L'illisionniste
A l'Olympia, le spectacle de magie le plus célèbre de la planète, battait son plein depuis à peine trente minutes. La représentation, à chaque fois plus folle et mieux réalisée que la précédente, attirait les curieux du monde entier. Le magicien, accompagnée de son assistante était apparu de nulle part, il y'a un an, et depuis, ils tenaient l'affiche. Le jeune homme séduisant, au haut de forme extravagant et à l'accent pittoresque faisant office de magicien, attirait le regard des demoiselles, et sa jolie assistante au costume étrange de lapin soubrette, celle des messieurs. Le public, envoûté, assistait aux tours les plus classiques, agrémentés d'une touche personnelle de l'illusionniste, permettant aux spectateurs de ne pas s'ennuyer avant la deuxième partie, beaucoup plus captivant.
Le mage aidé de la jeune femme aux oreilles de lapin, enchaînait les illusions, de l'apparition des colombes, au transformisme d'à peine une seconde, tout en conservant une cape ridicule.
Au bout d'une heure, des personnes dans la salle s'agitèrent, murmurant des reproches au magicien, qu'il ne pouvait bien évidemment pas entendre. Certains se levèrent, quittant un spectacle qu'ils jugeaient fade, par rapport aux fables apparemment irréalistes qui se racontaient à la sortie de chaque représentation. L'attention tombait. Le public s'interrogeait. Il leur fallait quelque chose de nouveau.
Le prodige s'arrêta brusquement, attirant le regard de son auditoire. Il balaya l'assemblée du regard, constatant de nombreux sièges vides. D'un air théâtral, il s'avança légèrement sur la scène.
- Beaucoup sont partis, n'ayant aucune patience. Je peux maintenant commencer mon vrai spectacle ! s'exclama-t-il, un sourire aux lèvres.
Son public hurla de plaisir, ragaillardi par sa déclaration.
Aussitôt dit, aussitôt fait ; l'ambiance se modifia du tout au tout, l'homme abandonna sa cape colorée et son accent burlesque pour un élégant costume, et une voix charmant quiconque l'entendait. Son assistante elle, ne changea pas d'habillement (au grand plaisir de certains), mais l'on sentait qu'elle était devenue plus assurée, plus professionnelle. Les illusions, devinrent extravagantes, sophistiquées.
Lorsqu'il finit un énième tour, le mage se plaça devant l'assistance, le visage malicieux.
- Vous savez, je crois que vous êtes mon public préféré jusqu'à présent, leur confessa-t-il.
Des rires fusèrent. Personne n'était assez dupe pour croire à son mensonge, mais les flatteries ne se refusaient pas.
- Juste pour vous, je vais faire un tour spécial, j'espère qu'il vous plaira...reprit le magicien.
Le public se tut, captivé, dans l'attente du prétendu tour unique.
Le jeune prodige claqua des doigts, et une petite table apparut devant lui, émerveillant les spectateurs. Il posa son chapeau sur la table et claqua une seconde fois des doigts, faisant surgir la célèbre baguette noire au bout blanc.
Le magicien se mit de profil, pour que son audience puisse voir ce qu'il s'apprêtait à faire. Du haut de forme, il en sortit une énorme pastèque qu'il posa sur le meuble. Il prit le chapeau qu'il remit sur sa tête. La foule poussa un cri de stupeur à la vue du fruit.
Le jeune homme recula de quelques pas et s'adressa au public ;
- Sous vos yeux ébahis, je vais faire exploser cette pastèque, avec cette petite baguette.
De nombreuses personnes éclatèrent de rire, pensant que ce n'était qu'une plaisanterie.
Mais le mage tendit cérémonieusement sa baguette, et prononça, la « formule consacrée » :
- Abracadabra ! Lança-t-il en faisant tourner son poignet.
Et ...il ne se passa rien.
La pastèque n'explosa pas.
Les spectateurs ne levèrent pas des yeux ébahis.
Il y'eut un moment de silence, seulement interrompu par un rire joyeux d'enfant qui s'étouffa bien vite.
Le magicien eut finalement un petit rire gêné, et recommença. Rien ne se passa à nouveau. Il recommença, encore et encore, de plus en plus affolé.
Des murmures d'incompréhension parcoururent l'assistance. Bientôt, on hua le magicien le plus célèbre.
L'illusionniste baissa honteusement la tête, pendant que certains quittaient la salle.
Soudain, même dans le brouhaha, tout le monde entendit la pastèque exploser, envoyant des morceaux de fruits sur la scène, et sur le jeune homme, aussi ébahi que le public.
Dans le silence le plus total, un homme d'âge mûr débarqua sur la scène, venant des coulisses. Il portait une simple chemise blanche, mais tachée de sang. Il avait dans une main un pistolet, et dans l'autre la tête coupée de l'assistante, toujours avec les ridicules oreilles de lapin. Son visage était figé dans un sentiment de désespoir, les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte.
Le tueur eut un rire sardonique.
- Ca marche mieux avec un pistolet, l'ami. Conseilla-t-il au magicien.
- Mais, mais... Qu'avez-vous fait à mon assistante ?! Bredouilla le jeune homme, le corps tremblant.
- Ce n'est pas un tour très compliqué pourtant ! S'étonna-il innocemment. Ne vous inquiétez pas, vous allez la rejoindre très vite, le rassura le meurtrier.
- Je ne suis pas sûr de comprendre, tenta misérablement le mage, tout en reculant.
Sans plus de cérémonie, l'homme tendit son arme et lui tira une balle dans le buste. Le magicien tomba à genoux, porta la main à sa blessure, et la ressortit poisseuse de sang. Il regarda avec effarement son assassin, et tomba en avant, le chapeau toujours sur sa tête.
Pendant quelques secondes, le silence fut total. Mais d'un seul coup, toute la salle était en train d'applaudir à tout rompre, persuadée que ce n'était qu'une mise en scène du jeune magicien. Le criminel regarda tranquillement le public avant de pointer du doigt une femme au premier rang. Tout le monde se tut, surpris.
- Lève-toi, ordonna-t-il.
La femme obéit, et fut récompensée d'une balle dans la poitrine, comme le magicien avant elle.
La foule hurla, et tous se précipitèrent vers la sortie, se bousculant, courant pour leur vie.
Lorsque la salle fut complètement vide, le jeune prodige se releva rapidement, époussetant soigneusement ses vêtements, suivi de la femme prétendue morte. Le jeune homme éclata de rire et observa la tête en papier mâché que tenait le prétendu tueur.
- La fausse tête était peut être de trop, conclut l'illusionniste en retirant la pochette de sang percée d'un renfoncement intérieur de sa veste.
Il regarda les morceaux de pastèques éparpillées sur la scène, un sourire malicieux aux lèvres.
- Demain, je pense qu'on parlera de pastèque au journal, plaisanta la fausse spectatrice, son tailleur plein de sang.
Quelques jours plus tard, dans un café de Paris, un jeune homme au haut de forme extravagant accompagné d'une femme s'installa sur une table libre. Ils patientèrent quelques instants, et un serveur vint vers eux.
- Vous voulez la carte? Demanda le garçon.
- Quel est le dessert du jour ? réclama la jeune femme.
- Tarte à la pastèque, s'exclama joyeusement le serveur.
La dame pouffa tandis que son compagnon souriait légèrement.
cette fois-ci le thème était d'inclure le mot abracadabra et pastèque !
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