Chapitre 11
Meqdad
La plus grande réussite de ma vie jusqu'à maintenant c'est l'apprentissage du Coran. Je l'ai appris entre les mains de mon père. Avant de venir en France mon prof était mon grand-père. Après le contact était moins régulier donc mon père a pris le relais et on a tous été ses élèves. Maintenant, j'ai un prof diplômé dans les sciences du Coran, pour pouvoir à mon tour obtenir le diplôme et enseigner partout.
Dans toute discipline, il faut de la révision après chaque apprentissage. Le Coran c'est pareil. Il faut de la révision régulière. Mon père me disait toujours que la révision était plus importante que le nouveau. Il me disait « à quoi ça sert d'empiler les nouvelles briques quand celle du dessous sont fissurées et même cassées ? ». Il a pas tort.
La meilleure chose dans la révision, surtout si elle est régulière c'est qu'on peut la faire n'importe où. Pas besoin d'être assis et concentré à 100% pour réviser. Perso ça m'arrange. Au marché, avec les gosses, au boulot, partout. Même dans mes séances avec l'autre quand elle fait ses exos et que je fais rien.
Bizarrement aujourd'hui y a personne à la bibliothèque. Y a que elle, moi et deux-trois personnes un peu plus loin. Ça m'arrange parce que le prof de Coran m'a donné des pages de révision pour ce soir et je dois bien les réciter. Je peux pas non plus le faire à voix haute mais une voix mi-basse fera l'affaire.
Je lui donne ses exos et me plonge dans ma révision. Elle me regarde sans rien dire. Quand elle voit que je l'ai cramée elle replonge dans ses papiers. Elle est bizarre aujourd'hui. Elle écoute pas trop quand je lui explique et passe des heures sur une question quand d'habitude elle assimile plutôt vite. Elle a pas non plus posé de questions, avec ou sans hésitation. Et le plus bizarre c'est qu'ils ont mis le chauffage à 50 et elle trouve le moyen de mettre une écharpe.
« Euh...
_ Hm ?
_ Je... Je peux te demander...un... un service ?
_ Vas-y.
_ Est... Est-ce que... tu peux euh... réciter plus fort ?
_ Quoi ?
_ Je... Non rien laisse tomber. »
Je me suis même pas rendu compte que j'étais aussi audible. Et pourquoi elle me demande de hausser la voix quand dans une situation comme ça moi le premier je demande à la personne de la baisser.
« Viens ! »
C'est l'heure de la prière. Elle le sait parce que d'habitude je lui dis et je pars. Elle me regarde bizarrement et range ses affaires avant de me suivre. Elle a pas la tête à bosser, autant profiter utilement du moment.
« T'as quoi ?
_ Hm ?
_ T'es bizarre aujourd'hui. T'as quoi ?
_ Euh... r... rien.
_ Si tu le dis. »
Ça m'intrigue cette histoire. J'aime pas voir les gens autour de moi comme ça. Un inconnu dans la rue qui fait cette tête je vais le voir direct. Et puis elle, depuis le temps que je bosse avec elle je commence à m'attacher. Et je commence surtout à savoir quand elle est bien ou pas.
En arrivant à la mosquée, j'attrape une fille qui entre dans la salle des femmes et lui demande de la faire entrer avec elle et de rester avec elle jusqu'à ce que je sorte. Elle a des trucs à faire donc je donne les directives à Camille.
Après la prière je reste un peu pour faire mes invocations d'après la prière et sors. Elle est debout là où je lui ai demandé. Ce que j'aime bien chez elle, c'est qu'elle suit les consignes. Je sais pas si c'est dans sa nature ou si elle a peur de moi.
« Alors ?
_ C'était...
_ Comment ?
_ Impressionnant.
_ Qu'est ce qui était impressionnant.
_ Tout. La ligne droite, les grands, les petits, les gens de tous les coins du monde qui forment une ligne parfaitement droite et qui font les mouvements en synchronisation. C'est magnifique.
_ Et t'as vu que le minimum.
_ Je... Je peux te demander un service ?
_ Vas-y ?
_ Tu... tu peux euh...
_ Réciter ? »
Elle hoche juste la tête. Ça doit être la conversation la plus longue que j'ai eu avec elle en dehors des cours. Je récite les versets que j'ai à réviser pour aujourd'hui sans la regarder. C'est que quand je l'entends renifler que je remarque qu'elle pleure. Elle sanglote même.
« T'as quoi ? Me dis pas que t'as rien, tu pleures. »
Camille
« Ce n'est pas ça. De quoi ça parle au juste ?
_ De ? Ce que je viens de réciter ? Du viol, de la fornication et de l'adultère.
_ Co... Comment ?
_ C'est sévèrement puni.
_ Hm... »
Je n'ai pas osé poser plus de questions. Les évènements d'hier défilent dans ma tête. Mais savoir que c'est puni me rassure. Je sais au moins que lui ne le fera pas. En tout cas il a l'air attaché à sa culture et sa religion. Si c'est interdit et sévèrement puni, il s'en éloignera.
Il reçoit un coup de fil avant d'entrer dans une cafétaria. J'allais lui dire que je retourne à l'institut mais il me fait signe de venir avec lui. Il n'est pas normal aujourd'hui. Bien trop ouvert pour être lui-même.
« Enlève ton écharpe non ? »
Cette phrase m'a prise au dépourvu. D'habitude il ne fait jamais attention et ne lève ses yeux que très rarement vers moi. Il a remarqué mon écharpe alors que moi-même je l'ai oubliée.
« Je sais pas comment tu fais ! Il fait 50 à l'intérieur et tu trouves le moyen de laisser ton écharpe. »
J'hésite mais ne l'enlève pas. Il est hors de question de le laisser voir mes traces.
« Pourquoi t'insistes pas ?
_ Depuis quand t'es là ?
_ Depuis avant vous. Mais je suis trop discret.
_ J'y crois.
_ Bref. Miss Camille, je suis Karim. Un ami au jeune homme ici présent. Enchanté d'enfin faire ta connaissance.
_ De même. »
Je n'ai pas osé tendre la main par peur que l'évènement précédent ne se répète. Mais quand lui a tendu la sienne, j'ai eu un sentiment de repoussement. La peur m'a envahie. Et si les deux complotaient quelque chose ?
Je les regarde tour à tour. L'un regarde l'autre qui fronce les sourcils. Je suis sûre que Meqdad doute de quelque chose depuis ce matin.
« Attends... Je crois je t'ai déjà vu.
_ C'est la meuf que Jalal il a agressé au Champs la dernière fois.
_ Non. Encore avant. Tu connais pas un gars qui s'appelle Pablo ?
_ Euh... s... si.
_ T'es déjà partie le voir dans son quartier ?
_ Tu dis quoi toi ?
_ Tu te rappelles pas je t'ai dit à un moment y a une blonde qui squatte le coin en mini. Mê...
_ En quoi ?!
_ En mini. La voiture de bourge là !
_ J'arrive. »
Il se lève et part je ne sais où. Je reste seule avec Karim. Je n'ose pas parler. La réaction de Meqdad m'a surprise. Il a l'air préoccupé par quelque chose mais je ne sais pas quoi.
« De quoi t'as peur au juste ? »
Je sursaute. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me parle, et encore moins pour me dire ça.
« Je mange pas, 'fin je suis pas cannibale. Tu peux me parler tranquille.
_ Je...
_ Tranquille. T'as pas envie de parler tu parles pas. Il a quoi Meqdad ?
_ Je ne sais pas.
_ Enlève ton écharpe non ?
_ Je... j'ai froid.
_ Même en Jordanie il a jamais fait aussi chaud.
_ Mais j'ai froid.
_ Si tu veux.
_ Je m'excuse »
Je vais me réfugier aux toilettes. Je n'en peux plus. Mes larmes commencent à couler aussitôt dans le cabinet. Je pleure à ne plus avoir de souffle. Je suffoque. J'ai cette envie de mourir, de tout laisser et ne jamais revenir. Comme ma sœur.
Ma sœur... c'est peut-être ça qu'elle cache.et elle est partie parce qu'elle a découvert qu'elle porte un enfant et qu'elle n'en veut pas. Mais elle pouvait aussi avorter et n'en parler à personne. Finalement je préfère en parler à Gabriel quand il vient et ne pas avoir de faux soupons. C'est la meilleure chose à faire.
Quand je suis revenue à la table, Meqdad était déjà là. Il a changé d'expression. Karim, lui, n'avait pas l'air d'en savoir plus que moi sur la situation. Les deux parlaient mais je ne comprenais rien à ce qu'ils disaient.
« Euh... Je vais repartir à l'institut. J'ai un cours qui...
_ Mens pas. J'ai ton emploi du temps et t'as pas cours jusqu'à 14h30.
_ Mais... Je dois y aller.
_ Termine ton déjeuner et on y va. »
De toute la conversation il n'a pas levé la tête de son plat. Mais il n'y a pas non plus touché. Ses poings sont serrés et ses sourcils froncés. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Si au début il me faisait peur, maintenant il me terrorise.
Une fois mon plat fini, je me lève et vais me laver les mains. En allant à la caisse, je le retrouve devant moi, me faisant signe de le suivre. Karim a disparu aussi. J'exécute avant qu'il ne s'énerve encore plus et le suis jusqu'à une ruelle. Elle n'était pas complètement vide mais ça ne m'a pas empêchée d'avoir peur et de paniquer.
« Calme-toi. Si je veux te faire un truc je l'aurais fait depuis longtemps. Enlève ton écharpe. »
Pour la première fois, j'ai refusé son ordre. Qu'il s'énerve, je m'en fiche.
« Je vais pas te le dire deux fois. Enlève-la. »
Aucune réaction de ma part. il n'est pas question que j'obéisse à son ordre. Je ne veux pas qu'il voie les traces que l'homme d'hier a laissée sur mon cou.
Comme je suis restée sur mon refus, monsieur est venu lui-même enlever le tissu enroulé autour de mon cou. Ce qui m'a encore plus fait peur. Mais cette peur est vite repartie quand il a parlé.
« Tu faisais quoi là-bas toute seule en pleine nuit ?
_ Je...
_ Je pense que c'est pas la première fois que tu l'entends mais je te la répète. Ne sors plus toute seule le soir. Surtout dans des quartiers comme ça. Tu sais jamais sur quel genre de batard tu peux tomber. »
Je hoche simplement la tête. Il a raison. Mais je ne pouvais pas faire autrement. Et comment sait-il tout ça ? Comment a-t-il su ce qu'il s'est passé ? Serait-it possible que le garçon qui m'a raccompagnée le connaisse ?
« Ah oui ! Et ne monte pas avec n'importe qui en voiture aussi. Tu vas pas toujours tomber sur la même espèce. Hier t'es bien tombée, mais la prochaine fois tu pourrais tomber sur quelqu'un de pire que le premier. »
C'est sûr maintenant. C'est le garçon qui m'a raccompagnée qui lui a raconté.
« Co... comment le...
_ Le gars d'hier il s'appelle Bassam et il a pas le permis. »
Je n'ai plus rien à dire. La ressemblance est flagrante maintenant que j'y pense. Le fait que le jeune homme d'hier me fasse penser à lui n'a rien d'étonnant maintenant. J'en mets ma main à couper que c'est son frère. Mais le fait qu'il n'ait pas le permis m'a choquée. Il a bien conduit pourtant et j'aurais juré qu'il l'avait.
Voilà !!! Enfin publié !!!
J'en profite pour vous informer/rappeler que le profil @FictionUrbaine organise son pemier concours qui équivaut au premier concours officiel de chroniques. Pour plus d'informations vous pouvez consulter le profil ou venir me voir en pv.
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