Chapitre 20
Meqdad
Un jour plus tôt
« Bien ?
_ Alhamdulillah. Toi ?
_ Comme on peut. Toi dis-moi. Je suis sûr y a un truc.
_ Tu vas pas me faire comme ma mère toi aussi !
_ Elle a fait quoi ?
_ R. Tu sais pas toi ! »
J'esquive comme toujours. Il va pas me lâcher je le sais mais je préfère retarder le truc. En vrai j'avais prévu de lui en parler aujourd'hui mais je sais pas y a un truc qui bloque. Le meilleur truc chez lui c'est qu'il force pas sur le coup mais il attend toujours le bon moment pour le faire. On parle en deuspi et il rouvre le sujet. Je souffle et lui raconte pour Camille.
« T'es cramé mon frère.
_ Tu dis quoi là ?
_ La vérité. T'es cramé d'elle. En tout cas t'as des sentiments.
_ Qui te dit ?
_ Personne. La situation. Tu sais que tu réagis pareil que moi avec ta sœur ?
_ Hein ?!
_ Laisse tomber. Admettons qu'elle sort avec un gars tu régirais comment ?
_ C'est sa vie. Elle fait ce qu'elle veut. Et si elle veut se faire...
_ Tu sais que tes yeux ils te trahissent ? »
Ensuite il m'a fait un « jeu ». Genre il me pose des questions et j'ai 10 secondes pour y répondre en le regardant dans les yeux. C'est chaud. Je voulais pas jouer mais si c'est pour le faire oublier qu'il est au trou je ferai tout. Donc je réponds et d'après lui j'ai des sentiments. Il dit que c'est les mêmes réponses qu'il aurait données si je lui avais posé les mêmes questions pour Narjess. Mais c'est pas pareil ! Lui il la connait depuis des années et moi je la connais que depuis 6 mois un truc comme aç.
On débat sur ça jusqu'à ce que le matton vienne le chercher et je rentre chez moi. Pendant tout le trajet je cogite. Je sais pas quoi faire. Et comme si je pense pas assez à elle, elle m'appelle. Je raccroche parce que c'est pas son père qui paie le crédit à mon frère et je la rappelle. Elle me raconte ce qui s'est passé. J'ai trop le seum ! L'autre clochard il a osé la toucher. Le pire dans le truc c'est que Pablo il est en train de se taper. Je souffle et je l'appelle pour voir où il est.
« Allo ?
_ Pablo ?
_ Non lieutenant... »
Putain ! il s'est fait embarquer ! J'écoute pas le gars au bout du fil et m'arrête sur le bas-côté. Je soupire et je lui demande si y a moyen de venir le chercher. Il a pris 24h pour « coup sur un fonctionnaire d'état ». Le clochard il est flic. Je raccroche et appelle Camille. Elle a le droit de savoir pour son pote et je le lui ai promis. Après j'appelle Jibril. C'est sa sœur et moi je suis impuissant. Je lui dis pour sa sœur et Pablo et il me dit qu'il prend le prochain avion.
Le lendemain c'est le ramadan donc réveil à 4h30 pour manger. Je vois un appel de Camille à 1h30. Je verrai bien ce qu'elle me voulait quand je déposerai son frère chez elle. On mange tous ensemble, on va prier à la mosquée et je vais récupérer Jibril à l'aéroport. J'embarque Bassam avec moi pour éviter de trop cogiter. Après ce que m'a dit Jalal et ce qui s'est passé avec Camille hier mes cellules grises elles ont pas arrêté de travailler.
On prend la route et on parle de tout et rien. Je reçois un message WhatsApp de Jibril qui me dit qu'il vient de passer la douane. Ça va j'aurai pas à attendre puisqu'il a pas trop de bagages. Je le trouve devant la porte du terminal. Je descend avec mon frère et on le salam avant de s'installer dans la voiture. Je le laisse mettre son adresse sur les GPS du téléphone pendant que je sors du dépose-minute de l'aéroport.
Dès que je suis devant chez lui j'appelle Camille. Elle répond pas à la première sonnerie. Elle doit dormir. Quand elle le fait elle a une de ces voix ! Cassée comme je sais pas quoi. Elle a l'air complètement shootée. Je relève pas et lui demande d'ouvrir. Elle me dit qu'elle peut pas et j'en déduis que l'autre il l'a enfermée et il s'est barré. J'ai envie de l'insulter de tous les noms mais je dois attendre un mois avant de pouvoir le faire. C'est long mais la récompense elle en vaut la peine. Je le dis aux gars et ils ont la même réaction que moi.
Je reste un moment avec elle tout en faisant un partage de connexion pour que Jibril il puisse appeler ce qui lui sert de frère. J'entends Camille gémir à l'autre bout du fil. Y a un truc pas net dans l'histoire. Si il a osé le toucher je sais pas ce que je lui fais. Je deviens fou sa mère. C'est quel genre de frère ça ?
Je dis rien aux autres et je lui demande si elle peut ouvrir la fenêtre de sa chambre. Elle gémit encore une fois et plusieurs minutes après elle arrive enfin à l'ouvrir. On sort de la voiture et je fronce les sourcils en la voyant. Elle ressemble à un zombie. Je me rappelle qu'elle m'avait appelé à 1h du mat quand je dormais. Je lui demande ce qu'elle avait. Elle me sort un « rien ». J'ai envie de la frapper quand elle fait ça. Mais je me retiens. Je lui passe son frère parce que depuis tout à l'heure je pense que c'est ce qu'ils attendent tous les deux.
L'autre il a dit que la mère à Pablo elle allait bientôt arriver et qu'elle allait ouvrir. C'est carrément du... argh ! Il mérite même pas que je rate mon jeûne pour lui. On attend donc la mère à Pablo qui arrive un peu plus tard et je laisse Jibril rentrer. Je reste un peu au cas où et j'ai bien fait. Il me demande de l'emmener aux urgences. Je savais qu'elle avait un truc mais j'ai pas osé demander. Apparemment elle a reçu un truc dans les côtes et elle en a une de cassée. J'ai envie de péter les plombs. Juste le ramadan il se finit et je les raterai pas les deux in sha Allah.
Je les redépose chez eux et je rentre avec mon frère. Il essaie de me calmer mais comment vous voulez que je me calme ? Ils l'ont touchée ! Rien qu'à voir sa tête wallah vous prendrez le seum. Elle a pas fermé l'œil de la nuit tellement elle avait mal. Je rentre et je prie Dhoha (prière surérogatoire du « petit matin » entre le lever du soleil et le zénith) avant de me jeter dans mon lit. Je dors pas tout de suite. Je cogite. Peut-être que Jalal il a raison en fin de compte. Peut-être que j'ai des sentiments. Ou pas. Ce qui est sûr c'est que je tiens à elle et que je supporte pas qu'on la touche. Mais de là à parler de sentiment et tout je sais pas. Je réfléchis tellement que je finis par m'endormir. J'ai pris ma journée donc je taffe pas.
A mon réveil je dois des explications à mon père. Bah ouai aller à l'aéroport et revenir ça prend 2h max pas 5. Ouai même à 24 ans mon père il est encore derrière moi et je dois lui rendre des comptes. Si ça dérange quelqu'un la sortie c'est par là. J'ai pas dit toute la vérité mais j'ai pas menti non plus. La sœur du gars elle dormait et il devait attendre sa mère qui était sortie. J'ai pas menti parce que la mère à Pablo elle remplit plus le rôle de leur mère que leur génitrice. Au final il est pas trop convaincu mais il dit rien.
En fin d'après-midi je vais chercher Pablo au comico. Je le pose chez lui et reprends la route de chez moi.
Je me pose au salon et appelle Buthayna. Elle récite ce qu'elle devait apprendre et je l'enregistre. Me demandez pas pourquoi je l'ai fait j'avais juste envie de le faire. J'envoie l'audio à Jibril et lui demande de le faire écouter à sa sœur. Elle va kiffer. Je fais réciter Adel, Safwan, Bassam et Riyadh et appelle Narjess. Elles sont sorties avec ma mère et les mères de Jalal et Karim pour acheter des trucs pour le mariage. Elles font que ça depuis. En vrai c'est juste une excuse pour sortir parce que la plupart du temps elles reviennent les mains vides. Ensuite j'appelle Karim pour qu'il vienne aussi. Il était pas sur Paris cette semaine. Il est revenu hier soir et j'ai pas eu le temps de le voir et avec tout ce qui s'est passé j'avais pas la tête à ça.
Camille
Je prends mes anti-douleurs et m'installe avec mon frère. Il rompt son jeûne. Je goûte les dattes. Une divinité. Je lui tiens compagnie pendant qu'il dîne. Il me fait écouter une bande audio. Une petite fille qui lit du coran. Son accent me fait penser à Meqdad mais je ne dis rien devant mon frère.
« Qui est-ce ?
_ Devine.
_ Je ne sais pas.
_ Elle te fait penser à personne ?
_ Euh... Non.
_ C'est la petite sœur de Meqdad. Il me l'a envoyée tout à l'heure et a demandé à ce que t'écoutes. »
Je me mets à sourire sans raison apparente. Je prends une datte pour le cacher mais mon frère a l'air de s'en être rendu compte. Mais je sens qu'il y a autre chose. Il veut me dire quelque chose mais il hésite. Je note mentalement qu'il faudra que je lui demande plus tard. Quand il finit, je l'aide à débarrasser comme il a envoyé Elisa chez elle pour le restant de la semaine. Il va se préparer pour la prière et me demande de n'ouvrir à personne jusqu'à ce qu'il revienne. Il prend ses clefs et ceux de ma voiture que Laurine avait ramenée durant la semaine, pendant que j'étais chez Elisa.
Je me mets à la fenêtre de ma chambre et contemple le ciel. Je sourie à la pensée qu'un Être Suprême puisse se trouver là-haut et nous protège. C'est une sorte d'ange gardien d'après mon frère et un génie d'Aladin d'après Meqdad. Ils disent que même si je suis mal et que j'ai l'impression qu'Il ne fait rien, Il fait quelque chose. Et si j'ai besoin de quelque chose, je n'ai qu'à le Lui dire et Il n'a qu'un mot à dire pour que mon vœu soit exaucé. Mais Il peut mettre du temps à répondre parce qu'Il attend le bon moment pour le faire. Je trouve que c'est une sensation formidable d'avoir un Ami qui est là pour nous. Un Professeur qui nous donne des leçons chaque jour et à chaque action que nous faisons ; ça concrétise le cours et ne laisse rien d'abstrait et d'incompris.
Je soupire et vais me coucher. Mon frère a pris les clefs de Elisa comme Max a changé les serrures et n'a laissé un exemplaire qu'à Elisa et maman. En parlant de cette dernière, je ne l'ai ni vue ni entendue depuis que je suis là. Elle doit être partie en vacances sans me prévenir. Comme toujours.
Le lendemain je passe la journée avec Gabriel. Il me raconte sa vie à Chicago. Je suis surprise et offensée qu'il ne m'ait pas dit pour son mariage. Monsieur est marié depuis 3 ans et a un fils de 5 mois. Il me parle de sa femme et son fils. Il a une belle petite famille sans que je ne sois au courant. Il a dit qu'il resterait avec moi jusqu'à la fin de mes examens et j'irai passer mon été avec lui. Je suis plus qu'heureuse.
Le soir, je laisse mon frère partir et je m'installe à ma fenêtre pour contempler le croissant de lune. Et, comme hier, je pense à cet Etre Suprême. Je ne pense pas être prête à me convertir maintenant mais l'idée d'avoir un Ami qui voit tout mais qu'on ne voit pas me plait. J'ai l'impression de retourner dans mon enfance et avoir un ami imaginaire. Je l'aimais beaucoup le mien mais je suis incapable de me souvenir de son nom. Je soupire et vais me coucher. Demain une longue journée d'examens m'attend.
Durant toute la semaine je ne suis pas sortie. Les seuls trajets que je faisais étaient ceux entre la maison et l'institut. Pas de nouvelles ni de mon frère Maxime, ni de ma mère ni de Meqdad. Il travaille cette semaine. Et j'ai eu un nouveau téléphone puisque Max avait cassé l'autre.
Le vendredi soir, pendant que je faisais ma valise, Maxime est rentré complètement saoul. Je crains la réaction de mes deux frères quand ils vont se voir. Les deux n'ont jamais été très amis. Ils ne font que des efforts quand ils sont en présence l'un de l'autre. Je n'imagine pas la scène qui risque de se passer quand Gabriel reviendra de la mosquée.
Je m'enferme dans ma chambre sans dire un mot à mon frère. Pendant que mes yeux sont levés au ciel, j'entends une porte claquer à l'étage. Gabriel doit être rentré et il doit avoir vu l'état de son frère. Je soupire et vais vérifier dans sa chambre. Je toque et il répond, signe que j'avais raison. Il est assis sur son lit, les coudes sur les genoux et la tête dans les mains.
« Ça ne va pas ?
_ Je me retiens. Tu sais pas comment j'ai envie de lui casser la figure mais j'attendrai la prochaine fois que je viens. Pas envie de gâcher le meilleur mois de l'année. »
Son téléphone sonne et il répond. J'ai pu voir que c'était sa femme donc je me suis dirigée vers la porte mais il me retient. Il veut que je lui parle mais je ne veux pas. En plus, il lui parle en anglais et en arabe. Je ne peux pas tenir une conversation en anglais et l'arabe m'est totalement inconnu. Je me rassois sagement avant qu'il ne s'énerve encore plus qu'il ne l'est déjà et fais un effort. Je souffle un bon coup avant de prendre l'appareil qu'il me tend.
« Respire. Elle mange pas. »
Je sourie nerveusement et porte le smartphone à mon oreille. A ma surprise, elle parle le français. Malgré son accent très prononcé, elle est très compréhensible. J'apprends à la connaitre et elle a l'air adorable. En raccrochant, je sourie à mon frère. Je sais qu'il veut savoir ce que je pense d'elle.
« Tu l'aimes bien ?
_ C'est un peu trop tard pour me demander ça.
_ Je sais et je suis désolé petite sœur. »
Je me blottis dans ses bras. Il me manque beaucoup quand il n'est pas là. Mais je dois m'y faire. Il a une vie, une famille et un travail là-bas. Je suis heureuse pour lui. Il a enfin trouvé son bonheur.
Le lendemain, il mange, prie avant de se préparer. Je me prépare pendant que lui fait tout ça et mange ensuite. Maxime n'est toujours pas réveillé et tant mieux. C'est Meqdad qui doit nous emmener à l'aéroport. Je souris en le voyant. Je lui dois beaucoup à lui et à son frère. Gabriel met nos bagages dans le coffre pendant que je m'installe à l'arrière de la voiture. Durant le trajet, je n'ai pas parlé alors que les deux n'ont pas fermé la bouche. Le seul moment où j'ai parlé, c'était pour répondre à Meqdad qui demandait après ma côte. Je vais mieux, malgré que ce ne soit pas guéri.
Arrivés à l'aéroport, nous enregistrons nos bagages et mon frère fait une accolade amicale à Meqdad. Le jeune homme vient ensuite me voir tout en gardant une certaine distance.
« Tu fais gaffe à toi et à ta côte. Profite bien de tes vacances aussi. Et dès que t'as besoin de quoi que ce soit tu m'appelles ok ?
_ D'accord. Merci pour tout Meqdad. Je...
_ Tranquille. J'ai rien fait. C'est surtout pour ton frère que je l'ai fait. Je te l'ai déjà dit, j'ai des sœurs et je refuserais pas qu'on leur vienne en aide. »
Sur ces paroles, il me dit au revoir et nous nous dirigeons vers les salles d'embarquement. Une fois la douane passée, mon frère se tourne vers moi.
« Tu l'aimes bien hein ?
_ Qui ?
_ Lui.
_ Qui ?
_ Meqdad.
_ Oui. Enfin... C'est comme Pablo.
_ Hm... »
Il ne dit rien de plus sur le sujet. Dans l'avion, nous avons dormi tous les deux. A Chicago, nous passons la douane, je récupère mes bagages et nous sortons. Gab se dirige vers un homme d'à peu près le même âge que lui et le prend dans ses bras avant de se retourner vers moi. Il le présente comme étant son beau-frère. Nous nous dirigeons vers la sortie pour prendre la route de la demeure de mon frère. Je sens que je vais aimer ce séjour.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro