XIII- «Tu ferais mieux de te dépêcher»
Quelques semaines après son arrivée en Angleterre, Daliah se trouve à sept kilomètres du front dans un camp en Italie. Arc en main, elle entretient ses capacités de combat de bon matin. Sa vue n'est pas plus précise que le jour de son recrutement, mais elle atteint toujours sa cible. C'est un mois de novembre 1943 frais. Son pull et son pantalon noir ne la réchauffent pas autant qu'elle le souhaiterait. Ses grosses bottes pataugent dans la boue, encore humide des rincées de la veille.
Son entrainement a bien avancé. Elle manie le couteau à la perfection, son corps à corps est tout aussi maîtrisé et son tir à l'arc est vif. Elle ne sait pas si cela lui servira à grand-chose mais elle est heureuse de sa progression. Savoir se défendre est primordiale dans cette région. Pour ses pouvoirs, ils ne se sont plus manifestés depuis qu'elle est descendue du bateau. Encochant sa flèche, elle vise la cible. Un coup, puis deux, puis trois. Son carquois se vide. Steve, coincé dans sa tente de préparation, est intrigué par les sifflements. Il devait faire le même spectacle depuis des semaines devant des civils en folie, et le voilà au front, toujours en vedette de cabaret. Alerté par les sifflements, il sort de sa tente et cherche la provenance du bruit. Quand il voit son amie, il l'observe avec admiration. Ses longs cheveux marrons encadrent son visage presque blanc. Son nez et ses joues sont rosis par la brume. Les yeux bleus de la jeune femme balayent le paysage pendant qu'elle retire les flèches de la cible. Une nouvelle salve de flèches résonne. Jamais il n'aurait pensé la voir ainsi. La petite française de la cour de récré est bien loin maintenant. Un sourire se faufile sur son visage ; il est fier d'elle.
« Bravo Daliah. Tu t'améliores de jour en jour. »
Peggy s'approche de la jeune femme, un manteau à la main. Daliah est soulagée.
« Merci Peggy, dit-elle en enfilant la veste, ah ! Ça fait du bien... »
Elles se sourient. Reevers retourne arracher les flèches de la cible.
« Des nouvelles du 107ème partit pour Azzano ?
-Oui, fit Carter, il y a beaucoup de blessés et certains ont été capturés par Hydra. La plupart ne vont pas tarder à revenir. »
Le Lieutenant Reevers est lié au régiment, les nouvelles lui sont donc importantes. Son grade a peu de valeur militairement parlant, puisqu'elle est reléguée à l'administration. Cela n'empêche pas une énorme empathie pour tous les noms qui défilent sous ses yeux chaque jour. Pendant quelques minutes elles restent dehors à discuter, mais décident de se mettre au chaud. Un petit vent se lève. Steve les voit approcher. Voulant rentrer pour ne pas les déranger, ses plans sont contre-carrés quand Daliah croise son regard. Elle reste stoïque pendant quelques secondes, Peggy souriante à ses côtés. Des larmes menacent de tomber de ses yeux. Il est là. Elle laisse Carter pour accourir sa rencontre. Le cœur du soldat se gonfle de joie en la voyant venir vers lui, un grand sourire aux lèvres. Le blond la prend dans ses bras avant même qu'elle ne puisse dire un seul mot, ce qui agrandit le sourire de son amie. Il a beau faire trois fois sa taille, elle arrive à lui murmurer à l'oreille :
« Salut mon Gringalet. Toi aussi tu m'as manqué... »
Il resserre son emprise sur elle après ces mots, son menton calé dans sa nuque.
***
~PDV Daliah~
J'avoue avoir été perplexe quand Stark m'a raconté le destin de Steve. Mais j'étais loin de la réalité. Rogers a revêtu son costume de « Captain America ». C'est un nom un peu pompeux, mais très accrocheur. Extrêmement pompeux. De plus, son costume ne le met pas du tout en valeur. Il a l'air idiot avec sa cagoule, bien qu'il soit plutôt impressionnant de par sa carrure. Je m'appuie grâce à mon épaule contre une étagère, dans laquelle des casques avec des lettres sont rangés. Il me regarde, cherchant à savoir comment je le trouve, sourire faussement charmeur aux lèvres.
« Alors ? » Finit-il par dire anxieux.
Je hausse les épaules, cherchant mes mots.
« La cagoule... je fronce mon nez, Moyen. Mais sinon, tu es... bien. Très bien même. »
Il se retourne pour faire face à un miroir. Son costume en tissu fin fait un horrible pli dans son dos. Je soupire, me massant l'arête du nez.
« C'est donc comme ça que tu... Tu fais ton spectacle ? »
Il acquiesce, je l'imite.
« Et toi tu... tu te balades souvent habiller comme ça ? »
J'observe ma tenue : un pull, un pantalon trop grand et des Rangers, le tout étant noir. Un long manteau, lui kaki, recouvre le tout. Je soupire.
« Je préfère le noir au kaki. »
Un rictus s'affiche sur son visage. C'est un bonheur de le revoir. Nous nous prenons une nouvelle fois dans les bras, nous murmurant notre joie partagée. Un homme entre, prévient Steve qu'il doit monter sur scène et repart aussitôt. Les militaires sont tellement polis. Je me détache.
« Quel charmant jeune homme... plaisantai-je, c'est dans ces moments que je m'aperçois comme il est plaisant de servir sous leurs ordres...
-C'était un de tes supérieurs ?
-Non, mais il est tout aussi aimable qu'eux... »
Nous ricanons. Je me dirige hors de la tente.
« Bonne chance. » Fais je avec un clin d'œil.
Il hoche la tête en signe de remerciement, avec un sourire nerveux en coin. Je me retrouve donc dehors, tentant de trouver une place parmi ce public masculin. Après plusieurs remarques désobligeantes, je me mets à l'arrière en retrait, presque cachée par l'ombre d'une caisse d'armes. Il ne fait pas un temps superbe et tout le monde est fatigué, les soldats les premiers.
Avant de partir faire de la paperasse, il y a à peine une demi-heure, Steve essayait tant bien que mal de distraire les soldats. Je comprends que les soldats aient besoin de s'amuser, mais de là à humilier l'un des leurs... Ça me dégoute. Me voilà maintenant avec Philips, en pleine écriture de lettres de condoléances. La pluie fine mais battante attriste encore plus le paysage déjà bien morose et boueux. J'enfile une lettre dans une enveloppe, en gigotant sur ma chaise. Mon dos commence à me faire souffrir.
« Et une de plus... »
Timothy, un jeune officier roux, la prend et la place sur une pile posée sur la table en face de moi. Une pile d'une trentaine de lettres pour les familles des soldats. Il est triste de dire ça, mais à force d'écrire les mêmes mots, ils perdent de leur impact émotionnel et deviennent... Banales.
« Voulez-vous que je prenne le relai mademoiselle ? Me demande-t-il gentiment, Vous pourriez aller vous dégourdir les jambes et détendre vos doigts. »
Les traits de son visage ovale sont marqués, bien plus que les miens, alors que nous avons le même âge. Ses yeux sont verts, mais peuvent parfois virer au marron. Je lui lance un énorme sourire. C'est une personne très attentionnée et d'une extrême gentillesse. Il est timide mais galant. Un vrai gentleman.
« Avec plaisir. Mais savez-vous écrire des lettres de condoléances, soldat Heston ? »
La confiance se lit sur son visage. Il ouvre la bouche, mais rien ne sort. Ses sourcils épais se froncent, emportant avec eux la peau de son grand front. Il reste bouche B.
« D'accord, dis-je en me levant, prenez place. Je vais vous expliquer. »
Après avoir repris ses esprits, il s'empresse alors de s'assoir à ma place. Je me place à ses côtés, à moitié assise sur la table, entamant la dictée. Il hoche la tête tout en tapant sur la machine à écrire. Un faible coup de tonnerre se fait entendre, suivi d'un klaxon qui fait sursauter Timothy : les soldats blessés sont là. Tous plus mutilés les uns que les autres. Il se retourne. Avec tristesse, nous les regardons disparaître dans l'infirmerie.
« Ils ont dû souffrir... Souffle-t-il.
-Ceux-là en particulier. Les allemands ont lancé une offensive sur Azzano, l'informai-je, Deux cents hommes ont été envoyés mais à peine une cinquantaine est revenu.
-Où sont les autres ?
-Morts ou capturés. »
Ma tête se tourne vers lui. Il hoche de nouveau la tête. Philips s'approche et s'assoit sur le bureau à notre droite. Lui aussi commence à rédiger des lettres. Nous nous remettons au travail. Quelques minutes plus tard, Steve, suivi de Peggy, arrive en trombe sous la tente.
« Colonel ! Lance-t-il à peine arriver.
-Tiens... Voilà notre porte-bannière étoilé, répond sarcastiquement le colonel, qu'est-ce qui vous amène soldat ? »
Je lève les yeux au ciel. L'amabilité de cet homme me surprendra toujours.
« Je voudrais la liste de ceux qui sont tombés à Azzano.
-Je suis pas à vos ordres. Fait sèchement Philips.
-Je cherche le sergent James Barnes du 107ème régiment d'infanterie. »
Etonnée, je me redresse. Etant liée et au 107ème et au 106ème, on m'a confié la tâche des lettres du 106ème. Philips a le 107ème. Mince. Le Colonel soupire, exaspéré.
« Y faudra qu'on est une conversation un peu désagréable tous les deux. Dit-il en désignant Carter.
-J'aimerais savoir s'il est encore vivant, réplique Steve du tac-au-tac, B-A-R...
-Je sais écrire, silence, il se lève pour fouiller dans les papiers derrière lui, j'ai signé tellement de lettres de condoléances aujourd'hui que je ne sais plus trop où j'en suis. Mais... ce nom me rappelle quelque chose. Je suis désolé. »
Steve soupire. Je n'arrive pas non plus à savoir si quelqu'un l'a mentionné. La panique monte. Hors de question qu'il perde son meilleur ami. Heston insiste à ce débat dont il ignore tout, bien qu'il commence à chercher les informations pour le blond. Peggy se retourne, comme pour savoir si j'avais la réponse. Je secoue négativement la tête, toujours en train de chercher discrètement.
« Et les hommes qui y sont encore ? Finit par demander Rogers, il y a un plan pour les récupérer ?
-Oui, il faut qu'on gagne la guerre. Dit le colonel.
-Mais si vous savez où ils sont... »
Philips se dirige vers la carte de la région. Nous peinons à repousser l'ennemi.
« ... C'est à cinquante kilomètre au-delà des lignes. Il faudrait traverser l'un des territoires les plus fortifiés de toute l'Europe, et on perdrait plus d'hommes qu'on en sauverait, mais ça dépasse les compétences d'une meneuse de revue. »
Je fulmine. Steve est bien plus capable que lui. Normalement. Mes points se serrent.
« Je pense que j'ai d'autres compétences.
-Et bien aller donc les démontrer ailleurs, répond austèrement le vieux soldat en se déplaçant, si j'ai bien lu vos affiches vous êtes attendu quelque part dans trente minutes.
-Oui mon colonel, il regarde une carte, à vos ordres. »
Sur cette phrase, Steve sort. La manière dont il a fixé la carte... Timothy revient à mes côtés, me disant que ses recherches n'ont pas été fructueuses. Le désespoir me prend d'un coup. Je le remercie avant de m'avancer vers Peggy. Elle aussi fixe la carte.
« Si vous avez quelque chose à dire Agent Carter, c'est le moment de vous taire. » Lance Philips.
Elle me voit enfin, m'entrainant par le bras avec elle.
« Suis-moi. »
Une fois dehors, nous courrons sous la pluie qui se veut plus calme. Je serre mon manteau kaki contre moi, pour me réchauffer.
« Qu'est-ce qu'il se passe Peggy ? Demandai-je.
-Je crois que le Captain Rogers a prévu une chose quelque peu dangereuse. »
Je réfléchis. Entre la carte, son irruption inattendue pour savoir si James est mort et son soudain silence, il devait il y a avoir un lien. Sacré Steve, qu'est-ce qui rôde dans ta caboche ? Il va libérer les otages ! Je m'étonne soudainement que Peggy suive de si près mon ami.
« Tout va bien Daliah ?
-T'aurais pas un peu le béguin pour Steve ? »
Les joues de Peggy tournent au pivoine en un instant. Je rigole. Elle serait la femme parfaite pour Rogers. Nous entrons finalement sous la tente où Steve s'est réfugié. Il est en train de préparer un sac.
« Vous avez l'intention d'aller à pied jusqu'en Autriche ? Fait-elle.
-S'il le faut, oui. »
Je m'approche de lui.
« C'est de la pure folie Steve ! M'exclamai-je.
-Vous avez entendu ce qu'a dit le colonel ! Votre ami est sûrement mort. »
Je soupire. Pas vraiment la meilleure phrase de dissuasion. Je lui lance un petit regard avant de me concentrer sur Steve. Il continue de se préparer.
« On en sait rien.
-Et de toute façon l'état-major doit établir une stratégie...
-Le temps qu'il prenne une décision, il enfile un veste en cuir marron, il sera peut-être déjà trop tard !
-Steve ! »
Peggy a le don pour mettre le feu aux braises. Je l'empêche de sortir. Il m'observe avec de gros yeux.
« C'est pas le moment de faire l'idiot. Donc tu vas bien réfléchir avant de te lancer là-dedans d'accord ? Tu fonces droit dans une usine de nazi armés jusqu'aux dents ! »
Il me défie du regard. Cela n'a pas l'air de lui faire très peur. Son courage est-il si infini ?
« Qu'est-ce que tu ferais à ma place. »
Je souffle. Tu peux le faire aller.
« Je ne foncerai pas dans une usine de nazi ! Tu n'es pas une armée Nom de Dieu ! »
Steve soupire. Il n'a pas l'air convaincu. Je ne gagnerai pas cette bataille, c'est sûr. Sa volonté est de fer, et la peur qui le prend de perdre son meilleur ami est légitime. Je me frotte le visage.
« Daliah. Je sais que tu ne veux que mon bien mais...
-Tu t'en voudrais de ne pas y aller en sachant que tu pouvais. Tu te dois de tenter quelque chose... »
Il acquiesce, puis me contourne pour sortir. Peggy me regarde avec compassion, pose sa main sur mon épaule.
« On va essayer encore une fois de le convaincre. Viens. »
A peine ai-je le temps de contester que nous sortons à nouveau, partant à sa recherche. Il est en train de jeter ses affaires dans une jeep. Je l'interpelle.
« Vous m'avez dit que j'étais capable d'autres choses, il s'adresse à Carter, vous le pensiez ? »
Elle le fixe intensément. Il est capable de grandes choses c'est sûr. J'observe la réaction de Peggy. Il y a une étincelle évidente dans ses yeux.
« Absolument.
-Alors laissez-moi y aller. » Il monte dans le véhicule et le démarre.
Nous nous plantons devant la jeep.
« Je vais faire mieux que ça, dit-elle, je vais vous y conduire. »
Je tourne vivement la tête vers elle, perplexe. Par quel moyen peut-elle lui faire traverser les frontières ?
« Comment tu comptes faire ça tu... une idée me vient en tête, j'ouvre grand la bouche, Stark... »
Elle me sourit avant d'expliquer son petit plan à Steve. Howard, brillant pilote, va l'amener au-dessus de la base ou du moins le plus près possible. Il ne manque plus que l'accord du génie. C'est brillant. Dangereux mais brillante. Stark est assez fou pour le faire. Je m'approche de Rogers, sorti de la voiture.
« Tu ferais mieux de te dépêcher d'accepter, c'est un super plan de sauvetage. »
Il me regarde, réfléchit. Une idée lui trotte visiblement dans la tête au vue de son sourire.
« Je vais peut-être avoir besoin d'aide, tu sais, dans l'usine remplie de nazis armés jusqu'aux dents. Et si tu venais avec nous ? »
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