4225 - Le dernier sociologue -
La conférence de Valladolid de 4225 était prévue à l'origine, après celle de Strasbourg, de Newcastle de Reykjavik et de tant d'autres pour être la rencontre annuelle des scientifiques Zoro-Astriens et des dirigeants de la planète. Mais si on se doutait que cette conférence aurait une tonalité particulière après la Grand Suicide de Tokyo et la vague de suicide collectifs qui secouait le monde, personne ne soupçonnait que cette conférence serait la serait la première pierre de l'Exode (...)
Extrait Wikipedia de l'article « Conférence de Valladolid »
Hari Bruno n'était pas revenu depuis deux jours, et tout le monde le détestait déjà. Peu étaient ceux qui connaissaient ses quelques livres publiés à compte d'auteur. Plus personne ne savait ce qu'était un sociologue depuis un siècle et demi, date approximative à laquelle on avait donné le dernier cours de sociologie de la terre en Sorbonne.
Dès lors, cette science avait acquis le même statut que l'alchimie ou l'astrologie, et les années de recherches et de percées dans ce domaine avaient été réduite à la stupide question d'y croire ou pas. Hari Bruno vendait des assurances-vie, c'était là son moyen de subsistance. C'était un métier assez lucratif pour lui permettre de publier assez de livres et de devenir l'autorité suprême d'une discipline où il était seul. Les derniers intellectuels de la planète avaient pour lui un peu d'estime, alors on l'avait envoyé sur Zoro-Astre 4225, comme on aurait envoyé un panda.
Et voilà qu'au lieu de montrer sa reconnaissance éternelle à la communauté scientifique et aux puissants de ce monde, il avait choisi d'être le seul à ne pas être cyborguisé. Les Sertakian et les autres scientifiques avaient eu beau insisté sur le fait que c'était sans douleur, que l'on conservait toutes ses capacité de jugement, qu'on devenait plus fort et immortels, rien n'y avait fait. Il voulait revenir dans le même état qu'il était parti. Ainsi le départ avait été retardé d'un an par la construction d'une chambre de stase par les Astro-Bots.
La chambre avait bien fonctionné, et on avait décidé d'ouvrir la conférence sur l'intervention de Bruno, histoire d'en finir. Le problème quand on donne la parole à un sociologue, c'est qu'on ne sait jamais quand il va finir
- (...)Mon étude de la science Zoro-astrienne ne vous donnera rien car ce n'est pas mon domaine. Mon travail s'est donc concentré sur l'espace, et notre comportement face à cet espace. Il est important de souligné que ce monde est neuf, il n'y a aucune trace d'usure que l'on puisse remarquer. Bien sûr, un Astro-Bot ou un scientifique maladroit a pu laisser une bosse, une rayure ici ou là, mais on ne remarquera aucune trace du temps, aucune déformation des métaux, aucune perte des couleurs, aucun affaissement des structures. Je ne peux en tirer que deux conclusions : Ceux qui ont conçu les bâtiments de cette planète n'y ont jamais vécu, et de plus, ils les ont conçus pour nous.
Un brouhaha mêlé de rire se fit entendre dans l'assistance.
- Et qui doit-on remercier pour ce cadeau ? demanda le président de séance.
- Je n'en ai pas la moindre idée, mais je doute que ce soit vraiment un cadeau, j'y reviendrai plus tard... Il y a de nombreux points qui m'interpellent.
Il envoya sur les écrans plusieurs images, à droite se trouvait un bâtiment Zoroastrien, à gauche un bâtiment terrien. Les ressemblances étaient flagrantes. Il enchaina une douzaine d'images du même acabit. Certaines structures ne rappelaient pas des bâtiments existant mais des films de science-fiction ou des romans graphiques.
- C'est un raisonnement concordiste ridicule ! hurla un archéologue de l'espace qui faisait partie de l'expédition précédente. Coller deux images les unes aux autres ne prouve rien, vous prétendez sérieusement qu'un peuple technologiquement plus développé que le nôtre s'est inspiré de nous pour construire les villes de leur planète ?
- C'est exactement ce que je prétends.
- Et dans quel but ? hurla le détracteur.
- Dans le but de nous rendre cette planète familière, et de nous y attirer tous autant que nous sommes.
Des rires et des cris de protestation s'élevèrent. Mais c'est Hari Bruno qui avait le micro.
- ÊTES VOUS DEVENUS AVEUGLES A CE POINT ?
Le niveau sonore de la foule revint à un niveau presque convenable.
- Ils ont des centrales à antimatière ! Une technologie extraordinaire qui peut sans matière fossile fournir en énergie des millions de structures ! Nous avons un accès illimité à ces centrales, et pourtant, nous sommes incapables de comprendre le principe même de la création de l'antimatière ! Par contre, si on veut éteindre ces centrales, un panneau de contrôle de la taille d'une calculatrice. Un enfant de huit ans pourrait éteindre cette centrale ! il y a un bouton ON/OFF !
Il illustra son propos par une photo de ce bouton qui ressemblait à s'y méprendre à un interrupteur du vingtième siècle. Le silence était total.
- Cette planète est un piège ! C'est un cheval de Troie inversé !
Personne ne connaissait plus le mythe de la guerre de Troie. Alors ils imaginèrent tous un cheval croupe par-dessus tête. Il avait perdu le public.
- Je vous invite à la plus grande vigilance ! Car je suis persuadé que les cyborgs que sont devenus mes confrères vont essayer de vous emmener là-bas. Les Astro-Bots (autre référence à notre culture) construisent des vaisseaux gigantesques...
- Merci Professeur Bruno, dit une voix d'homme derrière lui.
C'était la voix de Mark Sertakian. On avait coupé le micro d'Hari Bruno, L'ancien astronaute allait prendre place, le sociologue alla s'asseoir à la sienne sous des applaudissements qui ne lui étaient pas destinés.
- C'était très intéressant Monsieur Bruno... dit Sertakian
Personne ne l'avait jamais appelé professeur.
- Et vous avez raison sur deux points, continua t'il, cette planète est faites pour nous, et il y a de grandes chances qu'elle ait été conçue pour nous servir de refuge. Je vous laisse regarder ce petit film que nous avons réalisé.
Hari Bruno n'avait jamais entendu parler de ce film. Sa colère montait au fur et à mesure que baissait la lumière.
Le film commença par les Sertakian, face caméra.
- Bonjour, je suis Maria Sertakian !
- Bonjour, je suis Mark Sertakian ! la première fois que je suis venu sur cette planète, j'ai failli mourir. Les radiations de Zoro-Astre 424 allaient me tuer. Mais Zoro-Astre 424 m'a sauvé.
Le film montra les Astro-Bots porter les Sertakian à l'usine de cyborguisation.
Les salauds ! pensa Hari Bruno, Ils ont tout filmé ! Leur plan se met en place !
- Depuis nous sommes immortels ! dirent les Sertakian en chœur.
- Et vous pouvez l'être aussi ajouta Maria.
Le ton était aussi niais que les plus mauvaise pubs KINDER.
S'ensuivit une description de la cyborguisation avec des démonstrations de scientifiques ravis qui soulevaient des charges de plusieurs tonnes.
- Et ce n'est pas tout ! dit Mark,
Un plan montra les appartements peu spacieux de la planète, sans chambres ni cuisines, ces boites de quinze mètres carrés disposaient d'un genre de baignoire Hi-Tech avec moult néons et globes lumineux. Maria y prit place, ferma les yeux et sourit.
- Nous l'appelons la machine à rêver, dit Mark. Elle nous donne accès à un monde virtuel où tout es possible. Vous pouvez être un super héros ou un multimilliardaire ! De plus (regard coquin face caméra) cette machine est équipée d'un générateur d'orgasmes !
Quelques rires de satisfactions se firent entendre dans la salle.
Plan suivant : une flotte immense de vaisseaux à l'approche de la Terre, puis plan sur le couple.
- Alors, voulez-vous rester ici ?
Un montage malhonnête de catastrophes naturelles et d'images chocs où se trouvaient pêle-mêle des images du Grand Suicide de Tokyo, d'autres suicides de masse et de déserts radioactifs.
- Ou voulez-vous venir avec nous ?
Fin du film, applaudissement de tous sauf un.
Ils ne vont pas tomber dans un piège aussi gros ! pensa Hari Bruno.
Seulement voilà, Albert Einstein en son temps avait dit qu'il n'y avait que deux choses infinies : l'univers et la bêtise humaine.
De plus pour l'univers, il n'était pas sûr.
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