IV- Dur dur d'être une femme...
La lumière semble vacillante...
"Pour finir cette parenthèse informative, l'état s'inquiète de la situation en Europe où les combats font rages depuis près de trois ans. L'avancée du nazisme est réelle, et le gouvernement veut à tout prix l'arrêter, avec qu'Hitler n'arrive sur nos côtes. De ce fait, ont ouvert à sept heures des bureaux où les citoyens peuvent s'engager dans l'armée pour contrer l'Axe. Il faudra avoir plus de dix-huit ans, un dossier en règle et non falsifier, sous peine d'une amende et peut-être plus. Ne nous cachons plus de l'autre côté de l'océan. Votre vie a plus de chance de sauver le monde que les aides fournies par le gouvernement aux Alliés. Bonne journée à tous.
Merci Albert. Nous sommes le premier septembre 1941 et il est huit heures et demie. Vous écoutez New York Radio, bon réveil."
Un autre matin qui se lève. Ces dernières années ont été éprouvantes. Une étrange atmosphère m'a suivi après l'enterrement de ma mère. Un flou. J'ai changé de travail, troquant les vêtements pour une épicerie. Les voisins sont moins accueillants, un peu plus bruyant. Cependant, il m'arrive de garder les enfants de la seule personne qui ne me regarde pas de travers : Jerry. Ils sont adorables et grandissent si vite. Je vis extrêmement bien, j'ai une vie stable. Le flou se précise, laissant place à une réalité morne. La guerre ne nous atteignait pas jusqu'à maintenant. Ou très peu. Personne n'était perturbé, dans les petites vies parfaites que nous menions. Une sorte «d'American Dream » comme disent les étrangers. Tout le monde ne l'a pas ce rêve. Existe-il seulement ?
Ce matin, je ne travaille pas. Comme à mon habitude depuis l'enterrement, mes pas me mèneront vers le cimetière pour un peu de compagnie. Aujourd'hui cependant, j'ai quelque chose d'important à dire à ma mère. Bien plus important que la petite conversation que je fais d'habitude. A vélo, je traverse les rues automnales s'éveillant lentement. A cette époque, le sol est jonché par des dizaines de feuilles rouges, marron, or et quelques timides feuilles vertes. Elles tourbillonnent à chaque coup de ce frais vent, celui qui vous réveille dans la douceur de ces matins où le soleil tente de vous réconforter après une semaine de pluie et de rosée. Je m'arrête pour acheter une rose rouge et repars aussitôt. Arrivée au cimetière, mes pas arpentent lentement ce lieu qui devrait me paraître triste. Aujourd'hui, je lui trouve une autre allure : une allure paisible. Comme si les personnes reposant ici étaient heureuses. C'est une étrange mais apaisante sensation. Des hommes tombent de l'autre côté de l'Atlantique et ici, tout se passe à merveille pour les morts. Pas de violence, ou peu, juste la nature. Je trouve enfin la tombe de ma mère, échangeant la pauvre rose orange fanée contre la belle et rougeâtre rose.
« Bonjour Maman. Je ne sais pas par où commencer je... »
Je marque une pause, fermant les yeux.
« Tu m'as dit un jour que tu voulais que ma vie soit calme. Des enfants et un mari adorable me chérissant à chaque seconde de ma vie. Tu voulais... Que je... Que je sois heureuse. Mais après de grandes réflexions, ce n'est pas comme ça que je serai heureuse. Du moins pas toute suite. Cela fait maintenant... longtemps que tu es partie et ma vie est devenue... devenue... Je ne sais pas, j'ai juste ce ressentiment que quelque chose manque. Mais tout ça va changer, je le sais. La guerre ravage l'Europe depuis quelques années maintenant. Encore une, oui. Que sommes-nous n'est-ce pas ? Cette fois-ci, c'est moi qui irai combattre. Je vais m'engager dans l'armée américaine. Je vais honorer la mémoire de papa, et je... et je me battrai pour prendre l'équivalent de son grade : lieutenant. Tu me dirais sûrement : "Mais tu es une femme ! Tu ne pourras jamais y arriver !". »
Je glousse, repensant à la fois où je m'étais fait gronder pour avoir voulu mettre un pantalon. Pour essayer.
« Tant pis. C'est que ce je veux, et je me battrai. Je n'abandonnerai pas, et fera preuve de tact. »
Une larme silencieuse dévale ma joue.
« Je le fais pour... pour toi et papa... Je veux juste aider et, je pris une inspiration, et arrêter de me cacher dans mon appartement à ne rien faire que vélo boulot et dodo. Comprends-le s'il te plaît... Maman donne-moi la force... »
Mes mains se joignent devant mon visage, tentant tant bien que mal de me retenir de pleurer. Le vent essaye de me réconforter en me caressant. Les émotions me secouent. La peur me noue le ventre, et engage un terrible combat avec ma détermination. Ainsi pendant quelques minutes, étreinte par le vent à sangloter, je reprends lentement mes esprits. Demain je leur montrerai. Demain ils sauront.
Remise des émotions de la veille je me prépare, pleine de courage, bien qu'une boule me tiraille le ventre. Devant mon miroir, je m'observe. Rien ne peut m'arrêter, rien. Mes jambes sont un peu moins tremblantes. Ma confiance revient tout doucement. Pour me rendre au bureau le plus proche, j'attrape un taxi. Une fois installée, j'inspire à fond, mon dossier en main. La pression monte mais la musique de la radio me détend. Perdue dans mes pensées, j'entends cependant un bruit.
« Quoi ? Lance-je nerveusement.
-Qu'est- ce que vous avez dans la main ? Un dossier ? »
Le feu est rouge, le chauffeur s'est tourné pour voir si tout se passait bien.
« Oui et ... Cela ne vous regarde pas.
-Ok on se détend, ma p'tit dame. »
Je soupire.
« Désolée, je suis très anxieuse.
-Bah ça peut arriver ! Que voulez-vous...
-Vous voulez réellement savoir ce qu'est ce dossier ? Je fronce les sourcils, Vous risqueriez d'être surpris...
-J'adore les surprises !
-Je vais m'engager dans l'armée. »
Il est bouche bée, mais reprend vite son sérieux. Il ne paraissait pas déranger par mon objectif, du moins que ce que j'aurais pu croire. Il lâche un rire gras.
« Vous serez toujours un mystère, vous les femmes... J'en ai conduit une autre il y a environ une heure au même lieu que vous. Elle était un peu plus sûre d'elle que vous. Elle ferait un bon soldat. Oh bien sûr, pas de terrain mais stratégique. Et vous ? Vous voudriez être à quel poste ?
-Lieutenant au front. J'ai de bonnes conditions physiques donc ils peuvent m'envoyer sur le terrain sans problème. J'ai bien envie de botter le cul à un ou deux nazis. »
Je me blâme intérieurement pour ce que je venais de dire. Ce n'est pas mon langage habituel. Un autre rire sort de sa gorge.
« Eh bien je vous souhaite bonne chance car nous voilà arriver à destination ! » Dit-il amusé.
Nous sommes effectivement arrivés. Un immeuble de brique tout ce qu'il y a de plus normal ici, avec un panneau et une affiche concernant le recrutement. Mon cœur bat la chamade.
« Daliah Reevers, je souffle ébahie, Et vous ? »
Il fronce ses sourcils broussailleux.
« Peter Grillerre pourquoi ?
-Je vous enverrai une lettre Peter. J'ai apprécié discuter avec vous. Vous êtes un excellent taxi. Tenez. »
Je lui donne la somme du trajet plus un pourboire.
« Achetez une jolie peluche pour votre adorable fille. Désignai-je la photo collé vers le volant.
-Merci ma... Je veux dire Daliah c'est ça ?
-Oui, dis-je en clignant de l'œil, surveillez votre boite aux lettres. Au revoir.
-Au revoir et encore merci. Vous allez y arriver.
-Je vous en prie ! C'est normal. Merci beaucoup. »
L'engin jaune reprend alors sa route. La joie et le doute me prennent par les tripes. Cet homme me rappelle un père jouant avec sa fille que j'avais vu un jour au parc. Ce souvenir m'apaise. J'inspire un grand coup, faisant immédiatement volte-face. Qui ne tente rien, n'a rien, n'est-ce pas ? J'entre dans le bâtiment pour me présenter au comptoir. Il y a un jeune homme brun assis, tête baissée dans ses dossiers.
« Bonjour j'aimerais...
-Les infirmières c'est à droite.
-Non je voudrais savoir où se trouve le bureau de recrutement des agents ou des soldats s'il vous plaît. »
Il me regarde d'un air interrogateur. Un rictus se forme sur le coin de ses lèvres.
« Pourquoi une jolie poupée...
-Où est le bureau de recrutement ?
-Pourquoi vous tenez tant à le savoir ?
-Car je fais comme toutes les personnes qui sont venu depuis sept heures ce matin. Je viens m'engager. »
Il éclate de rire. Mes yeux s'humidifient. Il a le même rire que certains garçons qui se moquaient de moi à la sortie de l'école. Tu n'as plus huit ans Daliah... La colère monte à vitesse grand V. Mon poing commence à se fermer. J'ai très envie de lui en coller une dans sa belle tête carrée. Ma respiration se fait entendre jusqu'à l'autre bout du bâtiment. Il croise mon regard et s'arrête net de rire. Jamais ne m'étais-je énervée ainsi en public.
« Oh mais vous êtes sérieuse ? Pardon veuillez m'excuser madame. Puis-je voir votre dossier ?
-Oui. » Fais-je sèchement.
Je lui jette mon dossier. Il avait l'air embarrassé. Si je continue comme ça, je finirais sûrement à arriver à mon objectif. Il ouvre le dossier et le scrute.
« Tout est en règle. Le bureau est... il est à gauche au fond du couloir. Bonne chance.
-Merci. » Dis-je avec légèreté et sourire hypocrite.
Je m'éloigne, fière de moi, me dirigeant donc au fond du couloir à gauche. En entrant, je m'étonne de voir une jeune femme assise avec un carré ondulé. Elle a des yeux marron pétillant de vie et des lèvres couvertes d'un rouge pétant. Elle porte un chemisier blanc et une jupe kaki s'arrêtant sous son genou. Elle est habillée exactement comme moi. Je m'assois sur une chaise à côté d'elle. Elle me sourit timidement, je lui rends.
« Bonjour. Je suis heureuse de voir que je ne suis pas la seule femme. Chuchote-t-elle.
-Moi aussi. Comment vous appelez vous ? Moi c'est Daliah. Daliah Reevers.
-Enchanté Daliah. Moi c'est Peggy. Peggy Carter. »
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