Chapitre 13
Camille
Deux semaines sont passées depuis l'agression. Je n'ai pas vu Meqdad depuis et je ne lui ai pas parlé non plus, bien que l'envie y était à plusieurs reprises. Des fois le sommeil ne venait pas et j'allumais mon téléphone dans le but de l'appeler mais bloque au dernier moment. Il a été clair. Je ne dois l'appeler qu'en cas de besoin extrême.
Ce que je voulais surtout c'était qu'il récite comme la dernière fois. Je n'avais pas cherché à en savoir plus sur les mots de la dernière fois. Ce qu'il m'en a dit m'avait glacé le sang et soulagée à la fois. Je ne dors pas le nuit à cause de ce qu'il m'était arrivé la dernière fois. Mais une fois que je me rappelle de ses mots, que c'est sévèrement puni, je me dis qu'une personne se vengera pour moi. Je ne sais pas qui mais je suis sûre que la punition existe.
Ce garçon a la capacité de me convaincre sans même faire d'effort. Il peut même me faire croire que la tour Eiffel est une illusion et qu'elle n'existe pas je le croirai. Ce n'est pas parce que je suis crédule, loin de là. Mais ses yeux dégagent une telle sincérité que j'ai du mal à le démentir. D'autant plus que quand il a récité ce passage j'ai eu la sensation dans mon cœur que ces paroles m'étaient destinées. Donc son niveau de crédibilité a augmenté d'un coup et à une vitesse exponentielle.
Malgré ces évènements, j'allais quand même en cours en risquant de croiser Meqdad mais d'après Laurine, que j'allais voir régulièrement ces derniers jours, il avait beaucoup de travail dans son entreprise. Cette information m'a soulagée mais quelque peu déçue. J'aurais aimé ne serait-ce que l'apercevoir dans les couloirs.
Je rentre chez moi après avoir passé une heure dans le bureau de Laurine à la fin des cours. Elle m'a dit que Meqdad devait revenir dans la semaine prochaine mais elle ne sait pas quand exactement. Elle m'a aussi dit qu'il était au courant pour le départ de Sophie. Je ne voulais pas au début, mais je me dis que ce n'est pas plus mal. Finalement il en connait plus sur ma vie que je ne connais la sienne et c'est ce qui me dérange. Il parle très rarement de lui et c'est ce qui me dérange en même temps que ça m'attire. Son côté mystérieux est très attractif. Je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'il fait de sa vie. Pablo m'en a déjà dit beaucoup mais je ne suis pas satisfaite. Je veux tout entendre de sa bouche.
En entrant à la maison, une bonne odeur de crêpes m'envahit. J'appelle Elisa, comme je le fais à chaque fois que je rentre. Mais aujourd'hui elle ne répond pas. Je suis prise de panique. La dernière fois que cette scène s'est passée, elle s'est mal finie. Je commence donc à crier et paniquer jusqu'à ce que j'entende quelqu'un rire et m'appeler en cuisine. C'est une voix masculine que je reconnaitrais entre mille semblables. C'est la voix qui me berce quand je n'arrive pas à dormir la nuit. C'est la voix qui a marqué mon enfance, ma jeunesse et toute ma vie. Gabriel est revenu.
« Gabby !
_ C'est bien moi.
_ Tu...
_ Viens là. »
Je l'ai serré fort dans mes bras. Il m'a tant manqué. Ça faisait des mois que je ne l'avais pas vu. Les larmes coulent sur mes joues. C'est la première fois depuis des semaines que je pleure de joie. Ses caresses dans mes cheveux et sur mon dos m'avaient manqué. Quand je l'ai enfin lâché et ai osé le regarder dans les yeux avant de l'examiner j'ai vu qu'il avait changé. Je ne sais pas quoi mais il y a un changement. Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus et c'est frustrant. Je lui en parlerai plus tard.
Il m'a dit qu'il avait envoyé Elisa chez elle car elle semblait fatiguée. J'en suis soulagée. Elle n'a pas disparu comme Sophie.
En parlant de Sophie, je n'ai pas manqué de demander après elle à Gab autour des crêpes. Il m'a dit qu'il savait où elle est mais avait promis de ne rien me dire jusqu'à ce qu'elle le lui demande. Je lui en ai voulu pour ça.
« Pourquoi ?
_ Parce que si maman est au courant elle deviendrait folle furieuse.
_ Mais je ne le dirai pas à maman.
_ Oh le bébé ! Plus sérieusement c'est compliqué et elle a préféré attendre un peu avant de tout te raconter.
_ Et qu'est-ce qui est compliqué ?
_ Laisse tomber princesse. Maintenant dis-moi. Tes cernes elles viennent d'où ? »
Comment dire à mon grand frère, qui est ma figure paternelle, que je me suis faite agressée et si on ne m'a pas sauvée au dernier moment je me serais faite violée ? Comment lui dire que depuis deux semaines je ne peux pas fermer les yeux sans voir les images défiler ?
Mon cœur bat la chamade et ma gorge se noue. Je ne peux pas lui dire tout ça. Je ne peux pas lui dire qu'on a osé me toucher sans que je ne puisse rien faire. J'ai trop honte de m'être laissée toucher sans bouger le petit doigt.
« Qu'est-ce qu'il y a ?
_ R.... Rien.
_ Pourquoi ces cernes alors ?
_ Pour... Je... Je dors mal la nuit depuis le départ de Sophie »
J'ai menti. Ce n'est pas la première fois que je lui mens. Il sait détecter quand je le fais. Il a toujours su quand je mentais.
« Ne mens pas.
_ Je... C'est vrai !
_ Ne fais pas le bébé. Tu baisses la tête, signe que ce n'est pas la vérité. »
Voilà. Je me suis trahie toute seule. Enfin, mon corps m'a trahie. Je ne peux pas mentir en paix avec lui. Le pire dans tout ça, c'est qu'il me le dit. Sophie et Max ne me le font remarquer que plus tard, jamais sur le coup.
D'habitude je dis la vérité à ce moment-là. Aujourd'hui j'ai préféré fuir. Je me suis mise à courir vers ma chambre avant de m'y enfermer et pleurer sur mon lit. Mes larmes redoublent quand j'entends frapper à ma porte. Je ne peux pas et surtout je ne veux pas lui dire.
Une fois mes sources d'eau salée sèches, je me lève pour me laver le visage. En me regardant sur le miroir, mes yeux s'arrêtent au niveau de mon cou. Il a repris sa couleur porcelaine et j'en suis bien contente. Au moins je n'aurai pas à justifier les marques à Gabriel.
Je repars dans mon lit et prends mon téléphone. Je compose le numéro que je connais par cœur maintenant et appuie sur le bouton vert avant de changer d'avis. Je ne raccroche pas. A quoi bon le faire ? Si je le fais maintenant, il va recevoir l'appel manqué et me rappeler. Dans ce cas, je serai obligée de lui parler ne serait-ce que pour lui dire que je me suis trompée, ce qui est totalement faux.
« Allo ? »
Sa voix me fait sursauter. Mon cœur bat à tout rompre. Ma gorge est sèche. Je ne sais même plus répondre à un simple « allo ».
« Oh t'es là ? Il se passe quoi ? »
Je reste toujours silencieuse. Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais même plus pour quelle raison je l'ai appelé. J'avale difficilement ma salive pendant que lui s'impatiente.
« Oh ! Y a quoi ? »
Je déglutis à nouveau et inspire profondément avant de prendre la parole pour lui demander ce que je veux. Monsieur s'indigne. Je l'ai fait « galérer pour ça » d'après lui. Mais il ne sait pas que j'en ai besoin maintenant. Il ne sait pas que cela fait deux semaines que j'en ai envie mais n'ai pas osé l'appeler par peur de sa réaction.
« Bah attends. »
Il prend la parole soudainement pour me raccrocher au nez. La frustration me prend maintenant. Mais c'est Meqdad. Je ne peux pas trop lui en demander. Je l'ai peut-être dérangé.
Peu de temps après je reçois un message.
« C'est peut-être pas le même passage mais t'en as plus besoin. La traduction en bas. »
Je souris et mets mes écouteurs. Ce n'est pas sa voix mais ça ne fait rien. L'effet est le même. Mon cœur s'apaise et je m'endors. Qu'est-ce que ça fait du bien ! Si j'avais su, je n'aurais pas hésité à l'appeler toutes ces fois où j'ai changé d'avis. J'étais tellement épuisée que je me suis endormie avant d'avoir eu le temps de lire la traduction ni même le remercier.
Dès mon réveil je lui envoie un simple merci avant de me laver le visage et de descendre. Maman est déjà rentrée et Gabriel est là aussi.
« Bonjour maman !
_ Bonjour. Elisa n'est pas là ? »
Je jette un œil à mon frère. Maman déteste par-dessus tout qu'Elisa parte sans la prévenir. Moi, je n'ai rien à lui dire.
« Elle ne se sentait pas très bien. Je l'ai envoyée chez elle.
_ Comment ?! Tout ça sans me le dire ?!
_ Maman ! Elle ne tenait plus debout ! »
Et c'est parti. A chaque fois que Gab' vient, il est obligé de contrarier maman et ça part toujours en dispute. Je soupire avant d'aller dans la cuisine et prendre quelque chose à manger.
« Lâche ça, je t'emmène manger ce soir. »
Et il est parti. Je dirige mon regard vers la salle à manger et maman avait disparu. Sans même avoir fait attention à la dispute, je sais déjà que Gabriel avait quitté la table avant que maman ne parle, ce qui a frustré celle-ci et elle est montée dans sa chambre. Au fond, je suis d'accord avec mon frère mais je tiens à mon toit.
Je vais me préparer et je redescends. Monsieur n'a pas l'air content.
« Qu'est-ce qu'il y a ?
_ Rien. Va te changer, il fait froid. »
Je ne bronche pas. Il est déjà énervé et je ne souhaite pas m'attirer ses foudres. J'obéis donc et remplace ma robe avec une tenue plus simple : un jean et un chemisier. Ce n'est pas mieux qu'une robe mais ça fera l'affaire.
« On y va ?
_ Oui. »
Il prend mes clés et sort avant moi. Mon frère n'a rien d'un gentleman mais il est adorable. Il ne refuse jamais rien. Ni à moi, ni à Sophie.
Le trajet s'est fait en silence. Je n'avais rien à dire. Enfin si mais après notre altercation, je n'ai plus tellement envie de parler. Il est le premier à engager la conversation une fois installés dans le restaurant marocain. Nous parlons de tout et de rien sans évoquer les évènements qui ont eu lieu il y a quelques heures.
Une fois le repas fini, nous faisons un tour dans le quartier et j'ose enfin ouvrir le sujet.
« Je suis désolée pour tout à l'heure.
_ Pour ?
_ Je suis partie comme ça. Mais il faut me comprendre aussi.
_ Comment veux-tu que je comprenne si tu ne dis rien aussi ! »
Il marque un point. Mais je ne dirai rien pour autant.
« Parce que je ne peux pas.
_ Comment ça ? On t'harcèle ? On te suit ? Parle, je deviens fou ! »
Je ne veux rien dire. Mais quand les nerfs de mon frère sont à vif, je ne préfère pas le contrarier. Je lui dis juste que ce n'est rien de tout cela, sans lui dire les détails de ce qu'il s'est passé.
« Hm... C'est en rapport avec ton tuteur ?
_ Meqdad ? Non. Il n'a rien à voir dedans. »
Mis à part le fait que son frère m'ait sauvée, qu'il m'a aidée à me sentir mieux, et surtout que c'est le seul qui connait l'histoire en détail, enfin je crois, ça n'a rien à voir avec lui.
« En parlant de lui. J'aimerais bien le rencontrer. »
En parlant de lui, le voilà qui sort avec son collègue de je ne sais où. Au moment où je voulais le moins qu'il apparaisse. Je m'arrête donc de marcher et le regarde. Il ne nous a toujours pas vus et tant mieux. Je ne veux pas que Gabriel le rencontre aujourd'hui.
« Camille ?
_ Hm ?
_ Pourquoi...
_ Rien. J'avais juste un peu mal au pied. »
Je lui ai trop menti aujourd'hui. Il l'a remarqué mais n'a rien dit pour une fois. On avance et on arrive nez à nez avec M. Alomari et son collègue du café de la dernière fois.
« Miss Camille bien ? Tu te souviens de moi ?
_ Euh...
_ Karim...
_ Camille ? »
Le dernier est mon frère. Meqdad voulait m'esquiver, je l'ai vu à sa façon de regarder et d'appeler son ami. Je ne dis rien à mon frère qui est interloqué.
« Euh... Excusez-moi.
_ Ouai ?
_ L'un... »
Non ! Surtout pas ! je ne veux pas que mon frère sache qui ils sont. Pas aujourd'hui en tout cas.
« Oh ! T'as reçu ce que je t'ai envoyé ? »
Je reconnais la voix et je sais qu'elle m'est adressée. Je ne réponds pas. Je lève la tête et croise les yeux noirs de mon interlocuteur qui fronce les sourcils immédiatement. Il parle à son ami en une langue incompréhensible en lui donnant les clés de sa voiture.
« Euh... Excusez-moi. Que voulez-vous à ma sœur ?
_ Moi rien. C'est elle qui a besoin de soutien et de surveillance. Je compte sur vous. »
Et il part sur ces mots. Il voulait autre chose. Je le sais parce que je le connais.
« Meqdad ! Attends !
_ Ouai ?
_Merci. Et... »
Pas le temps de les présenter l'un à l'autre que mon frère lui présente déjà sa poigné de main que Monsieur prend volontiers. Ils se présentent tour à tour et Meqdad se rapproche de moi. Je ne recule pas car je sais qu'il a une limite à ne pas dépasser et qu'il ne dépassera pas.
« C'est quoi ces cernes.
_ Je...
_ Me dis même pas que tu dors plus à cause...
_ Non. C'est juste que ma sœur me manque et que...
_ Continue de mentir. Gabriel. Ta sœur faut plus qu'elle sorte toute seule. L'autre jour...
_ Meqdad s'il te plait.
_ Je vais me taire cette fois-ci. Mais toi aussi fais attention. Et au passage, ce matin en sortant de chez moi j'ai trouvé un corps. Ça aurait pu être toi »
Il me lance un clin d'œil. Je sais très bien où il voulait en venir. La fille a été violée et tuée avant d'être laissée comme une vulgaire bouteille de bière au bord de la route.
« Je... Tu... Tu remercieras ton frère de ma part.
_ C'est fait. Faut que j'y aille. »
Il s'en va et je reste seule face au visage serré et intrigué de mon frère. Je soupir et me dirige vers ma voiture. Il sait que Meqdad est au courant de ce qu'il se passe avec moi. Il ne dit rien pour l'instant mais je m'attends à la tempête. Il n'en fait rien de la soirée. J'ai pu conduire à condition de lui passer mon téléphone. Ce que j'ai fait. Il me fait penser à Meqdad. Toujours là à poser des conditions. Les deux se ressemblent au fond.
Hey !!! Voilà une sorte de marathon littéraire. 3 suites en une semaine si c'est pas un miracle ça !!!
Petit rappel concernant le concours de @FictionUrbaine, vous n'avez plus que 3 ours pour participer et ce serait vraiment bien d'avoir au moins 2 participant(e)s.
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