Meqdad

J'avais pas fait le rapprochement avec la fille dont Karim il me parlait quand je suis allé chercher Bassam hier soir. Il était parti chez ma sœur Sumayah et il m'a appelé pour que j'aille le chercher plus loin. Il a dû me raconter l'histoire parce que je l'ai bombardé de questions.

Quand elle est partie en courant je suis parti voir la prof de market. En chemin j'envoie un message à Pablo parce que faut que je tire cette histoire au clair. Après ce qu'il s'est passé hier je pense pas à demander quoi que ce soit à Camille. Elle voudra jamais parler.

En arrivant à l'institut je reçois un appel d'un numéro privé. J'ai pas confiance mais on sait jamais si c'est important ou quoi, donc je réponds.

« Allo ?

_ Salam alaykom. »

Je bug. Ça doit faire des semaines que j'ai pas entendu sa voix.

« On répond toujours à un salam.

_ Wa alaykom salam.

_ T'as quoi ? T'as vu un fantôme ?

_ Non je suis en train de parler avec.

_ C'est quand tu viens me voir ?

_ Je sais pas. J'y ai droit ?

_ Ouaip. Faut que je te dise un truc aussi. Donc prend un parloir le plus tôt possible.

_ Dis là non ?

_ Non. J'ai qu'un quart d'heure, je veux parler de trucs plus importants.

_ Ouai ?

_ Déjà, tout le monde va bien ?

_ Mayar qui pète les plombs, Riyadh qui cherche du taff et Narjess qui a l'Alzheimer, à part ça tout va bien alhamdulillah.

_ Et Ilham ?

_ Pour l'instant c'est celle qui se débrouille le mieux.

_ Ouai, mais creuse un peu plus. J'y crois pas à ça. »

Il a pas tord. Cette fille c'est une vraie comédienne. Elle peut te faire croire ce qu'elle veut sans problème. En vrai elle en a fait des conneries depuis, mais je vais pas les lui dire. Le dernier de mes souhaits c'est qu'il prenne encore plus que sa peine initiale.

« Et Karim ?

_ Alhamdulillah. Il a toujours son taff et sa famille. Sa mère elle veut rentrer en Jordanie pour de bon. Son père aussi mais il a plus de trucs à régler et il a pas la tête à ça.

_ Il me l'a pas dit tout ça. Mais ses parents ils vont le laisser tout seul ?!

_ Je sais où tu veux en venir. Mais je le comprends. Moi le premier j'aurais eu la même réaction à sa place.

_ Essai de comprendre aussi. Mayar elle a besoin de soutien. Ma mère elle a besoin de quelqu'un qui l'aide à prendre soin de ses enfants. Avant c'était moi et maintenant y a plus personne.

_ Ouai mais c'est un mariage. C'est une décision de vie.

_ Riyadh il est au courant pour l'histoire ou pas ?

_ Non.

_ Ton père ?

_ Non plus.

_ Voilà ! Donc ils peuvent dire oui à n'importe qui. Et Mayar elle voudra pas les mettre à bas. Donc le meilleur moyen d'éviter tout ça c'est...

_ Ou pas. Elle sait ce qu'elle fait.

_ Ouai mais non. Elle va jamais refuser quoi que ce soit à ton père. Et elle pensera que Riyadh il va se vexer si...

_ Je vois ce que je veux dire. Mais mon père il est pas con. Il a marié sa fille et plusieurs de ses sœurs.

_ Le problème il est pas là.

_ Tu sais quoi ? Je vais lui en parler avant mon parloir avec toi et je te tiens au jus à ce moment-là.

_ Dans le dos à Krimo ?

_ Il nous remerciera dans quelques années. Au fait... c'était qui la meuf de ton jugement ?

_ Qui ? Rachel ?

_ Ouai. Je sais pas comment elle s'appelle. Mais c'était la fille de l'avocat.

_ Ouai. On en parle quand tu viens. Mais sache juste qu'elle remplace personne. Je sais ce que tu crois mais c'est pas ça. Elle est fiancée et je connais le gars. Il est avec nous à l'assoc'.

_ Si tu le dis. »

On parle jusqu'à ce qu'on vienne lui dire que son temps est fini. Ça fait du bien d'entendre sa voix. Pour l'instant je vais le dire à personne sauf à mon père et Karim. C'est les seuls avec qui je peux parler de Jalal sans qu'ils pètent les plombs.

Juste quand je raccroche je reçois un appel de Karim. Il veut savoir pour Camille mais je lui dirai rien. Le seul qui mérite de savoir c'est Bassam parce que il est dans l'histoire. Mais même à lui je lui dirai pas.

Une fois tranquille je vais voir la prof. Je lui explique en vite fait la séance d'aujourd'hui sans détailler. Je lui dis qu'elle était pas bien et que je l'ai sortie mais sans rentrer dans le pourquoi du comment.

« Je pense que vous êtes arrivés à un stade où vous devez savoir quelques choses sur la vie de Camille. Surtout ce qu'il se passe en se moment.

_ Je pense qu'il faut la laisser me le dire d'elle-même. C'est sa vie et...

_ Je ne pense pas que ça lui pose un problème si...

_ Comment vous pouvez le savoir ?

_ Elle vous apprécie et elle m'a dit bien plus de choses que...

_ Ouai mais ça veut pas dire qu'elle apprécierait que vous me disiez ce qui se passe dans sa vie.

_ Si vous le dites. Mais ce que je vais vous dire, vous devriez le savoir.

_ Dites toujours.

_ Eh bien voilà... Camille est la dernière de sa famille et elle était très proche de sa sœur. Mais celle-ci a décidé de partir sans prévenir personne. Cela s'est passé en décembre dernier.

_ Attendez. Me dites pas que c'était le premier weekend des vacances ! »

Elle s'est tue. C'est pour ça qu'elle a pleuré ce jour-là. Maintenant je comprends mieux pourquoi elle était pas bien. Ça me rassure d'un côté parce que je me dis que c'est pas à cause de moi.

« Comment vous le savez ?

_ Ce jour-là je devais l'aider et on s'est rejoints à la grande bibliothèque. Au centre Pompidou.

_ Je vois...

_ Et vous avez pas de nouvelles de sa sœur ?

_ Non. Elle est partie sans rien donner. On ne connait même pas la raison de son départ. »

C'est chaud ! Mais je comprends mieux son comportement des dernières semaines.

« Vous pouvez me rendre un service ? »

Je sais que je devrais pas mais je sais pas, j'ai une poussée d'adrénaline. Je l'autorise à lui donner mon numéro. Ce sera juste pour les cas d'urgence et si elle a besoin d'un truc. Comme hier quand Bassam il l'a retrouvée elle devait appeler quelqu'un.

Quand je suis rentré je suis direct parti voir mon père pour lui parler de Mayar et Karim. Je voulais aussi lui parler de Narjess mais faut déjà tirer l'histoire de Rachel au clair et que je vois avec Jalal ce qu'il en est. Parce que en soi on en a jamais parlé concrètement. Je suis juste partie de certains faits et j'ai fait ma conclusion et j'en ai fait allusion à Jalal plusieurs fois dont la fois à son jugement.

« Viens on sort.

_ Il fait froid.

_ En voiture baba !

_ Il fait froid et tu dois être fatigué.

_ Non. En plus il faut que je te parle de...

_ Il fallait le dire plus tôt. Allez. »

On sort et je commence à lui donner le contexte. Au début je tourne autour du pot. Je lui parle de Mayar et si il la voit se marier maintenant. Il croit que c'est moi qui la veux donc je rentre dans les détails et je lui raconte tout. Il approuve l'idée et dit que d'un point de vue religieux c'est la meilleure solution. Après tout dépend de la situation de Karim et si il est capable d'assumer sa responsabilité.

« Il en est capable. C'est lui qui prend soin de sa sœur quand son mari il part pour la semaine. Il est bon à marier. Le problème c'est Jalal qui est en prison. Personne veut se marier tant qu'il est pas sorti.

_ Je vais lui parler moi-même. Mais avant il faut que tu saches quelque chose. 2Quand c'est ta religion qui se joue dans l'histoire peu importe la gravité de ton problème il faut que tu regardes ce qu'en dit la religion. Est-ce que tu trouves ça juste qu'elle ait besoin d'une épaule sur laquelle s'appuyer et qu'elle en trouve une mais séparée par un grand mur ? Est-ce que c'est juste pour lui de vouloir aider mais il ne peut pas parce qu'il a peur de franchir les limites de la religion ?

_ Non. Et ça je le comprends. Mais c'est lui qui préfère cette situation à se marier sans Jalal.

_ Il a le consentement de son tuteur. Et il peut au moins se marier devant la loi histoire d'officialiser et faire une fête une fois que son ami soit sorti. Et il est écrit nulle part qu'il faut que la fête doit se faire le même jour que le contrat. Il a juste à prendre un rendez-vous avec le maire et voilà.

_ C'est pas si simple. Le problème il est dans...

_ J'ai compris le problème. Je vais lui en parler. Ensuite tu te charges de Narjess et Mayar. Mais il faut que ton ami se comporte en homme. »

Camille

Il le sait maintenant. La personne à laquelle je voulais le plus cacher ce qui s'est passé hier s'est avérée être la première personne au courant. Je ne pense pas pouvoir le regarder dans les yeux maintenant. La honte m'a submergée dès qu'il m'a demandée ce que je faisais dans le quartier de Pablo hier soir.

Je ne suis pas partie en cours cette après-midi. Trop honte de le croiser dans les couloirs pour y aller. Mais il faut se rendre à l'évidence, je devrai y retourner et le recroiser. Je ne sais pas si je pourrai reprendre les séances de tutorat avec lui ou pas.

Devant maman et le reste j'ai essayé de me comporter normalement pour éviter d'éveiller les soupçons. Ça n'a pas été très facile mais personne ne m'a rien dit. Maman m'avait demandé où est-ce que j'étais hier soir je lui ai répondu que j'étais chez des amis. Elle n'a pas cherché plus loin.

Plus tard dans la soirée, j'ai reçu un message de Laurine. Elle m'a donné le numéro de Meqdad en disant qu'il lui avait demandé de le faire. Comme d'habitude Monsieur a des conditions. Je ne dois l'utiliser que dans les cas d'urgence et si j'ai besoin de quelque chose. En allant me coucher je lui envoie un « merci » pour ce qu'il a fait pour moi aujourd'hui. Il a répondu presque aussitôt. J'avais envie de jouer un peu. Je sais que je ne vais pas assumer mais j'ai envie de vivre le moment. Il n'a pas semblé me reconnaitre au début mais son dernier message m'a refroidie.

« Camille, on est plus des gamins »

Bien sûr ensuite monsieur a reposé ses conditions que j'ai bien sûr accepté sans rien dire. Je voulais lui demander de réciter comme tout à l'heure mais je n'ai pas osé. Il est déjà bien aimable de bien vouloir que j'aie son numéro mais il ne voudra certainement pas que je l'appelle pour ça.

Voilà !!!! Une suite inattendue même pour moi. Petit cadeau de vacances on va dire. Prochaine partie je ne sais pas quand par contre.

J'en profite aussi pour rappeler que le profil OFFICIEL consacré aux chroniques, @FictionUrbaine, organise son premier concours de short stories.