler à Anissa aussi. Elle m’a fait un effet quand même. Elle n’est pas normale. Lors de notre première conversation, elle m’avait mise en garde que si je faisais quoi que ce soit à Meqdad, j’aurais affaire à elle, sans même avoir entendu le son de ma voix. Elle m’a dit qu’elle est celle qui doit prendre les grandes décisions de Meqdad et si je ne lui plaisais pas, elle ferait tout pour qu’il me quitte. J’ai eu peur au début. Mais mon mari m’a vite rassurée en disant qu’elle délire.
Il m’a aussi expliqué son lien avec chacune des personnes que nous avions rencontrées. Quand sa mère avait accouché de lui, elle était en pleine phase finales de ses études en tant que professeur de maths. Elle a donc confié sa garde à la belle-mère de son mari qui venait de faire une fausse couche et donc avait assez de lait pour l’allaiter. Les triplets et le reste de ses oncles et tantes sont donc ses frères et sœurs de lait puisqu’ils étaient tous de la même mère sauf son père, dont la mère est décédée quand il n’avait que 5 ans, sans lui laisser de frère et sœur. La mère des triplets n’ayant pas survécu à son accouchement, c’est ma belle-mère qui les a pris en charge jusqu’à ce qu’ils viennent en France.
« Alors ?
_ Hm ?
_ T’as kiffé ?
_ Bien sûr !
_ Sûre ?
_ Pourquoi ? Enfin...
_ Je sais pas. Juste envie d’être rassuré je pense.
_ C’est mignon ! Mais j’ai vraiment aimé. T’as pas à t’en faire pour ça.
_ D’accord.
_ Et toi ? T’as aimé ?
_ Pire que ça ! Tu sais pas ! Ma femme à mes côté, mes frères retrouvés, je peux pas aimer plus je pense.
_ Alhamdulillah. »
Il cherche des yeux notre vol sur les écrans d’affichage. La salle d’embarquement n’est toujours pas affichée. Je commence à fatiguer aussi, mais je vais faire un effort pour lui. Je ne vais pas le laisser seul. Et puis, je vois qu’il veut me dire quelque chose depuis un moment mais il hésite.
« Trésor ?
_ Hm ?
_ Tu sais, tu peux tout me dire.
_ Je sais.
_ Qu’est-ce qui te tracasse alors ?
_ Rien ?
_ Il y a quelque chose. Je le sais.
_ Je t’ai raconté l’histoire de ma tante qui a perdu sa fille ?
_ Oui.
_ Bah j’ai pas envie que tu vives la même chose.
_ Je ne vivrai pas la même chose. Tu seras toujours là, tu prendras soin de toi, de moi et de nos enfants in sha Allah.
_ Mais la mort ne prévient pas. Ce que je veux dire...
_ Meqdad s’il te plait. Ne pense pas comme ça.
_ Laisse-moi parler et juge ensuite. Tu peux pas savoir ni décider des jours qu’il me reste à vivre.
_ Je peux toujours prier pour. Et c’est ce que je fais à chaque fois. Je demande à Dieu de te laisser près de moi jusqu’à mon dernier souffle, à chaque fois que je pose le front au sol et que je lève les mains au ciel.
_ Mais...
_ Meqdad. N’y pense pas. On vient de se marier, tu viens de retrouver les êtres qui te sont chers et tu penses déjà à tous nous quitter.
_ J’ai jamais dit ça. Juste laisse-moi parler.
_ Je t’écoute.
_ Je veux pas que tu vives la même chose, dans le sens où je veux pas que tu restes sans rien après. Là tu vas valider ton bachelor in sha Allah, et ensuite si tu veux continuer tu continues et si tu veux bosser tu bosses. Même à la maison faut que t’aie au moins un an d’expérience après. Pour pas te retrouver dans...
_ Je comprends. Mais honnêtement, je ne veux pas travailler pour l’instant. J’ai envie de souffler un peu. Je veux profiter de ma vie un peu. Peut-être que plus tard j’y réfléchirai mais pour le moment j’ai d’autres projets en tête.
_ Quel genre de projet ?
_ Déjà je veux approfondir mes connaissance en religion, je veux aussi apprendre l’arabe dans ses moindres détails et éduquer Noha comme tu le veux.
_ Pas comme je le veux. Comme tu le fais depuis des mois.
_ Oui. Au fait je voulais t’en parler aussi.
_ De ?
_ Tu ne veux toujours pas qu’elle s’habitue aux écrans ?
_ Pas avant ses 6 ans au moins. Pourquoi ?
_ Parce que tôt ou tard, elle devra y être confrontée à l’école. Ils leurs montrent régulièrement des dessins animés et autre.
_ Je sais. Et donc ?
_ Je pensais qu’on pouvait les lui introduire mais contrôler son temps. C’est-à-dire qu’on pourrait lui faire un créneau dans la semaine où on pourrait la mettre devant un écran.
_ Hm... Et tu veux lui montrer quoi ?
_ Il y a plein de dessins animés éducatifs. En n’importe quelle langue.
_ Je vais y réfléchir. Mais pas sûr d’accepter pour l’instant.
_ Prend ton temps. »
Je sais qu’il acceptera. Il n’a pas le choix de toute façon. Il veut avoir une longueur d’avance sur l’école et c’est une bonne excuse. On a déjà parlé des dessins animés et autre histoires dont on bourre le crâne aux enfants depuis petits. Il n’en est pas du tout fan. Pour lui, Disney fait perdre de la valeur à la femme, la rendant inutile sans l’homme. En y réfléchissant, aucune princesse Disney n’est indépendante. C’est bien dommage de faire passer cette image des femmes aux enfants.
Une fois sur le sol français, Meqdad envoie un message à son frère qui est censé venir nous chercher. Quand nous avons passé la douane et que nous avons récupéré nos bagages, nous nous dirigeons vers le dépose-minute pour attendre Monsieur qui est coincé dans les embouteillages. Apparemment il n’est pas tout seul. Narjess et Noha sont avec lui.
Quand ils arrivent, les garçons mettent les valises dans la voiture et avant de monter, Narjess me bande les yeux et Bassam fait de même avec son frère. Je ne comprends pas et ça ne plait pas à Meqdad. Nous jouons tout de même le jeu après que Bassam ait convaincu son frère. Ça m’inquiète un peu leur petit jeu.
Je réalise que nous sommes chez nous seulement quand je n’entends pas les hommes. Ils doivent être dans le salon qui leur est réservé. Narjess me libère mes yeux en disant que c’est seulement pour que mon mari accepte de jouer le jeu. Je ne sais pas non plus ce qu’ils lui réservent à lui.
Je regarde la salle, salue tout le monde et m’assois. Il y a mes belles-sœurs, Zouhour, Mayar et Ilham avec leurs mères, ma sœur, ma belle-sœur, et une fille que je ne connais pas. Elle a l’air très complice avec Sumayah. J’en viens même à me demander pourquoi est-ce que je ne l’ai pas vue à mon mariage.
A un moment, les garçons se mettent à crier. Les filles éclatent de rire. Quant à moi, je m’inquiète. Je ne sais pas ce qu’il se passe, ni qui est cette fille qui s’est précipité vers la fenêtre pour voir ce qu’il se passe dans le jardin. Je décide de suivre aussi. Mon mari est là, tout sourire, avec un jeune homme que je ne connais pas non plus dans les bras. Que se passe-t-il ?
« Nana ?
_ Yes ?
_ Je peux te parler deux minutes ?
_ Habille-toi et viens dans la cuisine. »
J’exécute et je vois que la fille en question vient aussi. Sans relever, je demande à Narjess ce qu’il se passe. Elle me demande d’attendre deux minutes que Meqdad vienne et je saurais tout. Sans même que je me rende compte de ce qu’il se passe, la fille est par terre et Meqdad dans l’encadrement de la porte avec un sourire en coin.
Meqdad
« Tu t’y attendais pas hein !
_ Mais...
_ Alors comme ça tu fais la maligne au téléphone !
_ Bah oui ! Et ce que j’ai dit c’est vrai.
_ C’est vrai de rien du tout. Viens là. »
Je la prends dans mes bras. Elle m’a trop manqué cette folle. Je sais pas depuis combien de temps ils sont là mais ça fait plaisir de les revoir. En plus je voulais les voir à mon mariage mais je pense que j’aurais souffert 10 fois plus. Donc c’est bien comme ça.
J’éjecte Narjess de la cuisine, ferme la porte et demande à Camille d’enlever son voile. Ça fait depuis qu’on est partis d’Antalya que je l’ai pas vue les cheveux découverts et ça commence à peser. Je les présente et Camille elle parait choquée. Elle s’attendait pas non plus à avoir Anissa en face d’elle aujourd’hui je pense.
Je prends de ses nouvelles et je les laisse faire connaissance. En vrai je la redoute de fou. Elle est cap de tout ! Je lui fais pas confiance. Surtout que Camille elle est trop naïve et sensible. Je sais qu’Anissa elle lui fera rien de grave mais elle va jouer avec ses nerfs au max et elle va la pousser à bout. Y a rien qu’à voir sa tête quand elle lui a parlé au téléphone hier. Il a suffit qu’elle lui dise que si elle est pas satisfaite d’elle, je la divorce. Elle est malade elle ! Et Camille elle est devenue transparente, limite elle aurait pas dormi si j’étais pas là.
« Grave erreur. Fallait pas les laisser toutes seules. Elle va la faire pleurer.
_ Quoi ?!
_ Je suis sérieux ! C’est une vieille psychopathe.
_ Et t’es pas parti la soigner ?
_ Non. Je cherche à l’interner.
_ T’es méchant un peu. Mais t’inquiète. Elle va rien lui faire. Si elle lui fait un truc je la fais interner ici.
_ Après c’est moi qui...
_ Ouai. Bref vous avez atterri comment ici ?
_ C’est facile depuis l’Angleterre. On a attendu Mohieddin et on est venus tous ensemble. »
Je parle avec Anas et Mohieddin sans oublier les autres. Tareq il est pire que refait de voir son meilleur poto. Il le lâche pas. Même si ils ont été en contact pendant toutes ces années, ils se sont pas vus depuis.
A un moment Jalal il me prend à part. Il me dit qu’il voulait me parler seul à seul. Je lui propose la salle de sports. Camille elle l’a pas vue encore mais ça va pas tarder in sha Allah.
« Tu voulais ?
_ Elle a dit oui !
_ Quoi ?!
_ Elle a dit oui putain !
_ Quand ?
_ La semaine dernière.
_ Enfoiré tu m’as laissé partir et t’es parti la voir. Deux fois que tu la demandes, deux fois que tu le fais dans mon dos.
_ Je voulais pas que tu sois au courant en fait.
_ Pourquoi ?
_ Je veux pas que tu ramènes ta poire et qu’elle se sente obligée d’accepter parce que tu lui auras fait la morale pendant des semaines.
_ Vu comme ça, ça se comprend. Mais t’aurais pu m’en parler. Ça s’est fait comment ?
_ Je suis passé par Mayar. Elle l’a piégée et on a parlé. On s’est expliqué et voilà.
_ La date ?
_ Pas avant décembre je pense.
_ Tu me tiens au jus avant de la marier hein.
_ Je peux pas me marier sans mon frère.
_ Vaut mieux prévenir que guérir. En plus t’es une enflure donc voilà. »
La soirée se passe merveilleusement bien. Mis à part le fait que je parle ni à mon grand-père, ni à mes frères ni à mon beau-frère, j’ai passé une bon moment. Je leur parle pas parce qu’ils savaient que j’allais à Antalya et ils m’ont pas dit que Unays et le reste ils étaient là-bas. Le pire c’est qu’ils ont envoyé des photos de moi sans mon autorisation, et ça, je digère pas.
Bassam il a repris ma voiture comme je suis trop crevé pour les ramener. J’irai la récupérer demain in sha Allah. Là, j’ai envie de prendre une bonne douche et profiter d’un moment seul avec ma femme. Je vais lui montrer la salle de sport. Elle était pas prête avant qu’on parte. Là j’ai vu qu’ils l’ont finie pendant que j’étais pas là donc c’est le moment.
« T’as parlé avec Anissa ?
_ Elle est pas normale.
_ Je sais. Elle a jamais été normale. Mais elle est pas méchante.
_ Je sais. J’ai bien vu qu’elle compte beaucoup pour vous tous.
_ C’est notre Anissa. C’est toujours une gamine malgré ses 24 ans Elle m’a fait de ces crasses !
_ Par exemple ?
_ La dernière fois que je suis parti au Yémen, je devais être en 1ère, et c’était en plein milieu de l’année. Donc je devais rester en contact avec les gens de mon groupe pour les TPE. Et elle a vu que je parlais à la sœur à Karim. Donc elle est partie dire à mon grand-père que je parlais à une fille et tout. Et à chaque fois c’est elle qui prend doublement.
_ Vous êtes méchants avec elle un peu.
_ Je suis le plus sympa avec elle. Anas il cherche à l’interner.
_ Mais ça se fait pas !
_ Non. Il va pas le faire. En plus elle s’est calmée depuis. T’as vraiment de la chance qu’elle t’aie pas fait pleurer.
_ Parce qu’elle en est capable ? Elle a l’air plutôt douce.
_ En fait je te l’ai pas dit parce que j’avais besoin d’un peu de temps pour digérer.
_ Si tu as besoin de plus de temps ne t’en fais pas. Je peux attendre. Juste, ne te renferme pas trop longtemps sur toi-même.
_ Non t’inquiète. Tu te rappelle le jour où je t’ai laissée sur le toit. Le lendemain du mariage.
_ Hm ?
_ Bah c’est parce que j’ai appris un truc. Anissa elle était fiancée avant de sortir du territoire. Le gars c’était comme un grand frère pour moi avec Mohieddin. En même temps, ils sont frères. Et ils ont voulu fuir la guerre ensemble avec toutes les personnes que t’as rencontré ces derniers jours. Mais il s’est fait tirer dessus avant. Ça l’a anéantie.
_ Je la comprends. Je n’imagine même pas ce qu’elle a dû endurer. Juste quand tu as été dans le coma, j’ai eu du mal à digérer, alors elle...
_ A ce point ?!
_ De ?
_ T’étais mal à ce point ?
_ Tu sais pas. Je pensais vraiment te perdre.
_ Regarde maintenant où ça nous a menés. Je pense que sans ça, notre jeu il aurait duré plus longtemps. »
C’est vrai. L’élément déclencheur de tout ça, c’est le papier qu’elle m’a passé quand elle a laissé Noha dormir avec moi le soir de ma sortie. Sans ça, j’aurais encore réfléchi à 10 fois avant de vraiment la considérer. Là je me suis juste donné un temps pour me préparer psychologiquement et matériellement pour la marier.
Camille
Meqdad vient de sortir pour aller travailler. Je commence à m’ennuyer. Je n’ai rien à faire et la maison est trop grande pour moi seule. Je décide donc de passer un peu de temps à la salle de sport et regarder quelque chose avant de me faire à manger. Meqdad ne rentre même pas à midi. Je dois attendre ce soir pour le voir. C’est vrai que ça fait bizarre mais je dois m’y habituer.
Vers midi, je reçois un message de Narjess qui me propose de manger avec Anissa et elle au kebab du quartier. J’accepte volontiers. Ça m’évitera de manger seule en plus de me permettre de connaitre Anissa un peu plus. Je verrai ce que je ferai de mon après-midi plus tard. Je me prépare et prends la route du grec. J’envoie un message à mon mari pour le prévenir aussi. Il n’est pas là, mais je préfère le mettre au courant au cas où.
Il m’avait appelé pendant sa pause en milieu de matinée. Ça m’a beaucoup fait plaisir. Il m’a parlé de ce qu’il a fait pendant la matinée. Je n’ai pas tout compris mais si ça peut l’aider, je suis prête à l’écouter des jours durant.
J’ai passé une partie de l’après-midi avec Anissa puisque Narjess devait aller travailler. Cette fille en a vraiment vécu beaucoup, et pourtant elle reste debout et garde le sourire. Elle m’en a appris beaucoup sur la langue arabe, sur le Yémen, sur l’islam et sur Meqdad bien sûr. Je ne savais pas que le Yémen était le berceau des arabes. C’est de là que venaient toutes les tribus arabes de la Péninsule.
Vers 17h, je décide de tenter quelque chose. C’est risqué mais je dois le faire pour moi, pour ma mère, mais surtout pour Dieu. Je dois aller voir ma mère. Ça ne sert à rien de repousser ce moment quand je sais pertinemment que je devrai le faire un jour ou l’autre. Je préfère le faire le plus tôt possible pour avoir le cœur tranquille. J’appelle Meqdad qui est en pause avant de me diriger vers ma voiture. J’ai besoin de son soutien. J’ai besoin de l’avoir près de moi pour cette mission.
Une fois devant la porte, je souffle et sonne. Ma mère doit toujours être au travail puisque sa voiture n’est pas là. C’est Elisa qui m’ouvre. Je lui souris avant de la prendre dans mes bras. Elle m’a manqué. Je ne l’ai pas vue depuis mon mariage. Je comptais passer chez elle dans la semaine. Je profite du fait que maman ne soit pas là pour raconter mon voyage à Elisa et faire un tour dans mon ancienne chambre. Je ne me sens pas vraiment chez moi maintenant. C’est très bizarre. J’ai l’impression que la chambre ne m’a jamais appartenue. Pourtant ça ne fait pas si longtemps que je ne vis plus ici.
Quand ma mère arrive, je prends soin d’enlever mon voile avant de descendre. Je lui souris en allant la voir mais elle m’ignore complètement. Mon cœur rate un battement. Elle ne veut donc rien avoir avec moi. Elle me renie. Les larmes me montent aux yeux mais je les retiens. J’entreprends une deuxième tentative en posant son thé sur la table et en la saluant. Elle me répond sèchement sans lâcher son journal des yeux. Je retourne dans le cuisine le cœur lourd.
Elle est redevenue la maman d’avant sa cure. Celle qui ne se souciait pas de moi et qui ne m’adressait la parole qu’en cas de besoin.
Meqdad m’informe qu’il va chercher Noha avant de venir. Je ne lui ai pas répondu. Je n’ai rien à répondre de toute façon. Je reste dans ma chambre à pleurer jusqu’à ce qu’il arrive. C’est Elisa qui lui ouvre. J’entends Noha parler avec ma mère mais aucun signe de Meqdad. J’en viens à me demander s’il est vraiment là. Ce n’est que lorsque je reçois son message de sa part que je me rends compte qu’il m’attend avant d’entreprendre quoi que ce soit. Je me lave le visage et arrange mes cheveux avant de descendre. Il est toujours à l’entrée et maman ne l’a toujours pas vu.
« T’as quoi princesse ?
_ Rien. Viens, je vais te présenter à ma mère.
_ Ouai mais dis-moi ce que t’as.
_ Rien du tout. Allez viens. »
Il souffle avant de me suivre. Il n’est pas convaincu par ma réponse mais il est hors de question que je lui dise. De toute façon il le verra de lui-même quand nous seront face à maman.
Celle-ci arbore un sourire radieux face à Noha qui lui raconte sa journée. Cette petite a vraiment beaucoup d’énergie et une joie de vivre hors du commun. Jibril m’a dit qu’elle avait convaincu maman de jouer à chat quand il l’avait emmenée la semaine dernière.
Je prends la main de Meqdad dans la mienne et entrecroise nos doigts. Je sens son pouls sous ma paume, signe qu’il stresse un peu. Je serre un peu sa main avant de me diriger vers ma mère.
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