Meqdad

Je me pose avec les TDM de mon bat avec Mohamed. Ils sortent leurs joins de derrière et recommencent à fumer. Ils le cachent à chaque fois qu'y a quelqu'un qui sort. Surtout si c'est une meuf ou un daron. J'apprécie leur respect. Même si ils sont pas les meilleurs, leurs valeurs elles sont un minimum présentes.

« Pouvez pas lâcher vos oinj un peu ?

_ Pourquoi ?

_ Asy je supporte pas.

_ Personne te demande de rester.

_ Non mais j'ai besoin de vous là.

_ Pour ?

_ Jetez vos poisons là. Je sais pas ce que vous kiffez dedans.

_ Ouai bref tu veux quoi ?

_ J'ai un service à vous demander.

_ Tu donnes combien ?

_ R. Je vous oblige pas. Si vous voulez le faire comme ça c'est bon sinon vous pouvez tracer.

_ Dis on verra après.

_ Vous voyez la blonde qui vient de monter avec ma reuss ?

_ Ouai. C'est qui en fait ?

_ Ça c'est pas votre dos. Votre dos c'est ce que je vais vous dire. »

Je leur raconte en despi le truc et je leur donne les ordres.

« Hella ! On va se défouler sur un keuf !

_ Depuis le temps que j'en avais envie ! En plus y a l'autre là !

_ Lequel ?

_ Celui de la GAV. Il fait trop le malin.

_ Mais oh ! Faut déjà qu'il passe au tribunal. Si il gagne je vous tiens au jus.

_ Y a rabbi y gagne ! Comme ça on se le fait.

_ Ouai mais si il perd il sera avec les autres en zonz. Dans tous les cas il va pas sortir indemne. »

Je les laisse dans leur délire et je monte avec Mohamed sur le toit.

« En vrai c'est qui ?

_ Qui ça ?

_ Camille. C'est quoi l'histoire ?

_ Tu veux vraiment savoir ? »

Je lui raconte tout dans les moindres détails. Des trucs que même mon père il est pas au courant. Il reste silencieux et sceptique pendant un moment. Après on parle tranquille jusqu'à ce que Narjess elle m'appelle pour savoir si on rentre chez mes parents ou si on reste chez moi. J'étais parti pour repartir chez mes parents mais les autres ils m'ont énervé donc je vais rester le temps de me calmer.

Camille

« Je peux te poser une question ?

_ Vas-y.

_ Qui est Jalal ?

_ Meqdad il a raison. Vaut mieux pas que tu saches.

_ Il a quelque chose à voir avec ton histoire de cœur ?

_ Camille s'te plait. Franchement j'ai pas du tout envie d'en parler. Si tu veux savoir qui c'est demande à qui tu veux mais pas à moi. »

Et elle part dans la cuisine. Elle a l'air vexée par ma question. Je savais que je n'aurais pas dû pousser ma curiosité trop loin. Mais ça fait une semaine que j'ai envie de savoir. Ma curiosité me tuera un jour. Je vais donc m'excuser. Ça fait quelques jours que je connais Narjess et je l'apprécie beaucoup. Et je n'aime pas rester en froid avec les gens que j'aime.

« Tranquille. Franchement je t'en veux pas. Juste que c'est un sujet sensible. Même Meqdad quand il m'en parle je l'envoie balader. Un jour in sha Allah tu sauras tout.

_ D'accord.

_ Ça te dit on fait un bête de gâteau et on appelle les filles ?

_ Je suis partante.

_ Asy bah je prépare les ingrédients et tu les appelles.

_ Ça marche. »

Nous allons chacune de notre côté. J'appelle Mayar, Ilham et ensuite Zohra. Je reste un peu avec elle au téléphone et elle me dit qu'elle prend les filles avec elle et elles arrivent. Je vais ensuite aider Narjess en cuisine.

« NARJESS !

_ OUAI ? Dans la cuisine. »

Meqdad fait son apparition dans l'encadrement de la porte. Il entre toujours sans frapper. Il nous demande si nous allons bien comme d'habitude et me tend un sac. Je l'observe et remarque qu'il est à moi. Je le regarde avec incompréhension.

« J'ai demandé à Pablo de te prendre quelques trucs chez toi.

_ Merci.

_ Tranquille. Au fait je sais pas si t'es au courant mais tu pars avec Zouhour chez ses parents.

_ Pardon ?

_ Tu seras mieux là-bas. En plus ils ont du taff pour toi.

_ Mais ça va pas ! J'en ai assez que tu prennes les décisions à...

_ Calme. Je fais ça pour toi. Tu seras plus en sécurité là-bas qu'ici. Tu seras plus libre aussi. Parce que à part pour aller chez mes parents tu peux pas trop bouger.

_ C'est pas faux. Mais je veux bien que tu me demandes avant de prendre n'importe quelle décision à ma place.

_ Asy arrête de délirer. Vous faites quoi ?

_ Un gâteau. Y a les filles qui viennent.

_ Ok. Au fait Camille, t'es partie porter plainte ou pas ?

_ Je l'ai fait hier.

_ T'as un avocat ?

_ Non.

_ T'en as en tête ?

_ Non plus.

_ Prends la mère à Samy.

_ Elle est dans le droit familiale.

_ Sérieux ?!

_ Oui. Pourquoi ?

_ R. Bah le père de l'autre là. Comment elle s'appelle déjà ?

_ Qui ?

_ Narjess la pote à Jalal là elle s'appelle comment ?

_ Rachel.

_ Ouai voilà. Son père c'est un bon avocat. Lui je suis sûr il est dans le pénal.

_ Je sais. Les deux étaient très amis avec Gab' avant.

_ Ok bah je te prends un rendez-vous dans la semaine c'est bon ?

_ Oui.

_ Ou alors je l'appelle et je lui raconte directement. Ça sera plus simple je pense.

_ T'as son numéro ?

_ Ouai j'ai eu besoin de lui pour des trucs persos. Bref je vais l'appeler maintenant. »

Il sort de la cuisine et je vaque à mes occupations. Je fais une orangeade pour notre gouter pendant que Narjess s'occupe du gâteau et de sa garniture.

« Le père à Rachel c'est l'avocat de Jalal c'est pour ça mon frère il le connait personnellement.

_ Comment ?

_ T'es la seule avec qui j'en parle de mon plein gré donc pose pas trop de questions. Je t'explique quand mon frère il est parti.

_ D'accord. »

Peu de temps plus tard, Meqdad part et les filles arrivent au même moment. Narjess me dit qu'elle me racontera tout quand elles seront parties. Mais elle me recommande bien de ne rien dire sur le sujet devant elles. On parle toutes ensemble autour de la table.

« Au fait vous savez pas qui c'est qui vient d'arriver chez moi.

_ Qui ?

_ Me dis pas...

_ Si.

_ Qui là ! Mayar tu soules avec tes suspens deux point zéro.

_ Le père à Samir.

_ Genre c'est sûr !

_ Ouai.

_ Attendez là. Le père à Samir il est vivant ?!

_ Attends je t'explique. Mais tu dis à personne. Surtout pas à Samir.

_ C'est qui Samir ?

_ Mon cousin.

_ Mon meilleur ami d'enfance. Du coup c'est quoi l'histoire ?

_ Déjà sa mère elle est complètement divorcée ou...

_ Non. Il reste le tribunal et pas mal de trucs. Mais c'est quoi l'histoire ? En plus Samir il va m'appeler dans la soirée il m'a dit.

_ Pourquoi ?

_ Parce que. Il veut me parler soit disant. Bref c'est quoi l'histoire ? »

Mayar raconte l'histoire du fameux « père de Samir ». C'est impressionnant quand même. Vivre un certain nombre d'années sous la torture et pouvoir sortir du territoire en guerre plusieurs années plus tard est un miracle je pense. C'est surtout une preuve qu'Il existe. Il a aidé le « père de Samir ». Comme Il m'a aidée l'autre soir dans le hall.

« Jure c'est vraiment vrai ?

_ Ouai.

_ Et Samir il est pas au courant vous me dites ?

_ Non. Ni lui ni mon frère. On va leur faire la surprise quand ils reviennent.

_ Sam il vient en décembre il a deux semaines de vacances il m'a dit. Et ton frère ?

_ A la même période normalement. In sha Allah.

_ Au fait Camille. J'ai vu la prof de marketing.

_ Laurine ?

_ Oui. Elle m'a donné tes cours. Et elle m'a dit qu'elle a expliqué ta situation aux autres profs donc elle va te faire passer tes cours par moi.

_ D'accord. Merci.

_ C'est rien. »

On discute jusqu'à ce que le téléphone de Zohra se mette à sonner. Elle s'isole pour répondre. Je suis heureuse d'avoir des amies. Malgré le fait qu'elles se connaissent depuis longtemps, elles n'ont pas eu de mal à me faire une place dans leur bande. Même Zohra, qui ne les connaissait pas tant que ça au départ, s'est fait intégrer sans soucis. Elles nous ont rentrées dans leurs délires sans difficultés.

« Haaan !

_ Quoi ?

_ On a pas baptisé Narjess avec la crème avant de manger.

_ Ah ouai ! J'avais zappé !

_ Asy vous êtes des gamines !

_ C'est toi la gamine ! Tu me l'as fait chez moi y a même pas un mois.

_ Bah c'était y a un mois. En un mois les gens gagnent en maturité hein !

_ En 20 ans t'as pas gagné grand-chose. C'est pas en un mois que tu vas changer.

_ Allah est capable de tout chérie. Il change qui il veut en bien et Il change qui il veut en mal.

_ Narjess un. Mayar zéro.

_ Alors toi c'est pas 20 ans qu'il te faut c'est 48. Non mais Narjess si Allah il avait voulu te changer, il l'aurait pas fait à moitié. Bref quoi de beau sinon ?

_ Samir il vous passe le salam et il a dit qu'il venait dans trois semaines in sha Allah.

_ In sha Allah. Zouhour y a intérêt pour toi à ce que ta langue elle ait pas...

_ T'inquiète je lui ai rien dit.

_ Il te voulait quoi en fait ?

_ Apparemment ton frère il lui a dit pour les gars d'en bas et tout et il m'a juste fait des recommandations. A mon avis les gars de ma ville ils vont faire une descente chez vous quand Samir il va venir.

_ Au moins y aura de l'action. Fin autre chose que la BAC quoi.

_ Ouai mais quand y a la BAC on a le droit de sortir tu vois ? Là on aura à peine le droit d'aller chez l'une et l'autre. Bref on fait quoi ?

_ Une partie d'échec ?

_ Moi je vais rentrer. Je vais appeler Karim pour qu'il vienne...

_ T'es sérieuse là ?! Je te vois qu'en cours depuis que tu vis chez lui ! Reste un peu non ?

_ Narjess t'abuses ! Asy je vais rester encore un peu.

_ Toute façon j'allais pas te laisser partir maintenant. »

Meqdad

Maintenant que je peux être tranquille pour Camille, je peux me concentrer sur autre chose. J'appelle Samy et on se donne rendez-vous dans un café pas loin dans la soirée. Je pars chez mes parents pour prendre Noha et je sors avec elle. Je pars chez Karim vu qu'il a un invité. J'arrive et je l'appelle. Il vient m'ouvrir, je rentre et je vois deux gars. Y en a un il a la même tête que Samir et l'autre qui a la tête à... Jalal. Ouai le père à Jalal aussi il est là. Je lâche la main de Noha qui part vers son « mo ». Je bouge pas. Je suis sous le choc. Et ce qui me choque le plus, c'est que Karim il avait fait les papiers pour un seul.

« Tu fais quoi planté là ? Ils mangent pas.

_ Il serait pas vivant sinon.

_ Ouai mais... »

J'ai même pas les mots. Y a le père de mon frère devant moi et j'arrive même pas à bouger. Y a vraiment qu'Allah qui a le pouvoir de donner et d'ôter la vie. Mais y a quand même un truc qui m'échappe. Le père à Jalal il s'est fait tuer devant sa famille. C'est qui le gars devant moi ? Je regarde Karim pour qu'il m'explique mais il me demande de m'installer. Je salue donc les deux gars et je m'assois avec eux tout en m'excusant. Ils se présentent tous les deux. Le père à Samir je l'ai de suite reconnu mais l'autre j'arrive pas. C'est un Raghib mais où il se situe dans l'arbre généalogique je sais pas.

« Mais vous êtes...

_ Je suis l'oncle de Jalal.

_ Ça je sais mais...

_ Moi je suis son père.

_ Mais son père il...

_ C'est ce que mon fils a dit apparemment. Mais ce n'était pas moi.

_ C'était qui alors ?

_ Mon frère. Jalal était plus proche de lui que moi. Et...

_ Du coup si je résume, vous êtes son père, vous êtes pas mort, c'est votre frère que Jalal il a appelé son père et vous vous étiez prisonnier.

_ En gros oui. C'est plus compliqué en réalité.

_ Comment ça ?

_ J'étais parti au champ ce jour-là. J'ai laissé ma famille aux mains de mon frère comme on fait à chaque fois. Je lui ai demandé de veiller sur eux et de les faire sortir du territoire si il le fallait. Les soldats ennemis sont arrivés et ont vidé la maison. Ils ont tué mon frère et quand je suis rentré j'ai fait migrer ma famille et j'ai pris les armes. Je me suis fait arrêter et la suite tu la connais.

_ Et comment vous êtes venus ? Parce que Karim il avait fait les papiers pour un seul de vous deux non ?

_ Des amis. Y a des assos qui viennent régulièrement du coup ça a pas été trop dur.

_ Ok. Et Mayar elle est au courant que...

_ Non. Elle sait que son oncle est là mais pas moi. »

Pouah une histoire de fous ! J'appelle Riyadh pour qu'il vienne sans rien lui dire. Moi-même j'ai du mal à y croire alors je vais pas l'embrouiller. Je reste un peu par politesse. On parle de pas mal de trucs dont la situation en Palestine et au Yémen. Ensuite je m'excuse pour partir au rendez-vous avec Samy. Je prends Noha avec moi aussi.

J'arrive au café en même temps que Samy. On rentre, on commande et on se pose.

« T'as l'air bouleversé. C'est Camille ?

_ Non. Pire.

_ Déclare non ?

_ Après là j'ai besoin d'un expresso.

_ C'est qui la petite ?

_ Le sujet principal du rendez-vous.

_ Quoi ? »

Je lui raconte l'histoire. Il comprend vite où je veux en venir. Il me dit qu'il va voir sa mère et me tenir au courant pour ce que je peux faire. Ensuite on parle un peu du projet d'orphelinat. Pour l'instant j'en parle qu'avec lui mais ça va changer d'ici peu. Je sais que mes frères ils sont tous pour, mes sœurs je leur en ai pas parlé mais je pense pas qu'elle aient d'objections à faire. Petit à petit on dérive sur Jalal. Je lui raconte ce que je viens de découvrir et il est aussi choqué que moi. On s'est mis d'accord que Jalal il devait pas être au courant de quoi que ce soit avant sa sortie.

En sortant du café je reçois un message de Karim qui me dit qu'on mange tous chez lui aujourd'hui. Donc je retourne chez lui sans passer par chez mes parents. Je vois que tout le monde est déjà là. J'ai pas pu voir la réaction de khalah et des filles vu qu'elles sont entrées avant moi mais je vois le visage de Riyadh qui reflète son bonheur. Il a enfin son père avec lui. Je lui demanderai des détails plus tard.

« Et Jalal il arrive ?

_ Ammo... Jalal il est...

_ En prison.

_ Comment en prison ?! »

Riyadh il explique l'histoire. Le père il est indigné. Il a envie de se révolter. On sent la rage dans sa voix quand il parle de la situation de son pays. On voit la passion dans ses yeux quand il parle des champs de fraise où il travaillait. On voit la fierté dans sa position quand il parle de sa ville. On voit son identité de palestinien rien qu'en le regardant. Ça échappe à personne. Comme son fils. Et il a sa hattah autour de son cou. Jalal il quitte jamais la sienne. Il manque de fou le frérot. Bientôt in sha Allah il sort.

Camille

Je vérifie que je n'ai rien oublié dans l'appartement. Apparemment non donc je sors. Je rejoins Zohra dans sa voiture. On prend la route pour sa ville d'origine. Je stresse un peu parce que je ne connais personne chez elle. Même son frère je ne l'ai vu qu'une fois. Et je ne lui ai pas parlé.

« T'inquiète pas. Mes frères ils mangent pas hein. En plus ils sont tous mariés presque.

_ Hm...

_ Attends j'appelle ma mère pour lui dire que j'ai pris la route avec toi. »

Elle exécute aussitôt et sa mère, bien qu'elle parle essentiellement en arabe, lui fait pas mal de recommandations. La route la nuit c'est dangereux. Elle ouvre le GPS avant d'entrer sur l'autoroute. Elle allume le lecteur Bluetooth et appuie sur l'accélérateur. Sa famille l'appelle régulièrement pour savoir où elle en est. On s'arrête à une station-service et on change de place. Je prends le volant en suivant le GPS. Une fois dans sa ville, elle reprend la place conducteur. Dans son quartier, elle klaxonne. Une fois sortie de la voiture elle crie qu'elle est rentrée. Des cris d'enfants se font entendre. Un groupe d'enfants de tous âges arrivent en courant. Ils se jettent tous sur Zohra qui les prend tous dans ses bras.

« Amti c'est qui ?

_ Attendez. Laissez-nous rentrer et je vous présente. Allez maintenant. Tous à l'intérieur.

_ Zouhour ? »

Un homme d'à peu près l'âge de Gab arrive au garage. Il prend Zouhour dans ses bras et me fait un signe de tête. Je souris poliment.

« Tu vas où ?

_ Le devoir m'appelle.

_ Urgence ou garde ?

_ Les deux. Normalement je devais partir dans une heure. On vient de m'appeler pour une urgence.

_ Fais attention. Abi il est là ?

_ Oui. »

Il s'en va et nous rentrons. J'hésite à laisser mes affaires dans la voiture mais Zouhour me dit qu'ils ne craignent rien puisque c'est une propriété privée et que le garage est sécurisé. Pendant que nous nous dirigeons vers le salon, j'envoie un message à Meqdad pour lui dire qu'on est arrivées.

Je fais la connaissance de toute sa famille présente. Tous ses frères habitent en France et ses deux sœurs vivent à l'étranger. Elle me fait ensuite visiter la maison. C'est très grand. Chacun y a sa chambre, y compris ses sœurs. Puis vient l'heure de dormir.