24 Mes émotions partent en couille
-Bon, eh bien, voilà, t'es chez toi.
Marie écarquille les yeux. J'ai décidé de la déplacer de chez Ambre pour l'amener ici, dans mon deuxième appartement, ma base secrète, en quelque sorte. Mis a disposition par un de mes employeurs, l'appartement est bien plus grand et lumineux que mon vieux terrier à 4 pièces, mais il me semble également beaucoup moins chaleureux, et il n'a pas de sortie de secours efficace. Son seul avantage est qu'il est secret, justement. Personne ne le connait, et comme il est dans le 3e, c'est plutôt tranquille et loin des quartiers à problème, en plus de pas être trop loin de chez Ambre. Mais je dois donc me montrer prudente en y allant, et j'y vais d'ailleurs assez rarement.
-Waaa, c'est... c'est super beau! S'exclame-t-elle, les yeux brillants.
-Calme toi, little miss sunshine, tu vas vomir des arcs en ciel si tu continue! Fais je avec un sourire.
Marie se retourne, et me tire la langue, avant de s'élancer dans le canapé. Elle y rebondit deux fois, avant de s'affaler, l'air béate. Je la regarde, un sourire aux lèvres, depuis la porte du salon. Puis je me reprends. Je me retrouve souvent à zoner, les yeux perdus dans le vague, quand je suis avec Marie. C'est une sensation étrange, mais pas désagréable.
-Ya des règles ici aussi, little miss sunshine.
-Je vous écoute, ooh grande maitresse des lieux.
-Ferme la avec ça. Lui dis-je en riant. T'es mon invitée, ok? Pas de chichis. Bon, comme avant, tu évite de sortir, et si tu le fais, c'est rarement, et avec la plus grande discrétion: perruque, lunettes de soleil, tout le bordel. La mafia est peu présente dans ce quartier, mais on sait jamais. Le mieux étant que tu ne sortes pas, bien sûr.
-C'est noté, chef!
-Pas non plus de posts traçables sur les réseaux, mais j'imagine que tu n'en as toujours aucun...
-Pas un seul, chef!
-Ensuite, concernant l'appartement en lui même eh bien... c'est plutôt tranquille, comme tu peux le voir, et j'y dors assez rarement donc tu peux aller où bon te semble SAUF... dans le cagibi du fond du couloir. Je le ferme a clef de toute façon, mais je t'interdis d'essayer d'y entrer.
-Pourquoi?
-Il faut que je te donne une raison?
Elle me fixe, attendant une réponse que je n'ai pas vraiment envie de lui donner. Après tout, elle n'a pas besoin de savoir, non? Mais son regard insistant me fait détourner les yeux, et je suis un peu... gênée? Qu'est ce qui m'arrive, sérieusement?
-C'est l'endroit où je range mes "outils de travail". Finis-je par lâcher. Donc je préfère éviter que tu voie ce genre de choses.
-Oh... je vois...
Un silence s'installe, brisé par Marie.
-Donc tu ne vas pas souvent venir me voir?
-Ben non, c'est un peu le principe. Si je viens trop souvent, ils vont sûrement venir faire une perquisition ici aussi, et donc te trouver.
-Mais je vais m'ennuyer... j'aime bien quand tu es là.
-Je... n'étais pas particulièrement souvent présente dans mon appart non plus, hein.
-Oui, mais je savais que tu allais finir par rentrer! Alors qu'ici... je vais me sentir seule.
Je comprends son point de vue, mais ne vois pas vraiment de bonne solution immédiate. Je décide de tenter quelque chose.
-Je peux essayer de passer te voir au moins une fois par semaine?
-Une seule fois??
-Bon, ok. Deux fois. Mais je monte pas plus haut, je te préviens!
Elle gémit, avant d'enfoncer son visage dans un des coussins du canapé.
-Je peux demander à Ambre de passer te voir.
Ça ne m'arrange pas, car je préfère que personne ne connaisse ma planque, même pas Ambre. Pourtant, la voir ainsi me pousse à proposer des choses que je n'aurais jamais acceptées en temps normal.
-Ambre est gentille. Commence-t-elle. Je l'aime bien, elle m'a montré des trucs sympas, mais... je préfère quand c'est toi.
-Tu préfère la psychopathe à problèmes plutôt que la bombe sexuelle ultra sociable? T'as un grain, toi aussi, Marie.
-C'est quoi un grain?
-Ça veut dire que t'es bizarre.
-Ah. Euh. Oui, je suppose. Nico me le disait souvent aussi. Mais comme ça, on se ressemble un peu!
Son sourire franc me désarçonne. Putain, mais qu'est ce qu'elle a de si spécial, cette fille, pour me mettre dans des états si étranges?
***
-Tu veux regarder quoi?
-Une série d'animation japonaise que j'aime beaucoup! Je voulais te la montrer mais...
Elle hésite un peu avant de continuer.
-Je ne suis pas sûre que tu vas aimer.
-Eh bah on va voir! C'est pas parce qu'il n'y a pas de meurtres à tous les coins de rue que ça ne va pas me plaire.
Oui, je suis encore à l'appartement. J'avais prévu d'installer Marie et de repartir, mais nous avons fini par discuter tout l'après midi, et elle m'a proposée de rester manger et dormir. C'est assez étrange d'être invitée à dormir... chez soi, mais passons. Et c'est ainsi que je me retrouve à regarder un dessin animé japonais tout en mangeant les délicieuses pomme de terre sautées préparées par Marie. Ne plus l'avoir comme cuisinière dans mon terrier va un peu me manquer.
La série est... assez bateau et gnangnan. Une histoire d'amitié entre gamines et de camping. Mais bizarrement, une chaleur s'en dégage, et je me sens bien en la regardant. Je suis détendue, là, aux côtés de Marie. J'ai l'impression que tout le bordel ambiant, la guerre de gang qui approche, la mort du vieux, le danger qui pèse sur Marie, tout ça n'existe plus, ne peut plus nous atteindre. Je suis dans une sorte de bulle à l'écart du monde, et elle est là, avec moi, avec son sourire innocent, ses yeux en amande, et...
Merde, est ce que j'aurais pas un faible pour elle? Pas possible. Quand j'ai un faible sur une fille, c'est toujours uniquement une excitation sexuelle. Et là... c'est très différent. Je me sens chaude et heureuse, simplement en étant proche d'elle. Je n'ai pas particulièrement de lui faire l'amour. Pire, j'aurais l'impression de la souiller si je le faisais. C'est... furieusement frustrant, et en même temps très apaisant. Comme si savoir qu'elle compte sur moi pour la protéger me donne des ailes...
Je vous l'ai déjà dit? Je déteste ne pas comprendre quelque chose. Je suis quelqu'un qui aime avoir le contrôle. Je n'aime pas beaucoup les surprises. Alors, évidemment, face à ce flot de sensations inconnues, je m'énerve. Toute seule, bien sûr, mais je m'énerve.
Un poids se pose sur mon épaule. Je tourne la tête, et réalise que la gamine s'est endormie. Contre moi. Ses cheveux retombent en mèches rebelles sur son visage et chatouillent mon cou. Instinctivement, je passe une main dans ses cheveux pour remettre un mèche noire derrière son oreille. J'ai chaud. Très chaud. Mon cœur bat fort, comme lorsque je m'apprête à tuer quelqu'un. Je ressens également les même frisson de peur et d'excitation. Que se passe-t-il?
Ai-je envie de tuer Marie?
Je tente. Je pose une main sur son cou, et commence à serrer. Mais à peine ai-je commencer qu'un horrible frisson me parcourt, comme une violente décharge électrique et que je lâche prise. Je fixe mes mains légèrement tremblantes. C'est la première fois... que quelque chose de tel m'arrive. Je n'y comprends plus rien.
Si je ressens les même sensation que lorsque je m'apprête à tuer, mais que je n'ai pas envie de tuer... qu'est ce que c'est que cette sensation, alors? Bordel!
Existerait il un autre moyen de me faire vibrer? Autre que le meurtre? Autre que le simple sexe? C'est torturée par toutes ces questions sans réponse que je porte le corps endormi de Marie jusqu'à son lit. Elle a l'air si pure et innocente... que je me sens sale à côté d'elle. Souillée. Mais malgré ce sentiment, j'ai envie qu'elle continue à m'admirer, avec son petit air enfantin et ses mimiques d'encouragement.
Elle est... vraiment belle, quand j'y repense.
Son corps auparavant immobile se met soudain à bouger, et ses bras enlacent mon cou alors que je l'observais de près. Son odeur m'envahit, et toutes mes questions s'évaporent.
-Reste dormir avec moi... chuchote-t-elle au creux de mon oreille. Ta chambre est trop loin.
Je doute qu'il y ai le moindre sous entendu la dessous. Ce n'est pas son genre. Puis-je lui dire que quand je suis dans le même lit qu'une femme, ce n'est jamais que pour dormir? Mais son étreinte me fait basculer à côté d'elle, et elle enfouit son visage dans mon cou. Ce n'est pas très confortable pour dormir.
Mais furieusement plaisant.
Je n'ai aucune envie de me déshabiller. Aucune envie de lui arracher ses vêtements, de laisser mes mains se balader sur son corps, de lui enseigner ce que je sais des plaisirs du corps. J'ai simplement envie... de l'enlacer, moi aussi, et de dormir comme ça.
Je ne suis pas femme à aller contre mes pulsions. Au contraire, je les suis. Elles sont mes meilleures compagnes. Alors, je fais ce dont j'ai envie.
Mes bras se glissent le long de ses hanches. Ma tête se repose contre la sienne. Et je chuchote un simple:
-Bonne nuit, little miss sunshine.
Mais elle est déjà partie loin dans le monde des rêves. Et je l'y rejoins bien vite.
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