Meqdad

« Bonjour.

_ Bonjour.

_ Je venais voir si j'étais en règle ou pas au niveau de mes paiements.

_ Alors... Voyons voir... Votre nom ?

_ Alomari Meqdad.

_ Alors... Oui vous êtes à jour. Il reste juste le reçu à récupérer et à signer. »

Alhamdulillah. Vous imaginez pas le soulagement quand on vous dit que les paiements sont à jour et qu'il manque pas un centime. Quand vous vous levez tous les jours avec pour seule pensée de pouvoir payer en temps et en heure pour pas commencer votre vie professionnelle avec un dette, quand on vous dit que tout est réglé c'est le meilleur truc qui peut vous arriver.

Ce bureau il est pas toujours plein. Ici c'est plein de gens de la haute société. Tous des gens que je peux pas sentir. Quand je suis arrivé je connaissais personne, et au bout de 3 ans je connais toujours personne. Et ça restera comme ça jusqu'à ce que je prenne mon diplôme.

Je signe mon reçu et sors du bureau. Au moment de sortit y a une fille qui rentre. Je l'ai tout de suite remarquée parce que c'est la première fois que je vois quelqu'un entrer quand je sors. D'habitude les filles je les regarde même pas. Surtout celles d'ici en louboutin-channel. Elles c'est les pires. Elles tapent des vacances à Punta-Cana et c'est les mecs qui sortent tout juste du gouffre comme moi qui les intéressent. J'ai jamais compris cette logique. Mais je les laisse dans leurs délires. Ces filles j'ai détesté leurs parents et elles pour la simple et bonne raison que l'argent qu'on n'a pas pour payer le loyer c'est celui qu'ils utilisent pour se payer des bijoux dont on n'a pas le droit de rêver.

« Ah Monsieur Alomari ! Je vous cherchais !

_ Oui ? »

Ma prof de marketing c'est de loin celle qui me considère le plus. Les autres en ont plutôt pas grand-chose à faire d'un banlieusard qui travaille au marché pour payer son année. Ils se demandent même ce que je fous là. La réponse est simple : ils m'ont privé de rêver du luxe, je vais les faire rêver de la réussite. La réussite de changer sa situation grâce à l'argent propre que tu fais au marché.

En gros la prof elle veut que j'aide les nouveaux pour leurs cours d'entreprise. J'étais parti pour refuser parce que aider des fils à papa qui peuvent se payer les meilleurs profs particuliers au monde c'est pas trop mon truc. Mais elle m'a fait ses petits yeux et elle m'a pris par les sentiments en me disant que c'était la meilleure façon de montrer que même un gars sorti de nul part comme moi peut s'en sortir même mieux que ceux qui ont payé les 10 000€ de frais de scolarité en une seule fois.

A partir de cette année mes frais sont payés à moitié par l'entreprise dans laquelle je travaille en alternance pour mon master. La première vague j'a dû la payer moi-même vu que j'ai pas commencé à travailler. Maintenant j'ai plus à me soucier de ça. Et ça m'enlève un poids en moins sur mes épaules. L'alternance ça paie pas tant que ça mais c'est déjà pas mal. Je pourrais enfin me payer un vrai téléphone comme tout le monde.

Une fois sorti c'est Karim qui m'intercepte. Il travaille dans un cabinet d'orthophoniste pas loin donc on fait nos trajets ensemble.

« T'as mis ta vie quand même !

_ Même pas. Ça a été vite. Y avait personne et je suis en règle alhamdulillah.

_ Alhamdulillah. Je suis content pour toi le frérot. Mais t'as mis du temps quand même.

_ Pourquoi tu forces ? j'ai vu ma prof de market après. Elle veut que j'aide les fils à papa pour leurs cours. Apparemment ils sont pas doué en mana.

_ Bien sûr t'as refusé !

_ J'allais refuser. Elle m'a pris par les sentiments. »

On tue le temps ensemble jusqu'à arriver chez lui. Il habite un peu en retrait de la cité puisque son père il est comptable. Forcément il s'en est sorti mieux que nous depuis petit. Il a pas eu besoin de prendre une année sabbatique pour gagner de l'argent et pouvoir payer ses études. Il a taffé aussi à côté mais pas autant que nous. Lui c'était plus pour tuer le temps et se faire plaisir que par difficulté financière.

« Tu veux pas entrer ?

_ Non passe le salam à tes parents de ma part.

_ On fait une soirée play non ?

_ Après alors. Là je vais rentrer checker sur les petits, les devoirs tout ça. Voir si mes parents ils ont besoin de rien aussi. Appelle Jalal toi. J'ai plus de crédit.

_ Ok ça marche. Tu me tiens au jus.

_ Enfoiré je viens de te dire que j'ai pas de crédit. Mais ouai je vais t'appeler avec le tel à Narjess. »

Il sort de la voiture et moi je continue ma route. Une fois garé et vers mon bloc je vois les 6 mousquetaires arriver. Mes 3 petits et les 3 à Jalal. Ils sont grands mais pas assez pour trainer jusqu'à 8h dehors. Et je parie qu'ils ont pas fait leurs devoirs et leurs révision.

Je les rattrape et leur demande de venir tous chez moi. Ça fait un moment que je leur ai pas fait la morale. Et Dieu sait que de temps en temps ça fait pas de mal. Ils ont grandi maintenant j'ai pas trop à me soucier pour eux. Surtout les filles. Elles sont matures et savent différencier le bien du mal mais un rappel de temps en temps ça peut que leur être bénéfique.

« Vous faisiez quoi dehors ?

_ On faisait juste un tour.

_ Vos devoirs ?

_ On vient de sortir. Juste une demi heure. On a tout fait.

_ Hm... Jalal et vos parents ils sont au courant ?

_ Ouai. »

C'est déjà ça. De toute façon je sais qu'ils sortent jamais sans mettre quelqu'un au courant. Mais on sait jamais des fois qu'ils oublient ou quoi. Ils ont beau avoir plus de 16 ans, on est obligés d'être derrière eux pour pas qu'ils terminent mal ou qu'il leur arrive un truc. Ça je me le pardonnerais jamais.

« Karim il propose une soirée play ça vous dit ?

_ Non nous on monte.

_ Je parlais pas de vous. Et dites à Jalal de descendre. »

Narjess, Mayar et Ilham elles montent et je reste avec Bassam, Safwan et Riyadh. La plus petite d'entre eux c'est la petite à Jalal, Ilham. Elle a 15 ans mais elle est en 1ère ES avec Safwan. Ils sont inséparables depuis qu'ils se connaissent ces deux-là. Et ils l'ont intégrée à leur bande pour faire la parité et pour éviter de la laisser toute seule.

« Donc ? La soirée ?

_ Moi je suis chaud.

_ On est tous chauds.

_ Ils sont où Adel et Buthayna au fait ?

_ Adel il est avec baba à la mosquée et Buthayna elle est en haut.

_ Hm... Riyadh t'as du crédit ? »

Je demande au frère de Jalal parce que les miens ils ont pas de téléphone. Pas de tune pour avoir chacun son tel. Ce que je gagne ça va soit dans mes études soit dans les factures. Et ce que je peux économiser ça part dans les grands truc genre voyage ou le mariage de ma sœur Soumaya.