Chapitre 42
Camille
Je sors de la salle de cours et souffle un bon coup. Alhamdulillah, la semaine est finie. Je me dirige vers le bureau de Laurine pour discuter un peu. C'est devenu une routine journalière. Surtout quand je finis les cours tôt ou que les enfants sont en vacances. Je croise Zouhour sur mon chemin. Elle rentre chez ses parents ce weekend. Elle a repris son travail en tant que monitrice équestre cette année et rentre donc tous les weekends. Je lui souhaite un bon weekend et reprends mon chemin. Arrivée devant le bureau, j'entends du bruit. Je me résigne alors et fais demi-tour. J'envoie un message à Laurine pour la prévenir que je suis passée et elle me répond presque instantanément que je peux entrer. Je retourne donc et ouvre la porte. Dès que j'ai mis un pied dans le bureau, une Noha excitée vient à ma rencontre. Pas le temps de me demander ce qu'elle fait là puisque je capte le regard d'une certaine personne.
« Bien ?
_ Alhamdulillah et toi ?
_ Alhamdulillah.
_ Qu'est-ce...
_ C'est Noha elle demandait après toi. Et Laurine elle devait me voir donc voilà. »
Bien sûr j'y crois ! Je roule des yeux ouvertement, ce qui a le don d'énerver monsieur qui ne dit rien. Il veut avoir ma réponse qu'il aurait dû avoir il y a une semaine. Je l'ai déjà donnée à sa sœur mais j'ai décidé de faire attendre monsieur. Je lui ai demandé de ne rien dire pour l'instant. Et il semble qu'elle a réussi. Je discute donc avec Laurine sans prêter attention à Meqdad. J'ai envie de le pousser à bout. Je sais que sa patience a des limites et surtout que je n'aurai pas le choix que de lui donner ma réponse en face aujourd'hui. Donc je retarde le moment au maximum.
« Asy moi j'y vais. Et tu viens avec moi.
_ Qui ?
_ Le chien du voisin.
_ Très drôle. Je suis en voiture.
_ Passe les clés à Laurine elle se débrouillera.
_ Non mais...
_ Allez, assure. Pour la petite.
_ Je la prends avec moi. »
Monsieur souffle. Il frôle la crise de nerfs. Et puis il n'a qu'à éviter de me donner des ordres aussi. Je veux bien être docile mais il ne faut pas en abuser. Je mets donc mes clés discrètement dans la main de Laurine qui est à ma porté me prépare à sortir. Ça m'amuse. Laurine a compris et a caché les clés sous ses jambes sur son siège. Je lui dis au revoir et sors accompagnée de Noha sans un regard à monsieur. Ça lui apprendra.
Je sors de l'institut avec la petite, bien consciente que son père est derrière et nous suit de très près. J'ai envie de rire mais je me retiens. Je veux simplement voir sa tête avant d'exploser. Il frôle la crise de nerfs. Mais il est patient et sait se contrôler. Et c'est un des facteurs qui m'ont poussée à accepter sa demande.
Meqdad
Elle rend fou ! Je sais qu'elle le fait exprès pour me pousser à bout. Ya Allah donne-moi la patience de la supporter au moins pendant l'après-midi. Et puis après si elle refuse la demande je la laisse tranquille et on fait chacun sa vie, et si elle accepte on y remédiera in sha Allah. Là je veux juste qu'elle me donne sa réponse et qu'on discute un peu.
« Allez vous installer, je commande et j'arrive. Et en silence. J'ai même pas envie de me prendre la tête. »
Elle lève les yeux au ciel en se retournant. Je la surveille au cas où et je vais commander. Je prends le plateau et je reste un peu en retrait à l'observer. Elle est vraiment aux petits soins avec Noha. Elle a même sorti une feuille et un stylo pour lui dessiner ce qu'elle veut. Elle perd toute lueur d'enthousiasme quand je me pose à la table. Elle soupire en regardant le plateau. J'aime pas quand elle fait ça. Mais comme j'ai dit, si elle refuse elle entendra plus jamais parler de moi.
« T'as quoi à souffler comme ça ?
_ Rien. Je respire.
_ Fous-toi de moi.
_ Tu me veux quoi à la fin ?
_ Fais pas genre tu sais pas.
_ Vois-tu, je ne suis pas devin. Donc non, je ne sais pas.
_ Arrête avec ça.
_ Avec quoi ? Je ne te comprends pas.
_ Je veux ta réponse que j'aurais dû avoir depuis une semaine.
_ Ah... Eh bien je ne te dirai rien avant que tu aies répondu à certaines de mes questions.
_ J'ai dit que j'y répondrais...
_ Quand ma décision serait prise. Et c'est fait. A vrai dire, c'est fait depuis une semaine. Tout le monde est au courant sauf toi. Donc ?
_ Donc quoi ? Tu me donnes ta...
_ Un deal est un deal. Ma décision est prise et tu ne sauras rien tant que tu n'as pas répondu.
_ Pose. Mais si y a des questions que j'estime légitime de pas y répondre j'y répondrai pas.
_ Un minimum quand même. Et puis si c'est le cas, tu dois justifier ton abstention.
_ Pose.
_ Première question : qui est Anissa ?
_ C'est quelqu'un qui compte pour moi. T'en sauras plus un jour mais là c'est pas possible. Et crois pas j'sais pas quoi. Y a jamais rien eu avec elle et y aura jamais rien.
_ On va dire que c'est suffisant comme réponse.
_ C'est bon ?
_ Non. Qu'as-tu fait de Damien ?
_ Tu tiens vraiment à savoir ?
_ Oui. Et tu n'as pas à t'en faire, ma décision est prise et je ne la changerai pas pour ça.
_ Y a Noha là. Je me vois pas dire tout ça devant elle. Si tu veux après je la pose et je t'explique in sha Allah.
_ On va dire que c'est légitime.
_ Ensuite ?
_ Pourquoi ?
_ Pourquoi quoi ?
_ Pourquoi moi et pourquoi maintenant ?
_ On va commencer les questions gênantes.
_ Ah parce que me demander avec la plus grande sérénité du monde si je veux t'épouser et venir me chercher en cours pour avoir la réponse c'est pas gênant ?
_ Je sais pas. C'est gênant ?
_ T'es vraiment pas possible ! Oui c'est gênant. Bon mes réponses ?
_ Je sais même pas par où commencer.
_ Le commencement ?
_ Justement y en a pas.
_ Il s'est passé quoi depuis...
_ Le toit ? Rien. En vrai je voulais m'excuser pour ce que j'ai dit aussi. Je vais pas te mentir, je pensais vraiment ce que j'ai dit. J'aurais juste dû te le dire autrement. Mais je voulais que tu t'éloignes de toi-même.
_ Je pense aussi qu'on est partis trop loin. Enfin...
_ Je vois ce que tu veux dire. Voilà.
_ Ensuite ? Pourquoi revenir ?
_ Parce que. Ça c'est pas pour maintenant. Là je vais dire un truc qui te plaira pas.
_ Dis quand même.
_ T'étais une sorte de pari.
_ Pardon ?
_ Attends je t'explique. Je m'étais laissé quelques mois pour t'oublier. Si j'y arrivais tant mieux. Sinon je devais demander ta main. En vrai t'étais un pari entre moi et moi. Bref je vais pas m'étaler dessus. Une autre question ?
_ Pourquoi moi ? Parce qu'en soi, tu as en face de toi une convertie qui peine ne serait-ce que pour prononcer ton nom. Alors pourquoi moi et pas une potentielle « Anissa » comme celle de ta sœur ? Enfin...
_ Tu veux vraiment savoir ?
_ Si je pose la question.
_ Des filles comme ta « Anissa » y en a des centaines et si je veux, je peux les avoir toutes. Là n'est pas la question. La question est dans le cadeau que je vais offrir à mes futurs enfants.
_ Qu'est-ce que...
_ Me coupe pas.
_ D'accord.
_ Voilà ! Je sais même plus ce que je disais.
_ Un cadeau à tes enfants.
_ Voilà. Le meilleur cadeau qu'un père puisse offrir à ses enfants c'est une bonne mère. Et je pense pas que ne serait-ce qu'une « Anissa » comme tu dis elle puisse éduquer mes gosses comme t'as éduqué Noha. Donc je réitère ma question. Veux-tu être le meilleur cadeau que je puisse offrir à mes enfants ? »
Camille
Ce qu'il vient de me dire me touche au plus haut point. Les larmes menacent de couler mais je les retiens du mieux que je peux. Au pire, si je ne peux pas, j'irai aux toilettes les verser. Il vient de me demander en quelques mots si je voulais être sa femme, la mère de ses enfants et surtout leur éducatrice.
Mais il ne sait pas que l'éducation de Noha, j'ai été la première à en bénéficier. Lui enseigner était pour moi une manière de mieux retenir et assimiler les différentes invocations. Et puis en plus d'être une méthode pour moi d'apprendre, c'est aussi une manière de l'éduquer et lui enseigner le minimum requis pour son âge.
Je n'ai même plus les mots pour lui répondre. Je m'excuse donc et me dirige vers les sanitaires. Je me lave le visage et reste un peu histoire de reprendre mes esprits. Je souffle un bon coup et ressors. Je le vois discuter avec sa fille en l'habillant. Je fronce les sourcils.
Je suis prise de panique. Et s'il avait mal pris mon éclipse aux toilettes ? Et s'il avait pris ça pour un non ? Et si... Les si emmènent le Diable. Et je veux bien m'en débarrasser pour le restant de ma vie. Donc la première étape, c'est de me débarrasser de mes si et donner ma réponse au plus vite. Mais quelque chose me bloque.
« Euh...
_ On va au parc de la cité. Y a des gens qui ont besoin d'air.
_ Par...
_ Habilles-toi on y va.
_ Mais...
_ Camille...
_ D'accord
_ Ah oui. Si c'est pour tes clés je t'ai cramé tout à l'heure. T'étais pas discrète.
_ Hm... »
Je m'habille avant de le suivre vers la sortie. Il a mis ma tartelette dans une serviette et tient mon capuccino dans son autre main. Je n'ai pas touché à une seule miette de toute la conversation. Il me les tend et m'ordonne de boire un coup. J'exécute et croque dans ma tartelette. Monsieur démarre sans un mot. Je ne sais pas à quoi il pense et ça me stresse.
« Baba ?
_ Hm ?
_ Pourquoi j'ai pas de maman ?
_ Quoi ?!
_ A l'école ils ont tous une maman et moi j'en ai pas.
_ Mais t'as...
_ Bientôt tu en auras une in sha Allah. D'accord mon cœur ?
_ Oui ! »
Il me jette un coup d'œil et se met à sourire de toutes ses dents. Il a dû comprendre ce que je voulais dire. Le reste du trajet se fait en silence avec comme fond les chansons improvisées de Noha. Pour ma part, je n'ose pas regarder l'homme assis à mes côtés. Je veux ne pas penser à ce qui m'attend mais je ne peux pas m'empêcher de le faire. Je soupire encore et encore et ça ne lui plait pas. Je le sais mais je ne peux pas m'en empêcher. C'est ma façon de gérer mon stress. Arrivés au parc il envoie Noha sur l'aire de jeu et se tourne vers moi tout sourire.
« Alors ?
_ Alors quoi ?
_ J'ai toujours pas ma réponse.
_ Comme si...
_ Assure non ?
_ Avant ça il faut que je sache ce que tu as fait de Damien. Noha est hors de porté donc...
_ T'y tien hein !
_ Oui. Je veux savoir à quel genre de psychopathe j'ai affaire avant de me prononcer.
_ Psychopathe elle a dit.
_ Donc ?
_ J'ai demandé aux TDM de le kidnapper. Ils l'ont mis dans une cave et ça a été mon souffre-douleur jusqu'à mon accident. Il était déjà bien amoché donc Bassam il l'a relâché une semaine après. Ma réponse maintenant ?
_ C'est un oui. Mais je n'oublie toujours pas Anissa.
_ Putain mais... »
Il n'a pas le temps de finir sa phrase qu'une ombre passe devant nous et se cache derrière le banc. Nous nous retournons tous les deux pour découvrir Mohamed qui nous fait signe de rester discrets. Ça étonne Meqdad qu'il soit là. Mais moi, je l'ai déjà vu à l'école. Le foyer ça ne le réussit pas. Il a envie d'en sortir au plus vite. Il n'a pas le droit d'être dehors normalement. Mais il est du genre à faire ce qu'il veut.
« Euh s'cusez-moi.
_ Hm ?
_ Vous avez pas vu un gars d'à peu près...
_ Votre âge ? Un petit Rohingya du nom de Mohamed ? Il est quelque part dans ce parc. Mais t'es qui toi ?
_ Vous le connaissez ?
_ Tu vois la petite là-bas ?
_ Ouai ?
_ C'est sa sœur. T'es au foyer avec lui ?
_ Ouai.
_ Vous faites quoi dehors ?
_ Ça casse les couilles. Ils veulent pas qu'on fasse ceci, on a pas le droit de faire cela. C'est chiant.
_ Moh sors. »
Mohamed sort et les trois jeunes hommes discutent avec Meqdad. Je me trouve de trop donc je vais voir Noha. Je la balance et joue avec elle jusqu'à ce que son frère vienne la prendre.
« Bien ?
_ Et toi ?
_ Alhamdulillah. Je vois que ça s'est arrangé.
_ Si tu savais.
_ Quoi ?
_ Rien du tout.
_ Ouai ouai. Dis.
_ Non.
_ Tu rougis.
_ Arr...
_ Si tu rougis. Demande même à Nono.
_ C'est même...
_ Arrête t'es aussi blanche que ma copie de français de nature. Je sais différencier le rouge du blanc !
_ Bon admettons.
_ Admettons quoi ? Perso j'admets qu'y a un truc qui se passe. »
Ce garçon me fait rire. Il est très perspicace et trouvera un moyen de tout savoir. Il vit très mal la mort de sa mère et son séjour au foyer. Il sort normalement dans deux mois, à ses 18 ans in sha Allah. Il passe ses épreuves anticipées au bac, dont le français. Il n'aime clairement pas cette matière mais il est obligé de faire des efforts pour pouvoir arriver à ses fins. Il est toujours déterminé à travailler dans une ONG et projette même un voyage humanitaire dès sa sortie du foyer. Ça peut être dangereux mais ça lui tient à cœur.
Meqdad
Comment je suis refait ! Elle sait pas tout ce qui s'est passé dans ma tête quand elle a donné indirectement sa réponse. Je savais qu'elle allait pas refuser. Mais j'avais pas sa réponse et c'était un peu stressant. Tout le monde évitait son sujet, quand une semaine plus tôt elle était sur toutes les langues. Ça fout les boules cette situation. Dans ma tête elle avait refusé et ça partait dans tous les sens. Donc j'ai préféré la voir en face et avoir sa réponse.
Je dépose les gars chez Karim et prends la direction de chez moi. Y a pas un bruit dans la voiture. Même Noha elle est KO. Et Camille et moi on a juste pas trop la tête à ça. On a clairement pas fini notre discussion mais là c'est pas le moment. On aura toutes nos vies pour le faire de toute façon. Elle saura tout in sha Allah. Elle saura qui est Anissa surtout. Madame est jalouse mais pour rien. Elle tient à savior qui c'est pour moi, je le lui dirai. Mais au bon moment.
Là c'est un moment critique. Je m'apprête à me marier j'ai même pas l'avis de mon grand-père. Je sais qu'y a des trucs qu'il va pas approuver mais au final il va accepter ma femme les yeux fermés. Il va pas valider la façon dont ça s'est fait. Mais il va carrément valider les critères.
Déjà, au niveau religion, Camille elle est plus instruite que moi qui baigne dedans depuis ma naissance. Du moins elle pratique mieux. Au niveau de la famille, on s'en fout. Si ça avait été au Yémen, j'y aurait accordé de l'importance mais là c'est différent. Niveau richesse, alhamdulillah, tous les deux on a pas à se plaindre. Elle peut même ne pas travailler si ça lui chante ça me poserait pas de problème. Niveau beauté, j'ai rien à dire. Elle est vraiment belle. Elle a tous les atouts qu'un homme peut espérer voir sur le corps d'une femme. Pas que je l'aie reluquée, mais j'ai eu plus d'une occasion de la regarder et j'ai pas pu baisser les yeux à tous les coups. J'essayais de le faire au max mais y a eu des fois où c'était dur, surtout ces derniers jours.
Une fois que je me suis assuré qu'elles sont bien arrivées à l'appart, je reprends la direction de chez Karim où tous les gars doivent m'attendre. Y compris Jibril. Il est là depuis deux jours mais sa sœur elle le sait pas. J'appréhende un peu en vrai. Ils vont pas avoir pitié de moi. Surtout pas Karim après ce que je lui ai fait à son mariage. Du coup j'ai pris des vêtements de rechange. On sait jamais quelles crasses ils ont préparées. En plus y a Mohamed et ses potes qui sortent d'une pseudo-prison donc ils vont vraiment s'éclater.
J'avais raison. A peine la porte ouverte que je reçois un seau d'eau sur la tête. Ils ont pas pu le mettre avant l'arrivée des gars. J'en déduis que c'est une idée des nouveaux arrivants. Quand la porte est fermée, Adel me passe une serviette. Je leur fais pas confiance donc je m'essuie pas. Je préfère me les geler que de m'essuyer avec je sais pas quoi. Ça m'intéresse même pas en vrai ce qu'ils ont mis dans la serviette.
Et ils m'ont torturé pendant toute la soirée. Même Jibril, Samy et Tareq ils s'y sont mis. Non. En vrai ils étaient à fond. Ils m'ont fait un « masque » avec une courge et ils m'ont obligé à le mettre. Un collier en dents de requin aussi. Non je rigole. C'était un collier en piment rouge. Ils ont dû mettre du poivre dans leur pseudo-masque parce que ça a pas arrêté de me chatouiller le nez. Et dire combien ils se sont éclatés et ils sont culotés, ils ont pris les pinces à voile de Mayar pour les planter dans le canapé pour que ça me pique. J'espère qu'elle va péter les plombs et embrouiller son mari.
Vers les coups de 22h je décide de déposer les petits au foyer. Ça me fait de la peine en plus. Ils étaient bien là avec nous. Mais ils sortent bientôt in sha Allah. Y en a un qui sort ce weekend. L'autre il sort en mai et Mohamed il sort en avril in sha Allah. Je vais essayer de prendre une date pour le mariage de sorte à ce qu'ils puissent tous y assister.
Camille
Je ne sais pas si j'ai fait le bon choix. Mon intuition me dit que oui. Mais j'ai toujours ce doute qui me hante toutes les nuits et qui m'empêche de dormir. Je ne peux pas m'empêcher de me poser toutes ces questions, de douter de moi, de ma décision, de me faire les pires scénarios qui soient. Mais j'ai le Tout-Puissant avec moi et je n'ai rien à craindre. Il m'aidera comme Il m'a aidé plusieurs fois. Il ne me laissera pas tomber.
Mes robes sont prêtes. C'est Zouhour qui me les a faites en me laissant choisir le modèle et le tissu, sauf pour ma robe blanche que j'ai achetée accompagnée de ma belle-mère et Narjess. Il ne reste plus que la salle, la décoration et les gâteaux. C'est largement faisable en deux semaines. Oui, je me marie dans deux semaines, soit deux mois et demi après la demande. C'est rapide, mais on a préféré le faire le plus tôt possible pour ne pas retomber dans nos erreurs passées. Pas qu'on en ait faites des grosses, ou qu'on ait commis l'irréparable. Mais nous sommes partis un peu loin et nous ne voulons pas que ça recommence.
Je n'ai pas revu Meqdad depuis. Pas que le temps manque, mais on s'est mis d'accord pour s'éviter. Quand j'allais chez lui, il ne sortait pas de sa chambre, ou allait chez Karim ou Jalal. Moi aussi je l'évitais comme la peste. Il est venu à l'institut présenter son métier aux première année de mana à la demande de Laurine. J'y avais assisté parce que je n'avais rien à faire et je voulais le voir aussi. Mais aussitôt son discours fini, je me suis éclipsée de l'amphi. Il m'avait remarquée mais n'a rien dit.
« Camille ! T'es partie où encore ?
_ Hein ? Quoi ?
_ T'es où ?
_ Là.
_ T'es dans le turfu meuf. On sait très bien où t'es.
_ Mais...
_ Arrête. Physiquement t'es là. Mais mentalement, t'es au service marketing de chez Dior.
_ Arr...
_ On va pas arrêter. Bref. Soum' elle veut que t'ailles chez elle ce soir. Je sais pas ce qu'elle veut, mais apparemment c'est urgent.
_ D'accord.
_ On va chercher Noha si tu veux. »
Mon cœur bat la chamade. C'est rare que Sumayah me demande d'aller chez elle. Pas si rare que ça en fait. Mais le « urgent » me procure un drôle d'effet. Elle m'a toujours appelée pour me parler directement. Je ne sais pas pourquoi elle est passée par son frère aujourd'hui. Pour être honnête, j'appréhende.
Mon travail fini, je vais voir Noha un peu et la laisse avec les garçons. Une fois en voiture, j'appelle Sumayah pour la prévenir de mon arrivée. En entrant dans sa cage, je croise son mari. Il me salue d'un signe de tête et continue son chemin. Je monte et sonne. Je n'ai pas eu à attendre longtemps pour voir la porte s'ouvrir seule. Je baisse la tête et remarque son fils, qui a bien poussé. Je le salue et rejoins sa mère dans la cuisine.
« Ça va ?
_ Alhamdulillah et toi ?
_ Alhamdulillah. T'as pas l'air en forme.
_ Si je t'assure !
_ Tu stresses ?
_ Un peu.
_ Bien sûr. Mais faut pas.
_ Facile à dire.
_ J'avoue. Une fois que c'est passé, c'est plus simple. Mais je sens que y a pas que ça. »
Elle a raison. J'appréhende la réaction de ma mère. Je retarde le moment à l'extrême mais on arrive à un moment où c'est inévitable. Je dois lui annoncer cette semaine. J'ai un peu peur de sa réaction. Elle est capable de me renier. Ça ne me posera pas plus de problème puisque j'aurai un « chez moi » et une famille. Mais par rapport à elle. Religieusement je ne peux pas la laisser. En plus, elle est en phase d'essai pour un nouveau travail. Et puis je ne peux pas la laisser aux mains de Maxime. Il est capable de la refaire sombrer avec ses idées farfelues, et c'est ce que j'ai essayé d'éviter toute la période où j'ai été responsable d'elle.
« Sumayah ! »
Je regarde la principale concernée. C'est une voix d'homme. Un homme d'un certain âge je dirais. Je n'avais pas prévu ça. Elle me fait signe qu'elle revient et sort de la cuisine. Je me demande bien qui est cet homme. Si c'était son père, je l'aurais reconnu et il serait venu dans la cuisine. Mais ce n'est pas le cas.
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