Chapitre 44
Meqdad
Comment ils m'ont foutu les nerfs ! Ils m'ont fait faire le tour de la cité les yeux bandés. Vraiment des enfoirés. Après leur jeu de voiture là il était vraiment de mauvais gout. J'avais l'air d'un cassos et j'aime pas ça. Le pire dans l'histoire, je crois, c'est que mes parents ils ont rien dit. Ils ont vu toute la scène et ils y ont même participé. Le moins que je puisse dire, c'est que ces clochards ont fait de mon mariage une journée inoubliable. Là c'est que la matinée. J'appréhende le reste.
Le maire a fait tout son blabla que j'ai pas écouté et il arrive à la question fatidique. Bien sûr je dis oui. J'ai pas cogité des nuits entières pour au final tout foutre en l'air. Et j'ai pas joué avec les nerfs de Camille pour au final la tej en public. Je réprime un sourire en revoyant sa tête quand Buthaynah elle lui a dit que j'allais me marier. Mais je perds l'envie en me rappelant qu'elle l'avait appelée Anissa. Le pire, c'est qu'elle l'avait vraiment fait en référence à Anissa.
Puis vient le tour de Madame. A cette pensée, j'ai encore plus la haine contre les autres enfoirés. C'est ma femme et je l'ai même pas vue. Quel marié je fais ! Là ça va je sais à qui j'ai affaire et je connais un minimum la mariée. Dans ma tête je suis retourné quelques décennies en arrière et je m'imaginais l'état d'un marié qui vit la même chose que moi. A la différence près que lui, il avait jamais vu sa mariée. Perso, j'aurais pas dit oui sans l'avoir vue. C'est mon droit religieux aussi.
Le maire demande si quelqu'un a une quelconque opposition sur l'union. Sinon qu'ils se taisent à jamais. Et une fois sa phrase terminée, un hmar dit qu'il s'y oppose. Pas n'importe lequel. Celui qui m'a embrouillé pour que je la marie. Celui qui a joué le plus grand rôle dans l'histoire. Celui qui a été le plus content de ma décision. Bassam. J'en croyais pas mes oreilles.
« Retourne-toi s'il te plait.
_ Quoi ?
_ Meqdad, ne fais pas l'enfant et écoute-moi s'il te plait. »
Je souffle et me tourne un peu. Elle me demande de me retourner encore un peu. Elle me guide jusqu'à ce que j'aie la « bonne position ». Je sens qu'elle essaie de dénouer le truc qui me gêne depuis deux heures maintenant. Je vais être délivré sous peu. Alhamdulillah.
Une fois libre, je cligne plusieurs fois des yeux pour m'habituer à la lumière dont j'ai été privé. C'est là que je me dis que la vue c'est vraiment un don et qu'on doit remercier Allah pour ça chaque minute. Alhamdulillah. Quand je me suis bien habitué à la lumière et que je vois à peu près bien, je regarde droit devant moi. Je crois halluciner. Je me gratte les yeux mais ça veut pas partir.
« Vous avez mis quoi dans...
_ Rien du tout. A part les trucs dont tu t'es rendu compte y avait rien. Je t'en donne ma parole devant Allah. »
Ils ont de la chance que je les connaisse. D'un pas hésitant, je me dirige vers la personne que je souhaitais le plus voir mais à laquelle je m'attendais le moins. Mes yeux me brulent et les larmes menacent de couler. Une boule se forme dans ma gorge quand je prends mon grand-père dans mes bras.
Dix ans. Dix putains d'années dans le doute de le revoir un jour. Dix années perdues dans la nature à faire je ne sais combien de conneries la seconde parce que j'ai plus mon repère pour me remettre sur le droit chemin quand je dévie. Dix années dans le manque de la personne qui compte le plus à mes yeux. Et le voilà devant moi, le jour de mon mariage. Dans mes bras, le moment fatidique où tout est censé changer. Tout sauf son image à mes yeux.
« Bon va signer tes papiers. Il reste plus que toi.
_ Mais...
_ Quoi ? Y a ta femme qui t'attend.
_ T'étais pas contre, toi, y a 2 minutes ?
_ Moi ? Après m'être donné un mal de chien pour que t'acceptes ?
_ Asy on en parle après. »
Je retourne sur mes pas mais je bloque. Je l'ai jamais vue en blanc. Elle en a peut-être mis un jour dans sa vie, mais je l'ai jamais vue. Et ça lui va à merveille. Je sais pas si c'est elle qui embellit la robe ou si c'est la robe qui la rend plus belle. Je deviens fou là !
Je signe sous les moqueries des clochards qui me servent de témoins. Je leur revaudrai ça. Ils paient rien pour attendre. Je vais réfléchir à un plan à faire seul. Pour l'instant, je compte bien profiter de ma journée.
Après la mairie, c'est direction chez Samy pour elle et chez Karim pour moi, en attendant la prière pour aller à la mosquée et faire la cérémonie religieuse. On a pris la même voiture. C'est Bassam qui a conduit avec mon grand-père côté passager. Il a demandé après Noha mais j'ai rien dit. Je vais tout lui expliquer moi-même. J'ai 10 ans à lui raconter. Mais je dois aussi savoir comment il a atterri ici le jour de mon mariage.
C'est Tareq qui me l'a expliqué. Il a encore un contact avec des gars du quartier. Les meilleurs pour être plus précis. Ceux à qui je pense jour et nuit en pensant à ma vie au Yémen. Celui qui l'a aidé à faire venir mon grand-père, c'était comme un grand frère pour moi. Maintenant il est en Irlande. Les triplets sont séparés parait-il. Anissa et l'un de ses jumeaux sont en Angleterre et le troisième en Turquie. Mon grand-père il était en Turquie. Mais je vais lui faire ses papiers pour qu'il reste ici. Je le veux près de moi, et je veux m'assurer moi-même de son bien-être. C'est mon tour de veiller sur lui maintenant.
Le soir, on est restés chez Karim entre jeunes et mon père et les autres darons ils étaient chez mes parents. C'est plus chez moi maintenant. C'est même pas la même chose que quand j'avais mon appart parce que je venais souvent. Et j'avais rien qui me retenait et m'empêchait de trainer pour rentrer.
Maintenant c'est différent. Maintenant j'aurai une femme qui m'attendre. J'aurai une femme qui me permettra de pas m'ennuyer. J'aurai une femme qui me fera à manger. J'aurai une raison de rentrer chez moi sans forcément passer chez mes parents. Cela dit, je passerai un max.
Jibril a fait construire une maison pas loin pour sa sœur. J'y ai fait un tour quand c'était encore des murs blancs. Le bâtiment en lui-même il était déjà prêt. Il a laissé les autres s'occuper de la déco en nous laissant la surprise. J'espère juste que ça plaira à Camille.
« Ça fait combien de temps que t'es là ?
_ Deux semaines.
_ Et moi je...
_ Ils voulaient te faire la surprise aujourd'hui.
_ Mais...
_ On parle de toi aujourd'hui. Tu as encore quelques semaines pour me poser toutes les questions.
_ Tu veux savoir quoi ?
_ C'est qui la petite ?
_ Une rohingya que j'ai pris sous tutelle.
_ Tu connais les...
_ Je me suis renseigné sur tous les plans. Je vais la repasser à son frère quand il sera à même de s'occuper d'elle.
_ Et ton histoire ? Sumayah m'a raconté un peu mais elle m'a fait mal à la tête donc j'ai pas écouté. »
Je rigole et je lui raconte tout en détail. De mes matinées au marché à ce matin, en passant par mes études, la demande de Laurine, les séances de tutorat, son agression dans la cité de Pablo, le premier appel, ma rencontre avec son frère, son viol, nos disputes, sa conversion, mon coma, l'éducation de Noha et ma demande. Il a pas dit un mot de tout mon récit mais j'ai bien vu ses réactions faciales. Tout le trahit. Mais sa réaction finale elle m'a surprise. J'aurais dû m'y attendre. Et je dois avouer que même si il a pris de l'âge, une droite de sa part, c'est toujours aussi douloureux et ça me fait toujours le même effet. Ça m'avait manqué n'empêche. Je pense que j'en ai eu besoin à certains moments de ma vie.
Il m'a frappé, pas parce que je me suis rapproché d'une fille étrangère mais parce que je lui ai fait certaines crasses qu'il peut pas laisser passer. En vrai il s'attendait un peu à ce genre de scénario. Il s'y attendait plus que moi je pense. J'ai pas fait de gros faux pas non plus. J'ai pas commis l'irréparable mais j'avais poussé mes limites en m'attachant à elle.
Camille
J'ai passé une journée merveilleuse. Entre les bêtises des garçons ce matin, celle des filles à midi et le sérieux de leurs mères, je me suis réellement amusée.
La mère et la belle-sœur de Zouhour m'ont aidée à me changer plusieurs fois. J'ai mis des robes de tous les pays, du Maroc au Yémen, en passant par la Libye, la Syrie et la Jordanie. Bien sûr l'Inde a fait partie de la soirée. Toutes ces robes sont le fruit de nuits d'insomnies et d'un travail acharné de Zouhour. Je l'ai aidée à coudre aussi mais ce n'était pas suffisant, donc ses belles-sœurs ont mis la main à la pâte aussi. Je ne les remercierai jamais assez pour tout ce qu'elles ont fait pour moi.
Je m'amuse très bien avec les filles quand Narjess hausse la voix et prononce les cinq mots qui me figent. Le marié demande à entrer. Les autres partent s'habiller tandis que je reste figée, ne sachant pas que faire. C'est Sumayah qui sort de ma torpeur et qui m'accompagne sur mon trône. Elle m'aide à m'installer avant de se diriger vers l'entrée de la salle, surement pour rejoindre son frère. Je déglutis difficilement en sentant mon cœur prendre sa course folle. Je ne lui ai jamais connu de tel talent d'athlète.
Je baisse instinctivement la tête quand Narjess crie que c'est bon, sûrement à l'égard de son frère. Je ne sais pas comment me comporter. Le stress monte au fur et à mesure que je le sens se rapprocher. Je n'ai toujours pas levé les yeux vers lui, mais je sens son regard vers moi. Mes joues brulent, et je suis sûre qu'elles doivent virer au pourpre.
Le temps que mon cœur se calme et que mes joues retrouvent une couleur à peu près normale, Meqdad est déjà assis à mes côtés. Je n'ose pas risquer de coup d'œil dans sa direction jusqu'à ce que j'entende Noha parler. Je lève les yeux vers elle et jette un œil à son père. Mon mari. Je réprime un rire quand je vois le résultat de sa soirée. Il est plein de couleurs et son costume est devenu jaune, ses cheveux rouges et son visage multicolore. Ils ne l'ont pas raté.
Mon cœur rate un battement quand il se penche pour me demander si ça me fait rire. Je sais très bien de quoi il parle mais je n'ose pas ouvrir la bouche. Et puis j'ai réalisé qu'il est proche. Très proche. Je déglutis en essayant de reprendre une respiration régulière. Ça a l'air de plaire à Monsieur parce qu'il se penche un peu plus et propose de « m'apprendre à respirer ». Décidément...
« Tu m'exaspère...
_ Dommage que tu puisses pas te sauver.
_ Oui. C'est vraiment dommage.
_ T'as pas répondu à ma question.
_ Laquelle ?
_ Pourquoi tu rigolais ?
_ Parce que... Je ne te dirai pas. »
Je me concentre ensuite sur Noha pour camoufler mon malaise. Jouer avec mes nerfs semble lui plaire. Je le comprends d'un côté. Le seul moment de répit qu'il a de la journée est celui-ci. Tout au long de la journée j'ai reçu des vidéos de Bassam où ils étaient en train de le martyriser. Ça m'a fait rire sur le moment. Mais Meqdad m'a vraiment fait de la peine.
Quand vient le moment de déguster la pièce montée, Narjess avait insisté à ce que Meqdad et moi coupions le gâteau ensemble. Il l'a envoyée balader et lui a rendu le couteau. C'était de toute façon hors de question que je coupe et encore moins avec sa main au-dessus de la mienne. Il est déjà bien trop près comme ça. Miss n'est pas contente. Elle se venge donc en nous demandons d'échanger un morceau, ce que mon mari refuse catégoriquement. Elle le fusille du regard, ce qu'il lui rend à la perfection. J'en ai des frissons. Elle n'en sortira pas indemne.
Puis vient l'heure de partir. Je stresse à l'idée de me retrouver seule avec Meqdad. Je ne sais pas pourquoi, mais des souvenirs de ma soirée chez Damien refont surface. Je tente de les enlever mais en vain. Je ne dis rien de tout le trajet. Il me demande de mettre un CD, dans un boitier « rose princesse », dans le lecteur. Dès que la voix du récitateur retentit dans la voiture, mon cœur s'apaise et mon angoisse se dissipe. Je reprends confiance en lui.
Il fait défiler les sourates jusqu'à la piste 24. Sourate An-Nour, la Lumière. Je souris. Je sais très bien pourquoi il l'a mise. C'est la première sourate que j'ai découvert. Celle qui m'a fait reprendre gout à la vie. Celle qui m'a initié aux lois du Suprême. Les premiers versets que j'ai entendu de la bouche de Meqdad. Par réflexe, je commence à réciter en même temps. C'est une des premières sourates que j'ai apprise après les petites dernières.
« T'as un bon tajwid en vrai. Il te manque juste quelques points d'articulation. »
Je le regarde incrédule. Je ne me suis pas rendu compte que je récitais fort et qu'il m'avait entendue. Je baisse la tête rouge de honte.
« Non mais c'est parce que j'ai l'habitude de suivre avec le même...
_ Arrête. Ça fait 10 minutes qu'on est arrêté et que j'ai éteint le moteur. Donc 10 minutes que tu lis toute seule. »
J'ai envie de m'enterrer. Je déglutis, incapable de prononcer quoi que ce soit. C'est exactement ce que je voulais éviter. Je ne voulais pas qu'il entende ma piteuse récitation. Ça n'a rien à voir avec sa lecture fluide et plaisante. J'écorche tous les mots et oublie même certaines lettres tant c'est difficile de les prononcer.
« On verra ça à l'intérieur. »
Il descend et le temps que l'information remonte à mon cerveau, il a déjà ouvert ma portière. Il me tend sa main, que je prends avec hésitation. Je descends à mon tour de sa SUV, qu'il a achetée après son coma. Sans lâcher ma main, il me conduit vers l'entrée de ce qui me semble être une maison. Malgré la chaleur du mois de juin, mon corps frissonne tandis que ma main brule sous son toucher.
« Y a pas de lumière.
_ Pardon ?
_ Les enflures ils ont tout disjoncté.
_ Mais...
_ T'as de la batterie ?
_ Euh... Je pense.
_ Si t'en as, allume le flash et appelle ton frère. Pour être sûr. »
J'exécute en laissant tomber sa main. A contre cœur. Je compose le numéro de mon frère tandis que lui tourne un peu dans le hall en cherchant le disjoncteur. Je le sens nerveux. Il fait des allers-retours dans le hall en soupirant. Je peux même deviner ses traits tendus grâce à la lumière du flash. Quand mon frère décroche, il a l'air paniqué. Mais je peux distinguer un air amusé dans sa voix. Il sait ce qu'il se passe et veut simplement me faire croire qu'il y est pour rien.
« Jibril !
_ Qu'est-ce...
_ Arrête. Meqdad est hors de lui et...
_ Demande-lui de s'asseoir et de...
_ Jibril !
_ Passe. »
Je lui donne donc mon téléphone. Je lui prends le bras pour tenter de le calmer. Il esquisse un sourire qui se veut rassurant en ma direction. Je sais que c'est simplement pour me faire croire que tout va bien mais le ton qu'il emploie avec mon frère me prouve le contraire. Ils l'ont vraiment poussé à bout aujourd'hui. Moi aussi je commence à fatiguer. Mais l'heure de la prière approche et nous avons deux unités à faire en tant que jeunes mariés.
Mes pieds deviennent douloureux à cause des talons hauts. Je décide donc de les retirer. Le sol frais me fait sursauter. Qu'est-ce que ça fait du bien de retrouver la terre ferme. J'ai l'impression d'être plus légère.
« Ils arrivent. »
Mon mari me sort de ma torpeur en s'approchant. Il est vraiment plus qu'énervé. C'est compréhensible avec la journée qu'il a passée. Je ressens une soudaine envie de me blottir dans ses bras. Mais je ne sais pas comment il va réagir. C'est Meqdad tout de même. Je décide tout de même d'essayer. D'un pas hésitant je me rapproche de lui. Une fois à sa hauteur, j'ignore mon pouls erratique et entoure sa taille de mes bras. Aussitôt je sens les siens m'envelopper. Il m'embrasse le haut du crâne en caressant mes cheveux.
Qu'est-ce que je suis bien ! J'ai l'impression d'être à ma place. Je ne ressens pas la même chose que quand je suis en compagnie de Pablo ou Jibril ou n'importe quel autre garçon. Dans les bras de Meqdad c'est différent. Je ne peux pas expliquer mais c'est juste autre chose.
« Viens, on va au salon. Tu t'assois sur le canapé et je vais voir les autres où ils sont. »
Je hoche la tête en m'éloignant de lui. Il prend ma main et nous nous dirigeons vers l'inconnu. Je ne suis jamais venue ici. Je ne peux donc pas m'orienter. Au moment où nous arrivons au salon, une voiture se gare devant la maison. Ça doit être eux.
« Je vais ouvrir despi. Tu peux rester dans le noir deux minutes ?
_ Je suis pas un bébé.
_ Bien sûr. Je reviens. »
Il m'embrasse le front et s'en va. Je reste seule dans le noir en attendant mon mari.
Meqdad
J'ai juré ils sont pas tout seuls dans leurs têtes ! Autant la journée je l'ai kiffée. Ma soirée, j'en ai peut-être été la victime, mais ça m'a fait un bien fou ! Mais là ils abusent. On est crevé, c'est bientôt l'heure de la prière et j'ai bien envie de faire ma prière de jeune marié et celle du tahajoud avant l'appel.
Je laisse Camille dans le salon et je vais leur ouvrir. Heureusement que j'ai déjà visité sinon je me serais tapé la honte. Je compte pas lui dire tout de suite pour la casa. Pas ce soir en tout cas. Non, je veux pas prendre les mérites. Je veux juste qu'elle soit plus à l'aise pour pas qu'elle se retienne de réagir.
« C'est quoi votre problème ?!
_ Quoi ?
_ Vous allez déjà rallumer la lumière et vous allez enlever toutes les conneries que vous avez mises ici. Au moins celle qui vont me gêner ce soir. Je verrai les autres demain in sha Allah. Mais...
_ Ouai ouai. Elle est où ta femme ?
_ Dans le salon. »
Je les laisse planner et je vais la rejoindre. J'ai même pas envie de leur parler à ces enflures. Quand j'ai vu qui c'est qui est venu, j'ai tout de suite su de qui ça venait. Adel. C'est le seul qui m'a pas trop pris la tête aujourd'hui. Il a juste été complice des conneries des autres. Et c'est exactement son style. Il agit au moment où tu t'y attends le moins. Et là je m'attendais pas du tout à un dernier coup foireux.
Avant même que j'aie pu atteindre le salon, la lumière revient. Ça m'éblouit. Je vais voir Camille qui a le nez dans son tel. Je sais pas ce qu'elle y fait mais elle a l'air absorbée. Je m'approche sans faire de bruit. Je vois qu'elle fait quoi ? Madame joue à Candy Crush. J'explose de rire. Elle galère tant que ça ? Elle sursaute et verrouille son phone en me lançant un sale regard. Je dis rien. Je me pose à côté d'elle.
Je lui prends sa main en regardant la henna qui est dessus. Elle l'a faite y a deux jours je pense, quand ma mère et les filles elles sont parties passer la soirée chez Samy et sa folle. Ils se sont mariés juste après la sortie de Jalal. La mère à Zouhour elle a fait un bête de taff pour le maquillage et la henna. Franchement je kiffe. Déjà de base Camille elle est belle. Si elle a des trucs qui la mettent en valeur en plus, c'est parfait. J'ai pas capté ce matin vu qu'elle avait ses gants. Et ce soir je pouvais pas m'afficher comme ça à contempler ses mains devant toutes les femmes de la salle.
« C'est bon !
_ Vous êtes sûrs ?
_ Ouai ouai ouai !
_ Je trouve un truc je vous castre.
_ T'as dit que...
_ Je sais ce que j'ai dit et je maintiens. Asseyez-vous. »
Ils exécutent et je fais signe à Camille de me suivre. Je la guide vers la chambre. Je lui montre le dressing et la salle de bain intégrés avant de la laisser et de descendre. Je les vois rigoler. Je sens le vice. Je leur fais pas confiance. Aujourd'hui moins que jamais. En vrai ils font ça pour s'amuser et pour me faire passer une journée inoubliable mais le dernier coup il était de trop.
Je me pose en face d'eux et les observe. J'esquisse un sourire en voyant qu'ils se sont assis dans l'ordre de leur âge. Bassam, Riyadh, Safwan, Mohamed et Adel. Je reprends mon sérieux juste après. J'oublie pas ce qu'ils m'ont fait. Je soupire avant de les sermonner. Ça a pas l'air de les atteindre. En même temps, c'est pas tous les jours qu'ils s'éclatent comme ça. Le maximum qu'ils puissent faire c'est une bataille d'eau avec comme terrain la cité.
En sortant, Bassam reste un peu en retrait. Il veut me parler. Et sa mine elle est plus sérieuse que jamais. D'habitude c'est lui le blagueur. Je m'attendais à ce qu'il lance une vanne ou un truc en sortant. Mais sa tête elle me fait froncer les sourcils.
« T'as quoi ?
_ Je dois te parler.
_ Asy. Tu m'inquiète.
_ T'es peut-être mon frère mais Meqdad, si jamais tu ose ne serait-ce qu'essayer de la blesser Wallah que là, frère ou pas, grand ou pas je te règle ton compte. T'es tombé sur un diamant, une perle sortie tout droit du Golfe d'Aden. Donc fais pas n'imp'. Son frère il est là aujourd'hui mais il part dans quelques jours. Et je vais lui épargner un billet d'avion si jamais il se passe quoi que ce soit. Je te l'ai dit et je te le rappellerai jusqu'à ta mort. Si jamais Camille elle est mal à cause de toi, c'est moi qui te règle ton compte. »
J'aurais dû m'y attendre. Bassam il rigole pas avec ces trucs. Et Camille c'est devenu une sœur pour lui. Il a été là pour elle dans les moments les plus propices de sa vie. Si je la voulais pas et qu'il était sûr de ça, ce serait lui à ma place aujourd'hui. Pas parce qu'il a des sentiments parce que c'est pas le cas, mais pour éviter de la laisser toute seule dans ce monde de sauvages.
Je lui fais une accolade avant de le laisser sortir. Bien sûr parce que c'est Bassam, il est pas sorti sans lâcher une vanne. Je rigole en fermant la porte et monte. Camille elle est déjà sortie de la salle de bain. Elle se sèche les cheveux devant le miroir. Je sais pas ce qui m'arrive mais je peux pas la lâcher du regard. Les paroles de Bassam tournent en boucle dans ma tête. Maintenant, j'ai Jibril, mes deux pères et Bassam à dos. La pression de malade.
« On... On prie ?
_ Je fais mes ablutions et j'arrive. Prépare-toi en attendant. »
Je me doucherai après. Y a plus le temps là. Franchement j'y tiens à ces deux unités. J'ai l'impression que si je les fais pas, mon mariage il va pas durer. Je dois les faire, et avec ma femme. Une fois mes ablutions faites, je sors de la salle de bain et vois une silhouette assise sur un tapis de prière. Elle se retourne et me sourit. Je l'ai jamais vue avec un voile sur la tête et sans mentir ça la rend encore plus attractive. Je ris doucement. J'ai eu vraiment tout le contraire de ce que je voulais. Enfin, par rapport à ce que je m'imaginais avant de la rencontrer.
Je voulais une Yéménite du Yémen, je l'ai trouvée dans la haute France. Je voulais une brune aux yeux noirs, j'ai eu une blonde aux yeux bleus. Je voulais la fille d'un imam, j'ai eu une convertie sans père. Je voulais une voilée, j'ai eu une violée. Je voulais voir ses cheveux après le mariage, je les ai vues avant son voile. Mais pour rien au monde je la changerai.
Je dirige la prière et la tire à mes côtés pour les invocations. Une fois nos prières surérogatoires et obligatoires faites, on va se coucher. Sous sa demande, j'ai récité la sourate Luqman et elle s'est endormie dans mes bras.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro