Chapitre 16
Meqdad
« Oh ! Jalal il t'a dit faut que tu voies sa pote là.
_ Rachel ? Je la vois demain. Viens avec oim.
_ Je taffe.
_ Moi aussi. C'est à 20h que je la vois.
_ Asy. Où ?
_ Aux champs. »
En vrai j'ai pas envie de la voir mais c'est pour mon frère que je le fais. Il me l'avait demandé quand je suis parti le voir. Il m'a même donné son num pour qu'on pose un RDV. Elle peut pas le vendredi mais elle m'a dit que le samedi ça la dérange pas. Je lui ai proposé 20h parce que je taffe mais je veux pas y aller tout seul et de toute façon j'allais demander à Karim. Si il avait refusé j'aurais décalé.
On rentre chacun chez soi et je vais voir mon père qui me regarde d'un œil suspicieux. Il me demande de sortir avec lui, ce que je fais. Ça sent la moral et le débat mais je dis rien.
« Depuis quelques semaines tu me parles de tes amis mais jamais de toi.
_ Comment ça ?
_ Karim qui veut Mayar, Jalal qui veut ta sœur mais toi. Je sens qu'il y a un truc. »
Ouai je lui ai dit pour Jalal et Narjess sans entrer dans les détails. Eux par contre je leur en ai pas parlé. Narjess c'est hors de question. Jalal je lui ai posé quelques questions vite fait et j'ai dit ce que je savais à mon père.
Je soupire en niant. J'ai personne toute façon. Il a insisté mais je lui ai assuré que si y avait quelqu'un je lui dirais. Il m'a regardé en silence et au bout d'un moment il me parle du jour où je suis sorti sur le toit à 1h du mat. Je savais même pas qu'il était réveillé.
« J'avais besoin de prendre l'air.
_ Mais oui.
_ Wallah ! En plus j'ai... »
Je m'arrête net. Je veux pas en parler. Surtout pas à mon père. Il se sentirait coupable. C'est lui qui nous a emmenés ici en demandant l'asile parce qu'il avait dit un truc contre le gouvernement et qu'il était recherché. Nous on avait des droits de repartir au Yémen donc on y est allés les premières années mais après y a eu la guerre et j'ai perdu tout contact avec ma famille. Et Dieu sait combien ça me manque.
« Arrête de jurer. Et tu as quoi ?
_ Rien. Au fait c'est vrai que Ferdaws elle... »
On se tait tous les deux. Ferdaws c'est ma cousine. Enfin c'était apparemment. C'est moi qui avais emmené sa mère à l'hosto quand elle a accouché et c'est moi le premier qui l'ai vue. Cette petite je l'ai de suite kiffée. Ça fait 5 ans. Hier je suis parti sur une page d'info du Yémen tenue par des gars que je connais mais j'ai jamais osé leur parler. Dès que je me suis connecté sur Facebook, la première chose que j'ai vu c'était une photo de l'hosto de ma ville. J'ai fait l'erreur d'ouvrir la page et de voir ce qui se passait. La première chose que j'ai vu c'est une photo d'une gosse de 5 ans. Je l'avais pas vu depuis sa naissance mais j'ai lu la légende. Ferdaws Mohamed Qahtani. Ça m'a fait un truc au cœur quand j'ai lu le nom. Je suis monté sur le toit juste après sans prévenir personne et j'ai pleuré. C'est là que je regrette de pas avoir fait médecin. Mais j'aime ce que je fais et j'ai pas envie de me casser la tête et avoir des cheveux blancs à 30 piges.
« Baba ! Je sais que t'as encore un contact avec là-bas. Dis-moi juste si c'est vrai.
_ Oui. Le choléra en a fait disparaitre plus d'un. »
Je prends sur moi. Je veux pas qu'il me voie mal. Je soupire avant de lui dire qu'on rentre. Je le laisse entrer chez moi et je monte sur le toit. Je pense à ma tante qui a perdu son mari à 5 mois de grossesse et vient de perdre sa fille. Les larmes elles coulent et j'essaie même pas de les retenir. Je sais que c'est le destin et que c'est le décret d'Allah. C'est le « cycle de la vie » comme elle dit ma mère. Elle a raison mais là j'en veux au monde.
Je rentre chez moi, et sans parler à qui que ce soit je prie et vais me coucher. C'est pas l'heure mais j'ai envie de voir personne. Je les entends parler, crier et mener une vie normale mais je bouge pas. Ma mère vient me voir mais je parle pas. Elle quitte la chambre et c'est Buthayna qui rentre. Ils connaissent mon point faible mais je bouge pas. Elle me tourne autour et me prend la tête. J'ai pas envie de parler mais elle force. Je la vire de ma chambre et me retourne dans mon lit. Ils viennent un par un mais je bouge pas.
Le lendemain je me lève avec un mal de crane pas possible. J'ai pas dormi de la nuit. J'ai attendu que tout le monde dorme pour manger et me caler dans le salon. J'ai pris mon ordi et j'ai taffé. Une fois fini, j'ai pris un coran et j'ai lu. Ensuite je suis parti me coucher mais les images de la gosse et de mon grand-père me reviennent en tête. Impossible de dormir. A l'heure de la prière j'ai réveillé toute la famille et on a prié ensemble avant de venir me coucher en attendant l'heure.
Je prends mon petit dej' et je sors. C'est vide dehors. C'est fou comment à 1h du mat' c'est plus animé qu'à 7h. Les gens vivent à l'envers j'ai juré. Je trouve Karim sur le parking.
« C'est quoi cette tête de déterré ?
_ R. Asy démarre.
_ Tu conduis pas ?
_ Non vas-y. »
Il démarre et sort du quartier. Je parle pas et ça plait pas à Monsieur mais je m'en fous. Il allume le lecteur de CD et continue de rouler. Il me dépose au taff et prend la route du sien.
Au taff je fais mes taches sans trop laisser paraitre quoi que ce soit. Y a que avec Karim et Jalal que je dissimule rien. Et encore j'essaie de le faire au max. Le reste ils ont pas besoin de savoir ce qui se passe dans ma vie. Dans le bureau y a que Said, mon tuteur et le mari de ma prof de market, qui a remarqué que j'étais pas bien mais j'ai rien dit.
Ouai le mari de ma prof. C'est pas du piston parce que c'est le service RH qui m'a embauché. Après qu'il soit dedans ou pas je m'en fous. Perso je l'ai su par Karim comme c'est l'orthopho de leur fille.
Quand j'ai fini mon taff je devais aller chercher Karim donc je me dirige vers la station de métro mais Said m'arrête. Apparemment c'est sa fille la dernière patiente donc je pars avec lui et on parle tranquille.
Je prends les clés avant qu'ils entrent en consultation et je vais me poser côté conducteur dans la voiture. Je mets le contact et allume le lecteur CD. J'abaisse mon siège et souris en écoutant. Je ferme les yeux et c'est Karim qui me sort de ma trance. Faut toujours qu'il parle pour rien ce gars. Mais en vrai ses conneries j'en ai besoin.
« On va où ?
_ Aux Champs. T'as pas oublié qu'on allait voir la pote à Jalal !
_ Non mais si t'y vas avec ta tête là elle va prendre la fuite avant même que...
_ T'inquiète je vais passer chez Sephora mettre le testeur d'anticernes. Ça passera crème.
_ Jure tu vas faire ça ?
_ Tu sais pas toi ! Je fais des tutos maquillage sur...
_ Arrête tu dis de la merde ! »
On rigole un moment et je pense à un truc qui me fait reprendre mon sérieux.
« Au fait mon père il m'a dit qu'y avait des gens qui étaient venus le voir à la mosquée.
_ Ouai et ?
_ Pour Mayar.
_ Elle a quoi ?
_ Il veulent demander sa main hmar que t'es !
_ Non jure !
_ Tu crois que t'es le seul qui la veut ?
_ Mais...
_ Y a pas de mais qui tienne. Tu la veux ou pas ? Si oui je te l'ai dit, Jalal te l'a dit et mon père te l'a dit ! Faut que tu demandes sa main et que tu la maries au plus vite. »
Je l'embrouille encore et encore jusqu'à ce qu'il comprenne qu'elle a besoin de ce mariage. Si il veut pas le faire pour elle, faut qu'il le fasse pour lui. C'est mon frère et je supporterai pas de le voir sombrer comme ça. Je vois bien les regards qu'ils se lancent quand ils se voient. Lui, a peur de se faire recaler sec. Mais je suis prêt à jurer que ce sera pas le cas.
On arrive aux champs un peu avant le RDV donc on fait un tour en attendant. On entre à Sephora et je vais dans le coin maquillage. Je vais lui faire croire que je vais vraiment le faire. Il me suit sans rien dire mais sa tête en dit long. Il sait que j'en suis pas capable mais ça le choque. Je dévie vers les parfums femmes. Je veux acheter un truc à ma mère et ma sœur. Ils ont de bêtes de promos en ce moment donc j'en profite. Je regarde et prends un bon truc pour ma mère et un plus discret pour ma sœur. Je paye et on sort.
Je reçois un message de l'autre qui me dit qu'elle est dans le café à côté donc on y va et on s'installe vers elle. Je prends pas le temps pour les banalités et lui demande d'entamer le sujet. Elle se présente et me donne des infos sur elle. Tout ce que j'ai retenu c'est que c'était une Levis. Une feuj ouai. Mon frère il côtoie une putain de juive ! J'ai rien dit mais le regard que je lui ai lancé en disait long.
« Calme toi gars écoute ce que j'ai à te dire avant de me juger sur ma religion. Tu te bats pour montrer que les musulmans ne sont pas tous pareils bah moi aussi je me bats pour montrer que les juifs ne sont pas tous pareils. Juif ne veut pas dire sioniste tout comme musulman ne veut pas dire terroriste. Perso je suis juive antisioniste. Tout comme toi t'es musulman antiterroriste. »
Putain elle a tout juste mais je vais pas l'admettre. Encore moins devant sa gueule. Mais je peux pas lui faire confiance. Qui me dit qu'elle me la mettra pas à l'envers ? Mais je me dis que si Jalal il lui fait confiance c'est que je dois lui laisser une chance. Mais une seule. Et puis je dois à son père l'allègement de la peine de Jalal. Donc je décide de lui laisser une chance.
« Vas-y parle.
_ Déjà toi. »
Elle montre Karim du doigt. Comment j'aime pas ce geste ! Je prends sur moi pour voir ce qu'elle a à dire.
« Tu t'es décidé à marier la sœur de Jalal ou pas ?
_ Non. J'y réfléchis mais je suis réticent.
_ Prends une décision avant qu'il ne soit trop tard. Ne posez pas de question parce que je ne répondrai pas. »
Elle m'énerve. Mais je dois avouer que sur ce coup-ci elle a raison. Elle continue de lui faire la morale pendant un moment et y a Samy, un collègue à Ja' des deux côtés, qui vient se poser avec nous.
« Il était temps !
_ Prends pas la tête. J'étais dans les bouchons.
_ Et la liasse de feuilles dans ton sac ?
_ Je t'ai...
_ Fais juste attention Samy. J'ai pas envie de te perdre. »
On sait ce que c'est les feuilles. Malgré que leurs parents soient avocats les deux enfreignent les règles sans pression. Ils savent ce qu'ils encourent et pourtant ils le font. Eux peuvent se le permettre parce qu'ils sont bien mais Jalal il pouvait pas. Jalal il a une famille à nourrir, une mère à soutenir et surtout des frère et sœur à éduquer.
« Bon c'est pas que mais...
_ J'ai pas fini ! »
Du charisme la juive !
« Maintenant j'en reviens à toi. Meqdad. Pas toi en tant que tel mais plutôt ta sœur.
_ La quelle ?
_ Narjess. Celle que Jalal il veut.
_ Co...
_ Pose pas de questions c'est moi qui parle.
_ Ouai bah parle mieux parce que...
_ Je suis une fille. Et jusqu'à preuve du contraire t'as un honneur et une dignité. Et Jalal il m'avait demandé de veiller sur vous. Mais vous êtes grands donc j'ai préféré vous laisser vous débrouiller tous seuls. Bref. Ta sœur faut absolument pas la lâcher.
_ Je sais tout ça. Viens-en au fait.
_ Jalal il la veut et ça vous le savez déjà. Mais il t'a demandé de pas la laisser l'attendre.
_ Je l'obligerai à le faire. Elle lui en veut trop mais elle dit rien. Mais ce qui est sûr c'est que le seul qui l'aura avec mon plein gré c'est mon frère.
_ Bien dit. Ton frère comme tu l'appelles il sait pas réfléchir avec son cerveau des fois. Il le fait avec ses nerfs et c'est mauvais. Tout cela étant dit, j'ai un service à vous demander. C'est pour mon père pour le coup. »
Elle nous montre la photo d'un gars de notre quartier. Un mec connu et « respecté » apparemment. Perso il me fait surtout khaf. Je peux pas respecter un mec comme ça. En gros l'embrouille c'est que son père a été chargé de le défendre mais il est réticent. D'habitude il défend que les gars de cité mais juste des gars pas trop enfoncés. Genre des guetteurs ou des petits vendeurs. Mais ce gars il a une putain de réputation et d'après le père à Rachel il mérite la prison. Il a un lourd casier et là il s'est fait prendre pour viol. Un violeur en série à ce qui'p.
Quand j'ai entendu ça, j'ai direct pensé à Camille. Mais à mon avis c'est pas le même vu comment le gars il s'est éloigné quand Bassam il est venu.
« Franchement je côtoie pas trop les gars d'en bas mais si je récolte des infos je te tiens au jus. »
Je lui dois bien ça. Et puis comme j'ai dit le gars mérite pas la liberté. Le peu de fois que je l'ai vu je me suis senti pas bien. Et si c'est un violeur en série avec un casier judiciaire de malade autant l'éloigner.
« Ah oui ! Dernière chose. Karim si tu te décides à dire oui faut que tu me le dises. Ordre de Jalal.
_ Pourquoi c'est pas lui qui le dit...
_ Parce que. Bon je dois y aller. »
Elle nous salue et part. Il reste plus que Samy, Karim et moi.
« Elle fait trop la folle en vrai !
_ Si elle agit pas comme ça elle perd toute crédibilité.
_ Genre ?
_ Elle s'est inventé un charisme avec le temps. Avant c'était trop la fille docile qui se prend pas la tête. En vrai elle est pas comme ça avec tout le monde, juste avec les gens qu'elle connait pas. »
Je vois. On parle encore un moment avec lui. On découvre qu'il est fiancé à l'autre folle et qu'ils devaient se marier y a pas longtemps mais à cause de Jalal ils l'ont pas fait. Un peu comme Karim en fait.
Soirée riche en émotions je dois dire. Mais en vrai j'en veux à Jalal. Je me dis qu'il nous a remplacés en quelque sorte. La folle elle nous connait limite mieux que nous-même alors que nous on n'était pas au courant qu'elle existe. Je souffle et prends la route. Je parle à Karim qui a exigé des explications. D'après lui je suis pas tranquille depuis ce matin. J'ai dû lui dire pourquoi je l'était pas. Et c'est là que monsieur a décidé de me laisser tranquille.
Petit chapitre sans Camille mais utile. Pas pour l'histoire en tant que telle mais pour le message que je veux faire passer. Le rôle de Rachel est fini mais elle réapparaitra surement dans l'histoire. J'en dis pas plus je vous laisse cogiter.
J'en profite aussi pour vous dire que j'ai posté un nouveau bouquin où je vais partager un peu tout et n'importe quoi.
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