Chapitre 45
Camille
Je me lève de bonne humeur. Je regarde autour de moi. Je souris en me remémorant le journée d'hier. Mais mon sourire disparait aussitôt que je remarque que Meqdad n'est pas à mes côtés. Il doit être dans la salle de bain. Mais celle-ci semble vide. Je décide de ne pas m'inquiéter. Il doit être quelque part dans la maison.
Je vais pour faire ma routine mais avant d'entrer dans la baignoire, je remarque quelque chose qui me fige. Une tâche de sang. Je prends peur. Je ne sais pas comment je vais devoir réagir. Je m'en suis toujours sortie jusqu'à maintenant puisque je ne partageais ni ma chambre ni ma salle de bain. Et puis il va surement réclamer son dû d'ici quelques jours. Ajouté à tout ça, le fait qu'il me dirigera pour la prière.
En fin de compte son absence m'arrange. Je n'aurai pas à justifier ma situation. J'ai l'occasion de repousser le moment où je serai obligée de lui dire. Je souffle un bon coup et sors de la salle de bain. Je ne sais toujours pas où est monsieur, mais qu'il y reste encore un moment. Je décide de faire un tour des lieux avant de me diriger vers la cuisine parce que j'ai un creux qui se fait ressentir.
J'aime beaucoup l'architecture et la décoration. Je ne sais pas qui l'a faite mais c'est certainement pas Meqdad. La cuisine est fermée. Tant mieux parce que l'odeur de la nourriture dans toute la maison c'est désagréable. Surtout quand on attend des invités. Et il y a trois salons. Surement un pour les femmes, un pour les hommes et le dernier pour tous les jours. Chacun des salons contient sa salle de bain tout comme les cinq chambres à l'étage. L'une de ces dernières est aménagée pour Noha. Une belle décoration Princesse Sarah. Et il y a une pièce fermée, dans laquelle je n'ai pas pu entrer.
« Tu fais quoi ?
_ Wa alaykom salam. Sbah ennour.
_ Sabah elfoll. Bien dormi ?
_ Alhamdulillah et toi ?
_ Alhamdulillah. Tu fais quoi ?
_ Le petit déjeuner. T'étais où ?
_ Au Leclerc. J'ai pris des croissants et des pains aux graines. »
J'ai oublié mon problème l'espace d'un instant. Pourvu qu'il ne mette pas le sujet sur la table. Je ne sais pas quoi faire pour le petit déjeuner. D'habitude c'est Elisa qui me le fait. Et puis je ne sais pas ce qu'il mange lui. Il doit surement se nourrir de croissants et de petit pains aux graines. Il se dirige vers la cafetière et se fait un Expresso. Il m'en propose mais je décline. Je m'en tiens à mon jus d'orange, ce qui me vaut un rire de mon mari.
« Sale enfant !
_ Et fière !
_ Pas que ça me dérange hein. Mais devoir m'occuper de deux gamines ça m'enchante pas tant que ça.
_ C'est toi qui l'as choisi tout seul hein. Personne ne t'y a obligé.
_ Mais t'as pas refusé non plus. Même pas t'as eu pitié de moi.
_ Tu as été celui qui a fait le premier pas. Et j'ai eu pitié de toi quand je me suis dit que t'as tout mis de côté pour venir vers moi.
_ Pas faux. »
Bizarrement je me sens très à l'aise avec lui. Les autres filles m'ont assuré avoir été gênées le premier jour de leur mariage. Sumayah m'a même confié qu'elle n'osait même pas manger devant lui pendant une semaine. Moi, au contraire, je mange tout ce qui me plait et je ne ressens aucune gêne.
« Asy va te préparer. On prie et on sort si tu veux.
_ Tu... Euh... Je...
_ Je, tu, il. Y a quoi ?
_ J...
_ Camille...
_ Mais... »
Je sens mes larmes monter et ma gorge se nouer. Et voilà. Ce que je redoutais est arrivé. Mes hormones ont eu raison de moi. Il vient me prendre dans ses bras en me demandant ce que j'ai.
« R...
_ Dis pas rien quand tu pleures.
_ Mais... C'est les... Hormones.
_ Quels hormones ? Me dis pas que t'es enceinte ! »
Cet homme m'exaspère. Il ignore surement qu'une femme fait face à ses hormones une fois par mois, et pas seulement quand elle est enceinte. Ya Allah. Pourquoi il a fallu que je sois dans cette situation alors que ça ne fait même pas 24 heures que je suis mariée ? Je soupire et m'éloigne de lui.
« Tu bouges...
_ Meqdad s'il te plait.
_ Mais...
_ Laisse-moi. Prie tout seul.
_ Quoi ?! Attend... Me dis pas que... »
Monsieur explose de rire. Je pense qu'il vient de comprendre. Ou alors il se moque de moi. Il doit penser que je le boude et que je ne veux pas prier avec lui. Je suis prête à jurer devant Dieu que j'en meurs d'envie. Je n'ai jamais prié derrière lui avant la nuit dernière. Et c'est une sensation sans pareil. En dirigeant ma prière, j'ai vraiment l'impression qu'il me conduit au Paradis.
« C'est bon j'ai compris. Va te préparer le temps que je prie. Fallait le dire.
_ Mais...
_ C'est bon arrête de pleurer. Et t'aurais pas pu le prévoir ça ?
_ De ?
_ Bah ce que t'as. C'est quel genre...
_ Meqdad ! Va prier. »
Je m'affaire à ranger alors que monsieur rit légèrement avant de sortir de la cuisine. C'est fou ce qu'il a le don de me mettre dans tous mes états ! Et puis qu'est-ce qu'il est bête ! Je ne peux pas prévoir d'avoir ou pas mes règles deux mois à l'avance. Je ne l'avais même pas prévu hier. Et même si je pouvais le faire, je ne me vois pas lui demander de décaler d'une semaine juste pour ça. C'est complètement débile.
Je monte m'habiller avant qu'il perquisitionne le dressing. Quand j'arrive dans la chambre, il est encore dans la salle de bain. Je ne sais pas ce qu'il fait mais tant qu'il est hors de mon chemin ça m'arrange. Je n'aurai pas à faire face à ses remarques gênantes. Je découvre un tout autre côté de lui. Mais je sais qu'il ne parle pas comme ça avec n'importe qui.
« On a du temps encore. Tu veux faire quoi ?
_ Je ne sais pas. Mais c'est quoi le programme ? Je sais même pas pourquoi on sort.
_ Je t'emmène quelque part, on va goûter et on mange chez ma mère ce soir.
_ On va où ?
_ C'est une surprise. Tu veux faire quoi en attendant ?
_ Je sais pas.
_ Une partie d'échecs ?
_ Pourquoi pas. »
On descend et il va chercher le plateau. Décidément c'est vraiment son jeu préféré. Il l'emmène partout. J'ai remarqué qu'il y en avait deux chez ses parents. L'un est ici et l'autre est resté à sa place chez mes beaux-parents.
« T'aimes beaucoup ce jeu.
_ C'est normal.
_ Ah bon ?
_ J'y joue tout le temps avec mon grand-père. C'est lui qui m'a appris à y jouer.
_ Je vois.
_ Mais c'est juste un passe-temps. C'est pas comme le foot. Je suis pas prêt à faire des sacrifices et tout pour l'échec. Alors que le foot bah je peux me passer de pleins de trucs juste pour pouvoir regarder un match ou jouer. Mais le foot ça me ressemble plus. L'échec c'est trop sophistiqué.
_ En fait t'aimes ça seulement parce que c'est ton grand-père qui t'y a initié ?
_ Non. En vrai j'aime trop y jouer. Quand j'ai un truc qui me stresse ou quoi bah je joue pour me calmer. Genre pendant le bac j'y jouais tous les soirs presque. Cela dit, je lâchais pas le foot.
_ Je vois. Sinon j'avais une question à te poser.
_ Vas-y. Mais pas Anissa.
_ T'inquiète pas. Qui est la personne avec qui tu aimes passer le plus de temps ? Je te l'avais posée deux fois par le passé mais t'y as pas répondu.
_ Je pense que t'as ta réponse non ?
_ Non.
_ Mon grand-père. C'est lui qui m'a élevé et qui m'a tout appris. Je serais pas l'homme que je suis aujourd'hui sans lui.
_ De toute façon, toute personne qui entre dans nos vies laisse un impact et fait de nous ce qu'on est aujourd'hui.
_ Pas faux. Mais mon grand-père c'est celui qui a eu le plus gros impact dans la mienne. Parce que quand tu regardes, des personnes qui rentrent dans ta vie, y en a plein. Mais elles ont pas toutes le même impact.
_ Pas faux. Après ton grand-père c'est qui ?
_ Je vais m'arrêter là.
_ Mais...
_ Camille s'te plait. C'est vraiment un sujet sensible. Je te promets de t'en parler un jour mais là, je viens à peine de retrouver mon grand-père et...
_ Je comprends. »
C'est déjà très bien qu'il s'ouvre à moi comme ça. Je ne vais pas plus le pousser. Je pense que par rapport au Meqdad que je connais, il en a trop dit. Et ça lui demande un effort surhumain de s'ouvrir comme il vient de le faire. Je dois lui laisser le temps d'être plus à l'aise et parler de lui-même quand il en a envie. Et puis il m'a fait la promesse de tout me dire alors je n'en doute pas. Il lui faut juste du temps.
« Echec et mat !
_ T'es sérieuse ?! T'as fait comment ?
_ Honnêtement, je sais pas.
_ C'est même pas du jeu ! Moi je calcule tous mes coups et c'est madame qui y joue pour la deuxième fois de sa vie et qui bouge ses trucs au pif qui gagne !
_ Fais pas l'enfant. On refait une partie si tu veux.
_ Non c'est bon. J'ai plus envie de jouer.
_ Le mauvais joueur !
_ Je suis pas mauvais joueur. Juste que j'ai plus envie de jouer.
_ Oui bien sûr.
_ Genre tu me crois pas ?
_ Si. Juste que voilà... Y a une raison pour...
_ Ouai. Et la raison c'est que j'ai même pas mes ablutions et c'est l'heure de la prière dans pas longtemps.
_ Oust ! Faut que je me change aussi. Si on va chez ta mère...
_ Ouai, ouai. Fais-toi plaisir. Mets pas de blanc aussi.
_ Meqdad !
_ Quoi ?
_ Rien.
_ Tu vas encore pleurer ?
_ Non mais...
_ Mais quelle idée aussi de les avoirs maintenant !
_ C'est pas moi qui décide ! Et puis...
_ Et puis quoi ?
_ Et puis c'est toi ! Quelle idée de te marier à une fille !
_ Je vais pas me marier avec un gars aussi.
_ Ils ont pas de trucs eux au moins.
_ Ouai mais ils vont pas porter mes gosses.
_ Il existe plein d'alternatives aussi.
_ Mais non. En fait... Asy je vais faire mes ablutions avant que ça devienne gênant. »
Il part me laissant perplexe. J'esquisse un sourire en comprenant ce qu'il veut dire. Il pense comme moi. Je ne veux pas porter l'enfant de qui que ce soit à part la personne que j'ai accepté d'épouser. Je veux que l'enfant détienne mes gènes et ceux de Meqdad. Pas ceux de mon frère ou de qui que ce soit.
Une fois prêt, il sort en me demandant d'être prête quand il revient. Je décide de m'y mettre toute de suite. Je mets une robe longue. C'est Mayar qui me l'a offerte en revenant de Jordanie il y a quelques mois. Elle me plait beaucoup. Je n'ai pas eu d'occasion de la mettre, et aujourd'hui me semble être une bonne occasion.
Meqdad arrive une demi-heure plus tard, quand je suis sur le point de mettre mes chaussures. Il me regarde un instant avant de soupirer et monter faire je ne sais quoi. Je ne sais pas ce qu'il a mais il n'a pas adressé la parole. Je verrai ce qu'il a dans la voiture. Pour l'instant, il faut qu'on sorte.
« Meqdad ?
_ Quoi ?
_ Qu'est-ce...
_ Parle pas, je vais m'énerver bêtement.
_ Mais...
_ Mais quoi ? »
Je soupire en regardant la fenêtre. Monsieur est de mauvaise humeur, bah qu'il y reste. Je ne vais pas lui courir après. C'est censé être notre meilleur jour, celui où on devait rire et ne pas nous soucier de quoi que ce soit. Mais monsieur préfère se braquer et ne pas parler pour « éviter de s'énerver bêtement ».
Meqdad
Je regarde dans sa direction discrètement. Elle fout le seum un peu. Je sais que je devrais lui dire mais elle va me prendre la tête et ça va partir plus loin. Donc je préfère garder mon mal en patience. Ça plait pas à madame mais c'est la meilleure chose à faire selon moi. Après je vais pas annuler ce que j'ai programmé pour ça. Ce serait absurde.
On arrive devant le chantier et je descends sans un mot. Si elle le fait pas toute seule, je vais la chercher. C'est plus pareil maintenant. Avant, je lui aurais lancé un truc sec pour qu'elle comprenne. Là, je peux me permettre d'aller la chercher, donc j'en profite.
« Pourquoi on est ici ?
_ Tu sais pas ? T'es déjà venue pourtant.
_ Je n'en ai pas le souvenir.
_ Si. T'es venue avec moi. Mais c'était le soir et t'as rien vu.
_ C'est l'orphelinat ?!
_ Yep. »
Je la regarde même pas. Ça va me foutre la haine. Sa robe elle est pas moulante ou quoi, mais elle met en valeur son visage et c'est déjà trop. Les gens ils vont la regarder et j'aime pas. C'est MA femme et pas celle des autres. Le seul qui peut la regarder, c'est MOI.
« Meqdad ?
_ Hm ?
_ Qu'est-ce qu'il se passe ?
_ Rien.
_ Non. Depuis que t'es rentré de la mosquée t'es distant.
_ J'ai rien.
_ Meqdad s'il te plait !
_ T'es une gamine en vrai !
_ Mais non ! Mais...
_ C'est bon là. Je vais m'énerver bêtement. »
Elle vient me prendre le bras et me retourner de force. Mais elle y arrive pas. On a pas le même gabarit. Je me retourne pour lui faire plaisir. C'est ses yeux qui me captent. Je les lâche pas du regard. J'y ai jamais fait attention mais là j'ai plus les mots. Ils sont d'un bleu... Je suis en train de divaguer là !
Elle me parle mais j'entends rien. Je vois juste ses lèvres bouger. Je deviens fou ! En plus avec sa robe qui met tout ça en valeur, ça m'aide pas. Sa morale j'en ai rien à foutre. Je sais ce que je fais. Mais là je contrôle plus rien dans mes sens. Elle me fait perdre la tête. Je me reconnais pas là. J'ai jamais regardé un meuf comme ça. J'ai jamais autant réagi en regardant une meuf.
Et comme pour me prouver tout ça, mon visage se rapproche du sien en écrasant mes lèvres sur les siennes. Elle réagit pas tout de suite mais quand je vais pour m'éloigner, elle rapproche ma tête de la sienne et fait le premier pas. Je suis encore dans un état second quand on se redresse. J'y crois pas. Je viens d'embrasser un meuf. Mais là c'est pas n'importe laquelle. C'est ma femme.
« Au moins j'ai réussi à te faire taire. Et sans gifle.
_ Comment ça ?
_ T'es une sauvage en vrai.
_ Ça dépend avec qui. Avec mon mari j'oserais pas.
_ Y a intérêt hein.
_ Oui. On y va ? »
Madame la princesse attend devant sa portière que je vienne lui ouvrir. Faut pas qu'elle s'y habitue aussi. Je vais pas le faire à chaque fois. Là je le fais pour faire bonne impression mais au bout d'un moment elle va devoir se servir de ses mains.
« Oh non !
_ Quoi ?
_ Ma robe !
_ Elle a quoi ?
_ Elle est pleine de poussière !
_ C'est bien, ça empêchera les gens de te regarder.
_ Bien sûr. Et je vais voir ta mère comment ?
_ Bah comme ça. Ça te dit une glace ?
_ Je sais pas...
_ Asy on prend une glace et on part chez ma mère. Mais je descends et on mange les glaces dans la voiture.
_ Pourquoi ?
_ Ta robe. Les gens ils vont te regarder et ça va me souler.
_ T'es sérieux ?! Moi je les regarde pas les gens !
_ Je sais. Mais j'ai pas confiance en eux. Je préfère qu'on reste entre nous.
_ Attends. Je viens de penser à un truc. T'es jaloux !
_ Même pas ! Juste que t'es ma...
_ T'es juste jaloux.
_ Asy tais-toi ! J'aime juste pas. C'est tout !
_ Oui oui c'est tout. »
Elle a un sourire qui part du Golfe d'Aden à Mascate. Il a fait tout le littoral yéménite et omanais. Madame est aux anges. Je sais pas pourquoi. Mais je préfère la voir comme ça que quand elle boude. Donc je la laisse dans son délire et je prends la route. J'ai envie de faire un truc mais j'ose pas. Je sais pas ce qui m'arrive. Je me reconnais même pas.
« Tu veux quoi comme parfum ?
_ Fraise.
_ Comme une gosse.
_ Si tu veux. Tu prends quoi toi ?
_ T'occupe. C'est moi qui passe les commandes pas toi. Je te laisse les clés. Fais-toi plaisir. Mais touche pas trop.
_ Oui, oui. »
Je sens qu'elle va me faire une connerie. Je sais pas quoi mais ça va pas me plaire. En vrai c'est encore une gosse dans sa tête. Mais je trouverai personne comme elle. Y en a pas deux comme elle sur Terre. Elle sait se montrer mature quand il le faut, même si la plupart du temps elle se comporte comme une gamine.
Je prends mes trucs et je retourne à la voiture. Je vérifie qu'elle a rien fait dedans. Y a pas l'air d'avoir de changement. Je vais pour démarrer mais je trouve pas mes clés. Je commence à chercher partout. J'allais retourner dans le magasin quand je vois madame avec un sourire aux lèvres. Je le savais.
Je fais comme si j'ai rien vu et je sors de la voiture. Je fais discrètement le tour de la voiture et j'ouvre sa portière brusquement. Elle s'y attendait pas. Je ris en voyant sa tête et en prenant sa glace des mains. Je la fais chanter en despi et elle démarre sans que je lui dise. Je reprends ma place avant de prendre la route.
Camille
« Alors ?
_ Alors quoi ?
_ C'est comment de vivre avec mon frère ?
_ Bah... Normal.
_ Oui bien sûr. Vous avez fait quoi en rentrant ?
_ Je pense que tu sais hein. Les garçons ils ont fait une gaffe et ils ont dû venir la réparer. Ensuite on a prié et on a dormi.
_ Ok.
_ C'est quoi ces questions toi ? Marie-toi et tu sauras !
_ Tu sors d'où toi ?
_ Déjà je suis à l'intérieur. Je vois pas comment tu peux so...
_ Ouai bref ! T'as aimé la surprise ?
_ Laquelle ?
_ La mairie hmar que t'es !
_ A ton avis. Ils sont où les autres ?
_ Mayar elle a pété les plombs en rentrant hier. Elle est venue dormir chez ses parents et elle a lancé un ultimatum à son mari. Vous avez foutu le bordel et elle va pas rentrer tant que c'est pas rangé. Karim il les a tous perquiz'.
_ Ça leur apprendra. Soum' elle vient quand ?
_ Elle arrive normalement. »
Meqdad sort de la cuisine me laissant avec sa sœur. Ma belle-mère est allée se reposer. Elle a peu dormi cette nuit. Dans le salon, il n'y a que mon mari et ses deux pères. Buthaynah et Noha sont chez la sœur de Karim avec Mariam qui est venue avec les parents de ce dernier pour le mariage.
La soirée se passe à merveille. Meqdad est heureux d'enfin passer du temps avec son grand-père. Il n'a presque pas adressé la parole aux autres membres de sa famille. Il ne leur a parlé que très brièvement répondant à une question de l'un, donnant un ordre à l'autre et lançant une vanne en l'air, sans pour autant prendre part à aucune de leurs conversations.
Pour ma part, j'ai passé le plus clair de mon temps avec mes belles-sœurs et ma belle-mère. Nous avons parlé de tout et de rien. Elles me racontent les anecdotes de Meqdad. Il était nettement moins sérieux au lycée et au collège. Bien que bon élève, il était souvent distrait et insolent à certains moments. Il s'est même pris la tête avec un prof d'histoire au lycée, le sujet étant la laïcité. Ça ne m'étonne même pas. Certains enseignants vont trop loin dans leurs propos, et c'est à se demander s'ils ne le font pas par pure provocation.
Pour le dîner, nous nous sommes installées dans la cuisine tandis que les hommes sont restés dans le salon. Tout se passe dans la joie et la bonne humeur. Nous avons pris le thé tous ensemble dans le salon. Bien sûr nous nous sommes fait baptiser, moi par les filles, et Meqdad par les garçons, sous le regard désapprobateur de leur grand-père. Ensuite, tout comme le reste de la soirée, Meqdad demande des nouvelles de tous ses amis au Yémen à son grand-père. Je ne comprends pas tout, mais assez pour savoir vaguement de quoi ils parlent. Mais dans tout ça, un seul nom retient mon attention. Anissa.
Plus son grand-père parle, plus Meqdad fronce les sourcils. Je remarque aussi que ses poings se serrent et ses yeux rougissent. Il déglutit sans rien dire. Je ne comprends pas ce que dit l'homme en face de lui, mais ça n'a pas l'air drôle. Puis, sans prévenir personne, Meqdad sort en claquant la porte. Je suis presque sûre qu'il va aller sur le toit. C'est son endroit.
Je ne sais pas quoi faire. Je n'ai aucune idée de la raison de son éclipse. Je sais que c'est par rapport à ce que vient de lui dire son grand-père mais à part ça, j'ignore tout. Je jette un œil à l'audience et c'est comme si toute la soirée n'était qu'une illusion. Je décide donc de m'excuser et de monter. Bassam essaie de me retenir mais je ne peux pas laisser mon mari dans cet état.
« Meqdad ?
_ Descend Camille.
_ Mais...
_ J'ai envie de rester tout seul. Va rejoindre les autres.
_ Non. Je ne te laisserai pas.
_ Camille !
_ Dis-moi au moins...
_ Putain mais tu comprends comment ?
_ Mais...
_ Asy. Demande à baba de te poser à la maison. »
Et il s'en va je ne sais où sans ajouter un mot ou même un regard dans ma direction. Sa voix est cassée. Il a dû pleurer. Mais encore une fois, j'ignore la raison de tout ça. Je n'ai pas d'autre choix que de descendre et demander à mon beau-père de me déposer chez moi. J'espère juste que Meqdad ne tardera pas à rentrer puisqu'il travail demain. Il n'a pas pris de congés cette semaine mais la semaine suivante.
« Baba ?
_ Hm ?
_ Il a quoi ?
_ Il a perdu des personnes chères.
_ Anissa ?
_ Comment tu la connais ? Il t'en a parlé ?
_ Pas vraiment. Mais est-ce que...
_ Non. Elle est en sécurité en Angleterre.
_ Alors...
_ Ne te prend pas la tête pour ça. Dors et demain il...
_ Et si... »
Mes larmes ont raison de moi. J'ai peur qu'il ne rentre pas. Je n'ai pas envie de revivre la même chose qu'il y a un an. L'impact sera trop fort et je doute que je puisse le supporter. Je ne pourrai pas supporter le fait que mon mari soit à l'hôpital encore une fois pour une durée indéterminée. La maison est bien trop grande pour moi toute seule. Je ne pense pas pouvoir y vivre sans lui.
Je pleure à en perdre le souffle dans les bras de mon beau-père. Meqdad ne répond pas au téléphone. J'ai essayé de l'appeler plusieurs fois et je tombe sur sa messagerie à chaque fois. Il l'a carrément éteint. Il a vraiment besoin d'être seul. Mais la dernière fois qu'il était seul dans la voiture et que son téléphone était éteint, c'est parce qu'il était plongé dans un coma qui a duré 7 mois. Et à ce moment-là, je l'avais mal vécu malgré la situation très fragile entre nous. Maintenant c'est différent. Il est mon mari et s'il lui arrivait quoi que ce soit, je ne le supporterais pas.
Je lève mes bras au ciel faute de mieux. Je demande à Allah de me le ramener sain et sauf. Je Lui demande de le laisser auprès de moi le plus longtemps possible. Ses frères et sœurs aussi ont besoin de lui. Il ne peut pas les laisser maintenant. Je tente quand même de le rappeler mais en vain. Son téléphone est toujours éteint.
Mon beau-père est rentré après que j'ai insisté pour qu'il le fasse. Je suis donc seule à attendre mon mari chez moi. Je prie pour qu'il rentre sain et sauf. Je ne peux pas poser mon front au sol, donc je lève mes mains au ciel. Je lis un peu de Coran. Je ne peux pas fermer l'œil.
Au bout de quelques heures, j'entends la porte s'ouvrir. Je lâche un soupir de soulagement. Alhamdulillah. Il est de retour sain et sauf. Allah a entendu mes prières. Je cours dans le hall et lui saute dans les bras. J'ai eu tellement peur. Je ne savais pas ce qu'il était capable de faire de son état. Il a l'air calmé maintenant.
« C'est bon je suis là maintenant.
_ Mais...
_ Chut. On en parle plus tard in sha Allah. Là faut qu'on dorme.
_ J'ai eu tellement peur.
_ Je sais. Viens maintenant. »
Il pose délicatement ses lèvres sur les miennes. Je réponds bien sûr à son baiser avec toute la peur que j'ai eue et le soulagement que je ressens maintenant. Le contact de ses lèvres sur les miennes me procurent mille et une sensations, éveillant des parties que j'ignorais existaient dans mon corps.
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