The Food Hotel
La pluie battait à son plein en cette fin de journée et Kara redoutait l'arrivée imminente des humains prévues dans la journée. Entre les gouttes, la jeune fraise aperçut l'enseigne lumineuse d'un hôtel. En une dizaine de pas, elle atteignit le bâtiment. Interdit aux produits transformés, l'établissement paraissait d'assez bonne qualité. La peinture blanche avait été refaite récemment et les fenêtres bordées de rideaux renvoyaient l'image d'une salle commune accueillante. Kara fit son choix ; jusqu'au départ des humains, elle resterait dans le petit hôtel. La nouvelle enquêtrice devait rejoindre le cabinet réputé qui venait de l'embaucher, à Fruit City. Elle venait d'arriver dans le village et allait récupérer sa voiture louée quand l'alerte avait été donnée. Ce retard l'agaçait, mais elle n'avait pas le choix. Au passage des Destructeurs comme on les appelait, tout aliment non protégé se retrouvait capturé. Personne ne savait ce qu'ils devenaient.
Kara gagna l'entrée du bâtiment et quand elle entra, un carillon sonna. Les pieds dégoulinants d'eau, elle posa avec prudence son pied sur le tapis et avança jusqu'à la réception où poireautait un vieux concombre.
- Bonsoir ! j'aimerai louer une chambre jusqu'au départ des humains, salua la fraise
- Vous avez de la chance, il ne reste qu'une chambre, toutes les autres sont prises, répliqua le réceptionniste.
Pas étonnant avec cette alerte, il a l'air bête comme un chou, songea la détective.
Il lui tendit une clé puis demanda :
- Vous avez des bagages ?
- Juste une petite valise, je vais me débrouiller, merci.
Elle gravit les marches et accéda à sa chambre. La fraise jeta un œil dehors ; l'obscurité avait soudainement envahi la petite ville. Comme si une nappe opaque avait caché le soleil. Kara changea ses vêtements mouillés et descendit les escaliers pour dîner.
La salle commune abritait déjà une vingtaine de tables occupées, et vu la taille de l'hôtel, tous les clients devaient être rassemblés ici. La fraise s'installa à une table inoccupée et commanda à manger. Elle sirota son verre d'eau alcoolisé et observa un instant la grande salle, des lampes diffusaient une lumière tamisée et quelques imitations de tableau étaient présentées sur les murs tapissés de rouge. Les nappes d'un bordeaux profond s'accordaient avec l'ambiance des couleurs chaudes de la pièce. Un léger brouhaha régnait, mais le bruit jaillissait surtout d'une table en particulier où un groupe de six était installé. Les autres clients étaient soit des couples soit des personnes seules.
Son repas terminé, la jeune fraise remonta à sa chambre. Une heure plus tard, elle était confortablement installée dans son lit, paupières presque fermées.
Un cri jaillit d'une chambre et Kara se leva en sursaut. Son cœur battait la chamade. Son instinct lui conseillait d'aller constater la situation mais son corps refusait de bouger. Elle se força à quitter la chambre et rejoignit la source du bruit. Plusieurs clients et le personnel s'étaient regroupés autour de la porte d'une chambre. Elle traversa le barrage de bras et entra dans la suite. Une courgette s'était effondrée au sol, la peau flétrie, comme pourrie. A côté du corps, le réceptionniste de l'hôtel tentait d'éloigner les curieux.
La fraise s'avança et se présenta à tous,
- Je suis une détective, laissez- moi inspecter le corps ! Que tous les clients sortent de la chambre sauf s'ils ont été témoins de quelque chose et rejoignent leur chambres qu'ils fermeront à clé en attente de renseignement !
Après quelques secondes de flottement tous les clients sortirent de la scène de crime et le concombre lui jeta un regard reconnaissant. Il prit le bras d'une orange, manifestement une ménagère.
- C'est elle qui a découvert le corps. Elle a crié et presque tout le monde s'est rassemblé ici. Nous ne savons que faire, j'ai déjà envoyé un message à la police mais aucune réponse, et le directeur est parti en vacances, commença le vieux réceptionniste
- Évidemment, les communications sont brouillées pendant le passage des Hommes, expliqua Kara d'un ton sec. Avez-vous confiance en vos employés ?
- Toute confiance, assura-t-il.
- Alors envoyez-les dans les couloirs et vérifier les pièces vides, aucun client ne doit sortir des chambres. S'ils en trouvent un dans les couloirs, il faut l'isoler et me prévenir immédiatement. Maintenant laissez-moi inspecter le corps.
Le concombre hocha la tête, sortit de la chambre et alla distribuer les instructions. Pendant ce temps, la fraise réfléchissait. Envoyer le personnel n'était pas la meilleure idée mais sans personnes de confiance, elle ne pouvait faire autrement. Elle était seule face à un meurtrier peut-être capable de récidiver. Kara frissonna. Sa première enquête était très différente de ce qu'elle imaginait. Et aucun légiste, test ADN ou policiers ne pouvaient l'aider. Une résolution d'affaires à l'ancienne.
Elle se tapota les joues et se mit au travail. La fraise observa le corps. Il faisait partie du groupe de six aperçus dans la salle commune. Selon ce qu'elle avait appris, les signes de la victime l'informaient qu'elle avait été empoisonnée. Et selon l'expression de la courgette, dans d'atroces souffrances. Autour, aucun objet n'avait été dérangé, pas de trace de sang, ni de lutte. Le poison avait du être inséré dans son verre durant le repas, peut-être par un serveur. Le personnel était donc aussi un suspect...Elle n'aurait jamais dû laisser envoyer dans les couloirs les employés. Quelle erreur !
Juste avant qu'elle ne se résigne à partir, elle remarqua une information qui lui avait échappée. Sur la table basse se trouvait deux tasses et une bouilloire. Elle se précipita sur les récipients et les inspecta avec précaution. Mais aucune odeur suspecte ne provenait des verres.
Visiblement, quelqu'un était venu ici prendre le thé avec la victime. Le meurtrier. Il avait alors inséré le poison dans le verre. C'était une personne que la courgette avait laissée entrer, un ami.
Kara devait de suite interroger les cinq autres personnes du groupe. Elle se précipita hors de la chambre et partit à la recherche du réceptionniste qui pouvait lui donner les chambres correspondantes. Elle le trouva dans la salle commune où il disputait un kiwi, un employé de toute évidence. La fraise rejoint les deux fruits et interrompit la discussion.
- Que se passe-t-il ? Écoutez j'ai besoin de savoir quelles sont les chambres du groupe des six clients qui mangent ensemble.
- Une clef passe-partout a été volée, il y'a plus important ! Un individu peut entrer dans toutes les chambres maintenant ! vociféra le concombre.
A côté de lui, le kiwi se ratatina. Il avait dû lui annoncer la très fâcheuse nouvelle et c'est sur lui que tombaient les frais.
- Vite ! Nous devons rejoindre les chambres de ce groupe !
Le cœur battant la chamade, la détective se précipita dans les escaliers avec le concombre et ils arpentèrent le couloir à la recherche des numéros souhaités. Mais une porte entrouverte inquiéta la fraise qui poussa la surface. Dans la salle de bain, une cerise reposait dans son bain, rouge de sang. Des traces de luttes dans la pièce, des objets renversés. C'était une autre personne du groupe.
Le réceptionniste et le kiwi étouffèrent une exclamation d'horreur. L'enquêtrice ne se démonta pas et ordonna, la voix tremblante :
- Réunissez tout le monde dans la salle commune. Maintenant.
Il était deux heures du matin quand tous les clients furent rassemblés dans la grande salle rouge, les tables recouvertes d'assiettes et de tasses pour le petit déjeuner. Kara prit une grande inspiration.
- Un meurtrier se cache parmi nous et je vais le trouver. Je dois interroger tout le monde, un à un dans la salle adjacente.
En réalité, la détective voulait surtout voir les quatre survivants de la tuerie. Enfermés dans cet hôtel pour un temps indéterminé, la tension était à son comble. A tout moment, le meurtrier pouvait récidiver, mais cette fois-ci il serait immédiatement dévoilé. A tout moment, une autre victime pourrait-être à déplorer. Peut-être elle, qui allait rester seule avec tous ces suspects dans cette petite salle, un à uns. Elle avait fait enlever tous les objets tranchants, mais la crainte de se faire agresser pulsait toujours en elle.
La fraise s'installa dans un fauteuil et le premier suspect entra. Une clémentine, l'air toute fragile.
- Madame l'enquêtrice, je voudrais vous dire quelque chose que vous avez sûrement déjà vu chez mon ami la courgette. Je suis venue prendre le thé avec lui, je suis peut-être la dernière personne à l'avoir vue vivante, renifla-t-elle.
Soudain elle éclata en sanglots.
- J'ai peur, il y'a eu Jean, puis Lily. Je ne veux pas être seule.
La fraise la rassure comme elle le put puis lui posa quelques questions mais qui ne la renseignèrent pas. Quand elle rencontra la deuxième suspecte, elle n'avait pas plus d'informations. Kara n'avait aucune idée de qui pouvait être le tueur, et son hypothèse lui semblait de plus en plus bancale. Je fais chou blanc, songea-t-elle.
La détective reçut avec un soupire le troisième suspects attitré. La pomme s'assit à peine sur le siège et regarda avec angoisse les alentours, comme si quelqu'un pouvait jaillir à tout instant pour le tuer.
Il répondait d'une manière vague à ses questions et détournait le regard. Kara se pencha un peu plus de son fauteuil, soudain intéressée par le fruit. Mais finalement, elle le renvoya. Juste avant qu'il ne traverse la porte, il murmura à son intention.
- Le tueur, il cherche un objet en particulier, il sait que l'un de nous l'a. Il faut que je le protège, sinon notre pays s'effondrera.
La jeune enquêtrice ne put réagir et déjà la pomme était revenue dans la salle commune. Elle secoua la tête et revint dans la petite pièce. Elle s'apprêtait à recevoir le quatrième suspect quand des exclamations de surprise fusèrent.
La détective se rua sur la porte et aperçut la clémentine qui venait de quitter la salle à manger en courant. Kara ne réfléchit pas et elle se précipita à sa suite. Elle lui hurla de s'arrêter mais la suspecte n'obéit pas et gravit les escaliers qui menait aux chambres. Quand la fraise vit un bout de peau rouge, elle comprit que la clémentine était elle-même à la poursuite de la pomme. La détective avait ses poumons qui réclamaient de l'air et le cerveau en ébullition. Les dernières paroles de la pomme se retournaient dans son esprit, sans réponse.
Kara courut dans le couloir jusqu'à parvenir à la chambre de la pomme, la porte grande ouverte. La détective entendit des coups de feu et la fraise se hâta de parvenir au salon où la pomme s'était repliée contre un mur, une mallette dans une main et un pistolet dans l'autre, pointé sur la clémentine.
- Tu ne l'auras jamais tu l'entends ! Tu as tué mes amis, maintenant meurs ! cria la victime, le bras tremblant.
Kara voulut s'interposer mais la clémentine recula vers une fenêtre et se précipita à travers, dans la nuit noire. L'enquêtrice se pencha pour tenter de voir la meurtrière mais elle semblait s'être évanouie dans l'obscurité.
Quelques heures plus tard, la police put entrer dans l'hôtel après le passage des hommes. La fraise leur fit un compte-rendu mais ils ne purent jamais retrouver la clémentine. L'enquêtrice interrogea la pomme mais elle refusait de lui avouer quoi que ce soit, ce serait à la police de régler ce problème.
Kara, sa première affaire pas totalement élucidée en tête se rendit à son cabinet à Fruit City pour commencer une brillante carrière.
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