35 Un enterrement mortel
-Tournez à gauche! Stop! Stop! On y est.
Je descend en trombe du taxi en lâchant une liasse de billets sans même les compter, puis je me précipite vers l'entrée de l'église. Elle est sur une petite place, dans un quartier tranquille du 5e. Deux lascars en costume en garde l'entrée, comme deux videurs à l'entrée d'une boîte de nuit. Hum, je me disais bien que je n'allais pas pouvoir entrer si simplement. Mais je ne suis pas là pour déconner. Car je doute très forte d'être invitée. Au contraire, je dirais même que je suis plutôt assez peu désirée ici, et que la probabilité qu'on ai laissé des instructions spécifiques pour ne pas me laisser entrer est assez haute.
Je m'apprête à passer en force, quand soudain... mon corps agit instinctivement en entendant le moteur approcher. Je me jette sur le côté à l'instant où un camion lancé à vive allure emboutit directement la porte de l'église, écrasant littéralement les deux gardes contre la pierre taillée de l'édifice. J'ai à peine le temps de me relever que je me jette à l'abris derrière un muret, alors qu'une pluie de balle s'abat dans ma direction. Elle s'arrête très vite, et j'ai vite compris que je ne suis pas la cible de cette attaque. C'est le clan Sforza réuni à l'intérieur qui l'est. C'est une déclaration de guerre...
Je jette un coup d'œil au camion. La décoration est sans appel: le camion est peint d'un long chat souriant de toutes ses dents, tenant une tasse de thé. Il en sort des hommes en costume armés jusqu'aux dents, bien qu'un certain nombre d'entre eux semblent déjà amochés par le choc du camion avec la façade du bâtiment. À l'intérieur de l'église, la fusillade fait déjà rage, et chaque seconde qui passe est une seconde durant laquelle Marie peut se prendre une balle perdue - même une balle pas perdue d'ailleurs, car ils pourraient parfaitement être là pour la tuer. Je ne m'en fait pas trop pour Ambre, mais je devrais tout de même me dépêcher d'entrer.
Je sors mon arme et jette un œil à la scène, juste à temps pour apercevoir un grand homme baraqué portant un masque ridicule entrer dans l'église... un masque avec des yeux de chats et un immense sourire...
-Celle là, Cheshire, tu vas la regretter...
Il reste quelques hommes dehors. Ils tombent sous mes balles, surpris qu'un ennemi les attaque de l'extérieur. Et c'est tout ce qu'il me faut, car pour une fusillade de cette ampleur, mon petit flingue de merde ne me sera pas de beaucoup d'utilité. Je sors de ma planque en faisant bien attention à ne pas me faire avoir par derrière. Ah... celle là, les Sforza vont devoir me la rembourser! Et ça va leur coûter bonbon. J'ai littéralement la meilleure place pour prendre les assaillants à revers, et en plus, c'est de moi qu'on parle. Je saisis les mitraillettes de trois de mes victimes. Je ne sais pas trop comment elles se rechargent et si elles s'enrayent, alors dans le doute, mieux vaut en avoir plusieurs. Puis, mon petit flingue toujours à la main, les autres en bandoulière, je me dirige d'un pas mesuré vers l'entrée de l'église, avec un frisson d'excitation morbide et un sourire aux lèvres. La porte en bois est complètement défoncée, et les assaillants se sont mis à couverts derrière des bancs. Il semble que les Sforza n'étaient pas désarmés, et qu'ils se sont vite remis de leur surprise, d'autant qu'ils sont les plus nombreux. Le danger pour moi est de me montrer à découvert, car mes propres alliés - "alliés" - pourraient me tirer dessus par erreur si ils me voient apparaitre à la porte, vu que je suis derrière les assaillants. Je me place donc au sol, et place mon canon vers l'ennemi le plus a gauche, qui me montre son dos.
Inspiration.
Expiration.
Je me tends. Je fais le vide. Je laisse la prédatrice reprendre le dessus. L'excitation me fait frémir. Je tire. Je balaie toute la largeur de l'arrière garde des attaquants d'une longue rafale de balle, qu'ils mettent quelques secondes à remarquer, étant trop pris dans la fusillade. Mon chargeur est vide.
Vite. Jeter l'arme. Se mettre à couvert. Saisir la suivante. Se remettre en position de tir. Une balle vole et m'effleure, j'abat immédiatement le tireur d'une courte rafale. Je me remets à couverts. Ils ont compris qu'ils étaient pris à revers. Va falloir que jme barre. Je me lève instinctivement, et c'est ce qui me sauve la vie lorsque j'entends le bruit caractéristique d'une grenade rebondissant sur le sol près de moi. Bordel ils ont amené un vrai arsenal! Si ils décident d'utiliser ça sur les participants de l'enterrement...
Ça pue.
Je me jette vers la grenade et shoote dedans de toute mes forces, avant de me jeter le plus loin possible. On ne s'en rend pas forcément compte avant d'en avoir une en main, mais une grenade, c'est putain de lourd. Et j'ai très mal au pied actuellement. Mais la grenade explose au milieu des assaillants. Autant dire que l'assaut est plutôt compromis. Je me jette dans la mêlée, profitant de l'écran de fumée de projeté par la grenade. Maintenant que je suis au milieu d'eux, ils n'oseront plus tirer de peur de se blesser entre eux. C'est une technique ultime - enfin, pas exactement, mais elle fera l'affaire.
Une rafale, deux hommes à terre. Couteau, planté, un autre en moins, je me jette en avant, me relève dans le dos d'un autre, et c'est fini. Haletante, je regarde les attaquants restants se rendre. Les Sforza n'ont subi que des pertes minimes, mais mon attention se porte immédiatement sur Marie. Elle est encadrée par une dizaine d'hommes en costume qui l'empêchent de bouger, et je repère une Ambre dépitée sur le côté. Ils ont récupéré Marie... tout est foutu.
-Ne baisse pas les bras si vite, petit lapin.
Une voix robotisée me surprend. Au sol, tout près de moi, se tient l'homme au masque de Lapin. Cheshire... blessé, il semble respirer difficilement, mais se remet tout de même sur pied, et me fait face. Ce n'est pas lui qui parle.
Mais une voix au téléphone. Mis sur haut parleur.
-Tu sais, petit lapin... nous sommes tous au pays de la folie. Toi, moi, alice, et les mafias... seulement, les mafias oublient quelque chose d'important. De primordial, même. Tout le monde est fou! Et quand on est fou... tout est permis... j'ai hâte de te rencontrer, Petit Lapin. Tu me revaudra ce service au centuple. Enfin... si tu garde ta tête!
Je comprends une seconde trop tard. Ce mec n'est pas Cheshire. J'ai pensé trop vite. Ce plan d'attaque n'avait aucun sens de base. Mais alors... à quoi joue-t-il? Et qui est ce mec devant moi avec son masque?
Je n'ai pas le temps d'y réfléchir que l'homme s'élance par dessus la barricade de banc et vers les Sforza, sans un mot, sans un cri, courant vers la mort sans la moindre peur ni la moindre once d'hésitation. Au même moment, les autres attaquants prisonniers en font de même. Ils sont accueillis par les balles des mafieux, et je me hâte de me cacher pour éviter de me prendre une balle perdue. Ils tombent, mais je comprends soudain ce qui cloche.
-MERDE!
Je me jette également par dessus la barricade, sous le feu nourri des Sforza, et m'élance vers leur ligne de défense. Je dois protéger Marie! Je dois...
L'homme au masque de chat s'effondre sous une balle. Dans sa main, toujours son portable. Il le relâche. J'en étais sûre.
Une immense détonation souffle la fond de l'église. Le camion vient d'exploser. Le feu se propage en un souffle vers l'intérieur du lieu de culte, et les vitraux brisés amènent l'air nécessaire à sa prise d'ampleur. Les assaillants profitent de cet instant d'inattention pour attaquer de plus belle. Ils semblent tous n'avoir aucune peur de la mort. Leurs yeux sont déments...
Je me jette au milieu de la mêlée et retrouve Marie en quelques instants. Ses gardes se sont éparpillés, mais je dois tout de même en éliminer un qui tente de m'empêcher de m'approcher d'elle. Elle est toute tremblante, mais se retient de pleurer face à l'horreur qui se déroule sous ses yeux. C'est à cet instant que je réalise que... oui, finalement, j'ai eu un impact sur elle. Je l'ai un peu changée. Quand nous nous sommes rencontrées, elle aurait été tétanisée par un tel spectacle. Mais là... elle se contente de sourire joyeusement en me voyant arriver.
-Shi!
-Marie!
-Shi... oh Shi, je suis désolée, je ne pensais pas que...
-Qu'ils te piègeraient? Bon sang, ton niveau de naïveté est vraiment trop élevé pour que tu puisse faire la moindre chose sans moi! Allez, suis moi! Ambre!
J'interpelle mon amie, qui vient de se débarrasser d'un assaillant en lui plantant un de ses poignards dans l'œil, et elle accoure, pieds nus.
-Où t'as foutu tes chaussures? Lui dis-je.
-Tu crois que jles avaient planquées où, mes armes, Shi? Me demande-t-elle en montrant son corps sculptural.
En effet, sa robe parfaitement moulante et son décolleté plongeant n'offrent que peu d'endroits où cacher le genre de petit poignards qu'elle vient d'utiliser.
-Ils étaient dans mes talons. Alors j'ai dû les enlever. Je suis dégoutée de les avoirs perdus, c'était ma paire préférée.
-Si on se sort d'ici, t'auras tout le temps d'en acheter d'autres! Maintenant barrons nous!
Je me jette sur la petite porte latérale de l'église, pour me retrouver face au prêtre tremblant, accroché à son téléphone comme si sa vie en dépendait. Je crois que les Sforzas vont devoir avoir affaire à la police, et il y a de fortes chances que cela soit très profitables aux Falconi... mais pour l'instant, je n'en ai rien à faire. Je me hâte vers la sortie, et court dans la rue avec mes deux compagnes, toujours armée de mes deux mitraillettes restantes. Je les jette discrètement dans un jardin, avant de laisser Ambre nous guider vers une zone sûre.
-Bordel... quel journée!
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